M. le président. La parole est à M. Daniel Dubois.

M. Daniel Dubois. Ma question porte sur deux sujets qui ont déjà été abordés : la lisibilité et la solidarité. En effet, nous sommes tous d'accord pour souhaiter une réforme efficace ; nous verrons bien si ce vœu est exaucé !

S'agissant de la lisibilité, madame le ministre, pensez-vous que nous progresserons grâce à moins de collectivités, ou bien grâce à plus de clarté dans la répartition des compétences ? Si la réponse réside dans la première branche de l’alternative, il faut continuer à avancer sur la voie que nous suivons. Mais si c’est la seconde solution qui est la bonne, il faudrait que nous commencions vraiment à travailler en ce sens !

En effet, j’ai l’impression que, pour l’instant, la réflexion sur les blocs de compétences et la clause générale de compétence n’est pas assez approfondie.

Pour ma part, et je rejoins en ce sens Mme Voynet, je ne suis pas du tout assuré que nous gagnerons en lisibilité si nous confirmons la clause générale de compétence des régions et des départements.

M. Dominique Braye. Tout à fait !

M. Daniel Dubois. Autant celle-ci se justifie pour les communes, autant je m’interroge en ce qui concerne les régions et les départements. Je souhaite donc entendre votre avis sur ce sujet, madame le ministre.

Le deuxième point de ma question portera sur la mise en place d’une réelle solidarité. On évoque l’affirmation, demain, de très grandes métropoles, qui existent d'ailleurs déjà. Mais que fera-t-on du reste du territoire ? Et avec quel argent ?

Il faut donc une réelle péréquation, qui n’existe pas aujourd'hui, madame le ministre. Les territoires ruraux pauvres se débrouillent comme ils peuvent, avec le peu de moyens dont ils disposent, pour s’occuper de leurs personnes âgées et de leurs handicapés !

Par conséquent, quelle péréquation voulons-nous pour demain ? Comme l’a souligné M. Yves Daudigny, le département, c’est l’espace de la solidarité territoriale et sociale, dans les zones rurales.

M. le président. La parole est à Mme Jacqueline Gourault, rapporteur.

Mme Jacqueline Gourault, rapporteur. Tout d'abord, il a toujours été précisé, me semble-t-il, que la réforme se ferait dans le cadre constitutionnel existant, ce qui signifie, comme l’a rappelé tout à l'heure Yves Krattinger, que les trois niveaux de collectivités reconnus en France seront maintenus.

En ce qui concerne les compétences, nous avons déjà commencé à travailler sur cette question, mais nous présenterons nos conclusions dans le deuxième rapport. Nous nous sommes d'ailleurs fait assister sur ce point par un cabinet d’audit, même si toutes les contributions seront bien sûr les bienvenues.

Pour aller plus loin, j’estime – c’est un avis personnel, mais nous avons déjà un peu travaillé sur cette question – qu’il ne faut pas s’arc-bouter sur le principe de la clause générale de compétence.

En fait, si nous définissons des blocs de compétences un peu plus précis et contraignants, la compétence générale ne vaudra plus que pour « le reste », comme l’a souligné Michel Mercier, expression qui a d'ailleurs été reprise par plusieurs orateurs !

Nous voulons laisser aux collectivités locales la liberté d’innover et de se saisir de certaines compétences pour répondre aux besoins qui s’exprimeraient sur le terrain. Toutefois, une fois que des blocs de compétences auront été délimités et attribués, leurs interventions porteront finalement sur un champ assez limité. Il s'agit de permettre aux collectivités territoriales d’innover si le besoin s’en fait sentir, tout en respectant les compétences des autres entités.

Nous ne devons donc pas nous engager dans un débat idéologique sur la clause générale de compétence, me semble-t-il, car ce problème se réglera de lui-même, une fois que des blocs de compétences auront été identifiés pour les collectivités territoriales. En tout cas, c’est par ce biais qu’il faut entrer dans ce débat.

M. le président. La parole est à Mme le ministre.

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. Comme Mme le rapporteur, je considère qu’il convient avant tout de définir des blocs de compétences.

Cette tâche n’est pas forcément aisée, car nous devons aussi nous projeter dans l’avenir et imaginer, le cas échéant, les compétences qui devront être prises en charge par telle ou telle collectivité dans quinze ans ou vingt ans – à l’heure actuelle, il est quelque peu illusoire de prétendre légiférer pour une durée plus longue ! Si nous y parvenons, nous aurons déjà accompli un travail considérable.

Une fois ces blocs de compétences bien définis, il s’agira de recenser « le reste », les compétences de nature à répondre aux besoins quotidiens de nos concitoyens. Sans doute faudra-t-il attribuer la compétence générale aux communes pour qu’elles répondent à ces besoins. Telle est en tout cas mon opinion personnelle.

Par ailleurs, quelle péréquation allons-nous garantir ? Nous la définirons ensemble pour qu’elle réponde aux nécessités et soit vraiment applicable. Aujourd’hui, les systèmes de péréquation sont extrêmement compliqués. Outre la DSU, que j’évoquais tout à l’heure, il y a des péréquations pour tout : les communes rurales ; les communes de montagne ; les communes pauvres, etc. Nous avons tellement de péréquations qu’en fin de compte aucune d’entre elles n’est véritablement assurée. En cette matière, un beau chantier s’ouvre à nous.

M. le président. La parole est à M. Adrien Gouteyron.

M. Adrien Gouteyron. Je suis heureux que le sort des communes soit évoqué à la fin de ce passionnant débat.

La réalité communale est la plus tangible. C’est celle de notre vie, celle à laquelle nous sommes attachés. La réalité communale est la réalité du quotidien et de la vie réelle.

Madame le ministre, mes chers collègues de la mission, comment envisagez-vous l’avenir de nos communes ? J’observe que les propositions formulées s’insèrent dans le cadre constitutionnel, où la commune est l’une des collectivités territoriales de la République. Il n’est donc pas question, en théorie, d’y toucher.

Cependant, la proposition n° 9 du comité Balladur vise à « permettre aux intercommunalités de se transformer en communes nouvelles en redéployant, en leur faveur, les aides à l’intégration des communes ». Qu’est-ce donc que cela ?

Quant à la dixième préconisation de la mission sénatoriale, qui a fait un excellent travail, elle prévoit une « incitation à la fusion volontaire de communes ».

Mme Jacqueline Gourault et M. Yves Krattinger, rapporteurs. Oui, volontaire !

M. Adrien Gouteyron. Certes, dans les deux cas, les communes doivent être volontaires pour fusionner, mais quelles sont ces incitations ? Ne sont-elles pas un moyen de forcer la main des élus municipaux ?

Ces derniers jouent un rôle irremplaçable. Ces 500 000 élus veillent avec vigilance à l’aménagement de notre territoire, lequel passe, certes, par des projets et investissements, mais aussi par ce souci méticuleux, précis, de notre territoire et de son entretien.

Je vous pose donc la question, madame le ministre : qu’attend-on des communes et que veut-on en faire ?

M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, vice-président de la mission temporaire.

M. Pierre-Yves Collombat, vice-président de la mission temporaire. Cher collègue, en ce moment d’apaisement, je ne parlerai pas du rapport Balladur. Je peux en revanche évoquer la façon dont nous avons abordé le problème des communes dans notre mission temporaire. Il n’est nullement question de mettre en cause le rôle tout à fait fondamental de ces dernières. Nous voudrions au contraire les amener à déployer toutes leurs potentialités en développant l’intercommunalité et en affirmant le rôle de partenaire que devrait jouer le département.

Nous avons évoqué les fusions dans nos propositions car des communes souhaitent fusionner. Or le système actuel est d’une extrême complexité ; le problème est en quelque sorte le même que celui que nous évoquions précédemment s’agissant d’une éventuelle fusion entre départements et région en Alsace. Plutôt que de compliquer la vie des communes désireuses de fusionner ou de s’acheminer vers de nouvelles structures, facilitons-la ! En revanche, il n’est absolument pas question d’inciter de façon plus ou moins sournoise à la suppression des communes.

Comptez sur nous pour être vigilants sur ce point.

M. le président. La parole est à Mme le ministre.

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. Je ne connais aucun maire attaché à sa commune qui puisse imaginer sa suppression.

Au-delà de son inscription dans la Constitution, la commune est vraiment synonyme de proximité, notamment de proximité de la République. C’est par la commune que nous avons un premier contact avec la République et l’État, au travers de l’élection ou dans les actes de la vie quotidienne. C’est grâce à la commune que l’on se socialise, si je puis dire.

La commune est aussi le lieu de la proximité par rapport aux besoins quotidiens. Finalement, on demande à son maire, à ses élus municipaux de régler ses problèmes au quotidien. Cela leur donne une responsabilité et, partant, leur confère un sens des responsabilités. Je crois vraiment qu’un maire ou un élu municipal aborde les problèmes dans le souci d’y apporter une réponse concrète, de manière à permettre à ses concitoyens de mieux vivre.

Bien entendu, nous sommes lucides. Certains aménagements, certaines prestations ne peuvent être fournis par une petite commune seule. Telle est d’ailleurs la raison d’être de l’intercommunalité. C’est en plaidant cet aspect des choses devant certaines communes que j’entends achever la carte de l’intercommunalité.

Mais aussi, il est possible d’aller plus loin et, dans certains cas, de fusionner.

Voyageant beaucoup en France, je constate que des centaines de communes ont fusionné dans certaines régions. Cela m’étonne toujours et suscite même en quelque sorte mon admiration.

En tout cas, dès lors que les élus estiment qu’il y va de l’intérêt général et que les populations adhèrent à l’idée d’une fusion, il faut leur faciliter la tâche.

Dans d’autres régions, les choses sont plus difficiles. Comment obtenir la fusion de communes qui, comme dans ma propre région, ont chacune une équipe de rugby ? Je préfère dans ce cas que les communes soient incitées à recourir à l’intercommunalité plutôt qu’à fusionner contre leur volonté. Pour ma part, je ne conduirai jamais une réforme aboutissant à ce que des collectivités territoriales soient amenées à fusionner contre leur gré.

M. le président. La parole est à M. Claude Jeannerot.

M. Claude Jeannerot. L’un de mes collègues a abordé la préoccupation dont je voulais entretenir la Haute Assemblée. En outre, nos deux rapporteurs ont totalement apaisé mes inquiétudes, ce dont je les remercie. Je renonce donc à la parole.

M. le président. La parole est à M. Jean-François Voguet.

M. Jean-François Voguet. Je me réjouis que des propositions émergent en matière de réforme des collectivités territoriales. Il me semble cependant impossible d’aborder la question sans soulever celle du rôle de l’État, notamment en tant que gardien du respect des principes d’unité de la République et d’égalité devant elle.

Or, de désengagement de l’État en désengagement de l’État, des inégalités se sont développées en certains domaines. Je pense notamment à l’école primaire. Si l’éducation nationale paie les enseignants, le fonctionnement de l’école primaire et ses moyens pédagogiques sont, en revanche, à la charge des communes. Or, sur cette importante question, les disparités vont de un à dix.

Je ne pose donc pas tant la question d’une péréquation ou des possibilités de rattrapage que celle d’un réengagement de l’État dans certains secteurs dont celui, essentiel, de l’école.

Quelle est votre opinion sur la question, madame le ministre ?

M. le président. La parole est à Mme le ministre.

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. Les collectivités territoriales jouent effectivement un grand rôle dans notre pays, si bien qu’à travers elles nous pouvons aborder absolument tous les problèmes de la société. Nous pourrions aborder non seulement ceux de l’éducation mais aussi ceux de la santé, des transports, etc.

Cependant, c’est de l’organisation des collectivités territoriales et de leur articulation entre elles qu’il est question ce soir. N’essayez donc pas de noyer ce débat dans un autre beaucoup plus vaste (M. Jean-François Voguet proteste), qui pose des problèmes importants, certes, mais dont je parlerai très volontiers avec vous à un autre moment.

M. Jean-François Voguet. J’y compte bien !

M. le président. La parole est à M. Dominique Braye.

M. Dominique Braye. Monsieur le président, je n’avais pas saisi l’originalité de ce débat qui veut que ceux qui s’expriment et posent des questions à la tribune n’ont aucune chance d’avoir une réponse s’ils ne reprennent pas la parole.

M. le président. Mais si, mais si !

M. Dominique Braye. Non, monsieur le président, et peut-être y aura-t-il là quelque chose à modifier pour les débats ultérieurs.

Je voudrais simplement revenir sur ce qu’a dit notre collègue Adrien Gouteyron et sur la réponse que lui a donnée Mme la ministre, avant de reposer mes questions.

Je suis désolé de vous le dire mais, dans l’immense majorité des cas, comme toutes les enquêtes le prouvent, la commune n’est pas le cadre de la réalité quotidienne. Les habitants de plus de 32 000 de nos 36 000 communes ne font pas leurs courses dans la commune, trop petite, où ils résident, n’y trouvent pas de collège ou de lycée. Ils passent donc l’essentiel de leur vie à l’extérieur de la commune où ils trouvent la plupart des services nécessaires à leur vie quotidienne. N’en déduisez pas, madame la ministre, que je ne suis pas profondément attaché à la commune ! Je tenais simplement à préciser que la réalité quotidienne se déroule dans le bassin de vie quotidien, qui est théoriquement le périmètre pertinent de l’agglomération. Plus de 90 % des problèmes de la vie quotidienne des Français y trouvent leur solution, des transports à l’environnement. J’en profite pour rappeler qu’il faudra d’ailleurs régler la question des nouvelles compétences données par le Grenelle aux agglomérations…

D’après un sondage effectué en octobre 1997 par l’Assemblée des communautés de France, l’AdCF, 89  % des Français considèrent que l’intercommunalité est une excellente chose pour leur commune. Je ne voudrais pas que la Haute Assemblée, mes chers collègues, ni le Gouvernement, madame la ministre, soient en retrait par rapport à la demande des Français. Le premier d’entre eux disait d’ailleurs à Rambouillet, vendredi dernier, que les Français sont bien plus disposés au changement et aux réformes que leurs élites.

M. le président. La citation n’est pas de moi !

M. Dominique Braye. Non, c’est le Président de la République qui a dit cela, et je suis intimement convaincu de la pertinence de ce propos. Comme Dominique Voynet, je suis persuadé que les élus sont l’un des freins majeurs aux évolutions souhaitables pour notre pays.

Je voudrais donc vous demander, madame la ministre, comment vous envisagez de terminer cette carte de l’intercommunalité que tout le monde estime indispensable. On manie la carotte depuis longtemps, mais le système reste malgré tout totalement grippé par 7 % des communes qui ne veulent rien entendre.

En outre, comment envisagez-vous de rationaliser le périmètre de l’intercommunalité ? Sans périmètre pertinent, la gestion ne peut être optimale.

Ainsi, dans mon intercommunalité, il peut arriver que des administrés voient un bus de transport urbain leur passer sous le nez, parce que la commune ne fait pas partie de l’intercommunalité concernée, et être obligés d’attendre un autre bus aux trois quarts vides qui s’arrêtera dix minutes plus tard à l’arrêt en question. Autre exemple : dans certaines rues, les ordures ménagères sont collectées d’un côté mais non de l’autre. Quand mettra-t-on fin à ces incongruités, qui coûtent cher au pays ?

M. le président. La parole est à Mme le ministre.

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. Je ne doute pas, monsieur Braye, que 89 % des Français se prononcent en faveur de l’intercommunalité s’ils résident dans une commune qui n’a pas les moyens, seule, de construire une piscine ; je ne doute pas que 89 % d’entre eux l’appellent de leurs vœux si, grâce à elle, leur commune peut se doter d’une médiathèque ; je ne doute pas, enfin, que 89 % de nos compatriotes en souhaitent l’instauration si, par ce biais, une salle de spectacle peut être aménagée près de chez eux. Sur ce point, je suis entièrement d’accord avec vous.

Par ailleurs, je ne doute pas qu’il soit très gênant pour vous, comme, sans doute, pour un certain nombre d’autres élus, que la carte de l’intercommunalité ne soit pas terminée. Mais ce n’est pas une raison pour dire que la commune ne sert à rien.

M. Dominique Braye. Je n’ai jamais dit cela !

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. Faire preuve de modernité ne consiste pas forcément à nier l’attachement des Français à leur commune.

J’estime – je l’ai déjà indiqué tout à l’heure – que l’intercommunalité marque un progrès : il faut donc l’encourager. Mais je sais d’expérience – non pas chez moi puisque je l’ai mise en place – que celui qui n’est pas convaincu de ses bienfaits et n’y entre pas volontairement essaiera de faire éclater le système car il ne s’y sentira pas à l’aise.

Il faut donc trouver le moyen de convaincre. La plupart des élus que j’ai rencontrés sont raisonnables. Nous nous connaissons tous et nous savons bien que les difficultés qui peuvent se poser sont la plupart du temps liées à des antagonismes entre personnes.

J’ai demandé aux préfets de faire le maximum pour convaincre les récalcitrants en fixant une date limite : c’est là un bon moyen de les persuader, mais aussi de mettre en lumière l’irrationalité du dessin de certains périmètres, qui ne correspond pas à grand-chose. Peut-être devrons-nous fixer dans la loi cette date limite, si tant est qu’il faille vraiment une loi.

Au reste, cette date constitue un point de divergence entre le Gouvernement et la mission. La fixer à 2011 ne nous laisse que dix-huit mois, ce qui me semble trop court ; vous estimez, mesdames, messieurs les sénateurs, qu’un délai de cinq ans, si la date de 2014 était retenue, serait trop long. Il est probable qu’après réflexion nous trouverons une date qui convienne aux uns et aux autres et qui traduira notre engagement très ferme de rationaliser tout cela, et ce avec le souci – souci que nous partageons tous, bien entendu – d’améliorer la vie quotidienne de nos concitoyens.

M. le président. La parole est à M. Krattinger, rapporteur.

M. Yves Krattinger, rapporteur. Monsieur Braye, 100 % des membres de la mission entendent bien parachever la mise en place de l’intercommunalité, la rendre cohérente et pertinente. Nous n’avons pas de complexes à avoir : nous pouvons le dire à Mme la ministre.

Si nous travaillons tous ensemble, nous y parviendrons, d’autant que, dans les territoires, elle ne donne plus lieu à débat.

Il est même urgent de parvenir à cet objectif. En fait, les plaintes viennent non pas de ceux qui ne sont pas encore entrés dans l’intercommunalité mais de ceux qui y sont déjà et qui reprochent aux autres de trop tarder car ils aimeraient bien les faire contribuer. Tels sont les arguments que j’entends sur le terrain.

Mme Jacqueline Gourault, rapporteur. Tout à fait !

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Chevènement.

M. Jean-Pierre Chevènement. Madame le ministre, ma question aura un objet très limité : la compétence économique des collectivités locales, en particulier des départements.

Les compétences des régions ne sont pas en cause mais l’on peut constater par expérience que ces dernières sont souvent mal armées pour répondre aux défis du développement économique endogène, à savoir aux demandes des chefs d’entreprise qui veulent étendre leur activité sur des zones économiques plus vastes et aux besoins des entreprises existantes. Je ne parle pas du développement exogène.

La compétence générale des départements, elle, est menacée. Or, à mon avis, elle ne mérite pas tant d’opprobre. Les financements croisés pourraient, certes, être supprimés comme certains le souhaitent, mais ce serait possible dans un monde idéal où les collectivités crouleraient sous les ressources. Ce n’est pas le cas !

Ma question est simple : pouvez-vous, madame la ministre, nous garantir le maintien de la compétence économique des départements ?

M. le président. La parole est à Mme le ministre.

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. Monsieur le sénateur, les blocs de compétences sont, selon moi, comme je vous l’ai dit tout à l’heure, la clé de la clarification. Toutefois, ce n’est pas aujourd’hui que nous pourrons les définir, pas plus qu’ils ne le sont dans le rapport Balladur.

Nous devons mener ce travail dans l’esprit que j’indiquais tout à l’heure, c’est-à-dire que nous ne devons pas considérer ce que nous estimerions comme idéal dans la situation d’aujourd’hui, mais envisager ce qu’il en sera dans dix ans ou quinze ans, et ce particulièrement dans le domaine économique. En la matière, nous ne pouvons nous contenter de prendre des mesures à courte vue ; le monde actuel nous oblige à nous projeter dans l’avenir.

À partir du moment où nous travaillons par blocs de compétences, nous allons pouvoir, comme le disait Mme le rapporteur tout à l’heure, déterminer ce qui revient très précisément à chacun, afin d’éviter tout recoupement de compétences, et ce dans un souci de clarté et d’efficacité. Tel est le travail que nous allons accomplir d’ici à cet été.

M. le président. Monsieur le président de la mission, messieurs les vice-présidents, madame, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, et vous tout particulièrement, madame le ministre, je tiens à vous remercier d’avoir participé à cet exercice nouveau qui permet une véritable interactivité et d’avoir respecté les temps de parole qui étaient impartis à chacun. De la sorte, un grand nombre d’entre nous ont pu s’exprimer. Il conviendra d’affiner encore l’organisation de ce type de débat qui constitue une bonne base de départ pour la suite de nos travaux. (Mme le rapporteur de la mission fait un signe d’assentiment.)

La parole est à M. le président de la mission temporaire.

M. Claude Belot, président de la mission temporaire. Cela fait six heures et dix minutes que nous débattons d’un sujet passionnant. Nous n’avons pas vu le temps passer, ce qui prouve bien qu’il y avait matière à discussion et que de nombreux points ont été abordés.

Je retrouve bien là l’esprit du Sénat auquel nous sommes tous très attachés : nous avons débattu tranquillement d’un sujet que nous connaissons bien. Nous avons tous en effet une longue pratique des collectivités locales, ce qui nous a permis d’enrichir le débat en apportant des précisions utiles, en faisant part de notre expérience, car nous voulons tous la réussite de nos territoires.

La mission, quant à elle, après cinq mois de travail, a franchi une première étape avec cet exercice interactif, un peu original dans cette maison. Ceux qui le souhaitaient ont pu y participer et Mme la ministre, que je remercie de sa coopération, a pu préciser au fur et à mesure la position du Gouvernement.

Ce que je tiens à vous dire, madame la ministre, à la fin de ce débat, me faisant ainsi l’interprète de tous les membres de la mission à quelque tendance qu’ils appartiennent, c’est que l’État sera obligé de préciser sa doctrine quant à ses relations avec les collectivités territoriales. On ne peut pas leur demander, à elles seules, de bouger.

M. Dominique Braye. Très bien !

M. Claude Belot, président de la mission temporaire. L’État ne devra pas en outre demander de contributions excessives à des collectivités qui ne pourraient pas les acquitter sous peine d’hypothéquer gravement leur avenir.

Nous chercherons, pour notre part, à être très constructifs. Ainsi, nous dispenserons l’État de maintenir des fonctionnaires qui feraient doublon avec ceux des collectivités territoriales. Cela ne ravira peut-être pas tel ou tel chef de service parisien, qui ne pourra plus appuyer sur un bouton et entrer en communication avec son interlocuteur de terrain habituel. Mais il est des domaines dans lesquels cette réforme sera possible.

Nous sommes à un moment de notre histoire où les collectivités locales sont matures et prêtes à se réformer. C’est ce qui ressort de tout cet échange. Nous devons fixer une règle du jeu qui soit agréable à vivre tout en maintenant un État régalien doté de pouvoirs bien établis, dignes de la nation française.

Nous parviendrons, j’en suis convaincu – je m’exprime ici fort de l’assentiment de tous les membres de la mission – à écrire le texte d’une véritable réforme, qui recueillera un large soutien dans cette maison. Le Sénat aura ainsi pleinement joué son rôle ; nous y tenons tous. (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE et quelques travées du groupe socialiste.)

M. le président. Je constate que le débat est clos.