compte rendu intégral

Présidence de M. Roland du Luart

vice-président

Secrétaires :

Mme Michelle Demessine,

M. Jean-Pierre Godefroy.

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1

Procès-verbal

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

2

Décisions du Conseil constitutionnel sur des questions prioritaires de constitutionnalité

M. le président. M. le président du Conseil constitutionnel a communiqué au Sénat, par courriers en date du 9 juillet 2010, deux décisions du Conseil constitutionnel sur des questions prioritaires de constitutionnalité (nos 2010-11 QPC et 2010-13 QPC).

Acte est donné de ces communications.

3

Communications du Conseil constitutionnel

M. le président. M. le président du Conseil constitutionnel a informé le Sénat :

- le jeudi 8 juillet 2010 que le Conseil d’État a adressé au Conseil constitutionnel une décision de renvoi d’une question prioritaire de constitutionnalité (n° 2010-37 QPC) ;

- et le vendredi 9 juillet 2010, que le Conseil d’État et la Cour de cassation ont adressé au Conseil constitutionnel cinq décisions de renvoi d’une question prioritaire de constitutionnalité, (nos 2010-38 QPC, 2010-39 QPC, 2010-40 QPC, 2010-41 QPC et 2010-42 QPC), en application de l’article 61-1 de la Constitution.

Le texte de ces décisions de renvoi est disponible au bureau de la distribution.

Acte est donné de ces communications.

4

Conventions internationales

Adoption de trois projets de loi en procédure d’examen simplifié

(Textes de la commission)

M. le président. L’ordre du jour appelle l’examen de trois projets de loi tendant à autoriser l’approbation de conventions internationales.

Pour ces trois projets de loi, la conférence des présidents a retenu la procédure d’examen simplifié.

Je vais donc les mettre successivement aux voix.

convention internationale de 2001 relative à la pollution par les hydrocarbures de soute

Article unique

Est autorisée l'adhésion à la convention internationale de 2001 sur la responsabilité civile pour les dommages dus à la pollution par les hydrocarbures de soute (convention « Hydrocarbures de soute ») (ensemble une annexe), adoptée à Londres le 23 mars 2001, et dont le texte est annexé à la présente loi.

M. le président. Je mets aux voix l’article unique constituant l’ensemble du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, autorisant l’adhésion à la convention internationale de 2001 sur la responsabilité civile pour les dommages dus à la pollution par les hydrocarbures de soute (projet n° 272, texte de la commission n° 634, rapport n° 633).

(Le projet de loi est définitivement adopté.)

accord avec la roumanie relatif à l’assistance et à la coopération en matière de protection et de sécurité civiles dans les situations d’urgence

Article unique

Est autorisée l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la Roumanie relatif à l'assistance et à la coopération en matière de protection et de sécurité civiles dans les situations d'urgence, signé à Paris le 22 avril 2008, et dont le texte est annexé à la présente loi.

M. le président. Je mets aux voix l’article unique constituant l’ensemble du projet de loi autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la Roumanie relatif à l’assistance et à la coopération en matière de protection et de sécurité civiles dans les situations d’urgence (projet n° 438 (2008-2009), texte de la commission n° 636, rapport n° 635).

(Le projet de loi est adopté.)

accord avec l’allemagne concernant l’échange de renseignements sur les titulaires du certificat d’immatriculation de véhicules

Article unique

Est autorisée l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République fédérale d'Allemagne concernant l'échange de renseignements sur les titulaires du certificat d'immatriculation de véhicules contenus dans les fichiers nationaux d'immatriculation des véhicules dans le but de sanctionner les infractions aux règles de la circulation (ensemble une annexe), signé à Berlin le 14 mars 2006, et de son avenant sous forme d'échange de notes verbales des 13 février et 20 juin 2008, dont les textes sont annexés à la présente loi.

M. le président. Je mets aux voix l’article unique constituant l’ensemble du projet de loi autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République fédérale d’Allemagne concernant l’échange de renseignements sur les titulaires du certificat d’immatriculation de véhicules contenus dans les fichiers nationaux d’immatriculation des véhicules dans le but de sanctionner les infractions aux règles de la circulation (projet n° 488 (2007-2008), texte de la commission n° 638, rapport n° 637).

(Le projet de loi est adopté.)

5

 
Dossier législatif : projet de loi relatif à l'action extérieure de l'État
Discussion générale (suite)

Action extérieure de l'État

Discussion des conclusions du rapport d’une commission mixte paritaire

Discussion générale (début)
Dossier législatif : projet de loi relatif à l'action extérieure de l'État
Discussion générale (interruption de la discussion)

M. le président. L’ordre du jour appelle l’examen des conclusions de la commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif à l’action extérieure de l’État (n° 655).

Dans la discussion générale, la parole est à M. le rapporteur.

M. Joseph Kergueris, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire. Monsieur le président, monsieur le ministre, messieurs les présidents de commission, mes chers collègues, la discussion ce jour des conclusions de la commission mixte paritaire, qui s’est déroulée jeudi dernier à l’Assemblée nationale, est la dernière étape de l’examen du projet de loi relatif à l’action extérieure de l’État, qui, comme vous le savez, revêt une importance particulière.

Ce texte vise, en effet, à réformer les instruments de la diplomatie d’influence française, afin de renforcer la place de notre culture et de notre langue hors des frontières de notre pays, ainsi que l’attractivité de nos établissements d’enseignement supérieur.

Depuis longtemps déjà le Sénat appelait de ses vœux une réforme de l’action culturelle extérieure. Sur l’initiative de notre collègue Louis Duvernois, il avait même adopté une proposition de loi portant sur ce sujet en 2007.

Il faut donc vous rendre hommage, monsieur le ministre, pour avoir engagé et porté cette réforme attendue de longue date.

Avant d’évoquer le texte élaboré par la commission mixte paritaire, je rappellerai brièvement les principales modifications apportées par le Sénat, puis par l’Assemblée nationale.

Avant même le dépôt au Sénat du présent projet de loi, au début de l’année 2009, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, conjointement avec la commission de la culture, de l’éducation et de la communication, avait mené un cycle d’auditions consacrées à la réforme de l’action culturelle.

À l’issue de ces auditions, un rapport d’information sur la diplomatie culturelle avait été présenté par Josselin de Rohan et Jacques Legendre, présidents respectifs de ces deux commissions, dont les membres avaient adopté à l’unanimité les dix recommandations contenues dans le document précité au mois de juin 2009.

Lors de l’examen de ce projet de loi, je me suis largement fondé sur ces recommandations.

Je voudrais également souligner la très bonne collaboration que nous avons établie avec M. le rapporteur pour avis de la commission de la culture, notre collègue Louis Duvernois.

Je crois aussi pouvoir affirmer que, au-delà des clivages politiques, les travaux et les débats qui se sont déroulés dans les deux assemblées ont été marqués par l’attachement des parlementaires de tout bord au renforcement de notre diplomatie d’influence.

Le projet de loi initial présenté par le Gouvernement ne comportait que quatorze articles.

Lors de la présentation de mon rapport, Louis Duvernois et moi-même avions proposé trente-deux amendements, qui ont tous été adoptés par la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées.

Tel qu’il a été adopté par le Sénat, au mois de février dernier, le texte comprenait vingt articles.

Quelles principales modifications le Sénat a-t-il introduites ?

Tout d’abord, nous avons apporté des précisions aux dispositions relatives à la nouvelle catégorie d’établissements publics contribuant à l’action extérieure de la France.

Ainsi avons-nous instauré l’obligation de conclure un contrat d’objectifs et de moyens entre l’État et chacun de ces opérateurs qui sera soumis, avant sa signature, aux commissions compétentes de l’Assemblée nationale et du Sénat, pour qu’elles puissent émettre un avis.

Afin de favoriser la représentation de la diversité politique, nous avons également porté de deux à quatre le nombre de parlementaires appelés à siéger au conseil d’administration de ces établissements.

Enfin, nous avons entièrement réécrit l’article relatif aux ressources de ces établissements et mentionné explicitement, et à la première place, les dotations de l’État.

Pour ce qui concerne l’agence culturelle, après un long débat, le Sénat a finalement choisi la dénomination « Institut français » plutôt que « Institut Victor Hugo ».

Nous avons posé le principe d’une tutelle unique du ministère des affaires étrangères et européennes, tout en prévoyant d’associer étroitement le ministère de la culture et de la communication ainsi que les autres ministères, notamment au moyen d’un conseil d’orientation stratégique sur l’action culturelle extérieure.

Nous avons également souhaité préciser les missions de cette nouvelle agence, qui reprendrait celles qui sont exercées actuellement par Cultures France, en y ajoutant trois nouvelles attributions : l’enseignement à l’étranger de la langue française, la promotion des idées, des savoirs et de la culture scientifique, ainsi que la formation professionnelle des agents du réseau.

Enfin, nous avons voulu établir un lien étroit entre l’agence et le réseau culturel à l’étranger, en l’associant à la politique de recrutement, d’affectation et de gestion des carrières des agents du réseau culturel, en prévoyant une clause de rendez-vous portant sur le rattachement à terme du réseau à l’agence et prenant la forme de la remise d’un rapport au Parlement dans un délai de trois ans, et en posant le principe d’un recours à l’expérimentation.

Les dispositions relatives à la rénovation du cadre de l’expertise internationale ou à la création d’une allocation au conjoint n’ont fait l’objet que de précisions rédactionnelles.

Enfin, s’agissant du remboursement des dépenses engagées par l’État à l’occasion d’opérations de secours réalisées à l’étranger, nous avons souhaité renforcer le caractère dissuasif du dispositif, en supprimant notamment la référence à un plafond fixé par décret ou à la mention des mises en garde. Je rappelle que cette disposition ne s’appliquera pas aux journalistes ou aux personnes employées par les organisations humanitaires. Le projet de loi est, sur ce point, parfaitement clair.

Sur l’initiative du rapporteur de sa commission des affaires étrangères, Hervé Gaymard, l’Assemblée nationale a apporté plusieurs modifications au texte adopté par le Sénat. Ces dernières sont, selon moi, plus des améliorations allant dans le sens des souhaits de la Haute Assemblée qu’un véritable bouleversement.

Ainsi, nos collègues députés n’ont pas modifié de façon majeure les dispositions relatives à la nouvelle agence culturelle, conservant même sa dénomination « Institut français ».

Ils sont simplement allés encore plus loin en matière d’expérimentation du rattachement du réseau culturel à la future agence, ce dont on peut se féliciter.

En réalité, les principaux changements apportés par l’Assemblée nationale ont surtout concerné l’agence chargée de l’accueil des étudiants étrangers et de l’expertise internationale.

Le fait de mêler au sein de la même agence les questions relatives tant à l’accueil des étudiants étrangers qu’à l’expertise internationale a été remis en cause par nos collègues députés, qui y ont vu, à juste titre, le mariage de la carpe et du lapin. Ils ont donc préféré séparer les deux missions en instaurant deux agences distinctes.

Une première agence, dont la dénomination resterait « Campus France », dotée du statut d’établissement public à caractère industriel et commercial et placée sous la tutelle conjointe du ministre des affaires étrangères et du ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche, sera chargée de l’accueil des étudiants étrangers. Dans un délai d’un an, les activités internationales du Centre national des œuvres universitaires et scolaires, le CNOUS, lui seront transférées, ce qui sera gage de rationalisation.

Une seconde agence, intitulée « France expertise internationale », – sa création résulte de l’adoption d’un amendement déposé par le Gouvernement – sera, quant à elle, chargée spécifiquement du renforcement de l’expertise française à l’étranger.

En définitive, on peut saluer la très grande convergence de vues entre les deux assemblées. Ce fait explique l’esprit très consensuel qui a présidé aux travaux de la commission mixte paritaire et le caractère essentiellement rédactionnel des modifications que cette dernière a apportées au texte adopté par l’Assemblée nationale.

Nous avons toutefois rétabli une disposition introduite par le Sénat et supprimée par les députés prévoyant un rapport annuel des établissements contribuant à l’action extérieure de la France devant l’Assemblée des Français de l’étranger.

M. Christian Cointat. Très bien !

M. Joseph Kergueris, rapporteur. En réalité, la seule véritable difficulté a porté sur l’autorité de l’ambassadeur et sur la place de l’Agence française de développement, l’AFD.

Le Sénat avait souhaité affirmer l’autorité de l’ambassadeur sur l’ensemble des services extérieurs de l’État, y compris sur les bureaux de l’Agence française de développement. Nous estimons qu’il doit pouvoir jouer le rôle d’un chef de file, même en matière d’aide au développement, qui fait partie intégrante de notre politique étrangère.

Après avoir dans un premier temps supprimé toute référence à l’autorité de l’ambassadeur, l’Assemblée nationale, sur l’initiative de son rapporteur et avec l’accord du Gouvernement, l’a rétablie, tout en tenant compte, comme il se doit, des activités bancaires de l’AFD, puisque celles-ci relèvent aussi de dispositions et de responsabilités spécifiques.

Considérant que cette rédaction offrait un bon point d’équilibre, la commission mixte paritaire n’est pas revenue sur ce sujet.

En définitive, le présent projet de loi me semble offrir les outils nécessaires pour le renforcement de notre diplomatie d’influence.

Monsieur le ministre, lors de l’examen des crédits de votre ministère cet automne, nous aurons certainement l’occasion de revenir sur les moyens financiers et humains qui seront consacrés à la mise en place de ces nouveaux opérateurs.

Dans l’attente de ce prochain rendez-vous, que nous appelons de nos vœux, je vous propose, mes chers collègues, d’adopter le texte élaboré par la commission mixte paritaire. (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste. –M. Josselin de Rohan, président de la commission des affaires étrangères, applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires étrangères.

M. Josselin de Rohan, président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ayant le réseau culturel le plus dense au monde, la France a fait depuis longtemps de la promotion de sa culture et de sa langue hors de ses frontières un élément essentiel de sa diplomatie.

Alors que d’autres pays renforcent les moyens consacrés à leur diplomatie d’influence, à l’image de la Chine avec les instituts Confucius, et au moment où la secrétaire d’État américaine Hillary Clinton a élevé la diplomatie dite « de l’intelligence », ou smart power, au rang de priorité de sa politique étrangère, la France doit rester fidèle à ce qui fait sa vocation universelle.

Depuis déjà de nombreuses années, le Parlement, le Sénat en particulier, appelle de ses vœux une réforme de notre diplomatie d’influence.

Les commissions des affaires étrangères et de la culture de la Haute Assemblée ont beaucoup travaillé sur ce sujet. Ainsi, l’an dernier, à l’issue d’une série d’auditions portant sur l’action culturelle de la France à l’étranger, nous avons publié un rapport d’information contenant dix recommandations, qui ont été adoptées à l’unanimité par les membres de ces deux commissions.

Dans le droit fil de ces recommandations et sur l’initiative du rapporteur de la commission des affaires étrangères, Joseph Kergueris, et du rapporteur pour avis de la commission de la culture, Louis Duvernois, le Sénat a apporté plusieurs compléments au projet de loi pour conforter la réforme de notre diplomatie d’influence.

Je tiens en cet instant à rendre hommage au travail effectué par nos deux collègues et à la très bonne entente qui a prévalu entre les deux commissions.

Je tiens également à saluer la très large convergence de vues avec nos collègues de l’Assemblée nationale, notamment le rapporteur, Hervé Gaymard, et le président de la commission des affaires étrangères, Axel Poniatowski, ainsi que l’esprit consensuel qui a présidé aux travaux de la commission mixte paritaire.

Je veux enfin vous remercier, monsieur le ministre, non seulement d’être à l’initiative de cette réforme, en dépit de certaines réticences ou résistances, mais aussi d’avoir eu la volonté continue d’y associer étroitement les parlementaires.

Le Sénat a apporté des améliorations sensibles au projet de loi présenté par le Gouvernement.

Tout d’abord, nous avons estimé indispensable de placer la nouvelle agence culturelle, qui s’appellera « Institut français », sous une tutelle unique clairement identifiée. Et, compte tenu de l’importance de la dimension culturelle pour notre diplomatie, il nous a semblé essentiel de confier cette tutelle au ministre des affaires étrangères et européennes.

Cela ne signifie pas pour autant que les autres ministères, comme celui de la culture, ne doivent pas être étroitement associés à la définition des priorités de notre action culturelle. C’est la raison pour laquelle nous avons souhaité instituer un conseil d’orientation stratégique de l’action culturelle extérieure, au sein duquel tous les ministères concernés pourront exprimer leur point de vue et élaborer conjointement les priorités assignées à notre action culturelle à l’étranger.

Il nous a également semblé nécessaire d’associer étroitement les collectivités territoriales ainsi que les alliances françaises, notamment au moyen d’instances consultatives.

La question la plus délicate a porté sur le rattachement ou non du réseau des centres et instituts culturels français à l’étranger à l’agence chargée de la coopération culturelle. Comme vous le savez, les deux commissions sénatoriales saisies s’étaient prononcées à l’unanimité en faveur d’une telle mesure, position partagée par l’Assemblée nationale.

Cependant, compte tenu des nombreuses difficultés juridiques et administratives soulevées par ce rattachement – notamment le statut des personnels et le coût budgétaire, évalué entre 20 et 50 millions d’euros –, nous avons toujours estimé que ce dernier ne pouvait se faire que de manière progressive, à l’image du précédent d’UBIFRANCE. Je rappelle que près de 130 établissements culturels et plus de 6 000 agents seraient concernés, soit le tiers des effectifs du ministère des affaires étrangères.

Nous avons donc pris acte de votre décision, monsieur le ministre, de reporter à trois ans votre décision sur ce rattachement.

Toutefois, sur l’initiative de M. le rapporteur et de M. le rapporteur pour avis, le Sénat a souhaité inscrire cet engagement dans la loi, en prévoyant une clause de rendez-vous. Pendant un délai de trois ans après l’entrée en vigueur de la future loi, le Gouvernement devra remettre chaque année au Parlement un rapport comprenant une évaluation des modalités et des conséquences de ce rattachement. Dans l’intervalle, des expérimentations devront être menées dans une dizaine de postes représentatifs au moins. Ainsi serons-nous en mesure de nous prononcer en toute connaissance de cause.

Surtout, nous avons estimé indispensable d’établir dès à présent un lien renforcé entre l’agence et le réseau culturel à l’étranger.

Comme nous l’avions souligné dans le rapport d’information conjoint, la gestion des ressources humaines constitue sans doute une faiblesse de notre réseau culturel à l’étranger.

Les personnels appelés à diriger les centres culturels ne se voient proposer qu’une formation de cinq jours. À titre d’exemple, la formation initiale est de six mois en Allemagne. La durée d’immersion dans un pays est relativement courte, de l’ordre de trois années, alors qu’elle est de cinq ans pour le British Council et l’Institut Goethe. Enfin, l’Allemagne et le Royaume-Uni offrent de bien meilleures perspectives de carrière aux agents de leur réseau culturel à l’étranger que la France.

Mme Nathalie Goulet. Très bien !

M. Josselin de Rohan, président de la commission des affaires étrangères. Afin de remédier à cette situation, nous avons souhaité associer l’agence à la politique de gestion des ressources humaines des agents du réseau culturel.

Ainsi, cette dernière sera associée à la politique de recrutement, d’affectation et de gestion des carrières de ces personnels. Elle assurera de nouvelles missions en matière de formation professionnelle.

Je sais que le rattachement à l’agence du réseau culturel a pu susciter des craintes chez certains ambassadeurs. Je veux être très clair sur ce point : autant il ne saurait y avoir de diplomatie française sans une forte composante culturelle, autant une action culturelle à l’étranger coupée de notre diplomatie ne serait pas acceptable pour la commission des affaires étrangères.

Qui peut sérieusement envisager une action culturelle autonome qui ne tiendrait pas compte de nos priorités diplomatiques ?

De même que le ministère des affaires étrangères doit jouer un rôle de direction de notre diplomatie culturelle à Paris, nos ambassadeurs doivent assumer le rôle de chef de file sur le terrain. C’est la raison pour laquelle je me félicite que le Sénat soit parvenu à affirmer l’autorité de l’ambassadeur sur l’ensemble des services extérieurs de l’État dans le texte de loi.

En tant que représentant de l’État et du Gouvernement, l’ambassadeur, à l’image du préfet à l’échelon local, doit pouvoir exercer une réelle autorité sur l’ensemble des services de l’État comme sur l’aide au développement, qui constitue une composante essentielle de notre diplomatie.

Je me félicite donc du compromis auquel nous sommes parvenus avec nos collègues députés à propos de l’Agence française de développement qui préserve l’autorité de l’ambassadeur tout en tenant compte de la spécificité des activités bancaires de l’AFD.

En contrepartie, je pense que les ambassadeurs devront être évalués à l’avenir sur les résultats de leur action en matière culturelle.

Enfin, je voudrais évoquer les dispositions relatives au remboursement des dépenses engagées par l’État à l’occasion des opérations de secours à l’étranger.

Ce dispositif, inspiré de la loi montagne, vise à prévenir les comportements irresponsables de certains voyageurs qui décident de se rendre dans des zones ou des pays dangereux sans tenir compte des mises en garde, et qui mettent en péril leur sécurité et celle des équipes de secours.

Comme nous l’avons dit et répété, il n’a pas vocation à s’appliquer aux journalistes ou aux membres des organisations humanitaires intervenant lors d’une situation de crise. Le texte est parfaitement explicite sur ce point ! La polémique me semble donc totalement infondée, et même stérile.

La commission mixte paritaire a adopté tous les articles du projet de loi à l’unanimité, mais je crains que le texte ne connaisse pas le même sort…

M. Robert Hue. Vous avez raison !

M. Josselin de Rohan, président de la commission des affaires étrangères. La politique a ses raisons que la raison ne connaît pas !

Cependant, l’adoption du présent projet de loi permettra de donner à notre diplomatie des outils et des instruments cohérents, rationnels et, nous l’espérons, efficaces, afin de maintenir dans le monde notre influence culturelle et linguistique.

Privées de moyens, nos agences ne seraient que les témoins ou les reflets de notre décadence. Dotées des crédits nécessaires, elles permettront au contraire à nos ambassadeurs de conduire, dans les pays où ils nous représentent, une action continue, offensive et imaginative au service de notre culture.

Nous sommes convaincus que notre littérature, notre musique, nos arts plastiques et notre langue attirent encore et séduisent tous ceux qui, hors de nos frontières, sont sensibles au message universel de la France.

Ne décevons pas leurs attentes et affirmons haut et fort que la culture comme la coopération sont les composantes essentielles de notre diplomatie et qu’elles sont la voix de la France ! (Applaudissements sur les travées de lUMP, de lUnion centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE. - M. Josselin de Rohan, président de la commission des affaires étrangères, applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. le président de la commission de la culture.

M. Jacques Legendre, président de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, que de chemin parcouru en presque dix ans ! Notre collègue Yves Dauge, alors député, faisait déjà le constat, en 2001, d’un réseau culturel en proie à une certaine démobilisation et en quête d’un nouveau souffle. Depuis 2004, la commission de la culture a multiplié les rapports d’information et les propositions de loi pour réclamer un sursaut urgent de notre diplomatie culturelle.

À la suite du rapport d’information commun des commissions de la culture et des affaires étrangères sur la réforme de l’action culturelle extérieure, le Gouvernement a déposé sur le bureau du Sénat le présent projet de loi au mois de juillet 2009, répondant ainsi au souhait unanime des membres de ces deux commissions, majorité et opposition confondues.

Exactement un an après, nous arrivons au terme – je l’espère – d’un long processus qui devrait être salutaire pour notre diplomatie culturelle et d’influence.

Je voudrais revenir sur les principales innovations introduites par nos collègues députés et validées par la commission mixte paritaire.

Par souci de cohérence, l’Assemblée nationale a recentré l’établissement public succédant à CampusFrance et l’association Égide sur leur cœur de métier commun, à savoir la promotion de l’enseignement supérieur français et le soutien à la mobilité des étudiants et des chercheurs étrangers. Ce nouvel établissement public conservera le nom « Campus France », déjà bien connu des étudiants et chercheurs étrangers.

L’expertise technique internationale ne reste pas pour autant abandonnée sur le chemin, puisque par le biais d’un amendement gouvernemental a été créé un établissement public spécifique se substituant à France Coopération Internationale. La cohérence du dispositif est ainsi préservée. Nous nous rapprochons d’ailleurs du modèle allemand, qui a fait ses preuves et se révèle particulièrement compétitif, en s’appuyant lui aussi sur un opérateur spécifique pour l’accueil des étudiants et chercheurs étrangers, le DAAD, ou Deutscher Akademischer Austausch Dienst, et sur un autre opérateur réservé à l’expertise technique internationale, le GTZ, ou Deutsche Gesellschaft für Technische Zusammenarbeit.

Le nouvel opérateur, chargé de la mobilité universitaire et scientifique, restera placé sous la double tutelle des ministères des affaires étrangères et de l’enseignement supérieur et de la recherche, ce qui devrait faciliter le transfert des activités internationales du CNOUS à Campus France dans un délai d’un an. Nous tenons particulièrement à cet engagement.

Je rappelle que l’établissement public Campus France aura vocation à faire l’interface entre les viviers d’étudiants étrangers détectés par notre réseau diplomatique et culturel et le CNOUS, chargé d’assurer leur accueil et leur hébergement en France. La double tutelle des ministres des affaires étrangères et de l’enseignement supérieur et de la recherche sur Campus France, ainsi que la présence, au sein de son conseil d’administration, de représentants des étudiants et des conférences de chefs d’établissement d’enseignement supérieur devraient ainsi garantir la cohérence du dispositif.

Je me félicite d’une précision apportée par la commission mixte paritaire. Elle a souligné à quel point il était important que le futur opérateur soit attentif à l’orientation des élèves étrangers scolarisés dans nos établissements français à l’étranger. Ces ressortissants étrangers, dont les résultats au baccalauréat sont bien souvent excellents, constituent un vivier de talents et d’intelligences ; leur lien avec la France doit être impérativement préservé tout au long de leur cursus universitaire.

Si nous ne leur prêtons pas toute l’attention qu’elles méritent, ces élites étrangères continueront d’être happées par les universités anglo-saxonnes, particulièrement offensives. Car telle est bien là la qualité dont nous devons faire preuve : être offensifs, et, surtout, ne plus subir le classement de Shanghai…

L’établissement public pour l’action culturelle extérieure prendra le nom d’« Institut français ». Selon moi, cette dénomination devrait permettre un rapprochement et des partenariats plus aisés avec les alliances françaises, en raison de la proximité de leurs logos. Cette appellation a également le mérite de respecter les gloires locales francophones dont le nom figure bien souvent sur les frontons de nos instituts et centres culturels français à l’étranger.

La commission mixte paritaire a validé un mode de gouvernance stratégique ambitieux et responsable pour l’ensemble des établissements publics contribuant à l’action extérieure de la France. Les conditions de l’exercice de leur tutelle, à Paris comme à l’étranger, de l’élaboration de leurs stratégies respectives et de leur contrôle par le Parlement seront considérablement renforcées. Je souligne, en particulier, que l’autorité des ambassadeurs a vocation à mieux s’affirmer sur les antennes de ces établissements à l’étranger, afin de garantir la cohérence d’ensemble de notre politique extérieure.

Je me félicite du climat de concertation qui a régné tout au long de l’examen de ce projet de loi. Les commissions de la culture et des affaires étrangères ont travaillé main dans la main pour redonner d’une part, une ambition à notre diplomatie culturelle et, d’autre part, confiance aux agents de notre réseau culturel. Je remercie notamment M. le président de la commission des affaires étrangères de la volonté, maintes fois affirmée, de travailler en étroite liaison avec la commission de la culture.

Je souhaite également remercier nos collègues de l’opposition, dont les remarques constructives ont permis d’améliorer le texte. Ils ont ainsi démontré que l’attachement à notre diplomatie culturelle dépassait les clivages politiques. À ce titre, je souligne que les inquiétudes relatives aux moyens de notre action culturelle extérieure sont partagées par l’ensemble des groupes, en particulier dans un contexte budgétaire aussi restreint.

Certes, le texte qui nous est soumis est ambitieux. Toutefois, il est indispensable que cette ambition se traduise par la mise à disposition de moyens budgétaires à la hauteur des défis, dès l’examen du projet de loi de finances pour 2011.

Vous le constatez, monsieur le ministre : la représentation nationale entend vous aider.

Mes chers collègues, je vous encourage à adresser un signal fort à notre réseau diplomatique et culturel à l’étranger en adoptant les conclusions de la commission mixte paritaire. (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste.)