Mme Éliane Assassi. Le STIF est actuellement un outil de péréquation territoriale et sociale par des tarifications spécifiques. Qu’en sera-t-il demain, lorsque ces financements seront obérés ? Qu’en sera-t-il du financement du plan de modernisation des transports proposé par la région ? De tout cela, nous ne savons rien, ce qui nous fait craindre le pire !

Comment croire également au développement du Grand Paris si vous sacrifiez la production matérielle de richesses et des projets de développement économique au profit – c’est le cas de le dire ! – de la création de bulles financières ? En l’état, votre texte va accentuer un peu plus encore la désindustrialisation de la région-capitale. C’est un vrai problème !

Maintenir Paris au rang de ville-monde représente une belle ambition, pour peu qu’elle n’oublie pas de s’attaquer à la résorption des inégalités subies par les populations qui y vivent et y travaillent ! (Mme Nicole Bricq s’exclame.)

Cela suppose non pas de calquer son mode de développement sur un modèle londonien ou new-yorkais, mais, au contraire, de cultiver la formidable singularité de ce territoire. Paris est déjà une ville-monde, et ce n’est pas en libéralisant son développement que sa place dans le monde se trouvera confirmée, bien au contraire !

M. Jean Desessard. Très bien !

Mme Éliane Assassi. Pour conclure, nous considérons que si nous devions proposer un projet pour le Grand Paris, la responsabilité et la légitimité en reviendraient aux Franciliens et à leurs représentants.

Cependant, puisque nous ne pouvons nous dédouaner d’une réflexion sur ces questions, je vais tout de même vous dresser quelques pistes d’actions qui me semblent prioritaires. Elles sont au nombre de trois : le logement, les transports de proximité et les équipements collectifs de service public, ce qui inclut, bien évidemment, tout ce qui touche à l’environnement et à l’écologie.

Dans un souci de concision, je me bornerai à dire que, pour les sénateurs du groupe CRC-SPG, si l’urgence réside bien dans la mobilisation de toutes les intelligences pour créer la ville de demain, celle-ci doit se faire au profit du bien commun et non pour le contourner comme le fait ce texte en confisquant l’intérêt général par le biais d’un coup de force étatique sur les collectivités locales !

S’inspirer du développement du capitalisme mondialisé et en faire un modèle pour construire votre projet de Grand Paris n’est peut-être pas la meilleure des idées, alors même que la crise qu’il a engendrée n’a pas épargné les métropoles que vous vous plaisez à prendre pour exemples ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Yves Pozzo di Borgo. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. Yves Pozzo di Borgo. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la globalisation mondiale se caractérise, selon le rapport de Christian Saint-Etienne remis au Président de la République le 25 juin 2009, par deux traits spécifiques.

Le premier de ces traits accentue la transformation de l’économie vers une économie entrepreneuriale de la connaissance, une sorte de système qui favorise, par l’action d’intermédiaires spécialisés, les interactions entre entrepreneurs, capitaux-risqueurs et investisseurs, chercheurs développeurs, ingénieurs de production.

M. Alain Gournac. C’est exact !

M. Yves Pozzo di Borgo. Derrière tout cela, il y a la création d’emplois, madame Assassi !

M. Jean-Pierre Caffet. Il n’est pas question du métro !

M. Yves Pozzo di Borgo. Le second trait qui caractérise cette mondialisation, c’est qu’elle intègre la puissance de l’urbanisation dans le développement économique. (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat proteste.)

Les grandes villes sont devenues la colonne vertébrale du développement économique. Pour ne prendre qu’un exemple, c’est non pas la Chine qui se développe, mais d’abord Shanghai, Canton, Pékin, Hong Kong, ou d’autres grandes villes chinoises.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. N’importe quoi !

M. Yves Pozzo di Borgo. Sur cette urbanisation, s’est greffé le concept des villes-monde. La caractéristique de ces dernières tient au fait que la croissance économique est beaucoup plus importante chez elles que sur le reste du territoire national.

Il existe actuellement quatre villes-monde : Tokyo, Londres, New York, Paris.

De nombreuses villes d’Asie, notamment en Chine et en Inde, et d’Amérique latine vont accéder à ce statut et devenir nos concurrentes.

Paris-Île-de-France est cette ville-monde, sorte de géant économique aux échelons national et européen, qui représente 5,3 millions d’emplois, soit 25 % de l’emploi français. Plus de la moitié des brevets français déposés, soit 55 %, font intervenir au moins un partenaire résidant dans le Bassin parisien, lequel compte 70 000 chercheurs et 25 % des étudiants français.

En termes de PIB, l’Île-de-France est, et de loin, la première région européenne, classée largement devant la Lombardie et Londres. Elle représente 29 % du PIB français, dont – je le dis à l’intention de nos collègues de province –22 % seulement sont consommés par les Franciliens, le reste étant distribué dans les autres régions françaises.

M. Yves Pozzo di Borgo. Mais si l’Île-de-France apparaît comme un géant économique aux échelons national et européen, elle souffre d’un manque de dynamisme de son PIB et de ses emplois. Elle est, en quelque sorte, un énorme pétrolier qui avance lentement ! En effet, ces derniers temps, l’emploi n’y a crû que de 9,7 %, alors qu’il augmentait en France métropolitaine de 14,2 %.

Durant cette même période, la croissance en Île-de-France s’est élevée à 2 %, alors que celle du Grand Londres était de 8 %. (Murmures sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)

À terme, la région d’Île-de-France pourrait donc perdre son statut.

Les chiffres relatifs à l’Île-de-France sont d’autant plus inquiétants qu’un groupe d’économistes fait état d’une baisse attendue de 25 % à 12,5 % du PIB européen dans le PIB mondial d’ici à 2050.

C’est pourquoi il est nécessaire de construire un projet de nature à favoriser le dynamisme de cette région, utile à la France et à l’Europe : c’est le projet de Grand Paris. (M. Jean-Pierre Caffet s’exclame.)

Cependant, cet ensemble souffre d’un empilage des structures. La multiplicité des acteurs – État, région, départements, communes et intercommunalités – augmente les charges publiques, nuit à la cohérence et à l’efficacité de la décision publique, en particulier s’agissant de transports et de déplacements, mais aussi en matière de logement, d’urbanisme, de développement économique et d’équipements structurants.

Mme Nicole Bricq. Vous en rajoutez une couche !

M. Yves Pozzo di Borgo. Le cœur d’agglomération pâtit de l’absence de politiques communes.

Malgré cet empilage des structures, le taux des couvertures intercommunales par région en France atteint 89,1 %, contre 56 % seulement pour l’Île-de-France.

Pour affronter la concurrence mondiale avec une masse critique suffisante, la plupart des grandes villes européennes, notamment Berlin, Londres ou Rome, ont regroupé les collectivités locales comprises dans leur aire urbaine afin d’organiser leur développement et leur aménagement.

Je ne prendrai que l’exemple de Lyon. L’agglomération lyonnaise bénéficie d’une gestion urbaine placée, depuis plus de quarante ans, sous une autorité administrative unique remontant au texte de 1966. Depuis vingt ans, Lyon figure parmi les vingt villes européennes, toutes catégories confondues, jugées les plus attractives.

L’absence de structure de gouvernance explique que, malgré sa puissance économique, l’Île-de-France enregistre des chiffres de croissance inférieurs à ceux que connaissent le reste de la France ou les autres grandes villes européennes.

Cette absence de gouvernance explique aussi que des pépites d’emplois énormes ne sont pas exploitées. Prenons l’exemple de Saclay, qui accueille, outre deux universités et de nombreuses écoles, quantité d’entreprises.

Ce campus, d’envergure mondiale, en termes d’effectifs et de domaines scientifiques concernés, supporte la comparaison avec les plus prestigieux campus étrangers. C’est ainsi que le nombre de publications de recherches, retenu comme critère d’efficacité dans le secteur de la recherche, y est égal à celui qu’enregistrent le Massachusetts Institute of Technology, ou MIT, de Boston et l’université américaine de Stanford. Et il devrait rattraper très vite le niveau de Cambridge.

Si les méthodes américaines d’aménagement, d’échanges de connaissances, d’accompagnement de toutes sortes étaient appliquées à Saclay, nous pourrions, madame Assassi, augmenter le nombre d’emplois non pas de 100 %, mais de 1 000 % !

M. Yves Pozzo di Borgo. Or, à l’heure actuelle, la région à Saclay, c’est quelques bus et un RER poussif, sans aucune vision d’ensemble !

C’est la raison pour laquelle il a fallu que ce soit l’État stratège, sur l’initiative du Président de la République et du secrétaire d’État chargé du développement de la région capitale, Christian Blanc, qui prenne la situation en main et propose un texte sur le Grand Paris. (Exclamations sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)

M. Alain Gournac. Très bien !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Il n’a pas été félicité pour autant ! À trop vouloir démontrer...

M. Yves Pozzo di Borgo. Il s’agit de mettre en valeur neuf pôles, sur le modèle de Saclay, et d’aménager les infrastructures de transports afin d’accompagner ce dynamisme. Nous espérons que ces neuf pôles deviendront à terme, si nous avons bien compris l’esprit de ce texte, des villes modernes de 400 000 à 500 000 habitants.

M. Jean-Pierre Caffet. Des villes nouvelles ?

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Il fallait nous le dire !

M. Yves Pozzo di Borgo. Ainsi, ce projet de loi, très pragmatique, tend à apporter deux réponses principales pour relancer la croissance de l’Île-de-France et son attractivité dans le système « monde ».

La première réponse consiste en un réseau de transports s’appuyant sur la ligne 14 et desservant les territoires autour de Paris, selon un trajet en double boucle qui desservira les pôles stratégiques ; nous y reviendrons ultérieurement au cours du débat.

La seconde réponse a trait à l’implantation d’un des premiers clusters de l’innovation, s’appuyant sur une concentration d’universités de rang mondial et de chercheurs publics et privés installés sur le plateau de Saclay,...

Mme Nicole Bricq. À la Cité Descartes, c’est déjà prêt !

M. Yves Pozzo di Borgo. ... mais dont l’État stratège souhaite soutenir le développement.

Ces deux premières initiatives sont essentielles au développement économique de l’Île-de-France et à la croissance française.

Ce projet de loi, je l’espère, n’est que le premier de nombreux autres textes qui devraient suivre et accompagner la réflexion sur le Grand Paris.

M. Alain Gournac. Très bien !

M. Yves Pozzo di Borgo. D’ailleurs, le Sénat devrait pérenniser cette commission spéciale sur le Grand Paris ! (M. le rapporteur fait un signe de dénégation.)

M. Yves Pozzo di Borgo. Il faut, certes, défendre les zones rurales, mais il me semble que le Sénat ne se préoccupe pas suffisamment des zones urbaines, sachant que 72 % des Européens et 49 % de la population mondiale vivent en ville, et que ces proportions ne font qu’augmenter.

Cette réflexion sur l’urbanité...

M. David Assouline. Il n’y a aucune réflexion !

M. Yves Pozzo di Borgo. ... nous éviterait de copier les modèles des métropoles mondiales, comme Delhi, Shanghai, Séoul, Tokyo, qui, tout en « fonctionnant » économiquement, sont une véritable insulte faite à l’homme tant elles sont denses, bruyantes, polluées.

M. Jean-Pierre Caffet. Tokyo ? Vous allez créer un incident diplomatique ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste.)

M. Yves Pozzo di Borgo. La qualité de vie dans une métropole à taille humaine est, au contraire, un facteur d’attractivité. C’est la raison pour laquelle le Sénat doit réellement se pencher sur ce sujet.

Voilà où en est ma réflexion sous-jacente sur ce projet de loi. Le débat en séance publique nous permettra d’avancer ; je souhaite apporter ma contribution à cette évolution. (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste.)

M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

Mme Nicole Bricq. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, permettez-moi de vous citer deux phrases : « [L’] organisation [de la République] est décentralisée » ; « Les collectivités territoriales ont vocation à prendre les décisions pour l’ensemble des compétences qui peuvent le mieux être mises en œuvre à leur échelon ». Chacun aura reconnu ces lignes, extraites des articles 1er et 72 de la Constitution, qui est notre guide à tous.

M. Jean-Pierre Sueur. Tout est dit !

Mme Nicole Bricq. En effet, pour le groupe socialiste, le projet de loi relatif au Grand Paris prend rang dans le cycle recentralisateur ouvert par la loi de finances pour 2010, supprimant l’impôt économique local (Mme Dominique Voynet applaudit.) et, pour l’Île-de-France, l’outil de péréquation territoriale dont elle disposait, le Fonds de solidarité des communes de la région d’Île-de-France, le FSRIF, sans que l’on ait trouvé à ce jour de mécanisme de remplacement, dans un contexte marqué par la défiance de l’État envers les collectivités territoriales. Ce texte dépasse donc, vous l’aurez compris, le cadre parisien et francilien.

Ce serait déjà là une raison substantielle justifiant que nous combattions ce texte, mais elle ne serait pas suffisante.

M. Jean-Marc Todeschini. On va le combattre !

Mme Nicole Bricq. Nous allons vous démontrer que votre projet repose sur un diagnostic erroné concernant la région-capitale, sur une stratégie et une méthode datées nous ramenant vingt-cinq ans en arrière et sur des outils inadéquats.

Ce diagnostic, le Gouvernement et la commission spéciale le partagent. Pour M. le secrétaire d’État, les potentiels de la région n’ont « pas de visibilité mondiale » et sont donc « insuffisamment attractifs ». M. le rapporteur, quant à lui, veut « remettre la région dans la croissance mondiale environnante ». La région-capitale souffrirait donc d’un défaut de « compétitivité ».

Votre stratégie et les outils que vous proposez de mettre en place se réduisent donc, finalement, à une infrastructure de transport censée y remédier.

Ce raisonnement conduit à substituer une priorité, celle du Gouvernement centrée sur le réseau de métro automatique, à une autre priorité, celle qui résulte de la concertation territoriale, c’est-à-dire du vote du conseil régional de juin 2008, approuvé par les Franciliens lors de la consultation du 21 mars dernier, autrement dit à notre vision, qui fait écho à l’attente des élus et aux besoins des populations. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. Jacques Mahéas. Ils ne s’en souviennent plus !

Mme Nicole Bricq. Même s’il est malaisé de définir la notion de compétitivité du point de vue strictement économique, je rappellerai quelques données.

Tout d’abord, comme vient de le dire M. Pozzo di Borgo, la région d’Île-de-France représentait 19 % du produit intérieur brut français en 2008. Cette production de richesse est évaluée en euros constants à 488 milliards d’euros, ce qui fait d’elle la première région d’Europe.

Lorsque l’on ramène ces chiffres à l’habitant, l’Île-de-France n’est plus que sixième de ce classement, car la richesse globale y est très mal répartie et les inégalités y sont beaucoup plus marquées qu’ailleurs.

Selon nous, s’il existe une entrave profonde à la compétitivité, c’est bien dans les inégalités territoriales et sociales qu’elle réside. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

Mme Catherine Tasca. Très juste !

M. Yannick Bodin. Très bien !

Mme Nicole Bricq. Pour ce qui est du secteur des services à forte intensité de connaissance, les SFIC, l’Île-de-France est, selon Eurostat, la première région d’Europe devant la Lombardie-Milan, le Danemark et le Grand Londres.

Enfin, en termes d’attractivité des investissements étrangers, la région se place au deuxième rang, derrière Londres, mais avec un nombre supérieur de créations d’emplois, et en quatrième position à l’échelon mondial, derrière Shanghai, Hong Kong et Londres.

M. Jean-Pierre Caffet. Tout cela est vrai !

Mme Nicole Bricq. En termes d’accueil des centres de décisions, Paris-Île-de-France se classe devant New York et Londres, juste après Tokyo, et occupe la première place en matière d’emplois stratégiques.

M. Alain Gournac. Tout va très bien !

Mme Nicole Bricq. Ne soyez pas impatient, mon cher collègue !

Ce florilège de performances doit-il nous conduire à ne rien faire ? Certainement pas, car dans un monde incertain et changeant, rien n’est acquis. Nous savons bien que notre territoire national, de même que celui de la région d’Île-de-France, ne sont pas assez performants en termes de croissance potentielle, qui est productrice d’emplois.

Ce n’est donc pas une spécificité francilienne. Nous savons aussi que l’appareil productif et l’innovation connaissent un certain retard. Ce n’est pas pour rien que le Président de la République a lancé un grand emprunt ! (M. Jean Desessard opine.)

Il faut donc se battre. Encore faut-il opérer les bons choix d’aménagement, environnementaux et sociaux, tout autant qu’économiques. C’est là que votre projection dans l’avenir relève d’un parti pris.

Les pôles économiques reliés par un transport rapide constituent pour vous l’unique solution. Au moment où toutes les métropoles européennes, dans le contexte de l’après-Kyoto, font le choix d’un aménagement urbain compact, comme le fait le SDRIF, vous choisissez l’étalement, sans pour autant répondre à l’attente des élus qui, depuis les grandes vagues de la décentralisation, s’organisent. Ils ne le font peut-être pas assez vite ou assez bien, comme nous le rappelle souvent notre collègue Philippe Dallier, qui nous presse d’améliorer la gouvernance, et il n’a pas tort... (Applaudissements sur quelques travées de lUMP. – M. Jean-Jacques Jégou applaudit également.)

Néanmoins, doit-on rappeler que c’est Bertrand Delanoë et son équipe qui ont, dès 2001, ouvert Paris à la petite couronne en faisant un premier pas décisif en créant le syndicat Paris-Métropole ?

Doit-on rappeler que Jean-Paul Huchon a conduit pendant plus de quatre années une concertation et une négociation, qui ont abouti à un nouveau schéma d’urbanisme, bloqué depuis lors par l’État, et à un plan de mobilisation pour les transports, que nul ne conteste ? Je n’ai entendu personne au Sénat remettre en cause ce plan, ni lors des auditions, ni lors des réunions de la commission spéciale, ni sur ces travées.

M. Jean-Pierre Caffet. Tout le monde le reconnaît !

Mme Nicole Bricq. Doit-on rappeler que, localement, des projets territoriaux se développent au travers de l’intercommunalité ?

Doit-on rappeler que la région, qui a récupéré, cinq ans après les autres régions, la compétence pleine et entière dans le domaine des transports, a plus que doublé son effort financier en trois ans, avec l’appui des départements ? À ce rythme, au cours de la décennie 2010, elle résorbera les problèmes structurels dus aux trente ans de retard accumulés par l’État. C’est bien pour cela qu’elle a donné la priorité à l’amélioration de l’existant.

M. Alain Gournac. Prenez le RER le matin !

Mme Nicole Bricq. La ligne A, je la connais, et mieux que vous !

M. Jean-Pierre Caffet. Il s’en fiche du RER, le secrétaire d’État !

Mme Nicole Bricq. Tout le travail du rapporteur et de la majorité de la commission spéciale a consisté, à partir d’un diagnostic erroné, d’une vision partiale, à crédibiliser le projet du Gouvernement, à la fois en lui apposant un vernis de territorialisation, sans pour autant associer les élus aux décisions – elles seront concentrées dans les mains de l’État grâce au mode de gouvernance choisi ! –, et en inscrivant un semblant de financement, au demeurant incantatoire et aléatoire, pour un projet d’infrastructure de transports dont le coût l’est tout autant.

Nous aurons une discussion serrée sur le financement, monsieur le secrétaire d’État, lors de l’examen des articles 9 et suivants.

Alors que vous aviez refusé de définir les modalités de ce financement lorsque nous vous avions interrogé sur ce sujet le 18 mars dernier, vous nous avez annoncé tout à l’heure qu’il reposerait sur l’utilisation des remboursements des prêts consentis à la filière automobile.

M. le rapporteur, quant à lui, avait précisé auparavant, lors de la conférence de presse, que ce financement proviendrait des 13 milliards d’euros remboursés par les banques. Il sait pourtant que c’est impossible. En effet, la loi de finances rectificative pour 2010 qui porte le grand emprunt, avec les 13 milliards d’euros précités et les 22 milliards d’euros empruntés sur les marchés financiers, en a fléché les affectations, au nombre desquelles ne figurent pas les infrastructures de transport.

Si, pour votre part, monsieur le secrétaire d'État, vous envisagez d’utiliser les remboursements des prêts consentis à la filière automobile, permettez-moi de souligner que ces remboursements ne peuvent pas être considérés comme des engagements financiers de l’État. Que se passerait-il si les créances n’étaient pas remboursées ? Ce financement est tout à fait aléatoire ! C’est bien la preuve que l’État est financièrement à bout de souffle !

MM. Jean-Pierre Caffet et Jean Desessard. Ah oui !

Mme Nicole Bricq. C’est la preuve aussi qu’une lecture globale et crédible de l’ensemble des financements est nécessaire, comme nous le demanderons dans un amendement, ce qui ne peut se faire que dans le cadre d’une loi de finances. Nous aurions aimé disposer d’un tel outil au sein de la loi de finances pour 2010, conformément à ce que souhaitait le Premier ministre en confiant une mission à M. Carrez.

Du reste, si l’on avait voulu qu’une négociation loyale ait lieu entre l’État, la région et les collectivités territoriales, on aurait pris en compte le travail de M. Carrez, qui connaît d’autant mieux son sujet qu’il est président du comité des finances locales. Or le projet de loi que vous nous présentez ne retient aucune de ses propositions.

M. Jean-Pierre Caffet. Au contraire !

Mme Nicole Bricq. Au contraire, en effet, vous préférez retenir le principe des valorisations foncières, qui avaient été jugées trop aléatoires et insuffisantes par notre collègue M. Carrez, et vous ne fixez aucun calendrier pour votre projet.

Tout se passe comme si la majorité sénatoriale, ainsi que le Gouvernement, avaient fermé les yeux et les oreilles sur le vote des Franciliens du 21 mars.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C’est certain !

M. Christian Blanc, secrétaire d’État. Quel est le lien avec M. Carrez ?

Mme Nicole Bricq. Pour eux, il ne s’est rien passé ce jour-là.

Pis, la majorité sénatoriale dénie le vote populaire en aggravant la version de l’Assemblée nationale, et ce à trois reprises.

À l’article 3, tout d’abord : elle fait sauter le débat public imminent que le conseil régional lance sur Arc Express, conformément aux priorités de son plan de mobilisation.

Mme Dominique Voynet. C’est une honte !

Mme Nicole Bricq. Cela autorise M. le secrétaire d’État à nous dire en commission, sans rire, qu’il permet à la région de réaliser 6 milliards d’euros d’économies, soit l’exacte somme que la région attendait de l’État pour boucler le financement du plan de mobilisation pour les transports, plan pour lequel elle a mis 12 milliards d’euros sur la table. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.) 

À l’article 9 ter, ensuite : la majorité sénatoriale assujettit au nouvel impôt, au nom barbare d’IFER, imposition forfaitaire sur les entreprises de réseaux, le matériel roulant, dont le Gouvernement a transféré la propriété au STIF, par le biais d’un amendement scélérat déposé sur un texte précédent.

Le STIF sera donc le contributeur de cette nouvelle taxe, qui a été instaurée à la suite de la suppression de la taxe professionnelle...

M. Jean-Pierre Caffet. C’est exact !

Mme Nicole Bricq. ...et qui sera affectée à la Société du Grand Paris, alors même que ni la région ni les départements regroupés au sein du STIF ne sont associés aux décisions, lesquelles sont prises unilatéralement. Curieuse conception du dialogue !

Mme Nicole Bricq. À l’article 29, enfin : s’agissant de l’organisation des transports nécessaires au plateau de Saclay, le Gouvernement ne respecte pas son engagement pris devant l’Assemblée nationale de retirer cet article si le STIF s’engageait à accepter à une délégation de compétences, ce qu’il a fait lors de son conseil d’administration du 17 février, décision qui sera formalisée au début du mois de juin.

Mme Catherine Tasca. Absolument !

Mme Nicole Bricq. Nous avions cru que le Sénat tirait une grande partie de sa légitimité des collectivités locales, dont il se devait d’être le premier défenseur. Or s’il votait ce texte, il participerait au sabotage du projet de la région et des départements.

Faut-il voir dans ces trois articles de simples provocations ? Je ne le crois pas, car nous faisons la loi, qui plus est dans le cadre d’une procédure accélérée ; seule la commission mixte paritaire pourrait y revenir.

S’agit-il de gagner du temps ? M. le rapporteur se félicite que la dérogation au droit commun de la procédure du débat public permette de gagner un an : ainsi les travaux pourront-ils commencer, selon lui, début 2012. Or M. le secrétaire d’État a évoqué la fin 2013.

M. Christian Blanc, secrétaire d’État. Début 2013 !

Mme Nicole Bricq. Étonnante obsession du temps pour un projet qui n’est ni financé ni daté ! Curieuse posture, qui renvoie à l’avant-décentralisation ! Troublante attitude face à l’émergence, permise par la décentralisation, des associations et des citoyens qui veulent légitimement donner leur avis ! La démocratie est ainsi prise en otage par ce texte.

S’agit-il de prises de guerre, comme nous en sommes convaincus, afin de créer un rapport de force favorable à l’État face à la région ? Si tel est le cas, c’est une instrumentalisation de la loi et du Parlement très contestable.

Comme vous l’aurez compris, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, les membres du groupe socialiste entendent non pas porter des appréciations divergentes sur telle ou telle modalité, mais défendre une vision et des priorités fondamentalement contradictoires à celles que comporte le présent projet de loi.

Notre contribution au débat, les amendements que nous avons déposés, notre opposition au texte nous placent résolument du côté de la démocratie, de la décentralisation, de la confiance entre les uns et les autres, sans lesquels aucun projet d’avenir n’est viable. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Roger Romani. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. Roger Romani. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, le projet de loi dont nous débattons aujourd’hui est particulièrement important non seulement pour l’agglomération parisienne, mais aussi pour tout notre pays.

M. Charles Revet. C’est vrai !