Mme Claudine Lepage. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, qui songerait à remettre en question le formidable potentiel offert par les nouveaux médias et, par là même, la place essentielle qu’ils tiennent dans notre vie quotidienne ? Personne, bien sûr ! De nombreuses voix s’élèvent cependant pour mettre en garde contre le « revers de la médaille » de cette révolution numérique.

Notre collègue David Assouline, au nom de la commission de la culture, dans son excellent rapport d’information consacré aux incidences des nouveaux médias sur la jeunesse a parfaitement relevé la profonde ambiguïté qui existe dans notre relation avec les nouvelles technologies, avec Internet en particulier.

Notons que 95 % des jeunes âgés de douze à dix-sept ans sont internautes et surfent, en moyenne, douze heures par semaine ; 70 % des enfants de moins de onze ans utilisent aussi Internet, et ce depuis leur plus jeune âge, puisque 44 % des petits de six à huit ans sont concernés. Par ailleurs, plus d’un adolescent sur deux aurait créé son profil sur Facebook. La réalité de l’immersion totale de cette génération digital native dans la culture numérique suffit à nous conduire à nous interroger sur le rapport entre les bienfaits et les dangers, réels ou fantasmés, de l’usage d’Internet.

Les atouts des nouveaux médias pour la société, en général, et pour la jeunesse, en particulier, sont indiscutables, ne serait-ce qu’en termes d’accès au savoir, ainsi que de socialisation et d’intégration dans la vie publique. Ces exemples font partie de nombreux autres.

D’un point de vue pédagogique, d’abord, l’utilisation des nouvelles technologies de l’information et de la communication est positive, au moins en raison de la motivation supplémentaire qu’elle induit chez l’élève.

L’utilisation de l’ordinateur est, sans aucun doute, un facteur d’amélioration du plaisir d’apprendre si nécessaire à un apprentissage efficace. L’appréhension de nouvelles compétences doit également être soulignée, même si les professeurs se plaignent, avec raison, des « copier-coller » détectés sur nombre de copies.

Relevons aussi les vertus des nouvelles technologies pour les élèves isolés. Je pense particulièrement aux enfants dont la famille est établie à l’étranger et qui, parfois, n’ont d’autres choix, pour suivre un enseignement français, que de le faire à distance.

Du point de vue de la construction psychique de l’adolescent, les nouveaux médias jouent, de fait, un rôle très positif. En effet, derrière son écran d’ordinateur, l’adolescent se sociabilise tout en restant à l’abri du regard des autres. Les différents réseaux sociaux qu’il fréquente ou les blogs qu’il tient lui permettent également de cultiver une image extrêmement valorisante, de développer sa confiance en lui et d’être reconnu socialement, notamment par le nombre, généralement très élevé, de ses amis. Tout cela est très intéressant, à condition, bien sûr, que sa socialisation ne s’arrête pas là !

Pourtant, ces exemples ne doivent pas masquer les possibles dangers d’un usage sans protection des nouveaux médias.

Les premiers risques que j’évoquerai, sans doute ceux qui suscitent le plus de craintes, sont l’exposition des jeunes à des contenus inappropriés, parce que violents ou à caractère pornographique, impactant le développement de leur personnalité, ainsi que les sollicitations à caractère sexuel auxquelles ils pourraient être confrontés.

Dans le même domaine, un phénomène nouveau, le « sexting », se développe de façon inquiétante. Ce nouveau « jeu » – ou tout au moins perçu comme tel – consiste en la diffusion, consentie ou non, entre les adolescents et via les téléphones mobiles, d’images personnelles à caractère sexuel.

Il pose clairement la question de la responsabilisation des adolescents. En effet, dans ce cas particulier, et comme le relève un récent rapport publié par l’Internet Safety Technical Task Force, ou ISTTF, et l’université de Harvard, les adolescents agissent en toute conscience.

Ils envisagent parfaitement que les images seront sans doute partagées avec d’autres personnes que les destinataires initiaux, et, surtout, les trois quarts des jeunes sont conscients de l’impact négatif que peuvent avoir ces photos. Ce qu’ils ne perçoivent pas, ce sont les conséquences sociales de tels comportements.

Le même raisonnement peut être appliqué à la divulgation d’informations personnelles sur les réseaux sociaux. Le profil pouvant, en effet, servir de véritable exutoire. En outre, via le « mur », des conversations de nature privée sont tenues en public. C’est ici la distinction entre la vie intime et la sphère publique qui est balayée.

À ce propos, l’universitaire américaine, spécialiste des réseaux sociaux, Danah Boyd, formule une métaphore très pertinente que je vous livre : « À l’occasion d’une fête, des petites conversations peuvent se nouer à droite ou à gauche, elles sont couvertes par la musique. Mais avec les réseaux sociaux, on peut toujours éteindre la musique… »

Ce déferlement d’informations intimes, accessibles au plus grand nombre, présente le risque d’intimidation ou de harcèlement par les jeunes entre eux, puisque les réseaux sociaux regroupent, le plus souvent, des adolescents qui entretiennent déjà des relations sociales non virtuelles et potentiellement conflictuelles.

Il constitue aussi une véritable mine d’or pour les publicitaires, les enfants internautes devenant de véritables cibles de marketing. Quoi de plus facile en effet que d’utiliser les informations personnelles pour affiner le ciblage de cette catégorie de population, particulièrement réceptive à ce genre de sollicitations ? Le groupe Sony BMG a d’ailleurs été condamné par la justice américaine, il y a quelques mois, pour avoir recueilli illégalement, c’est-à-dire sans l’accord exprès des parents, des données personnelles d’enfants via des sites d’artistes.

Pour rester dans le domaine de la publicité, il me semble important également d’alerter sur l’absence de responsabilité de certains éditeurs de contenus pour la jeunesse. En effet, même sur ces sites spécialement dédiés aux jeunes, voire aux très jeunes internautes, peuvent apparaître des publicités pour des produits ou des liens renvoyant sur des pages assurément non adaptées aux mineurs, ou même vantant des produits dont l’usage leur est interdit, comme les jeux d’argent.

Alors que le projet de loi relatif à l’ouverture à la concurrence et à la régulation du secteur des jeux d’argent et de hasard en ligne, qui va occasionner l’afflux d’une multitude de sites de jeux d’argent sur le Web, est en cours de deuxième lecture à l’Assemblée nationale, il me semble important de souligner les dangers que présentent ces jeux pour les jeunes internautes.

Certes, le texte confirme l’interdiction pour les mineurs de participer à ces jeux, qu’ils soient en ligne ou non. Toutefois, le péril demeure, puisque les méthodes de protection des mineurs sur Internet donnent un résultat très illusoire, comme nous allons le constater maintenant.

Les outils de protection existant pour les médias traditionnels sont totalement dépassés et, de toute façon, inadaptés aux nouveaux médias. À titre d’exemple, je citerai les services de médias audiovisuels à la demande qui ont rendu absolument obsolète la réglementation mise en place par le Conseil supérieur de l’audiovisuel, ou CSA.

En effet, comment appliquer à la vidéo à la demande – VOD – un dispositif de protection qui repose sur des contraintes horaires de diffusion fixées par tranche d’âge ? Malgré l’adoption de la loi du 5 mars 2009 relative à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision qui prévoit une réglementation ad hoc, rien n’a encore été proposé.

Un an après, où en est-on, madame la secrétaire d’État ?

De multiples organismes, qu’ils soient étatiques, indépendants ou de type associatif, participent, plus ou moins harmonieusement, à la protection des mineurs face aux risques des nouveaux médias. Ainsi le CSA est-il compétent pour veiller à la protection de l’enfance à la télévision et à la radio.

Certes, sa compétence s’étend naturellement aux diffusions via les téléphones mobiles ou Internet, mais uniquement sur les contenus des émissions télévisées ou radiophoniques : une goutte d’eau, comparativement à l’ensemble des contenus potentiellement diffusables sur la Toile !

Bien plus, l’exemple de la vidéo à la demande, exposé à l’instant, révèle l’inadéquation actuelle des techniques de contrôle dont dispose le CSA et, par là même, le retard pris pour la mise en place par l’État d’une réelle protection des mineurs, quel que soit le support de diffusion utilisé.

À cet égard, l’on ne peut que souscrire entièrement à la proposition de David Assouline visant à créer un organe de corégulation « enfance et médias » compétent pour assurer la protection de l’enfance sur l’ensemble des médias, qu’ils soient écrits, télévisuels, cinématographiques ou électroniques.

Dans le souci d’efficacité qui doit guider l’action de l’État dans ce domaine, il importe en effet d’apporter une réponse globale à cette question. La recherche d’une démarche concertée est extrêmement positive, au regard de l’action importante, mais souvent dépourvue de coordination, de nombreuses structures, en termes de prévention et d’éducation des jeunes dans le secteur des nouveaux médias.

Plus largement, et cela va s’en dire, au regard du caractère transfrontalier d’Internet, une approche internationale est souhaitable. La proposition de la Défenseure des enfants, Dominique Versini, de mettre en place « un petit “ONU” de l’internet », véritable instance de contrôle international, est, de ce point de vue, très intéressante.

À l’échelon européen, diverses démarches de la Commission visent à responsabiliser les opérateurs et à sensibiliser les jeunes. Déjà en 2009, la Commission a signé un accord avec une vingtaine de sociétés afin qu’elles s’engagent à rendre les réseaux sociaux plus sûrs. Le bilan dressé au bout de quelques mois est relativement prometteur, mais beaucoup reste à faire, notamment quant au principe de la non-accessibilité, au-delà des amis, des informations personnelles des mineurs.

Cette approche est nécessaire mais doit s’accompagner d’une véritable prise de conscience des jeunes. Dans le cadre de la dernière édition de la Journée pour un internet plus sûr, en février dernier, la Commission a lancé un appel aux jeunes internautes : « Tu publies ? Réfléchis ! ».

En effet, il importe de les avertir de toutes les implications, y compris à long terme, des informations personnelles qu’ils mettent en ligne. Voyez, par exemple, combien d’employeurs potentiels accèdent à des données que je qualifierai sobrement d’inadéquates, en quelques clics !

Cette sensibilisation des jeunes est, sans doute, le meilleur rempart contre les risques inhérents aux nouvelles technologies.

Aux côtés de l’école qui doit améliorer son rôle éducatif dans le domaine, notamment par une véritable intégration de cette discipline dans les programmes, ce sont bien sûr les parents qui sont les mieux placés pour alerter et, ai-je envie de dire, simplement pour éduquer leurs enfants.

Les chiffres de récents sondages laissent songeurs et témoignent du chemin qu’il reste à parcourir dans, si je puis dire, l’éducation initiale des parents ! Une récente étude de l’association e-Enfance et de l’institut IPSOS révèle que 53 % des parents pensent que leurs enfants ne courent aucun risque sur Internet, 78 % considèrent qu’ils ne communiqueront pas de données personnelles de façon non protégée ou encore 43 % reconnaissent ne pas donner systématiquement de règle à leur enfant pour l’usage d’Internet.

Cette insouciance des parents est inquiétante, d’autant que les systèmes de contrôle parental, qui pourraient sembler la parade idéale, montrent leurs limites.

Limites, ne serait-ce qu’en raison des connaissances techniques minimales que leur installation nécessite. Et je sais combien les compétences des jeunes en la matière surpassent souvent largement celles de leurs parents !

La meilleure arme de protection des jeunes sur Internet passe donc bien par la responsabilisation des parents, qui requiert, d’abord, leur sensibilisation puis leur information.

Ne nous y trompons pas : ce qui est dangereux, ce n’est pas Internet, c’est l’usage que l’on en fait. J’approuve, d’ailleurs, les propos de Viviane Reding, alors commissaire européenne chargée de la société de l’information et des médias, qui déclarait : « L’internet est devenu indispensable à nos enfants, et il est de notre responsabilité à tous de le rendre plus sûr ». (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – Mme Françoise Laborde et M. Jean-Jacques Pignard applaudissent également.)

Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Nadine Morano, secrétaire d'État chargée de la famille et de la solidarité. Madame la présidente, monsieur le président de la commission, mesdames, messieurs les sénateurs, dès ma prise de fonction, il y a deux ans, j’ai effectué mon premier déplacement au centre de la gendarmerie de Rosny-sous-Bois, plate-forme qui « chasse » les pédophiles sur Internet. J’avais en effet mesuré combien l’évolution des nouveaux médias et d’Internet mettait en danger nos enfants, qui les utilisent et qui en sont les victimes.

On m’avait prévenue que j’allais voir des images difficilement soutenables, ce fut le cas ! J’ai vu des images mettant en scène des enfants non seulement mineurs mais tellement jeunes – presque des bébés – que c’en était terrifiant. J’ai compris à quel point ce combat devait être celui de l’ensemble de la société.

Nos enfants passent aujourd’hui 900 heures à l’école et 1 200 devant les écrans. Les ménages disposent en moyenne de huit écrans, tous types confondus – télévision, ordinateur ou console de jeux. La consommation d’images a explosé ; nos modes de vie, de pensée et d’être ont été bouleversés.

Avec Internet, tout va plus vite et plus loin. Ce réseau n’a pas de frontière !

Lorsque j’ai effectué le déplacement que j’évoquais à l’instant et visionné ces images terrifiantes de jeunes enfants, j’ai compris que nous devrions agir dans notre pays, certes, mais également favoriser la mobilisation à l'échelle internationale, car celle-ci est nécessaire. Je me suis rendue à Londres et en Norvège, j’ai discuté avec mes collègues européens. Dans le cadre de la présidence française de l’Union européenne, j’ai consacré, en lien avec l’ensemble de nos partenaires européens, un atelier entier à ce sujet, sur lequel nous devons définir notre position.

Comme Mme Claudine Lepage le soulignait en une formule très pertinente, qui, aujourd’hui, songerait à remettre en question les nouveaux médias ? Personne ! Nous ne reviendrons pas en arrière ! Qui voudrait remettre en cause les voitures ? Nous avons besoin de ces dernières, mais nous avons appris à les utiliser et nous nous sommes dotés d’un code de la route. Or, ici, nous nous apercevons que nous sommes totalement dépassés par les usages de l’internet.

Mesdames, messieurs les sénateurs, vous avez tous cité des chiffres révélateurs des comportements actuels : 96 % des adolescents surfent sur Internet tous les jours ; 80 % des parents ne savent pas que leur enfant détient un blog ; 72 % d’entre eux reconnaissent qu’ils laissent leur progéniture surfer seule sur Internet, mais ils ne prennent pas véritablement conscience des dangers que cette attitude implique.

M. Assouline a souligné les problèmes posés par l’utilisation des webcams, qui suscitent de nouveaux comportements, au sein même des foyers. Naguère, le danger se trouvait à l’extérieur des maisons, et nous éduquions nos enfants en conséquence ; aujourd'hui, il se situe à l’intérieur de celles-ci. Pis, il peut résider dans la chambre même de nos enfants, si nous laissons à leur disposition un ordinateur connecté à Internet !

Mme Brigitte Bout. C’est vrai !

Mme Nadine Morano, secrétaire d'État. À l’évidence, nous devons réagir, en favorisant l’éducation, la maîtrise des outils, mais aussi, je le répète, une mobilisation internationale, afin de surmonter les difficultés posées par les webcams. En effet, – on m’a décrit de tels comportements en Norvège, mais ils se produisent également dans notre pays – certains jeunes aujourd'hui se déshabillent devant ces caméras, parfois en monnayant une telle pratique.

Nous devons faire face à ce phénomène, mais aussi lutter contre les comportements d’addiction qui mettent en péril la santé de nos enfants. De même, nous devons être vigilants face aux nouveaux contacts permis par Internet, que nous pourrions juger de prime abord fabuleux.

Certes, il est magique de pouvoir communiquer à travers le monde, trouver des informations dans d’autres pays ou, tout simplement, « chatter ». Mais quelle catastrophe quand une gamine de onze ans entre en contact avec un prédateur, sans en avoir le moins du monde conscience, parce que, de l’autre côté de son écran, un adulte, pédophile en puissance, cache son identité derrière le pseudonyme d’un jeune du même âge !

Mme Brigitte Bout. C’est clair !

Mme Nadine Morano, secrétaire d'État. Nous voyons combien il est nécessaire de sensibiliser à ce problème les parents, certes, mais aussi les nombreuses sociétés qui fleurissent sur Internet pour faciliter les contacts et les « chats » entre les adolescents, car, à l’évidence, leurs modérateurs n’ont presque aucune responsabilité ; vous m’avez d'ailleurs tous interpellée sur ce point, mesdames, messieurs les sénateurs.

Il arrive que les modérateurs de ces sites soient des machines, ou qu’ils ne se trouvent pas présents devant les écrans au moment où un pédophile se connecte parce qu’ils sont partis déjeuner !

Par ailleurs, mesdames, messieurs les sénateurs, la difficulté de réguler l’internet tient non pas seulement à l’absence de frontières, mais aussi au caractère éphémère de ce réseau : les sites, notamment pédopornographiques, disparaissent parfois quelques jours, voire quelques heures après leur naissance.

Certes, le monde a changé. Internet est entré dans nos vies et il constitue un fabuleux outil d’échange. Il n’est pas question de faire le procès de ce réseau en général, mais seulement de chercher à nous en servir tout en nous protégeant de ses effets pervers.

Dans le combat que nous avons à mener, plusieurs acteurs doivent nécessairement jouer un rôle, notamment l’éducation nationale, qui constitue notre premier allié. Monsieur Lagauche, vous avez cité le B2i, le brevet informatique et Internet. Celui-ci, je le rappelle, figure de manière obligatoire depuis 2008 au programme des collèges – il est nécessaire à l’obtention du brevet des collèges –, avec l’apprentissage des « chartes d’usage », qui indiquent clairement les droits et les devoirs prévus par la loi.

En outre, la semaine dernière, le Sénat a adopté une proposition de loi dont l’article 1er prévoit que : « Dans le cadre de l’enseignement d’éducation civique, les élèves sont formés afin de développer une attitude critique et réfléchie vis-à-vis de l’information disponible […] ». Il est en effet crucial que les élèves adoptent « un comportement responsable dans l’utilisation des outils interactifs, lors de leur usage des services de communication au public en ligne ».

Par ailleurs, de nombreuses actions ont été menées en partenariat avec les associations de protection de l’enfance, comme e-Enfance ou Action innocence. Celles-ci sont très impliquées dans le développement de l’application mobile « Vidéo info parents » qui apporte aux parents des informations complètes sur plus de cinq cents jeux vidéo.

Je pourrais citer également la Délégation aux usages de l’internet, qui s’inscrit dans le programme européen « Internet sans crainte » et propose sur son site des « foires aux questions », des kits de sensibilisation et un numéro vert destiné aux parents, de même qu’un serious game dont la vocation est de sensibiliser les enfants et les adolescents à la protection de la vie privée. En effet, celle-ci est très souvent mise en péril par les jeunes eux-mêmes ou par des tiers peu scrupuleux.

Nathalie Kosciusko-Morizet a réuni de nombreux acteurs de la Toile, afin de trouver une réponse aux problèmes posés par la publication d’éléments de la vie privée des internautes, que ceux-ci soient majeurs ou mineurs. La cause que nous défendons ici est essentielle, j’y insiste, puisqu’il s’agit du droit à l’oubli.

De nombreuses pistes sont apparues, en ce qui concerne la pédagogie, la facilité d’usage des outils de protection des données personnelles ou encore les voies de recours en cas de problème.

Enfin, les nombreux efforts qui sont actuellement déployés pour favoriser le développement d’une offre légale de contenus en ligne sécurisée, en ce qui concerne le respect tant de la propriété intellectuelle que du droit des usagers, dans la continuité, notamment, des travaux menés par la mission Zelnik, permettront de progresser vers un Internet plus civilisé pour les adolescents. Le projet de « carte musique » destinée aux jeunes va également dans le sens d’une promotion d’Internet comme mode d’accès à la culture.

Toutefois, ces actions ne porteront leurs fruits que si nous proposons à nos enfants une véritable éducation positive aux médias.

Éduquer aux médias, c’est d’abord – vous avez été nombreux à le souligner, mesdames, messieurs les sénateurs – réinvestir les parents d’une mission essentielle, à savoir la protection de leurs enfants. C’est aussi créer une dynamique positive, dans laquelle le jeune devient acteur de ses propres consommation et protection.

Afin d’aider les familles dans cette tâche, en 2008 j’ai demandé aux fournisseurs d’accès de proposer gratuitement un logiciel de contrôle parental à tous leurs abonnés. Quelque 95 % des parents connaissent désormais l’existence de ces programmes, mais ils sont seulement 40 % à les utiliser. Ce dernier chiffre est nettement insuffisant – j’y insiste ! –, d’autant que nous évaluons régulièrement les dispositifs de contrôle parental et avons établi un classement de ces outils selon leur performance.

Bien qu’ils connaissent ce logiciel et l’aient à leur disposition, les parents ont tendance à ne pas le faire fonctionner ou à le désactiver à certains moments de la journée, mettant ainsi en péril leurs enfants. Il faut donc communiquer fortement sur la nécessaire activation de ces dispositifs.

J’ai chargé l’an dernier l’Agence française de normalisation, l’AFNOR, de créer une norme d’évaluation des performances des logiciels de contrôle parental offerts gratuitement par les FAI, les fournisseurs d’accès à internet. Issu d’un travail de concertation entre les acteurs industriels, les associations de protection de l’enfant et les pouvoirs publics, ce standard expérimental a été publié en janvier dernier. Il fera prochainement l’objet de tests, qui serviront de base à la réalisation d’une norme française dans le courant du second semestre 2010.

Aujourd’hui, je le répète, 72 % des parents admettent laisser leurs enfants surfer seuls sur Internet. En lien avec le ministère de l’éducation nationale, nous avons élaboré une plaquette pédagogique d’information, qui a été tirée à quatre millions et demi d’exemplaires et diffusée lors de la dernière rentrée dans toutes les classes de CM2, afin de donner aux parents « Huit conseils destinés à mieux protéger [leurs] enfants sur Internet ». Ce document propose des gestes simples pour permettre aux enfants de naviguer sur le Web en toute sécurité.

Afin de faire entrer ce sujet dans les conversations des familles, nous avons aussi diffusé le clip Où est Arthur ? sur l’ensemble des chaînes télévisées. Je rappelle que j’ai fait traduire ce spot de l’allemand, puisqu’il s’appelait à l’origine Wo ist Klaus ? Nous avons décidé, avec nos partenaires européens, de le diffuser dans l’ensemble des pays de l’Union – le Luxembourg l’a fait récemment –, parce que nous devons développer une communication cohérente, dynamique et percutante en direction de toutes les familles.

Cette large diffusion intervient en complément des dispositifs qui existent déjà, en matière d’éducation, dans les médias dits « traditionnels », notamment sur le service public de l’audiovisuel.

À cet égard, je tiens à saluer le travail mené par les médiateurs de France Télévisions, de même que certaines émissions emblématiques, telles que Toutes les télés du monde, qui fut lancée voilà cinq ans sur Arte.

Hors antenne, nous soutenons bien entendu les initiatives qui contribuent à former le regard des jeunes sur les médias. Je pense notamment au programme Télémaques, créé par l’association Savoir au Présent. Au cours de l’année scolaire 2009-2010, 9 000 jeunes issus de quatre-vingt-dix établissements y participent, dans trente départements répartis dans six régions.

Afin de coordonner l’ensemble des actions d’éducation aux médias, j’ai chargé Mme Agnès Vincent-Deray, ancien membre du Conseil supérieur de l’audiovisuel, qui est à l’origine de la signalétique destinée aux enfants à la télévision et qui a rédigé le rapport Famille, éducation aux médias, de mettre en place une fondation public-privé dédiée à l’éducation aux médias. Ce nouvel outil de pilotage servira de véritable tour de contrôle de l’éducation aux médias dans notre pays.

Je souhaite que cette fondation soit chargée, notamment, d’assurer une veille autour des actions d’éducation aux médias et d’organiser les actions d’information, de communication et de formation de personnel aux médias, notamment à destination des éducateurs.

Notre objectif est de lutter contre les dangers d’Internet tout en proposant une éducation positive aux médias. Il pourra être atteint grâce à cette mobilisation. Cette fondation, je le précise, sur laquelle un rapport m’a déjà été rendu, sera mise en place d’ici à la fin du premier semestre de l’année 2010.

Cette réflexion pourra s’appuyer sur des mécanismes qui existent déjà et qui font leurs preuves. Je pense en particulier, madame Morin-Desailly, au système de classification et de signalétique en vigueur pour la diffusion d’œuvres cinématographiques et audiovisuelles. Les dispositifs de protection de l’enfance mis en place pour la diffusion linéaire de ces œuvres et programmes doivent être étendus, notamment, à la télévision de rattrapage et à la vidéo à la demande. Sur ces deux thématiques essentielles, le CSA adoptera dans les prochaines semaines un projet de délibération, qui sera soumis ensuite aux acteurs du marché pour consultation.

Afin de faire face aux nouveaux dangers qui peuplent Internet, le Gouvernement doit poursuivre une politique active en matière de prévention, certes, mais aussi dans le domaine de la répression.

Mesdames, messieurs les sénateurs, je voudrais citer l’exemple de la division de lutte contre la cybercriminalité de la gendarmerie nationale de Rosny-sous-Bois ; j’ai pu observer son travail, qui n’a fait que me conforter dans l’idée qu’il était nécessaire de bloquer les sites pédopornographiques, comme le fait déjà la Norvège. Je rappelle que le projet de loi d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure, dit « LOPPSI  2 », prévoit, en son article 4, un tel blocage.

Enfin, un système de veille global a été mis en place, avec la création de la plate-forme de signalement du ministère de l’intérieur, qui, en 2009, a permis d’enregistrer environ 20 000 alertes mettant en cause des sites à caractère pédopornographique, hébergés à l’étranger et gérés par des trafiquants de l’internet.

Parallèlement, depuis un an, certains policiers et gendarmes sont autorisés à réaliser des « cyberpatrouilles » : grâce à l’utilisation de pseudonymes, qui leur permettent de se faire passer pour des mineurs, ils ont pu traiter une vingtaine de dossiers et déférer les coupables devant la justice. Le Gouvernement s’en félicite et prévoit d’ores et déjà la formation d’un plus grand nombre de policiers et de gendarmes qui viendront grossir les rangs de ces cyberpatrouilles, et ce dès 2010.

Ajoutons que nous disposons aussi d’une législation qui permet de sanctionner les auteurs de sites pédopornographiques sévissant sur Internet : le code pénal punit de peines de cinq ans d’emprisonnement le fait de diffuser, d’enregistrer ou de transmettre l’image d’un mineur lorsque celle-ci présente un caractère pornographique.

Mais un nombre croissant d’infractions sont commises depuis des pays étrangers, par le biais d’Internet, notamment pour ce qui concerne la pédopornographie. Nous avons l’obligation morale d’adapter la loi pour y faire face.

Le dispositif de protection contre les contenus illicites, institué par la loi du 21 juin 2004, ne peut s’appliquer qu’aux sites hébergés en France. Nos outils juridiques actuels ne sont pas adaptés à la protection contre les sites hébergés à l’étranger et la coopération internationale n’a pas encore permis d’aboutir à une solution globale.

C’est pourquoi le Gouvernement a souhaité mettre en place un dispositif pragmatique et réactif pour lutter contre les expositions non intentionnelles à des sites pédopornographiques. En effet, ces sites utilisent souvent des adresses que l’on peut facilement confondre avec celles de sites légaux.

J’observe que de nombreux pays ont déjà mis en œuvre ces dispositifs de blocage. J’observe également que le Président de la République a tenu ses engagements en ce domaine, le blocage des sites pédopornographiques faisant l’objet de l’article 4 de la LOPPSI.

La France a, en outre, pris l’initiative de la création d’une plate-forme de signalement européenne, qui sera opérationnelle en 2011. Cela permettra aux différents pays d’échanger plus aisément les listes de blocages des sites pédopornographiques.

Si Internet ne connaît pas de frontière, il en est de même pour les nouvelles formes de criminalité. J’appelle de mes vœux une coopération internationale, qui, seule, permettra d’en venir à bout. À cet égard, je suis favorable à la proposition de Mme Najat M’jid Maalla, auteur d’un excellent rapport de l’ONU, laquelle préconise une mobilisation onusienne sur ce sujet. En effet, Internet pose des problèmes de niveau mondial. Nous ne pouvons pas nous contenter d’une législation nationale, ni même d’une coopération européenne. Il nous faut aller beaucoup plus loin, pour encadrer la société virtuelle. Comme je l’ai dit à plusieurs reprises, je suis profondément convaincue qu’une police internationale devra être spécifiquement dédiée à Internet.

Monsieur Assouline, je vous rappelle que les collectivités territoriales ne sont pas les seules à contribuer à la réduction de la fracture numérique. Le Gouvernement a prévu de consacrer 2 milliards d’euros de l’emprunt national aux infrastructures, afin que l’ensemble du territoire puisse bénéficier du très haut débit.

Vous m’avez également interrogée sur un « CSA de l’internet ». Je l’ai rappelé tout à l’heure, la Toile est un réseau mondial. N’importe qui peut mettre en ligne du contenu. À la différence de l’audiovisuel, dans lequel le nombre d’émetteurs est limité et où chacun d’eux doit détenir une autorisation, il est impossible de réguler a priori. Seule est envisageable une régulation a posteriori. Celle-ci fait l’objet aussi bien de la loi pour la confiance dans l’économie numérique, qui détermine les responsabilités des hébergeurs et des éditeurs, que de la LOPPSI 2, laquelle permettra de bloquer les sites pédopornographiques.

Vous vous êtes aussi interrogé, monsieur Assouline, sur les intentions du Gouvernement en ce qui concerne la transposition du « paquet télécom » et une éventuelle modification de la loi pour la confiance dans l’économie numérique.

Le Gouvernement travaille à la transposition de cette directive, qui a été adoptée à la fin de 2009 et devra être transposée avant la fin de l’année 2011. Le texte, qui modifiera, en tant que de besoin, la loi pour la confiance dans l’économie numérique et la loi informatique et libertés, est en préparation dans les services.

Pourquoi le Gouvernement est-il opposé à la proposition de loi visant à mieux garantir le droit à la vie privée à l’heure du numérique ? Certes, nous souhaitons mieux protéger la vie privée sur Internet et nous soutenons à cet égard certaines des mesures proposées. Toutefois, d’autres dispositions prévues s’avèrent inopportunes. Je pense notamment à la transposition partielle du « paquet télécom », qui ne permettrait pas d’adapter l’ensemble de la directive de façon cohérente. Je pense également aux dispositions sur les fichiers de police, sans lien avec celles qui ont été adoptées à l’Assemblée nationale. Je pense encore à l’obligation de mettre en place un correspondant informatique et libertés, mesure dont l’impact n’a pas été mesuré et qui présente plus d’inconvénients que d’avantages.

Vous avez aussi évoqué la régulation de l’usage des webcams. Techniquement, une telle mesure est irréalisable. Il convient donc d’informer et de sensibiliser les parents à l’utilisation de ces nouvelles technologies.

Quant à la mise en œuvre d’une signalétique positive, je vous rappelle, monsieur le sénateur, que les jeux vidéo en bénéficient d’ores et déjà, grâce à un partenariat entre le Gouvernement et les associations de protection de l’enfance. Au demeurant, je suis favorable à votre idée. Pourquoi ne pas guider les parents dans le choix des programmes télévisuels de leurs enfants ? Certaines émissions sont extrêmement intéressantes ! Il nous faut mener une telle réflexion, notamment dans le cadre de la Fondation famille, éducation aux médias.

Enfin, sur les filtrages, qui font l’objet de l’article 4 de la LOPPSI, la Commission européenne, vous le savez, envisage de rendre obligatoire le blocage des sites pédopornographiques au niveau européen, et je m’en réjouis car nous ne pourrons réussir seuls dans ce domaine.

Comme la télévision au siècle dernier, Internet a bouleversé nos modes de vie et de représentation, et nous a fait entrer dans une nouvelle ère, qui n’est plus seulement celle de l’image.

À chaque tournant de notre histoire, à chaque découverte, qu’elle soit mirifique ou terrifiante, nous avons réagi par la sidération, avant d’inventer une nouvelle codification juridique et culturelle.

Il est temps aujourd’hui de sortir du silence et d’agir. Rendons-nous maîtres de notre propre création. C’est l’honneur de l’homme que de protéger ses enfants, qu’il s’agisse d’Internet, des consoles de jeux ou des téléphones portables.

Je vous remercie, mesdames, messieurs les sénateurs, de ce débat, qui n’est cependant pas clos. En effet, nous avons un important travail à mener : nous devrons continuer à faire face aux évolutions technologiques, à sensibiliser les parents, à adapter les moyens de sécurité et notre législation. Surtout, nous devons comprendre que ce sont essentiellement nos enfants qui sont menacés sur Internet. (Applaudissements sur les travées de lUMP. – M. Jean-Jacques Pignard applaudit également.)

Mme la présidente. Nous en avons terminé avec le débat sur la protection des jeunes sur les nouveaux médias.

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Élection de juges à la Cour de justice de la République

Mme la présidente. Voici le résultat du scrutin pour l’élection d’un juge titulaire et d’un juge suppléant à la Cour de justice de la République.

Ce scrutin a été supervisé par les deux secrétaires de séance, MM. Jean-Noël Guérini et François Fortassin.

Nombre de votants 202
Nombre de suffrages exprimés 184
Majorité absolue des suffrages exprimés 93

MM. Bernard Saugey et Jean-Patrick Courtois ont obtenu 184 voix.

MM. Bernard Saugey et Jean-Patrick Courtois ayant obtenu la majorité absolue des suffrages exprimés, ils sont respectivement proclamés juge titulaire et juge suppléant à la Cour de justice de la République. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de lUMP. – MM. Jean-Jacques Pignard et François Fortassin applaudissent également.)