compte rendu intégral

Présidence de M. jean-Léonce dupont

vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à dix heures.)

1

Procès-verbal

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

2

Rappel au règlement

M. le président. La parole est à M. Thierry Foucaud, pour un rappel au règlement.

M. Thierry Foucaud. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, mon rappel au règlement se fonde sur les termes de l’article 36 de notre règlement, relatif à l’organisation de nos travaux.

La nuit dernière, le Sénat, sur la proposition de M. le rapporteur général et avec une touchante connivence de la part du Gouvernement, a adopté un amendement permettant l’autoliquidation du bouclier fiscal par les contribuables bénéficiant de cette niche fiscale.

Passons rapidement sur le fait que ladite mesure n’a pas rencontré le succès escompté et qu’elle profite d’abord à quelques centaines de contribuables, qui ont perçu par ce biais une moyenne de 220 000 euros de restitution !

Ce qui est problématique avec l’amendement qui a été adopté, c’est qu’il semble parfaitement irrecevable.

Jusqu’à plus ample informé, sauf si nous ne savons pas lire le code général des impôts, le bouclier fiscal peut s’imputer tant sur les impôts d’État – impôt sur le revenu, mais surtout impôt de solidarité sur la fortune, comme cela a été prouvé dans le débat hier – que sur les recettes de la sécurité sociale et sur celles des collectivités locales, en l’occurrence la taxe foncière et la taxe professionnelle.

Or, sauf si nous n’avons pas été attentifs, rien dans l’amendement qui a été adopté ne prévoit de prise en compte des moins-values de recettes tant pour la sécurité sociale que pour les collectivités locales.

Si Mme la ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi avait été en accord avec le texte du code général des impôts, elle aurait dû demander à M. le rapporteur général de retirer son amendement pour cause d’irrecevabilité financière du dispositif prévu.

En tout état de cause, les parlementaires du groupe CRC solliciteront, sur cet article en particulier, une seconde délibération, car il ne nous appartient pas, en adoptant ce genre d’amendements, de mettre en cause les ressources de la protection sociale et celles des collectivités locales.

M. le président. Acte vous est donné de votre rappel au règlement, monsieur Foucaud.

La parole est à M. le rapporteur général.

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Je voudrais rappeler à notre collègue Thierry Foucaud que l’amendement voté hier soir ne change absolument rien sur le fond par rapport au statu quo. Il ne s’agit que de dispositions relatives au paiement de l’impôt, qui ne modifient pas les droits de l’État et des collectivités territoriales bénéficiaires d’un impôt entrant dans le calcul du bouclier fiscal.

Nous n’avons donc pas innové à cet égard et les reproches formulés par M. Foucaud visent, me semble-t-il, la législation sur le bouclier fiscal dans son ensemble et non l’amendement voté hier par le Sénat.

3

Articles additionnels après l’article 9 sexies (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2009
Première partie

Loi de finances pour 2009

Suite de la discussion d'un projet de loi

Discussion générale
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2009
Articles additionnels après l'article 9 sexies

M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2009, adopté par l’Assemblée nationale (nos 98 et 99).

Au sein de la discussion des articles de la première partie, nous en sommes parvenus à l’amendement n° I-216 rectifié, tendant à insérer un article additionnel après l’article 9 sexies.

Première partie
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2009
Article 20

Articles additionnels après l'article 9 sexies (suite)

M. le président. L'amendement n° I-216 rectifié, présenté par M. P. Dominati, est ainsi libellé :

Après l'article 9 sexies, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I - Les articles 885 A à 885 Z du code général des impôts sont abrogés.

II - Les pertes de recettes résultant pour l'État du I ci-dessus sont compensées à due concurrence par un relèvement des droits visés aux articles 402 bis, 438, 520 et 575 A du code général des impôts.

La parole est à M. Philippe Dominati.

M. Philippe Dominati. Monsieur le ministre, plusieurs arguments ont été présentés hier lorsque nous avons abordé l’examen des amendements relatifs au bouclier fiscal.

Certains orateurs, y compris des membres de la commission, ont expliqué la nécessité du bouclier fiscal par le particularisme que représente l’ISF dans notre pays et par le fait que cet impôt, anachronique et archaïque, est spécifique à la France. Il a été rappelé que la France est la seule, parmi tous les pays développés, à conserver l’ISF.

M. Philippe Marini, rapporteur général. Très utile rappel !

M. Philippe Dominati. La Suède, la Finlande, le Danemark, l’Allemagne l’ont supprimé. En Espagne, le processus est en route et c’est sur l’initiative d’un gouvernement socialiste.

M. Philippe Marini, rapporteur général. Il s’agit d’un engagement bipartisan !

M. Philippe Dominati. Il n’y a qu’en France où il est absolument nécessaire, pense-t-on, de garder cette bonne idée qu’est l’ISF !

Ensuite, il a été dit que cet impôt coûtait plus à l’État qu’il ne rapportait. (Protestations sur les travées du groupe socialiste.) On n’arrive pas connaître exactement les chiffres, mais on pense que, pour une recette d’environ 4 milliards d'euros, le manque à gagner pour l’État est de l’ordre de 7 milliards d'euros.

Mme Nicole Bricq. Cela n’a pas été dit ici !

M. Philippe Dominati. Cela a été dit clairement ici ou là depuis des années.

Il a été décidé de créer un groupe de travail sur le bouclier fiscal et je souhaite, pour ma part, avoir des précisions sur le manque à gagner au sujet de l’ISF puisque notre pays est le seul à maintenir cet impôt.

Autre idée répandue, l’ISF est un impôt populaire : plus de 75 % des assujettis sont des foyers fiscaux modestes. La plage de l’ISF s’étend : il suffit de posséder un appartement de 70 m² dans Paris pour être considéré comme « fortuné ».

M. François Marc. Des pauvres qui paient l’ISF ! Arrêtez !

M. Philippe Dominati. Partant de là, c’est un impôt qui a tendance à s’étendre.

Enfin, dernier argument partagé au sien de cette assemblée, compte tenu des recettes fiscales rapportées par cet impôt, il est difficile, dans la situation de crise que nous vivons, de procéder à un ajustement et de se passer de cette ressource cette année ou pour le futur.

Pourtant, plusieurs membres du Gouvernement ont évoqué au cours de ces derniers mois la possibilité d’un aménagement, voire d’une remise en cause, notamment lorsque vous avez augmenté la fiscalité sur les revenus au moment de la création du RSA. Vous vous étiez appuyé sur les statistiques d’Eurostat, selon lesquelles, en France, les revenus du patrimoine sont anormalement taxés, ce qui n’est pas le cas des revenus du capital.

Partant de là, Mme Lagarde avait déclaré le 1er septembre dernier dans le quotidien La Tribune qu’une révision ferait peut-être l’objet d’un débat au Parlement. Or le débat a lieu.

Je voudrais savoir quelles mesures le Gouvernement compte prendre à long terme pour éviter une addiction à l’ISF et pour que l’on n’entende plus dire que les finances de l’État nécessitent de maintenir à tout prix cet impôt qui coûte si cher au pays.

Je ne vois rien pour l’instant hormis des déclarations d’intention, qui pourtant sont nombreuses : M. le président de la commission des finances il y a quelques jours, liant l’ISF au bouclier fiscal, M. le rapporteur général hier, plusieurs membres du Gouvernement.

Je ne pense pas avoir à dire un jour au sujet de cet impôt, qui devient un impôt populaire en frappant près de 90 % de foyers fiscaux modestes, qu’il faudrait leur donner les mêmes avantages que ceux que vous octroyez aux banques !

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Les arguments de notre collègue Philippe Dominati méritent d’être entendus et versés au débat.

Nous avons eu hier plusieurs amendements visant à supprimer le bouclier fiscal en maintenant l’ISF et, ce matin, nous avons un amendement visant à supprimer l’ISF en maintenant le bouclier fiscal.

Je vous rappelle la trilogie exposée par M. le président de la commission des finances et à laquelle je souscris.

Si l’on avait une vision claire de l’avenir, il faudrait sans doute supprimer l’un et l’autre, tout en veillant à maintenir le solde des finances publiques, en tout cas à ne pas le détériorer et, par conséquent, transférer le rendement de l’ISF sur un autre impôt. Cela pourrait être la création d’une tranche supplémentaire de l’impôt sur le revenu. Ce que j’appelle la trilogie, c’est cette démarche en trois points qui nous semble pertinente sur le plan économique.

Toutefois, nous ne sommes pas en mesure de procéder pour l’instant à une telle réforme. Monsieur le ministre, nous aimerions connaître l’avis du Gouvernement et sans doute reprendrons-nous ce débat en d’autres occasions.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique. Monsieur Dominati, il s’agit d’un débat qui revient chaque année sur tous les textes financiers. Le Gouvernement s’est déjà exprimé à multiples reprises sur le sujet. Nous avons à la fois créé et amplifié l’impact du bouclier fiscal, cela a été évoqué hier. Il y a donc bien un lien direct entre le total des impôts payés et les revenus.

Par ailleurs, l’année dernière, nous avons également permis d’affecter une quote-part très importante de l’ISF en investissement dans le capital des PME, quote-part plafonnée.

La volonté existe donc bien de convertir cet impôt en investissement, ce qui est efficace et constitue une démarche originale. C’est là un atout considérable pour notre économie et c’est en même temps pour les contribuables assujettis à l’ISF un moyen de ne pas payer l’impôt en investissant dans des placements risqués visant à aider les PME en fonds propres. Telle est la logique du Gouvernement.

L’ISF rapporte aujourd'hui près de 4 milliards d'euros. Cette ressource est indispensable à la bonne tenue de nos finances publiques. J’imagine que le débat va se poursuivre sur plusieurs sujets sur lesquels nous reviendrons. Par exemple doit-on aller plus loin dans une réforme de la fiscalité de l’épargne ? Compte tenu de l’évolution qui s’est produite dans notre pays jusqu’à présent, je vous demande de ne pas voter cet amendement.

M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote.

Mme Nicole Bricq. La nuit dernière, au cours de notre débat habituel sur l’impôt de solidarité sur la fortune, M. le rapporteur général a dit que le bouclier fiscal était l’enfant de l’ISF.

M. le président de la commission des finances et M. le rapporteur général ont défendu, à l’extérieur de cette enceinte, l’idée selon laquelle on pourrait supprimer le bouclier fiscal dès lors que l’on supprimerait l’impôt de solidarité sur la fortune et que l’on créerait une tranche supplémentaire de l’impôt sur le revenu. Mais nous n’en avons pas débattu, puisque le projet de loi de finances qui nous est présenté est muet sur ce sujet.

M. le président de la commission des finances nous a annoncé la mise en place d’un groupe de travail sur le revenu fiscal de référence, arguant du fait que certains bénéficiaires du bouclier fiscal peuvent ne pas payer l’impôt sur le revenu grâce aux niches fiscales.

Au vu de ces observations, il est évident que nous voterons contre l’amendement n° I-216 rectifié.

Toutefois, je tiens à réitérer une demande que j’ai déjà faite hier soir, et qui est restée sans réponse. Notre collègue Philippe Dominati vient également d’indiquer que l’on ne dispose pas de données chiffrées sur cette question. En tant que membres de la représentation nationale, nous ne les avons effectivement jamais eus.

Notre débat est, comme toujours, tronqué dans la mesure où nous ne disposons pas de chiffres précis. On nous avance l’argument selon lequel 70 % des personnes assujetties à l’impôt de solidarité sur la fortune appartiennent aux couches modestes de la société ! De même, selon vous, les propriétaires d’un 70 mètres carrés à Paris paieraient l’impôt de solidarité sur la fortune ! C’est se moquer du monde ! Ces personnes doivent avoir d’autres biens immobiliers ou patrimoniaux.

Monsieur le ministre, je répète ma demande, qui est de droit, puisque l’amendement relatif au dépôt d’un rapport a été adopté par le Sénat. Tant que nous ne disposerons pas de données chiffrées précises, nous pourrons débattre sans fin, puisque cette question oppose fermement l’opposition et la majorité.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Fourcade, pour explication de vote.

M. Jean-Pierre Fourcade. L’amendement n° I-216 rectifié pose un vrai problème. La France est le seul pays à avoir un impôt de solidarité sur la fortune et un impôt sur le revenu à faible rendement. Or ces deux caractéristiques sont plus celles d’une République bananière que celles d’un grand pays occidental affrontant avec succès la mondialisation.

Cela étant, l’amendement de M. Dominati présente l’inconvénient majeur de ne pas prévoir un gage solide : on ne peut remplacer l’impôt de solidarité sur la fortune par une augmentation des taxes sur les tabacs ou sur les alcools.

M. Jean-Pierre Fourcade. Je me rallie entièrement à la position évoquée tout à l'heure par M. le rapporteur général. On peut envisager la suppression de l’impôt de solidarité sur la fortune à la condition de supprimer, en même temps, le bouclier fiscal et d’augmenter à due concurrence le produit de l’impôt sur le revenu soit en créant une tranche supplémentaire, soit en réduisant fortement l’ensemble des niches fiscales, ce qui, à mon avis, ne suffira pas.

Dans la mesure où l’on aura un impôt sur le revenu à grand rendement, non pas de 50 milliards d’euros, mais de 60 milliards ou 70 milliards d’euros, qui permette d’assurer la progressivité de l’impôt et de corriger un certain nombre d’inégalités actuelles, on pourra supprimer l’ISF.

M. François Marc. Faites-le !

M. Jean-Pierre Fourcade. C’est la raison pour laquelle je ne voterai pas, à regret, l’amendement n° I-216 rectifié M. Dominati, qui a raison sur le plan intellectuel, mais tort sur le plan économique et financier.

M. le président. La parole est à M. Thierry Foucaud, pour explication de vote.

M. Thierry Foucaud. Je ne reviendrai pas sur l’argumentation que j’ai développée hier soir sur cette question, mais je veux demander à nos collègues Jean-Pierre Fourcade et Philippe Dominati de cesser de citer en exemple les pays étrangers, quand cela les arrange, comme celui de l’école maternelle en Finlande pris dernièrement. Le week-end dernier, pour relancer l’économie, la Grande-Bretagne a pris la décision de baisser son taux de TVA de deux points, pour le porter aux alentours de 15 %, comme le groupe CRC vous proposait de le faire, vendredi dernier, monsieur le ministre.

M. Philippe Marini, rapporteur général. Gordon Brown et Marie-George Buffet, même combat !

M. Philippe Dominati. Moi aussi, j’y suis favorable !

M. Thierry Foucaud. Voilà l’économie d’une démonstration. Si vous désirez citer des exemples, citez-les tous, et suivez-nous lorsque, dans le cadre de la relance économique, nous proposons des mesures similaires.

Mes chers collègues, faites attention ! À ce stade de la discussion du projet de loi de finances pour 2009, rien n’a été fait pour la majorité des Français ! Nous avons voté – ou plutôt vous avez voté !  – de nombreuses réductions fiscales en faveur de celles et de ceux qui sont les plus nantis. Face à la situation que connaît notre pays, je serais tenté de vous suggérer d’écouter nos propositions, qui sont empreintes de bon sens pour la France et les Français.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Éric Woerth, ministre. Madame Bricq, je peux répondre sans problème aux questions que vous avez posées.

Nous avons envoyé aux deux commissions des finances du Parlement des données très précises sur la répartition du bouclier fiscal, qui ont d’ailleurs fait l’objet d’articles de presse. Mais, si vous le souhaitez, nous vous les communiquerons de nouveau.

Concernant le rapport sur les expatriés fiscaux, qui devait être remis au 30 septembre 2008, nous avons du retard, car il est actuellement en cours d’élaboration. Vous en disposerez vraisemblablement d’ici à la fin de l’année.

Mme Nicole Bricq. D’accord !

M. Philippe Marini, rapporteur général. Merci de ces précisions, monsieur le ministre !

M. le président. Monsieur Dominati, l'amendement n° I-216 rectifié est-il maintenu ?

M. Philippe Dominati. Non, je le retire, monsieur le président, car je présenterai ultérieurement d’autres amendements, peut-être plus raisonnables sur le plan fiscal, notamment concernant les PME. Je note que je partage le souci exprimé par M. le ministre.

M. le président. L'amendement n° I-216 rectifié est retiré.

L'amendement n° I-167 rectifié, présenté par M. Foucaud, Mme Beaufils, M. Vera et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Après l'article 9 sexies, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. - Le dernier alinéa de l'article 885 A du code général des impôts est remplacé par deux alinéas ainsi rédigés :

« Les biens professionnels définis aux articles 885 N à 885 Q du code général des impôts sont pris en compte pour l'assiette de l'impôt de solidarité sur la fortune.

« Lorsque le patrimoine comprend des biens professionnels, le plancher à partir duquel le tarif de l'impôt est applicable est porté à 914 694,10 euros. »

II. - Après l'article 885 U du même code, il est inséré un article 885 U bis ainsi rédigé :

« Art. 885 U bis. - Les biens professionnels sont inclus dans les bases de l'impôt pour 50 % de leur valeur. Le taux d'intégration varie pour chaque contribuable en fonction de l'évolution du ratio masse salariale/valeur ajoutée des sociétés et entreprises où sont situés les biens professionnels qu'il possède sur la base suivante :

« 

Evolution du ratio

Masse salariale/valeur ajoutée

Pourcentage

Taux d'intégration

Egale ou supérieure à une évolution de 2 points

15

Egale ou supérieure à une évolution de 1 point

35

Egale à 1

50

Entre 1 et -1

65

Entre -1 et -2

85

Entre -2 et -3

100

Entre -3 et -4 et au-delà

125

« Un décret d'application définit les modalités d'application de cette modulation. »

La parole est à M. Bernard Vera.

M. Bernard Vera. Cet amendement vise à intégrer les biens professionnels dans l’assiette de l’impôt de solidarité sur la fortune. Le taux d’intégration de ces biens serait modulé en fonction des choix faits par l’entreprise en matière d’emploi et de salaires. Il s’agit de concevoir l’ISF comme un levier d’action pour l’emploi et contre la précarité.

En proposant cette intégration, tout en modulant les taux du barème, nous entendons atteindre un double objectif de justice et d’efficacité. Rien ne justifie que les biens professionnels ne soient pas considérés comme une richesse, au même titre que les autres types de biens.

En outre, nous souhaitons que la fiscalité contribue à la dynamique de l’emploi, à la cohésion sociale et à la réparation sociale. Nous voulons pénaliser ceux qui pratiquent une économie de rente, en laissant dormir des biens professionnels, et qui ne participent pas à l’activité économique et au développement de l’emploi.

Plutôt que de réduire la portée de l’ISF, il faut, au contraire, étendre à toutes les formes de biens l’application du principe de justice sociale et de solidarité, qui sous-tend cet impôt. Il importe d’ailleurs, à notre sens, de faire en sorte qu’il soit justement équilibré pour que cessent les inégalités dont souffrent, pour le moment, les personnes qui en sont redevables.

Qu’on le veuille ou non, l’un des principaux défauts de l’ISF est qu’il n’est pas suffisamment représentatif des inégalités réelles de fortune et de patrimoine et qu’il épargne par trop d’importants patrimoines professionnels.

De plus, depuis la loi TEPA, l’impôt est profondément perverti par des dispositifs prétendument incitatifs qui renforcent encore les inégalités entre contribuables. Ce ne sont, pour l’essentiel, que les plus gros patrimoines imposables qui tirent parti de ces niches fiscales particulières, ce qui rompt l’égalité devant l’impôt.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Philippe Marini, rapporteur général. M. Vera et ses collègues connaissent par avance l’avis de la commission des finances, puisque nous l’avons développé à différentes reprises au cours des débats antérieurs sur le même sujet.

La majorité de la commission a émis un avis tout à fait défavorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Woerth, ministre. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° I-167 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° I-45 rectifié bis, présenté par MM. César, Pointereau, Cornu et Carle, Mmes Procaccia, Malovry et Mélot et MM. B. Fournier, J. Gautier et Bailly, est ainsi libellé :

Après l'article 9 sexies, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. - L'article 885 H du code général des impôts est ainsi modifié :

1° Dans les troisième et dernier alinéas, le montant : « 76 000 euros » est remplacé par le montant : « 100 000 euros » ;

2° Il est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Les montants mentionnés aux troisième et quatrième alinéas sont révisés chaque année selon les mêmes modalités que la limite supérieure de la première tranche du barème de l'impôt sur le revenu. »

II. - Les pertes de recettes résultant pour l'État du I ci-dessus sont compensées à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

Cet amendement n'est pas soutenu.

M. Philippe Marini, rapporteur général. Je le reprends, monsieur le président.

M. le président. Je suis donc saisi de l'amendement n° I-45 rectifié ter, présenté par M. Marini, au nom de la commission des finances.

La parole est à M. le rapporteur général.

M. Philippe Marini, rapporteur général. J’aimerais interroger le Gouvernement sur la question opportunément posée par nos collègues sur la revalorisation du montant de la fraction des parts GFA, groupement foncier agricole, éligible à une réduction de 75 % de l’impôt sur le patrimoine.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Woerth, ministre. Par coordination avec ce qui se fait pour d’autres produits, le Gouvernement est favorable à cet amendement raisonnable et lève le gage.

M. le président. Il s’agit donc de l'amendement n° I-45 rectifié quater, présenté par M. Marini, au nom de la commission des finances.

Je le mets aux voix.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi de finances, après l'article 9 sexies.

L'amendement n° I-102 rectifié, présenté par Mme Bricq, M. Marc, Mme M. André, MM. Angels, Auban, Demerliat, Frécon, Haut, Hervé, Krattinger, Masseret, Massion, Miquel, Rebsamen, Sergent, Todeschini et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Après l'article 9 sexies, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article 885 I bis du code général des impôts est abrogé. 

La parole est à M. François Marc.

M. François Marc. Il s’agit, par cet amendement, de revenir de nouveau sur l’ISF, une question dont nous avons longuement débattu cette nuit et qui a déjà été évoquée ce matin avec, pour corollaire, la question du bouclier fiscal.

Je tiens à remercier M. le ministre d’avoir précisé que sera prochainement porté à notre connaissance le rapport visant à évaluer la réalité du bouclier fiscal, que nous attendons depuis un an.

Pour autant, Mme Lagarde a, une fois de plus, indiqué hier soir que le bouclier fiscal avait surtout vocation à servir les pauvres.

Mme Nicole Bricq. Les modestes !

M. François Marc. Ce seraient les gens modestes qui, très majoritairement, bénéficieraient de ce dispositif.

Or, on le sait, les 600 premières restitutions fiscales atteignent en moyenne plus de 220 000 euros ! Si, comme vous le dites, il s’agit de personnes modestes, j’ai du mal à comprendre !

Les parlementaires doivent être éclairés au plus vite sur cette réalité, car l’expression utilisée pour en rendre compte traduit une forme de subterfuge.

Il s’agit, par cet amendement, de remettre en cause les cadeaux fiscaux accordés par le Gouvernement, notamment à l’occasion du vote de la loi pour l’initiative économique et de la loi de finances de 2005, pour échapper à l’impôt de solidarité sur la fortune.

La mise en place par la loi de finances de 2006 du bouclier fiscal et son élargissement récent dans le cadre du paquet fiscal n’ont été qu’un pas supplémentaire vers le démantèlement progressif de toute imposition du patrimoine des plus aisés et vers la remise en cause de la progressivité des prélèvements obligatoires en France.

Le présent amendement vise plus précisément la possibilité d’échapper à l’impôt de solidarité sur la fortune par le biais d’un pacte d’actionnaires représentant 20 % seulement des droits d’une société et dont est membre une personne exerçant dans la société sa fonction principale.

S’appuyant sur un discours visant à « exonérer l’outil de travail », alors que tel a toujours été le cas, ce dispositif permet en fait d’échapper à l’impôt de solidarité sur la fortune dans des conditions particulièrement souples. En effet, un simple actionnaire d’une société, qui n’exerce aucune fonction dans celle-ci, peut voir ses participations exonérées, dès lors qu’il s’engage dans un pacte avec un dirigeant de la société.

Ce dispositif a été rendu encore plus avantageux dans la loi de finances pour 2006, dont l’article 26 a augmenté le taux d’exonération de la moitié aux trois quarts de la valeur des parts détenues dans le cadre du pacte d’actionnaire : ce taux de déduction est identique à celui qui était jusque-là accordé aux participations assimilées à un « outil de travail ».

Nous proposons donc de supprimer ce dispositif, qui, par sa généralisation, crée une niche supplémentaire permettant de s’exonérer de l’ISF à travers un mécanisme qui n’a absolument aucun sens sur le plan économique.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Philippe Marini, rapporteur général. Il serait vraiment très regrettable, cher collègue, de suivre votre proposition, car cela contribuerait à déstabiliser le contrôle d’un certain nombre d’entreprises, notamment en cette période de crise, ce qui ne serait pas sans conséquence sur l’emploi et la poursuite de l’activité.

Selon moi, une telle voie n’est pas envisageable. Au demeurant, les engagements collectifs de conservation de la première loi Dutreil ont été un grand succès et représentent un stock de capitaux très important, donc un gage de stabilité pour les fonds propres et le contrôle des fonds propres des entreprises concernées.

Mes chers collègues, nous n’avons pas à rougir, loin de là, de ce dispositif introduit dans la première loi Dutreil. Il faut absolument le valider et repousser cet amendement avec conviction.