M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Nadine Morano, secrétaire d'État. Le Gouvernement partage la même analyse et émet le même avis.

M. le président. La parole est à Mme Muguette Dini, pour explication de vote.

Mme Muguette Dini. Le texte initial prévoyait d’interdire la médiation pénale dans tous les cas de violences conjugales ; la commission des lois l’a rétablie, sauf quand une ordonnance de protection a été prononcée.

Je reconnais être très partagée sur cette question.

Actuellement, cette procédure est censée n’être utilisée que dans les limites recommandées par le guide de l’action publique sur la lutte contre les violences au sein du couple, publié par le ministère de la justice : l’acte de violence doit être isolé et de gravité limitée, commis pour la première fois par un auteur qui reconnaît pleinement sa responsabilité. Le couple doit par ailleurs désirer poursuivre la vie commune.

Dans ces cas précis, on peut effectivement considérer que la médiation pénale constitue une alternative efficace aux poursuites, d’autant que les autres mesures disponibles – le rappel à la loi notamment – s’avèrent moins efficaces et presque toujours symboliques.

Cela étant, on peut aussi considérer que cette procédure de médiation présente l’inconvénient de mettre en présence une victime et l’auteur des violences et de constituer notamment une épreuve supplémentaire pour la victime.

C’est pourquoi, après en avoir longuement débattu en commission des affaires sociales, je soutiens la position de la commission des lois, madame la secrétaire d’État, à condition d’obtenir des engagements sur le recours à cette procédure, notamment dans les cas de violences psychologiques.

D’une part, je souhaite m’assurer que les recommandations du guide de l’action publique sur la lutte contre les violences au sein du couple seront strictement appliquées.

D’autre part, la formation doit ici aussi être renforcée. En effet, celle des médiateurs semble insuffisante et disparate. Elle est actuellement assurée par les deux principales fédérations d’associations pratiquant la médiation pénale – la fédération des associations socio-judiciaires « Citoyens et justice » et l’Institut national d’aide aux victimes et de médiation, l’INAVEM – et une harmonisation à l’échelon national est nécessaire.

Madame la secrétaire d’État, pouvez-vous nous donner des engagements sur les mesures qui seront prises en ce sens ? Peut-on envisager la mise en place par l’École nationale de la magistrature d’une formation pour les médiateurs du procureur, sur le modèle de celle des délégués du procureur ? Une circulaire définissant des référentiels de formation est-elle en préparation dans les services du ministère ?

M. le président. La parole est à Mme Virginie Klès, pour explication de vote.

Mme Virginie Klès. Je souhaite redire encore une fois les choses, je ne sais pas si j’arriverai à vous convaincre, mais c’est pourtant primordial.

En matière de violences psychologiques, qui sont des phénomènes d’emprise et de manipulation destructrice de l’autre, il n’y a pas de petits faits, de petites gifles ou de petits mots. Un mécanisme s’enclenche et va grandissant, en poussant la victime à la dépression, voire au suicide. Dans ce cas, quand une médiation pénale a déjà eu lieu et qu’elle n’a rien donné, on peut s’arrêter là.

Si l’on est dans un conflit, même si des mots blessants, humiliants, ont été prononcés, même si des gifles ont été données, la médiation pénale peut améliorer les choses. Mais si une médiation pénale n’a rien apporté, vous pouvez en faire dix, quinze ou vingt, elles ne feront qu’aggraver la situation.

J’insiste sur ce point : lorsqu’une médiation pénale a été inefficace, il est inutile d’en faire une deuxième. Et, monsieur le rapporteur, ne me dites pas qu’il n’y en a jamais une deuxième. J’ai l’exemple, dans ma commune, de femmes et d’hommes qui en sont à plusieurs médiations pénales et sont venus me faire part de leur désespoir ; ils ne croient plus en la justice, et l’auteur des faits, lui, n’y croit plus non plus : il est persuadé de son impunité !

M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour explication de vote.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Je défends l’amendement n° 55, parce que nous sommes absolument contre le recours à la médiation pénale. Mais à défaut de l’adoption de notre proposition, je préconise le retour au texte d’origine.

Monsieur le rapporteur, vous faites part de votre expérience d’avocat…

M. François Pillet, rapporteur. Oui !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. …mais vous vous trompez, cette appréhension des phénomènes de violence n’est pas bonne.

La société, pour une très large part, considère qu’il s’agit de conflits à l’intérieur des couples. Il y en a et, fort heureusement, ils n’aboutissent pas tous à des actes de violence physique ou psychologique. Mais ces violences physiques et psychologiques existent dans les couples, et il est fréquent qu’elles ne soient pas révélées parce que la victime elle-même ne peut pas les dévoiler.

L’auteur des violences, quand il est acculé, qu’il sent qu’il va se passer quelque chose, souhaite une médiation pénale, parce qu’il se retrouve ainsi dans la situation qu’il veut : « c’est un conflit dans le couple ». Au travers de la médiation pénale, il est conforté dans cette idée : peut-être est-il violent, peut-être a-t-il des problèmes, mais sa femme ou sa compagne est en partie responsable de la situation, parce son comportement ne répond pas à ses désirs.

Vous le voyez bien, la conception qui prévaut n’est pas celle des violences dans le couple, qui sont à 95 % commises par des hommes. Les mentalités sont imprégnées de cette vision des choses et il est certainement difficile de la modifier. C’est pourquoi un texte qui traite des violences faites aux femmes devrait justement prendre position de façon ferme sur la médiation pénale et considérer qu’elle ne répond pas à la situation compte tenu du rapport entre les parties en cause.

J’avancerai un argument qui pourra peut-être vous convaincre : j’ai lu dans Le Monde un article critiquant le dispositif de la présente proposition de loi sur les violences psychologiques et concluant qu’une scène de ménage qui aurait pu se régler sur l’oreiller mènera au tribunal !

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Le Monde n’a pas toujours raison !

M. Robert del Picchia. Effectivement !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Je sais bien que vous partagez mon point de vue, mais voilà ce qu’on peut encore lire aujourd'hui dans la presse ! Il faut donc faire un effort pour sortir de ce type de schémas ancestraux en prenant une mesure visible ; il ne s’agit pas de conflits qui se règlent à l’amiable entre les personnes !

Mme Virginie Klès. Très bien !

M. le président. La parole est à Mme Maryvonne Blondin, pour explication de vote.

Mme Maryvonne Blondin. N’oubliez pas qu’il s’agit de violences psychologiques avec un effet destructeur sur l’un des membres du couple. L’instauration d’une médiation pénale peut servir les auteurs de telles violences, qui sont souvent d’habiles manipulateurs, aptes à présenter un visage totalement différent de celui qui est le leur dans la sphère privée et à retourner la situation à leur profit.

Dans ces conditions, je suis d’accord avec mes collègues pour revenir au texte initial.

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Nadine Morano, secrétaire d'État. Je veux rassurer Mme Dini, qui a souhaité obtenir des engagements de ma part.

Le guide de l’action publique encadre déjà strictement l’usage de la médiation pénale. Suivant les instructions du garde des sceaux, les parquets ont systématisé les poursuites dès lors qu’il ne s’agit pas de faits mineurs et isolés. La médiation pénale est donc utilisée de matière très encadrée par les parquets.

S’agissant de la formation – je m’entretiendrai évidemment de ce sujet avec Mme Michèle Alliot-Marie –, les procureurs assureront l’encadrement des médiateurs pour uniformiser les pratiques. C’est en ce sens qu’agira Mme la garde des sceaux.

M. le président. Mes chers collègues, je suis saisi par le groupe UMP d’une demande de scrutin public. Peut-on considérer que le vote vaudra pour les trois amendements nos 55, 28 et 29 ?

Mme Virginie Klès. Non, monsieur le président, nous préférons que l'amendement n° 29, qui est un amendement de repli, soit mis aux voix séparément.

M. le président. Je mets donc aux voix les amendements nos 55 et 28.

J’ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe UMP.

Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)

M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 237 :

Nombre de votants 340
Nombre de suffrages exprimés 338
Majorité absolue des suffrages exprimés 170
Pour l’adoption 152
Contre 186

Le Sénat n'a pas adopté.

Je mets aux voix l'amendement n° 29.

Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe UMP.

Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)

M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 238 :

Nombre de votants 341
Nombre de suffrages exprimés 341
Majorité absolue des suffrages exprimés 171
Pour l’adoption 157
Contre 184

Le Sénat n'a pas adopté.

Je mets aux voix l'article 16.

(L'article 16 est adopté.)

Article 16
Dossier législatif : proposition de loi renforçant la protection des victimes et la prévention et la répression des violences faites aux femmes
Article additionnel après l'article 17

Article 17

I. – (Non modifié) Après l’article 222-14-2 du code pénal, il est inséré un article 222-14-3 ainsi rédigé :

« Art. 222-14-3. – Les violences prévues par les dispositions de la présente section sont réprimées quelle que soit leur nature, y compris s’il s’agit de violences psychologiques. »

II. – Après l’article 222-33-2 du même code, il est inséré un article 222-33-2-1 ainsi rédigé :

« Art. 222-33-2-1. – Le fait de harceler son conjoint, son partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou son concubin par des agissements répétés ayant pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de vie se traduisant par une altération de sa santé physique ou mentale est puni de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 € d’amende lorsque ces faits ont causé une incapacité totale de travail inférieure ou égale à huit jours et de cinq ans d’emprisonnement et de 75 000 € d’amende lorsqu’ils ont causé une incapacité totale de travail supérieure à huit jours.

« Les mêmes peines sont encourues lorsque cette infraction est commise par un ancien conjoint ou un ancien concubin de la victime, ou un ancien partenaire lié à cette dernière par un pacte civil de solidarité. »

M. le président. La parole est à M. Roland Courteau, sur l'article.

M. Roland Courteau. Monsieur le président, pour gagner du temps, je renonce à intervenir : je me suis largement exprimé lors de la discussion générale sur les violences psychologiques, et je n’éprouve pas le besoin d’insister encore.

M. le président. L'amendement n° 40 rectifié, présenté par Mmes Dini, Bout et Henneron, MM. Laménie et Milon, Mme Payet et MM. Vanlerenberghe et Gournac, est ainsi libellé :

Alinéa 4

Après les mots :

inférieure ou égale à huit jours

insérer les mots :

ou n'ont entraîné aucune incapacité de travail

La parole est à Mme Muguette Dini.

Mme Muguette Dini. La commission des lois a proposé une nouvelle rédaction de l’article du code pénal qui définira le délit de violences psychologiques.

On ne peut qu’approuver cette définition plus précise, qui introduit la notion de harcèlement et la nécessité d’établir un lien entre dégradation des conditions de vie et altération effective de la santé physique ou mentale de la victime. Ces précisions rendront possible la qualification du délit et éviteront des dérives jurisprudentielles.

En revanche, je considère que, en modulant les peines encourues en fonction de la durée de l’interruption totale de travail, l’ITT, subie par la victime pour cause de violences psychologiques, on opère une discrimination entre celles-ci et les autres violences commises au sein du couple.

En effet, le code pénal prévoit actuellement que les violences commises sur le conjoint sont punies de cinq ans d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende lorsque ces faits ont causé une ITT supérieure à huit jours, et de trois ans et de 45 000 euros d’amende lorsque ces faits ont causé une ITT inférieure ou égale à huit jours ou n’ont entraîné aucune incapacité de travail. 

Il en résulte que la sanction pour violences psychologiques n’est encourue qu’en cas d’ITT, ce qui n’est pas le cas pour les autres violences faites aux femmes.

Cette inégalité de traitement est d’autant plus injustifiée qu’elle ne tient pas compte de la complexité du phénomène des violences psychologiques. Le harcèlement moral dans le couple se traduit souvent, en effet, par la mise en place d’une situation de dépendance affective, sociale et financière faisant perdre repères et autonomie à la victime. D’autres éléments doivent donc être pris en compte pour qualifier les faits, comme l’analyse de documents bancaires ou le recueil de témoignages, du voisinage par exemple, l’expertise médicale pouvant venir en amont ou en aval du constat de ces dérives.

N’importe quel médecin est-il à même d’apprécier l’état de violences psychologiques et de délivrer une ITT à ce titre ? L’évaluation du retentissement psychologique en termes d’ITT est réellement aléatoire : il est difficile de délimiter un processus continu qui s’aggrave lentement et s’étend sur plusieurs mois ou plusieurs années. Le médecin ne peut raisonnablement pas établir une ITT de trois jours quand, depuis des années, la personne subit des violences et est malade de ces violences !

C’est l’objet de cet amendement que de ne pas subordonner dans tous les cas la qualification du délit de violences psychologiques à la seule existence d’une ITT, et vous venez vous-même de rappeler, monsieur le rapporteur, que l’ITT, en cas de violences psychologiques, peut être incertaine et vague.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. François Pillet, rapporteur. L’amendement proposé par nos collègues est tout à fait logique puisqu’il tend à aligner le régime du harcèlement au sein du couple sur celui des violences « légères » sur un conjoint en y incluant également les faits n’ayant entraîné aucune ITT pour la victime.

Certes, je comprends le souci d’homogénéisation qui inspire cet amendement. Pour autant, le harcèlement au sein du couple est déjà réprimé dans le code pénal, et j’attire votre attention, mes chers collègues, sur un point sur lequel ont insisté un grand nombre des personnes entendues au cours des auditions auxquelles j’ai procédé – des magistrats, mais, surtout, les associations de défense des droits des femmes. Elles m’ont paru avoir parfaitement mesuré les dangers que pourrait présenter votre proposition : ce nouveau délit de harcèlement moral au sein du couple sera l’argument qu’utilisera le manipulateur ; c’est, en fin de compte, un cadeau que nous lui ferions.

Si l’ITT n’est pas nécessaire pour que le harcèlement psychologique soit constitué, le conjoint manipulateur ne se privera pas d’expliquer que, s’il a porté des coups, c’est parce qu’il s’entend dire depuis quinze jours par sa compagne qu’elle va partir avec les enfants, qu’ils iront vivre à cinq cents kilomètres, qu’il ne les reverra pas, qu’il sera contraint de payer une pension, qu’elle l’obligera à divorcer… N’est-ce pas du harcèlement psychologique ? Pis, il lui suffira de deux ou trois témoignages de complaisance pour pouvoir se prévaloir du statut de victime de harcèlement psychologique : vous lui aurez donné la possibilité de complètement annihiler le dossier de la victime.

C’est la raison pour laquelle nous avons insisté pour que figure dans ce texte l’exigence d’une ITT, qui est déjà un élément de preuve. Car le manipulateur, celui qui vous tiendra le discours que je viens d’anticiper, ne trouvera jamais de médecin pour le déclarer en ITT.

Mme Muguette Dini. S’il est manipulateur, il saura manipuler le médecin !

M. François Pillet, rapporteur. J’ajoute que, dans le cas de violences psychologiques graves, il y aura toujours une ITT, et elle sera très nettement supérieure à huit jours.

Ainsi, il semble à la commission que cet amendement risque d’ouvrir la voie à une instrumentalisation de la justice qui irait à l’encontre des intérêts des vraies victimes de violences.

C’est donc un souci d’efficacité qui m’amène, ma chère collègue, à vous suggérer de retirer votre amendement – je ne suis pas certain que vous irez jusque-là ; pourtant, croyez-moi, ce serait l’intérêt des victimes ! –, à défaut de quoi j’émettrai un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Nadine Morano, secrétaire d'État. Même avis.

M. le président. La parole est à Mme Virginie Klès, pour explication de vote.

Mme Virginie Klès. Je soutiens tout à fait l’amendement de Mme Dini. En effet, monsieur le rapporteur, contrairement à ce que vous dites, nous abordons une fois de plus un problème bien particulier qui ne s’apparente pas simplement au harcèlement moral.

Il s’agit d’une entreprise de destruction à l’intérieur d’un couple, qui révèle un comportement parfaitement stéréotypé, tant de la part de l’auteur que de la victime, et donc parfaitement reconnaissable par les médecins spécialisés dans ce domaine. Il n’y a donc pas de risque de confusion, même en cas de témoignages émanant de personnes diverses, entre un faux auteur et une fausse victime.

Vous avez rappelé en commission l’erreur qui a entouré l’affaire d’Outreau. Mais la délinquance sexuelle et tous les autres troubles pathologiques sont à part et effectivement ne sont pas prévisibles. Le genre de comportement dont il est question ici est prévisible et stéréotypé, aussi bien du côté de l’auteur que de la victime, et génère un engrenage qui va de plus en plus loin, pour l’un comme pour l’autre : pour l’un, dans la violence, pour l’autre, dans l’acceptation de l’inacceptable.

Parce qu’aucune confusion n’est possible, je soutiens l’amendement de Mme Dini.

M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour explication de vote.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Je soutiens également cet amendement.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 40 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 17, modifié.

(L'article 17 est adopté.)

Article 17
Dossier législatif : proposition de loi renforçant la protection des victimes et la prévention et la répression des violences faites aux femmes
Article 17 bis

Article additionnel après l'article 17

M. le président. L'amendement n° 56 rectifié, présenté par Mmes Terrade, Borvo Cohen-Seat, Assassi et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Après l'article 17, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après la section 1 bis du chapitre V du titre II du livre II du code pénal, il est inséré une section ainsi rédigée :

« Section ...

« De l'instigation à dissimuler son visage

« Art. ... - Le fait, par menace, violence ou contrainte, abus de pouvoir ou abus d'autorité, d'imposer à une personne, en raison de son sexe, de dissimuler son visage est puni d'un an d'emprisonnement et de 15 000 € d'amende. »

La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Cet amendement, qui n’engage que ses auteurs, a valeur de positionnement et s’adresse tout particulièrement au Gouvernement. En effet, il tend à inscrire dans la loi la répression de la contrainte faite aux femmes, par un compagnon par exemple, de dissimuler leur visage.

Nous sommes très hostiles à la loi qui sera bientôt discutée à l’Assemblée nationale, le 4 juillet si je ne m’abuse. Nous doutons de l’opportunité de cette loi, du fait de la stigmatisation qu’elle engendre. Nous pensons qu’elle n’est ni opportune, ni conforme à notre droit. De ce point de vue, nous partageons l’avis émis par le Conseil d’État en la matière.

Néanmoins, nous sommes bien évidemment tout à fait favorables à ce qu’un article, qui figure d’ailleurs dans le projet gouvernemental, prévoie que les personnes qui contraignent les femmes à être voilées puissent être punies. Mes collègues et moi-même pensons que le Gouvernement s’honorerait en acceptant cet amendement et en traitant dans cette loi relative aux violences faites aux femmes la question du port de la burqa.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. François Pillet, rapporteur. Ma chère collègue, il ne vous a pas échappé que les faits que vous évoquez constituent déjà une violence. Il n’est donc pas nécessaire qu’ils soient mentionnés dans cette loi pour être réprimés.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Cela fait déjà l’objet d’une condamnation à trois ans d’emprisonnement !

M. François Pillet, rapporteur. En effet !

En outre, il n’échappe à personne qu’il existe un projet de loi en cours d’examen à l’Assemblée nationale, qui sera très prochainement débattu au Sénat. Vous avez d’ailleurs reconnu qu’il s’agissait d’un amendement de positionnement. Je comprends votre démarche mais je vous propose de renvoyer l’examen de cette question à l’étude dudit projet de loi.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Nadine Morano, secrétaire d'État. Même avis.

M. le président. Madame Borvo, l’amendement est-il maintenu ?

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Monsieur le rapporteur, vous ne pouvez pas me répondre que la disposition que nous proposons n’a pas à figurer dans une loi, étant donné que le Gouvernement lui-même l’a fait figurer dans le texte de son projet de loi ! (Sourires sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)

M. François Pillet, rapporteur. Dans ce cas, cela sera inscrit dans une loi et vous aurez satisfaction !

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Absolument ! Mais il faudra punir cette infraction de trois ans afin d’assurer une cohérence avec la répression des violences faites aux femmes !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Je voterai peut-être cet article du projet du Gouvernement, mais je ne voterai pas l’ensemble, à l’instar des signataires de l’amendement. Nous avons repris l’article tel que rédigé par le Gouvernement dans son projet de loi, donc il ne doit pas y avoir de problème ! Vous avouerez que nous sommes dans une situation vraiment paradoxale…

M. le président. La parole est à M. Roland Courteau, pour explication de vote.

M. Roland Courteau. Je voudrais dire à mon tour, au nom du groupe socialiste, que le port de la burqa est une atteinte à la dignité des femmes. Comme cela a déjà été dit, « la dignité ne se divise pas ». C’est d’abord une violence vis-à-vis des femmes portant la burqa sous la contrainte, mais également vis-à-vis de celles qui disent choisir librement de la porter alors qu’elles agissent bien souvent sous la pression.

Il convient de rappeler que cette tenue vestimentaire est antérieure à la conversion à l’Islam des sociétés au sein desquelles elle est portée aujourd’hui. C’est une pratique antéislamique, importée, ne présentant pas le caractère d’une prescription religieuse. En fait, seul le hijab, foulard dissimulant la tête et le cou, pourrait être considéré comme une tenue vestimentaire féminine conforme aux principes de l’Islam.

En vérité, cette obligation vestimentaire qu’est la burqa s’applique du fait d’une culture particulière qui conditionne d’une façon singulière la place des femmes. C’est assurément une vraie violence à l’égard des femmes et une atteinte à leur dignité. Nous voterons donc cet amendement, qui prévoit que le fait par « menaces, violences ou contraintes, abus de pouvoir ou abus d’autorité, d’imposer à une personne, à raison de son sexe, de dissimuler son visage est puni d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende ».

Il est vrai qu’il reprend l’article 4 du projet de loi du Gouvernement, mais également, sous réserve d’une différence concernant le montant de l’amende, les dispositions de la proposition de loi du groupe socialiste de l’Assemblée nationale.

Nous sommes donc favorables à l’amendement n° 56 rectifié.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Un grand débat va avoir lieu à l’Assemblée nationale et nous aurons nous-mêmes l’occasion de discuter au fond de cette question et d’y consacrer plus de cinq à dix minutes. Certes, J’ai bien compris le sens de l’amendement de Mme Borvo, et les propos de notre collègue M. Courteau sont intéressants. Mais il y a bien d’autres choses à dire sur ce sujet ! Ce débat mérite de prendre toute son ampleur, que l’on soit d’accord ou pas avec les propositions du Gouvernement. D’ailleurs, même au sein de l’opposition, il existe des divergences de point de vue !

Mme Odette Terrade. C’est le cas dans mon groupe !

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Ce débat est naturel et je veux bien que l’on vote cet amendement ce soir, mais je souhaiterais que Mme Borvo le retire, car la question mérite un peu mieux qu’un débat à la sauvette.

Je tiens à dire fermement que ce ne sont pas là de bonnes méthodes pour des débats aussi importants et qui concernent toute l’opinion publique ! On ne peut régler de tels problèmes, en fin de soirée, au détour de la discussion d’un amendement ! (Protestations sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)

Non, non ! En la matière c’est une vision d’ensemble qu’il faut avoir et non pas une vision partielle. En tout état de cause, dans le texte dont nous débattons aujourd’hui, le fait d’imposer quelque chose à une personne, par menace, violence ou contrainte, etc. est déjà considéré comme une violence. Il sera temps de discuter du projet du Gouvernement, le moment venu.

M. le président. Finalement, que décidez-vous, madame Borvo ?

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Je retire l’amendement.

M. le président. L'amendement n° 56 rectifié est retiré.