compte rendu intégral

Présidence de M. Bernard Frimat

vice-président

Secrétaires :

M. Philippe Nachbar,

Mme Anne-Marie Payet.

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures trente.)

1

Procès-verbal

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

2

Articles additionnels après l'article 15 (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi pour le développement économique des outre-mer
Articles additionnels après l'article 15

Développement économique de l'outre-mer

Suite de la discussion d'un projet de loi déclaré d'urgence (texte de la commission)

M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi pour le développement économique de l’outre-mer, déclaré d’urgence (projet n° 496, 2007-2008, texte de la commission n° 233, rapports nos 232, 240, 243, et 244).

Dans la discussion des articles, nous poursuivons l’examen des amendements tendant à insérer un article additionnel après l’article 15.

Discussion générale
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Division et articles additionnels avant l'article 16

Articles additionnels après l’article 15 (suite)

M. le président. L'amendement n° 292 rectifié, présenté par Mme Payet et les membres du groupe Union centriste, est ainsi libellé :

Après l'article 15, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. - L'article 295 du code général des impôts est complété par un paragraphe ainsi rédigé :

« ... - Dans les départements de la Guadeloupe, de la Martinique et de la Réunion, sont exonérées de taxes sur la valeur ajoutée pendant une durée de 2 ans à compter de la promulgation de la loi n°  du       pour le développement économique de l'outre-mer les prestations relatives à la fourniture de logement et du prix de pension ou de demi-pension dans les établissements d'hébergement. Ce taux s'applique aux locations meublées dans les mêmes conditions que pour les établissements d'hébergement. »

II. - La perte de recettes pour l'État résultant de l'exonération temporaire de taxe sur la valeur ajoutée sur les prestations d'hébergement dans les départements d'outre-mer est compensée à due concurrence par la création de taxes additionnelles aux tarifs prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

La parole est à Mme Anne-Marie Payet.

Mme Anne-Marie Payet. Cet amendement a pour objet de prévoir une exonération temporaire de TVA de deux ans pour les prestations hôtelières et les locations d’hébergement dans les départements d'outre-mer où cet impôt s’applique.

En effet, contrairement à la métropole, les départements d'outre-mer sont en prise directe avec la concurrence des pays moyennement avancés, où les prix très nettement inférieurs – le rapport est de un à dix entre l’île de la Réunion et l’île Maurice, et même de un à cinquante avec Madagascar – et les normes inexistantes faussent totalement la concurrence.

Cette mesure – temporaire, je le répète – a pour objet de restaurer la compétitivité du secteur hôtelier et des locations meublées, dans une conjoncture extrêmement dégradée et face à une concurrence régionale débridée.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Marc Massion, rapporteur de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Cette exonération ne paraît pas justifiée, le dispositif de TVA étant particulièrement favorable dans les départements d’outre-mer. En outre, elle serait très coûteuse pour les finances publiques.

La commission souhaite le retrait de cet amendement ; à défaut, elle émettrait un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Yves Jégo, secrétaire d'État chargé de l'outre-mer. Le Gouvernement est sensible aux difficultés du secteur du tourisme. Nous travaillons, avec Hervé Novelli, à un plan de relance de l’activité touristique comportant toute une série de mesures rapidement applicables, qui sera annoncé dans les semaines qui viennent.

Le message de Mme Payet en faveur du tourisme ayant été entendu, le Gouvernement, comme la commission, sollicite le retrait de l’amendement.

M. le président. Madame Payet, l'amendement n° 292 rectifié est-il maintenu ?

Mme Anne-Marie Payet. Non, je le retire, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° 292 rectifié est retiré.

Articles additionnels après l'article 15
Dossier législatif : projet de loi pour le développement économique des outre-mer
Article 16

Division et articles additionnels avant l'article 16

M. le président. L'amendement n° 63, présenté par Mme Beaufils, MM. Foucaud et Vera, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Avant l'article 16, insérer une division additionnelle et son intitulé ainsi rédigés :

Titre...

Dispositions relatives aux collectivités locales

La parole est à Mme Odette Terrade.

Mme Odette Terrade. Le projet de loi qui nous est soumis comporte peu de mesures intéressant directement les collectivités locales, qui sont pourtant des acteurs de premier plan en matière de développement, si ce n’est au début du texte pour remettre en cause une partie de leurs ressources fiscales.

L’inquiétude croît, notamment à la suite de l’annonce de la suppression prochaine de la taxe professionnelle. Les taxes foncières, d’un montant de 648 millions d’euros l’an passé, constituent actuellement la principale recette fiscale des collectivités locales ultramarines, nonobstant la situation spécifique de l’octroi de mer.

Comme en France métropolitaine, on assiste outre-mer à des transferts de compétences sans que les recettes nouvelles soient mises à la disposition des collectivités pour y faire face, et à des phénomènes identiques de contraction des dotations budgétaires.

Ainsi, la mise en place anticipée du revenu de solidarité active en Guadeloupe, à la suite de l’accord dit « Jacques Bino », est sans doute le signal de la généralisation de ce dispositif. Le coût sera, à n’en pas douter, lourd à supporter pour les départements ultramarins, particulièrement au moment où la conjoncture économique internationale et ses traductions régionales commencent à peser sur la situation de l’emploi outre-mer.

Les collectivités locales d’outre-mer exercent, de par la loi organique, des missions plus importantes que les collectivités locales de métropole. Pour autant, elles ne disposent que de ressources d’un montant réduit en termes de potentiel fiscal par habitant, ce qui démultiplie toute incidence négative sur l’enveloppe des concours budgétaires de l’État aux collectivités locales.

Par ailleurs, la matière fiscale n’est pas connue avec suffisamment de certitudes, faute d’évaluation des biens imposables à leur juste valeur.

Pour toutes ces raisons, il nous semble essentiel que des mesures fortes, comme celles que nous proposons d’introduire avant l’article 16, soient prises en faveur des collectivités locales. La résorption de l’emploi précaire au sein des collectivités, d’une part, et l’urgence d’investissements significatifs dans les domaines de la voirie, de l’assainissement, du traitement des déchets ou du logement, d’autre part, peuvent nécessiter cet effort.

Les collectivités locales supportant 85 % des investissements publics dans les départements d’outre-mer, l’adoption de cet amendement nous paraît justifiée.

M. le président. Pour une meilleure compréhension des débats, je vais appeler maintenant les amendements nos 62 et 64.

L'amendement n° 62, présenté par Mme Beaufils, MM. Foucaud et Vera, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Avant l'article 16, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. - Le II de l'article L. 1615-6 du code général des collectivités territoriales est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Les dispositions des deux alinéas précédents ne sont pas applicables aux collectivités d'outre-mer. »

II. - Les pertes éventuelles de recettes pour l'État résultant du I ci-dessus sont compensées à due concurrence par un relèvement des droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

La parole est à Mme Odette Terrade.

Mme Odette Terrade. Cet amendement porte sur l’attribution des aides du fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée.

Dans la première loi de finances rectificative pour 2009, les conditions d’attribution de ces aides à l’investissement des collectivités locales ont été modifiées.

L’article 1er de ce premier collectif budgétaire disposait notamment : « Pour les bénéficiaires du fonds qui s’engagent, avant le 15 avril 2009 et, après autorisation de leur assemblée délibérante, par convention avec le représentant de l’État dans le département, sur une progression de leurs dépenses réelles d’équipement en 2009 par rapport à la moyenne de leurs dépenses réelles d’équipement de 2004, 2005, 2006 et 2007, les dépenses à prendre en considération sont, à compter de 2009, celles afférentes à l’exercice précédent. En 2009, pour ces bénéficiaires, les dépenses réelles d’investissement éligibles de 2007 s’ajoutent à celles afférentes à l’exercice 2008 pour le calcul des attributions du Fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée.

« Si les dépenses réelles d’équipement constatées au titre de l’exercice 2009, établies par l’ordonnateur de la collectivité bénéficiaire avant le 15 février 2010 et visées par le comptable local, sont inférieures à la moyenne de celles inscrites dans les comptes administratifs 2004, 2005, 2006 et 2007, cette collectivité est à nouveau soumise, dès 2010, aux dispositions du premier alinéa du présent II ; elle ne perçoit alors aucune attribution au titre du Fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée en 2010 au titre des dépenses réelles d’investissement de 2008 ayant déjà donné lieu à attribution. »

En clair, les collectivités locales se trouvent contraintes de procéder à la passation d’une convention comportant des engagements précis en montant de travaux entrepris avec l’État pour bénéficier d’un remboursement anticipé de la taxe sur la valeur ajoutée.

Nous proposons que ces conditions ne soient pas mises en œuvre pour les collectivités d’outre-mer. Deux raisons plaident, d’après nous, en ce sens : les besoins en équipements collectifs portent, en outre-mer, sur une quotité particulièrement importante ; les attentes et les nécessités, en termes de voirie, d’équipement scolaire, d’infrastructures de transport, d’assainissement collectif, de valorisation des déchets, par exemple, sont d’un tout autre ordre qu’en métropole.

Que l’on songe simplement que la Guyane, le plus étendu des départements français, occupe une superficie de plus de 80 000 kilomètres carrés, répartis entre dix-neuf communes, dont la plus vaste couvre une superficie de 18 360 kilomètres carrés ! Et on pourrait tout aussi bien évoquer la situation de communes réunionnaises comme La Possession, Saint-Paul ou encore Saint-Pierre.

Il suffit de garder à l’esprit ces réalités pour prendre pleinement conscience de la justesse de la mesure que nous préconisons. Nous vous invitons à adopter cet amendement, afin de répondre à la situation des collectivités locales ultramarines d’une façon positive et adaptée.

M. le président. L'amendement n° 64, présenté par Mme Beaufils, MM. Foucaud et Vera, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Avant l'article 16, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. - L'article L. 3443-1 du code général des collectivités territoriales est ainsi rédigé :

« Art. L. 3443-1 - La quote-part de péréquation des départements mentionnés à l'article L. 3334-4 perçue par les départements d'outre-mer est déterminée par application au montant total de la dotation de péréquation du triple du rapport, majoré de 20 % entre la population des départements d'outre-mer, telle qu'elle résulte du dernier recensement général, et la population nationale totale, sous réserve des dispositions du cinquième alinéa de l'article L. 3334-4. »

II. - La dotation prévue à l'article L. 3334-4 du code général des collectivités territoriales est relevée à due concurrence des conséquences du I ci-dessus.

III. - Pour compenser les pertes de recettes résultant pour l'État des I et II ci-dessus, il est procédé au relèvement des droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

La parole est à Mme Odette Terrade.

Mme Odette Terrade. Cet amendement vise à accroître de manière significative la dotation globale de fonctionnement perçue par les départements d’outre-mer.

Il s’agit concrètement de placer ces départements en mesure de répondre aux impératifs de développement du territoire et aux missions de grande importance qui leur sont confiées.

Le simple fait de rappeler que les départements d'outre-mer ont en charge le développement des infrastructures scolaires du second degré et qu’ils seront sans doute appelés à intervenir sur le revenu de solidarité active peut largement motiver la mise en œuvre d’une démarche adaptée.

Il convient donc de renforcer les moyens des budgets départementaux, qui sont particulièrement sensibles aux aléas de la situation économique et sociale ultramarine. Nous aurions d’ailleurs parfaitement pu proposer dans cet amendement un effort supplémentaire en faveur des communes, qui bénéficient elles aussi d’une quote-part de la dotation globale de fonctionnement.

Ce qui nous importe, dans un premier temps, c’est d’acter le principe d’un renforcement des moyens dévolus aux collectivités d’outre-mer. Il est entendu que cet effort nécessaire serait réalisé en faisant abstraction de l’encadrement des dotations budgétaires de l’État dans une enveloppe normée.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Marc Massion, rapporteur. Par coordination avec nos avis défavorables sur les articles destinés à figurer dans ce titre, nous sommes défavorables à l’amendement n° 63.

L’amendement n° 62, qui vise à exclure les collectivités territoriales d’outre-mer du dispositif de versement anticipé du FCTVA, n’est pas justifié. C’est pourquoi la commission est défavorable à cet amendement.

En ce qui concerne l’amendement n° 64, le dispositif actuel est déjà favorable aux départements d’outre-mer, qui bénéficient d’une quote-part de dotation de péréquation égale au double du rapport, majoré de 10 %, entre leur population et la population totale nationale. Par ailleurs, cet amendement serait très coûteux pour les finances de l’État. La commission y est donc défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Yves Jégo, secrétaire d'État. Le Gouvernement est également défavorable à ces trois amendements.

M. le président. La parole est à Mme Odette Terrade, pour explication de vote.

Mme Odette Terrade. Je regrette vivement que ces trois amendements, qui répondaient à une vraie préoccupation de nos compatriotes ultramarins, aient reçu un avis défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 63.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 62.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 64.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Division et articles additionnels avant l'article 16
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Articles additionnels après l’article 16

Article 16

Le chapitre III du titre Ier du livre VI de la première partie du code général des collectivités territoriales est complété par une section 3 ainsi rédigée :

« Section 3 : Fonds exceptionnel d'investissement outre-mer

« Art. L. 1613-7. - Il est créé un fonds exceptionnel d'investissement outre-mer dont le montant est fixé chaque année par la loi de finances.

« L'objet du fonds est d'apporter une aide financière de l'État aux personnes publiques qui réalisent, dans les départements d'outre-mer, dans les collectivités d'outre-mer ou en Nouvelle-Calédonie, des opérations portant sur des équipements publics collectifs lorsque ces opérations participent de façon déterminante au développement économique et social local.

« Cette aide peut être attribuée :

« - dans les départements d'outre-mer, aux régions, aux départements, aux communes ou aux organismes de coopération intercommunale responsables de tels équipements ;

« - dans les collectivités d'outre-mer relevant de l'article 74 de la Constitution, à ces collectivités, aux communes, aux organismes de coopération ou, à Wallis et Futuna, aux circonscriptions responsables de tels équipements ;

« - en Nouvelle-Calédonie, à la Nouvelle-Calédonie, aux provinces, aux communes ou aux organismes de coopération responsables de tels équipements.

« Pour chacune de ces personnes publiques, l'aide est cumulable avec celles dont elle peut bénéficier de la part de l'État ou d'autres collectivités publiques, ou au titre des fonds structurels ou du Fonds européen de développement. L'aide apportée par le fonds exceptionnel d'investissement outre-mer ne peut toutefois bénéficier aux équipements faisant l'objet, à un autre titre, de conventions de financement conclues entre l'État et ces collectivités.

« Les modalités d'attribution des aides apportées par le fonds exceptionnel d'investissement outre-mer sont fixées par décret. »

M. le président. La parole est à M. Jean-Étienne Antoinette, sur l'article.

M. Jean-Étienne Antoinette. En décembre 2008, j’avais salué la création du fonds exceptionnel d’investissement comme une innovation intéressante pour l’outre-mer dans la loi de finances pour 2009, tout en regrettant que cette mesure ait été aussi timide, pour ne pas dire timorée.

Depuis, cette enveloppe a été augmentée en fonction des événements survenus en Guyane d’abord, puis en Guadeloupe, en Martinique et aujourd’hui à la Réunion.

Finalement, ce fonds ne serait-il qu’une variable de régulation ou d’ajustement budgétaire pour l’outre-mer, lorsque, par ailleurs, tous les dispositifs mis en place par l’État le sollicitent fortement, conditionnant même ainsi les apports financiers de l’État ?

La création du fonds exceptionnel d’investissement est intéressante, je le confirme. J’émets cependant quelques réserves sur la sincérité de cette initiative en tant que véritable outil de développement économique lorsque je constate la manière dont s’opèrent d’ores et déjà la mobilisation de ce fonds ou les annonces faites ici et là.

Le texte du projet de loi affiche clairement son objectif : « apporter une aide financière de l’État […] à des opérations portant sur des équipements publics collectifs lorsque ces opérations participent de façon déterminante au développement économique et social local », et lorsque ces équipements ne sont pas déjà financés au titre des conventions existant entre l’État et les collectivités locales.

Je l’entends bien, il ne s’agit pas simplement d’apporter un plus pour relancer le secteur du bâtiment et des travaux publics en outre-mer ou de soutenir la commande publique, il s’agit d’aider les collectivités dans leur politique d’aménagement du territoire ou de développement culturel, social ou éducatif et dans des projets « déterminants » pour le développement qui ne sont pas intégrés dans les contrats de plan ou les conventions déjà existantes.

Cependant, à ce jour, je n’ai pas une vision claire de ce fonds, qu’il s’agisse des critères d’éligibilité des opérations pouvant y prétendre ou des modalités de mobilisation.

En regardant la liste des premiers chantiers de la relance en outre-mer, établie par M. le secrétaire d’État, je me demande si nous ne sommes pas encore en train de créer un texte fourre-tout, qui sera bientôt accusé d’avoir généré des effets pervers, d’entraîner des abus ou d’être détourné de son objet d’origine.

Quant à l’enveloppe, sa variabilité n’est pas non plus rassurante. En effet, dans la démarche d’équilibre budgétaire de l’État, pour habiller Pierre, on déshabille Paul !

Prudence étant mère de sureté, face à l’importance des contributions que l’État attend des collectivités – on le verra avec la question du logement, par exemple –, tout en gelant les bases d’imposition de la fiscalité locale pour une dizaine d’années, je voterai cet article. Je proposerai néanmoins un amendement qui, s’il est accepté, permettra aux collectivités locales d’outre-mer de retrouver des marges de manœuvre pour investir, et d’accompagner le dispositif du fonds exceptionnel d’investissement, puisqu’il faut une contrepartie financière des collectivités locales.

Ne l’oublions pas, en outre-mer, les collectivités contribuent pour 80 % à la commande publique ; elles sont un acteur économique important. Par ces temps de crise, il importe de ne pas les affaiblir et, au contraire, de conforter leurs capacités d’investissement. Sinon, les entreprises auront beau être exonérées et défiscalisées, elles n’auront pas les marchés leur permettant de bénéficier des dispositifs qui leur sont dédiés. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. le président. La parole est à Mme Gélita Hoarau, sur l'article.

Mme Gélita Hoarau. Avant d’être inscrit dans la loi, le fonds exceptionnel d’investissement a suscité des convoitises dès ses premières utilisations. Certains auraient souhaité qu’il finance, par exemple, les stations d’épuration ou encore la politique que l’on pourrait mener pour le grand ou le petit commerce.

Or, avant même que nous débattions de ce fonds, il a déjà été utilisé ! Une partie de ces crédits –  dix millions d’euros – servira à financer la baisse du prix des carburants en Guyane.

Ce fonds est ensuite devenu la source essentielle de financement du plan de relance de l’économie pour les départements d’outre-mer. C’est par lui que devrait transiter l’essentiel des crédits qui seront utilisés dans le cadre du plan de relance des départements d’outre-mer face à la crise.

La Réunion devrait bénéficier de crédits d’un peu plus de 25 millions d’euros pour une douzaine de projets. Dans le même temps, une ligne budgétaire de 20 millions d’euros est ouverte pour la Corse. Tant mieux pour elle ! Mais, si on fait jouer le rapport de populations, la Réunion est désavantagée.

Le recours à ce fonds ne réduit-il pas d’autant nos possibilités d’émarger aux autres crédits disponibles ? Ainsi, sur les quatre milliards d’euros de crédits supplémentaires de l’État, combien la Réunion obtiendra-t-elle ? Et ce qu’elle obtiendra – on parle de 5,6 millions d’euros – ne servira-t-il pas à éponger les dettes accumulées par l’État au titre de l’année 2008 à la Réunion ?

Des éclaircissements doivent être apportés.

Il faut préciser les financements exacts dont bénéficie ce fonds. Il a été doté de 40 millions d’euros, puis de 75 millions de crédits supplémentaires et enfin de 50 autres millions d’euros. À quoi serviront exactement tous ces financements ?

Quels sont les critères d’éligibilité ? Entre ceux fixés par la loi, ceux proposés par la préfecture de la Réunion ou ceux définis dans le plan de relance par le secrétaire d’État, beaucoup d’interprétations sont possibles.

La définition précise de critères est une nécessité, compte tenu des expériences désastreuses que nous avions eues avec le fonds d’investissement des départements d’outre-mer, le FIDOM, où le saupoudrage a été la règle.

Le Gouvernement voulait utiliser ce fonds dans une démarche de « rattrapage » en « équipements publics collectifs structurants ». Or les premières utilisations des crédits de ce fonds s’orientent dans une autre direction. Il aurait donc fallu définir au préalable les notions utilisées pour marquer ce fonds.

Nous sommes partisans d’un effort de « rattrapage ». Nous l’avons même souvent dit, après la réalisation de l’égalité individuelle, il nous faut aller vers l’égalité collective. Ce concept signifie pour nous un rattrapage, en équipements et en ressources humaines, du niveau moyen national. De fait, nous adaptons au contexte national un principe décidé par l’Union européenne pour les régions ultrapériphériques, ou RUP : les amener, par des politiques adaptées, au niveau moyen des régions continentales.

Nous invitons le Gouvernement à se concerter avec les forces vives de nos pays pour déterminer de quel rattrapage nous avons besoin. Ces préconisations permettront de déterminer le niveau de financement du fonds et sa programmation pluriannuelle. Ce serait le meilleur moyen d’éviter le saupoudrage sinon une utilisation clientéliste de ce fonds.

Enfin, par le biais de plusieurs réformes –  celle de l’indemnité temporaire de retraite, celle de la TVA dite « non perçue récupérable », la TVA NPR – le Gouvernement réalisera des économies substantielles outre-mer. Il a souvent été demandé à l’État de remettre ces économies au service d’actions collectives menées dans les départements d’outre-mer.

Nous proposons qu’après évaluation les économies réalisées viennent alimenter ce fonds, la condition préalable étant que l’on définisse précisément l’usage qui sera fait des crédits.

Les amendements que j’ai déposés vont dans ce sens.

M. le président. La parole est à M. Richard Tuheiava, sur l'article.

M. Richard Tuheiava. Monsieur le président, je m’associe à l’ensemble des arguments développés par ma collègue Gélita Hoarau.

M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 411, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Rédiger comme suit cet article :

Il est créé un fonds exceptionnel d'investissement outre-mer, dont le montant est fixé chaque année par la loi de finances.

L'objet du fonds est d'apporter une aide financière de l'État aux personnes publiques qui réalisent, dans les départements d'outre-mer, dans les collectivités d'outre-mer ou en Nouvelle-Calédonie, des opérations portant sur des équipements publics collectifs, lorsque ces opérations participent de façon déterminante au développement économique, social et environnemental local.

Cette aide peut être attribuée :

- dans les départements d'outre-mer, aux régions, aux départements, aux communes ou à leurs groupements ;

- dans les collectivités d'outre-mer relevant de l'article 74 de la Constitution, à ces collectivités, aux communes ou à leurs groupements, ou, à Wallis et Futuna, aux circonscriptions ;

- en Nouvelle-Calédonie, à la Nouvelle-Calédonie, aux provinces, aux communes ou à leurs groupements.

Pour chacune de ces personnes publiques, l'aide est cumulable avec celles dont elle peut bénéficier de la part de l'État ou d'autres collectivités publiques, ou au titre des fonds structurels ou du fonds européen de développement. 

La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Yves Jégo, secrétaire d'État. Par cet amendement, le Gouvernement a pour objectif d’assouplir le fonctionnement du fonds exceptionnel d’investissement et, au moins pour cette année, d’en faire un des outils de la relance de l’activité afin de répondre aux besoins des chantiers prêts à être mis en œuvre.

Certains craignent le saupoudrage ; nous devons effectivement concentrer les ressources de ce fonds sur des actions fortes de rattrapage. Mais on ne doit pas dénigrer le saupoudrage dans l’hémicycle et le pratiquer dans sa commune ou dans sa collectivité ! En effet, ce sont le plus souvent des collections de petits projets qui parviennent aux bureaux des préfets !

Mme Odette Terrade. Les petits ruisseaux…

Mme Nicole Bricq. …font les grandes rivières !

M. Yves Jégo, secrétaire d'État. Cela dit, ces petits projets ont des vertus ; ils offrent du travail, produisent de l’activité et des équipements et sont structurants pour l’économie d’une région.

Par ailleurs, il n’y a pas de surprise, les financements de ce fonds sont très clairement établis. L’enveloppe mise à la disposition du fonds exceptionnel d’investissement est constituée de 40 millions d’euros, auxquels s’ajoutent 115 millions et 50 millions d’euros supplémentaires.

Nous avons déjà engagé 115 millions d’euros au titre de la programmation, pour agir vite et non pour désavantager qui que ce soit. Nous avons annoncé les premiers chantiers dans chacun des départements ; nous avons agi dans la concertation avec le souci de retenir les chantiers prêts à commencer. En effet, retenir un chantier qui ne démarrera que l’année prochaine ou l’année suivante, n’a pas beaucoup d’intérêt.

Aujourd’hui, la Réunion est le premier département de France en matière d’investissement de l’État. Nous lui attribuons plusieurs milliards d’euros pour l’investissement. C’est la région où l’État investit proportionnellement le plus. On ne peut que se réjouir de cet effort.

En outre, ce fonds a été utilisé en Guyane pour financer non pas le prix de l’essence, les sénateurs de Guyane le savent, mais les investissements de la région et du département, ce qui est très important.

Je retiens aussi de l’intervention des orateurs la nécessité, pour l’avenir, que nous puissions travailler en coopération avec les collectivités locales. Il faudra définir des stratégies pour que ce fonds, qui sera pérennisé, serve à financer à long terme des projets structurants.

Cette année 2009 est particulière à double titre : d’une part, il a fallu établir les conditions du démarrage du fonds ; d’autre part, il a fallu déterminer les investissements de relance dont nous avions besoin. C’est pourquoi nous avons défini des critères très clairs pour prendre en compte les travaux susceptibles de commencer cette année. Ce fonds peut financer jusqu’à 75 % de l’investissement. On ne peut pas faire plus simple en termes de méthode !

Je suis prêt à travailler en concertation avec les collectivités et à créer un groupe d’études pour définir dans les années qui viennent les modalités d’utilisation de ce fonds, de manière à le rendre le plus rationnel possible.

Vous l’admettrez, il était préférable de rester très souple pour l’année 2009, qui est une année de crise. Cet outil doit pouvoir être utilisé de manière intelligente pour lutter contre la crise économique, même s’il est appelé à subsister bien au-delà de cette crise et de cette année.

Le Gouvernement présente donc un amendement de souplesse.