M. le président. La parole est à Mme Raymonde Le Texier, sur l’article.

Mme Raymonde Le Texier. Madame la ministre, avec l’article 3, il s’agit concrètement d’autoriser l’ACOSS à emprunter 65 milliards d’euros afin de financer les déficits accumulés que le Gouvernement ne veut pas transférer à la CADES.

Une telle disposition contredit évidemment la loi organique du 22 juillet 1996 relative aux lois de financement de la sécurité sociale, aux termes de laquelle les plafonds des avances accordées à l’ACOSS doivent permettre de faire face aux écarts de trésorerie de la sécurité sociale et non de financer cette dette.

En fait, la manœuvre est une illustration de ce que l’on appelle la politique de l’autruche : en évitant de transférer le financement de la dette à la CADES, dont c’est pourtant l’objet, le Gouvernement s’exonère de l’obligation qui lui est faite de relever la CRDS afin que le transfert de dette ne pèse pas sur les générations futures.

Pourtant, cette fuite en avant ne résout rien. À moins que, par miracle, le Gouvernement ne trouve le secret de la pierre philosophale qui change le déficit en recette, il faudra bien se résoudre à financer cette nouvelle dette et, donc, prévoir de nouvelles ressources, sauf à estimer que nos enfants et nos petits-enfants ne sont destinés à travailler que pour rembourser les dettes que ce gouvernement accumule tandis qu’il réduit avec une belle constance leur protection sociale.

Plutôt que d’user de tels subterfuges, nous vous rappelons qu’il y a mieux à faire que de sacrifier des générations entières sur l’autel de la mauvaise gestion : revoir les allégements généraux, taxer selon le droit commun toutes les rémunérations complémentaires – retraites « chapeau », parachutes dorés, golden hello –, revoir la taxation des stock-options, mettre fin aux niches fiscales, sortir du bouclier fiscal la participation à la solidarité nationale.

Au lieu de vous attelez à ce travail de fond, vous choisissez de faire de la cavalerie comptable pour mieux dispenser les plus privilégiés de leur devoir de solidarité. Face à la crise qui nous frappe, une telle attitude est indécente.

Sans compter que le choix de faire supporter à l’ACOSS de tels déficits pourrait s’avérer fort coûteux selon l’évolution des taux d’intérêt. Surtout, si le Gouvernement use de telles ficelles face à un déficit de 22 milliards d’euros, comment fera-t-il dans les années à venir quand celui-ci atteindra, et même dépassera, comme c’est prévu, 30 milliards d’euros ?

Enfin, ultime paradoxe, un tel choix amène l’ACOSS à émettre des bons de trésorerie sur le marché financier international, puisque la Caisse des dépôts et consignations, son traditionnel banquier, ne peut lui avancer de telles sommes. C’est inviter les marchés financiers à tirer des profits substantiels en finançant des déficits qu’ils ont, grâce à la crise, en partie contribué à créer.

Telles sont les raisons pour lesquelles, madame la ministre, nous ne vous soutiendrons absolument pas dans cette démarche.

M. le président. L’amendement n° 254, présenté par M. Fischer, Mmes Pasquet et David, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Annie David.

Mme Annie David. Madame la ministre, mes chers collègues, avec cet amendement de suppression de l’article 3, nous entendons nous opposer à la ratification du décret autorisant le relèvement du plafond des avances accordées à l’ACOSS.

Vous l’aurez compris à l’écoute de mon intervention sur l’article précédent, nous considérons que le mécanisme prévu est financièrement instable et pourrait faire peser des risques importants sur l’ACOSS. En effet, il faudra bien trouver des acquéreurs pour les titres de créances émis par cette agence.

De deux choses l’une, soit il s’agira d’acteurs financiers, des spéculateurs, soit l’État se portera lui-même acquéreur, comme cela s’est déjà produit dans le passé. Encore faudrait-il que ce dernier en ait les moyens, mais rien n’est moins sûr. Remarquez bien qu’en lieu et place de cette solution il serait préférable, tout le monde en conviendra, que l’État s’acquitte – enfin ! – de la dette qu’il a à l’égard de la sécurité sociale et qu’il cesse de l’appauvrir, notamment en recourant, année après année, à des exonérations de cotisations sociales non compensées.

Il est vrai que, en la matière, le respect de la légalité n’est pas la priorité du Gouvernement. Cet article en apporte la preuve. À l’occasion d’une récente audition à l’Assemblée nationale, voici ce qu’a rappelé la présidente de la sixième chambre de la Cour des comptes : « Les ordonnances de 1996 reprennent le principe posé antérieurement selon lequel la sécurité sociale ne peut avoir d’autre déficit que des déficits ponctuels de trésorerie. » Elle a ajouté, pour que les choses soient bien claires : « Mais, depuis plusieurs années, et en dépit du principe rappelé précédemment, le Parlement a toujours voté des comptes en déséquilibre, et l’horizon du retour à l’équilibre a toujours reculé d’une loi de financement à l’autre. »

En réalité, au mépris des lois organiques, les plafonds d’avances ont été transformés en un moyen de financement du déficit et non plus des seuls écarts de trésorerie infra-annuels, jusqu’à ce qu’une nouvelle loi organise le transfert des déficits accumulés à la CADES, ce qui s’est déjà produit à quatre reprises.

Comme le soulignait encore la présidente de la sixième chambre, il résulte de cette situation « que l’ACOSS est contrainte de porter une dette considérable ».

Cette audition était riche en analyses, mais également en propositions. En vous demandant d’adopter cet amendement de suppression, je voudrais vous inviter à suivre les recommandations formulées par la représentante de la Cour des comptes, qui affirmait : « Si l’on a pour ambition de corriger ce déséquilibre, il faut agir sur les dépenses et sur les recettes. » On ne saurait mieux dire !

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Alain Vasselle, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Cet amendement du groupe CRC, le premier dont nous discutons, vise à supprimer l’article 3. J’ai cru comprendre, madame David, que c’était, en réalité, un amendement d’appel. Vous lancez au Gouvernement un appel au secours en lui demandant comment, avec de tels déficits, l’ACOSS pourrait faire face et assurer la trésorerie de l’ensemble des branches.

Mme Annie David. Quand l’État paiera-t-il sa dette ?

M. Alain Vasselle, rapporteur général de la commission des affaires sociales. La réponse à votre légitime question, vous la trouverez, madame David, dans la suite des articles du projet de loi. Le Gouvernement a, en effet, prévu d’agir, dans un premier temps, par décret. Il était inconcevable de laisser l’ACOSS en situation de cessation de paiement. Vous auriez saisi la première occasion de faire un rappel au règlement pour vous insurger au sujet de la trésorerie de l’ACOSS et déplorer que rien ne soit fait en vue de trouver des solutions destinées à honorer l’ensemble du financement des prestations.

C’est ce que le Gouvernement a fait en adoptant un comportement responsable et en relevant le plafond de l’ACOSS. Le supprimer aujourd'hui n’aurait aucun sens !

Je le répète pour vous tranquilliser complètement, le texte répond à votre question en portant le plafond à 65 milliards d'euros, ce qui est un montant considérable. Il en ira ainsi à moins que votre groupe n’adopte l’amendement présenté conjointement avec la commission des finances et qui sera rapporté par M. Jégou. Nous proposons d’augmenter la CRDS de 0,15 point et d’abaisser, du même coup, le plafond de 65 milliards à 45 milliards d'euros. Mais, en commission, j’ai cru comprendre que vous n’étiez même pas favorable à cette proposition. C’est une raison supplémentaire pour ne pas suivre votre proposition. L’avis de la commission est défavorable.

M. François Autain. Nous allons déposer un sous-amendement.

Mme Annie David. Nous voterons l’amendement si vous acceptez notre sous-amendement.

M. Yves Daudigny. L’avis du Gouvernement sera intéressant à entendre !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports. Je souscris totalement aux explications que M. le rapporteur général vient d’exposer avec son brio habituel. Je rappelle qu’il ne faut pas confondre les enjeux de 2009 avec ceux de 2010.

Nous aurons l’occasion, quand nous aborderons l’article 27, de revenir sur ce débat.

Le Gouvernement est défavorable à l’amendement n° 254.

M. le président. La parole est à M. François Autain, pour explication de vote.

M. François Autain. Nous ne sommes pas opposés par principe à une augmentation des ressources de la sécurité sociale puisque c’est le principal problème qui se trouve aujourd'hui posé.

J’ai remarqué que vous étiez, par principe, hostile à une augmentation qui soit de nature à combler les déficits auxquels nous sommes confrontés aujourd'hui.

Vous venez d’évoquer, monsieur le rapporteur général, un amendement dont l’objet est d’augmenter la CRDS. Nous n’y sommes pas opposés sous réserve que vous acceptiez nos propres propositions tendant elles aussi à des augmentations et visant à supprimer un certain nombre de niches fiscales auxquelles nous sommes très hostiles.

Dans la suite de la discussion, nous aurons à débattre d’un sous-amendement que nous avons déposé sur cet amendement. Si vous étiez favorable à notre proposition, nous voterions votre amendement, monsieur le rapporteur général. Je vous donne donc rendez-vous dans un moment.

M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.

Mme Annie David. M. François Autain m’a précédée : comme lui, je voulais rappeler à M. le rapporteur général que nous avons déposé un sous-amendement à son amendement. Si M. le rapporteur général est favorable à notre proposition, pourquoi ne voterions-nous pas l’amendement ainsi rectifié ? Nous aviserons le moment venu.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 254.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Yves Daudigny, pour explication de vote sur l'article 3.

M. Yves Daudigny. Cet article valide le plafond de  29 milliards d’euros fixé par décret du 29 juillet 2009. En effet, le dépassement du plafond précédent de  18,9 milliards d’euros est intervenu le mois dernier et devrait atteindre  26,3 milliards d’euros à la fin de novembre 2009. Compte tenu des incertitudes macroéconomiques, une marge de précaution de  2,8 milliards d'euros a été jugée nécessaire.

En  1998, les plafonds de trésorerie étaient de 4,7 milliards d’euros contre 4,4 milliards d’euros en 1999 et atteignaient déjà 15 milliards d’euros en 2003. Il nous est proposé aujourd’hui de valider, pour 2009, la somme de 29 milliards d’euros. Ces chiffres nous permettent de mieux évaluer le saut que vous nous proposerez pour 2010, soit un doublement par rapport à 2009 et un plafond multiplié par douze par rapport à 1998. Cette fuite en avant est irresponsable ! Nous aurons l’occasion d’en reparler.

À cet égard, force est constater que la sécurité sociale rencontre de plus en plus de difficultés à assurer le portage de sa dette. En témoignent les tensions intervenues entre l’ACOSS et la Caisse des dépôts et consignations, notamment pour le calcul des rémunérations liées aux avances faites au régime général. Là encore, le caractère structurel du problème semble négligé puisque cette dette est traitée comme si elle correspondait à des découverts infra-annuels, alors qu’elle résulte de déficits accumulés, pour des montants croissants.

J’aimerais rappeler à ce sujet l’explosion des frais financiers de la sécurité sociale.

Malgré des taux d’intérêt historiquement bas, les simples frais financiers de la sécurité sociale vont s’envoler l’an  prochain. Ils atteindront  748 millions d’euros, selon les prévisions transmises dans l’annexe C du PLFSS pour 2010, soit une multiplication par plus de cinq par rapport aux 138  millions d’euros déboursés cette année par l’ACOSS, l’organisme qui chapeaute les URSSAF et qui gère la trésorerie du régime général.

Cette explosion des frais financiers est logique. Le déficit du régime général va dépasser 23 milliards d’euros cette année et 30 milliards d’euros l’an prochain. Au total, les besoins de trésorerie de l’ACOSS dépasseront ce plafond de 65 milliards d’euros en 2010. Et aucune reprise de dette n’est prévue avant 2011 pour alléger ce fardeau ! À cette date, le déficit de trésorerie approchera les 100 milliards d’euros, compte tenu du déficit prévisionnel pour 2011.

La conséquence, c’est que, dès que les taux d’intérêt à court terme repartiront à la hausse, la sécurité sociale verra ses charges financières considérablement augmenter. Lors de son audition, Philippe Séguin avait eu l’occasion de nous dire que l’apurement des déficits sociaux ne pourra avoir lieu sans recettes nouvelles.

D’ailleurs, indépendamment de tout amortissement, il a été nécessaire en 2009 de consacrer plus de 4 milliards d'euros de prélèvements sociaux et fiscaux au paiement des intérêts de la dette du régime général et du régime agricole.

En 2008, la somme des charges nettes d’intérêts et de l’amortissement de la dette sociale avait dépassé 7 milliards d'euros. Ce montant a connu une forte progression au cours des derniers exercices : il a crû de 30,4 % en 2007 et de 7,5 % en 2008. En 2009, la diminution des coûts autorisée par la baisse des taux d’intérêt sera en partie compensée par un effet volume, lié au creusement prévisible des déficits du régime général et du FSV.

Aussi, la ratification du relèvement du plafond pour couvrir les besoins de trésorerie de l’ACOSS ne suffira pas à masquer la question de principe sous-jacente : au moyen de ressources de trésorerie, l’ACOSS porte, en réalité, un endettement qui traduit l’accumulation des résultats déficitaires.

Par sa désinvolture, cet article conduit ainsi à vider de son sens la règle posée par la loi organique de 2005, qui prévoyait que toute nouvelle reprise de dette par la CADES se devait d’être assortie des ressources affectées, permettant de ne pas reporter l’horizon de remboursement.

Vous comprendrez que nous votions contre l’article.

M. le président. Je mets aux voix l'article 3.

(L'article 3 est adopté.)

Article 3
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Article 5

Article 4

Au titre de l’année 2009, sont rectifiés, conformément aux tableaux qui suivent :

1° Les prévisions de recettes et le tableau d’équilibre, par branche, de l’ensemble des régimes obligatoires de base de sécurité sociale :

(En milliards d’euros)

Prévisions de recettes

Objectifs de dépenses

Solde

Maladie

162,3

173,9

-11,6

Vieillesse

178,4

187,9

-9,5

Famille

56,6

59,7

-3,1

Accidents du travail et maladies professionnelles

12,1

12,6

-0,5

Toutes branches (hors transferts entre branches)

403,8

428,5

-24,7

;

2° Les prévisions de recettes et le tableau d’équilibre, par branche, du régime général de sécurité sociale :

(En milliards d’euros)

Prévisions de recettes

Objectifs de dépenses

Solde

Maladie

139,3

150,8

-11,5

Vieillesse

90,7

98,9

-8,2

Famille

56,1

59,2

-3,1

Accidents du travail et maladies professionnelles

10,5

11,2

-0,6

Toutes branches (hors transferts entre branches)

291,2

314,6

-23,5

;

3° Les prévisions de recettes et le tableau d’équilibre des organismes concourant au financement des régimes obligatoires de base de sécurité sociale :

(En milliards d’euros)

Prévisions de recettes

Prévisions de dépenses

Solde

Fonds de solidarité vieillesse

12,9

16,0

-3,0

.

M. le président. La parole est à Mme Isabelle Pasquet, sur l'article.

Mme Isabelle Pasquet. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, l’article 4 vise à rectifier les estimations formulées à l’occasion du dernier PLFSS. Cette rectification était quasiment obligatoire et notre vote contre l’article 4 n’a pas pour objet de nier la réalité, puisque, que cela nous plaise ou pas, il faut le constater, les déficits ont été bien supérieurs à ce qui avait été prévu. Mais notre vote contre cet article est un appel en direction du Gouvernement et de la majorité pour les inciter à faire preuve de responsabilité.

Sans rouvrir les débats qui se sont déroulés en 2008 lors de l’examen du PLFSS pour 2009, je rappelle que nous vous avions déjà alertés sur le caractère très aléatoire – et c’est peu dire ! – des estimations sur lesquelles vous vous fondiez. À titre d’exemple, le Gouvernement prévoyait alors un taux de croissance du PIB de 1 %. En réalité, il en a été tout autrement, puisqu’il a présenté un solde négatif de 2,25 %. Autant vous dire que les estimations prévues pour 2010 d’un taux de croissance du PIB de 0,8 % pour atteindre en 2011 un taux de 2,5 % paraissent irréalistes à nos yeux !

Ce décrochage, vous l’attribuez naturellement à la crise. Certes, on ne peut pas nier que la crise a des conséquences sur l’emploi et, donc, sur les cotisations sociales, ce qui affecte, bien sûr, les ressources de la protection sociale.

Mais ce que nous vous reprochons, c’est de construire systématiquement les PLFSS à l’envers, c’est-à-dire en partant de la situation telle que vous la voudriez. Ce déni de réalité est coupable à deux niveaux au moins. Il témoigne, outre vos faiblesses en tant que gestionnaire, de votre refus d’asseoir un financement pérenne de la sécurité sociale. Nous reviendrons sur ce sujet à l’occasion de la discussion des autres articles, notamment l’article 9.

Pour toutes ces raisons, le groupe CRC-SPG votera contre l’article 4.

M. le président. La parole est à M. Bernard Cazeau, sur l'article.

M. Bernard Cazeau. L’année 2009 constitue une date funeste pour la protection sociale en France. Nos concitoyens, et principalement les salariés, ont de bonnes raisons d’être inquiets des réformes mises en œuvre depuis 2007. Celles-ci se traduiront pour eux au mieux par plus de prélèvements aujourd’hui et par une couverture sociale diminuée demain, au pire par une faillite progressive de la sécurité sociale et une dérive vers un système d’assurances individualisées.

La principale raison à ce dérapage se trouve dans votre malvoyance en matière de recettes. Vous aviez prévu une croissance de 1 %, la stabilisation de l’emploi et une croissance de la masse salariale de 3,5 %, puis de 2 %.

Or, à l’arrivée, il n’y a rien de tout cela. Le PIB a diminué de 2,75 %, la France compte plus de 500 000 chômeurs supplémentaires et la masse salariale a baissé de 1,25 %. Sans doute une mauvaise gestion économique explique-t-elle d’ailleurs une partie des dérives.

Cet éboulement des recettes résulte, toutefois, de la « naïveté » du ministre Éric Woerth, qui n’a pas voulu voir venir une forte diminution des cotisations et une augmentation constante du chômage. La crise, évoquée comme une fatalité, n’est toutefois pas la seule responsable, madame la ministre. La multiplication des exonérations de cotisations a sans doute joué un rôle plus déterminant dans la privation des produits nécessaire à la sauvegarde de notre protection sociale.

Ce sont nos concitoyens qui sont mis à contribution. La mise en place de « paniers fiscaux » en 2006 et en 2007 afin de compenser les coûts des politiques d’allégements ou d’exonérations de charges constitue les traits marquants de cette nouvelle tendance qu’est la fiscalisation de notre système d’assurance maladie.

Ainsi, le dégrèvement des plus-values réalisées par les entreprises sur les cessions de titres a coûté beaucoup plus cher qu’il n’était prévu. En septembre dernier, le président de la commission des finances de l’Assemblée nationale avait adressé un courrier à M. Woerth pour s’étonner de l’écart des chiffres entre les prévisions et les réalisations.

Cette niche fiscale avait été estimée à 4,3 milliards d'euros en 2008 et à 4,5 milliards d'euros en 2009. Elle a finalement coûté 12,5 milliards d’euros en 2008, soit un montant équivalent au « paquet fiscal » de 2007. Elle devrait encore représenter 8 milliards d’euros en 2009 ! Il est donc possible de trouver de nouveaux financements.

En parallèle, votre politique d’abstinence fiscale a pour corollaire une augmentation individuelle de la prise en charge des frais de santé.

Au nom de la responsabilité, il s’agit bien, au fond et quoi qu’on en dise, de mettre à contribution les malades et eux seuls. La solidarité voulue en 1945 se défait pour aller vers un modèle où les patients sont invités à être solidaires entre eux !

Dans dix ans, faute d’avoir réfléchi à temps à des solutions pérennes de financement de notre système de santé, on verra que l’assurance maladie remboursera péniblement 50 % des soins au lieu de 75 %. Bonheur alors à ceux qui pourront payer des assurances privées, malheur à ceux qui seront gravement malades ou auront de faibles revenus !

En novembre 2007, le Gouvernement et la présente majorité s’étaient trompés dans leurs prévisions, et nous l’avions constaté en 2008.

En novembre 2008, madame la ministre, vous vous êtes encore trompée. J’espère qu’il s’agissait là d’une erreur et non d’une manipulation !

Les chiffres sur lesquels nous allons voter aujourd’hui ne sont pas ceux sur lesquels nous avions voté en novembre 2008 pour l’année 2009. Comment, dans ces conditions, vous croire encore pour les exercices 2009 et 2010 ?

Vous l’aurez compris, madame la ministre, nous voterons contre l’article 4. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 4.

(L'article 4 est adopté.)

Article 4
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Articles additionnels après l'article 5

Article 5

I. – Au titre de l’année 2009, l’objectif d’amortissement rectifié de la dette sociale par la Caisse d’amortissement de la dette sociale est fixé à 5,1 milliards d’euros.

II. – Au titre de l’année 2009, les prévisions rectifiées des recettes affectées au Fonds de réserve pour les retraites sont fixées à 1,5 milliard d’euros.

M. le président. La parole est à M. François Autain, sur l'article.

M. François Autain. L’article 5 fixe l’objectif d’amortissement rectifié de la Caisse d’amortissement de la dette sociale, la CADES, et les prévisions de recettes rectifiées du Fonds de réserve pour les retraites, le FRR.

Concernant tout d’abord la CADES, nous voudrions savoir quelles sont les intentions du Gouvernement.

Il a refusé, pour cette année, de transférer la dette à la CADES, préférant un relèvement du plafond de l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale, l’ACOSS.

Nous avons par ailleurs pris connaissance des déclarations de M. Woerth dans la presse : « La dette sociale accumulée sur plusieurs années, a-t-il dit, nous la financerons à court terme par un octroi de trésorerie supplémentaire à l’ACOSS. » Mais, et c’est là que tout se complique, interrogé ensuite sur un possible transfert de cette dette à la Caisse d’amortissement de la dette sociale dès 2011, le ministre a répondu : « Le plus cohérent serait que nous transférions la dette à la CADES.»

On comprend mal pourquoi ce qui serait cohérent en 2011 ne l’est pas en 2010. C’est à croire que le Gouvernement a décidé de profiter pour cette année de la faiblesse, peut-être passagère, des taux.

Tout cela manque en tout cas de clarté et donne l’impression que le Gouvernement pilote un navire avec comme seul objectif d’éviter les icebergs qu’il croise sur son chemin.

Ensuite, pour le Fonds de réserve des retraites, nous ne pouvons nous satisfaire de la disposition prévue dans cet article, qui vise à entériner la diminution des recettes qui lui étaient affectées en 2009.

Pour mémoire, ces recettes devaient être de 1,7 milliard d’euros. Elles ne seront que de 1,5 milliard d’euros. La différence pourrait sembler minime si elle ne se cumulait pas, en réalité, avec les sous-dotations constatées les années précédentes.

Tout le monde s’accorde à dire aujourd'hui que le FRR, qui devait atteindre 150 milliards d’euros en 2020 ne les atteindra jamais. M. Woerth a d’ailleurs reconnu lui-même cette évidence en ces termes à l’Assemblée nationale : « Quant à son avenir, je ne peux pas aujourd’hui le prédire, mais l’on en discutera au moment du rendez-vous des retraites. » Il précisait même : « Nous n’atteindrons pas les 150 milliards d’euros, mais nous en sommes à 30 milliards d’euros aujourd’hui et nous en serons grosso modo à 31,5 milliards d’euros en valorisation l’année prochaine. »

Pour être franc, les réponses de M. Woerth sur la CADES comme sur le FRR ne sont pas satisfaisantes. Elles donnent l’impression que le Gouvernement n’a pas pris la mesure de la situation, et cela confirme l’impression globale de fuite en avant que nous donne le PLFSS.

Compte tenu de l’importance que devra jouer à l’horizon 2020 le FRR, en particulier si vous maintenez votre projet d’allongement des durées de cotisations, lequel se soldera immanquablement par une diminution des retraites perçues, nous voterons contre cet article 5.

M. le président. La parole est à M. Yves Daudigny, sur l'article.

M. Yves Daudigny. La CADES avait été créée en 1996 par Alain Juppé pour reprendre le déficit de la protection sociale.

À l’époque, il s’agissait de 44 milliards d’euros. Le remboursement était assuré par des versements de l’État et la création de la contribution au remboursement de la dette sociale sur l’ensemble des revenus au taux de 0,5 %.

Initialement, la CADES devait être fermée en 2009, donc cette année, mais M. Douste-Blazy, lorsqu’il était ministre de la santé, a prolongé sa durée d’existence jusqu’en 2021 !

Au 31 mars 2009, la CADES avait repris au total un montant de dette de 134,5 milliards d’euros et son endettement net s’élevait à 96,9 milliards d'euros.

Elle avait amorti 37,5 milliards d'euros de dette à la fin de 2008 grâce aux ressources fiscales qui lui sont affectées.

En 2009, la CADES devrait payer un montant d’intérêts de 4,3 milliards d'euros. L’objectif d’amortissement de la dette inscrit dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2009 était de 4 milliards d'euros. Il est finalement fixé à 5,1 milliards d'euros dans le présent projet de loi de financement de la sécurité sociale !

On ne peut rester inactif face un tel écart, car l’aggravation de la dette sociale attise bien des convoitises.

En effet, la CADES est l’un des principaux émetteurs européens non gouvernementaux d’obligations. Elle offre à des investisseurs principalement publics la possibilité de bénéficier de la qualité de la signature de l’État français, avec un rendement légèrement supérieur aux obligations souveraines.

Parmi les principaux souscripteurs, les plus actifs restent le Japon et le Moyen-Orient, ainsi que, à un moindre degré, la Chine. Cette dépendance aux pays étrangers pour le paiement de la dette sociale française n’est guère réjouissante !

À cet égard, la perspective d’un déficit 2009 supérieur à 20 milliards d'euros, ce qui est sans précédent dans l’histoire de la sécurité sociale, a conduit le Gouvernement à annoncer en juin dernier un prochain relèvement du plafond d’avances du régime général, plafond qui devrait être porté à près de 30 milliards d'euros.

Si le niveau des taux courts à la fin du premier semestre 2009 allège le coût de portage de la dette sociale, le relèvement des plafonds d’avances à court terme ne peut constituer une solution crédible pour faire face à des déficits de cette ampleur, d’origine à la fois structurelle et conjoncturelle. Ces déficits ne pourront être apurés sans nouvelles recettes.

En 2005, dans le cadre de la loi organique, nous avions fait voter un article prévoyant que tout nouveau transfert de la dette devait s’accompagner de rentrées supplémentaires. La CADES peut en principe assurer le remboursement de la dette qui lui a été confiée d’ici à 2021.

Dans ce contexte, la tentation ne pourrait-elle pas être de céder à l’indulgence en faisant sauter le verrou posé par la loi organique de 2005, à savoir l’extinction de la dette cantonnée dans la CADES à l’horizon 2021 et la compensation par des recettes supplémentaires de chaque déficit transféré ?

Une telle solution, qui semble de plus en plus vous tenter, serait moralement inacceptable, car la dette pèserait alors lourdement sur les générations futures.