Article 29 bis
Dossier législatif : projet de loi relatif à la Cour des comptes et aux chambres régionales des comptes
Article 30

Article additionnel après l'article 29 bis

M. le président. L'amendement n° 16, présenté par M. Saugey, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Après l'article 29 bis, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. - Dans le dernier alinéa de l'article L. 131-2, dans le dernier alinéa de l'article L. 231-3, dans le second alinéa de l'article L. 253-4, dans le second alinéa de l'article L. 262-33 et dans le second alinéa de l'article L. 272-35 du code des juridictions financières, le mot : « dix » est remplacé par le mot : « cinq ».

II. - Dans le deuxième alinéa du IV de l'article 60 de la loi n° 63-156 du 23 février 1963 de finances pour 1963, le mot : « sixième » est remplacé par le mot : « cinquième ».

La parole est à M. le rapporteur.

M. Bernard Saugey, rapporteur. Cet amendement est important. Il a pour objet d’harmoniser les délais de prescription des actions en responsabilité personnelle et pécuniaire des comptables publics et des gestionnaires de fait.

Pendant longtemps, leur responsabilité pouvait être mise en jeu devant les juridictions financières dans le délai de droit commun de la prescription extinctive de trente ans.

S’agissant des comptables de fait, la loi du 21 décembre 2001 relative aux chambres régionales des comptes et à la Cour des comptes a prévu un délai de prescription de dix ans à compter des faits.

Pour ce qui est des comptables publics, la loi de finances rectificative pour 2001 a prévu un délai de prescription de dix ans à compter de la production des comptes. La durée de ce délai a ensuite été ramenée à six ans par la loi de finances rectificative pour 2004. Voyez que l’on progresse toujours !

Aujourd’hui, il vous est proposé de retenir une durée de cinq ans, et ce pour différentes raisons.

Premièrement, cette durée est conforme à la solution retenue par le Sénat sur l’initiative du groupe socialiste en 2000, lors de l’examen d’une proposition de loi relative aux chambres régionales des comptes rapportée par notre ancien collègue Jacques Oudin, puis, en 2001, lors de l’examen de la loi du 21 décembre 2001 relative aux chambres régionales des comptes et à la Cour des comptes.

M. Jean-Pierre Sueur. Quelle attention scrupuleuse portée aux initiatives du groupe socialiste ! (Sourires.)

M. Bernard Saugey, rapporteur. Hélas ! cette solution n’avait pu prévaloir à l’époque en raison – vous vous en souvenez sans doute – de l’opposition de l’Assemblée nationale.

Troisièmement, cette durée est également conforme à la volonté exprimée par le Sénat, puis par l’Assemblée nationale, dans la proposition de loi portant réforme de la prescription en matière civile, que nous examinerons cet après-midi, de fixer à cinq ans la durée du plus grand nombre possible de délais de la prescription extinctive ; c’est le président de la commission des lois qui en est à l’origine.

Quatrièmement, cette durée est compatible avec le rythme triennal, voire quadriennal, des contrôles menés par les juridictions financières conjointement sur les comptes des comptables publics et la gestion des ordonnateurs.

Cinquièmement, enfin, je rappelle tout de même que, en cas d’infraction pénale, l’intéressé sera poursuivi selon les règles du code de procédure pénale qui restent inchangées.

M. le président. Le sous-amendement n° 20 rectifié, présenté par MM. Détraigne et J. Boyer, est ainsi libellé :

I. – À la fin du deuxième alinéa (I) de l'amendement n° 16, remplacer le mot :

cinq

par le mot :

six

II. - Supprimer le troisième alinéa (II) de l'amendement n° 16.

La parole est à M. Yves Détraigne.

M. Yves Détraigne. Ce sous-amendement a pour objet de maintenir à six ans la prescription relative aux comptabilités publiques patentes et de faire passer de cinq ans à six ans la prescription des gestions de fait visée par l’amendement n° 16.

On m’objectera qu’entre cinq ans et six ans la différence n’est pas considérable. Mais le diable se cache souvent dans les détails !

En présentant l’amendement n° 16, M. le rapporteur nous a indiqué que le rythme des contrôles des chambres régionales des comptes était « triennal, voire quadriennal », Toutefois, il faudrait dire plutôt «  quadriennal, voire triennal », me semble-t-il, car les vérifications ont lieu en général tous les quatre ans ! Nombre de présidents de chambre m’ont même affirmé – et ils vous le confirmeraient, mes chers collègues –qu’il était pour eux difficile de tenir le rythme de contrôles quadriennaux.

Le choix de ce délai n’est donc pas neutre, car, si nous réduisons à cinq ans, au lieu de dix ans aujourd'hui, la prescription extinctive en la matière, il y a de fortes chances que la procédure de gestion de fait disparaisse purement et simplement.

En effet, à la différence d’une gestion publique, qui est retracée à certaines lignes bien déterminées sur le document que le juge ouvre dès qu’il commence à examiner les comptes, une comptabilité de fait n’apparaît pas de prime abord.

C’est souvent en cours d’instruction que le juge, à partir d’une information fortuite ou parce qu’il examine la gestion d’une structure satellite d’une collectivité locale, s’aperçoit que cet organisme a reçu des fonds d’origine publique de la part de la collectivité dont il examine les comptes à titre principal.

M. Bernard Saugey, rapporteur. Il examine donc ensemble les comptes de la collectivité et de son satellite !

M. Yves Détraigne. Oui, mais pas au même moment !

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Voilà qui est fort !

M. Yves Détraigne. C’est donc à cette occasion qu’il s’aperçoit que les fonds versés à cette structure satellite ont financé des actions publiques qui n’auraient pas dû échapper à la comptabilité publique.

Je comprends qu’une assemblée comme le Sénat, qui est composée essentiellement d’élus locaux ordonnateurs – je le suis moi-même à trois reprises, en tant que maire, président d’une communauté de communes et président d’un syndicat départemental dans la Marne –, soit tentée de limiter la possibilité pour le juge des comptes de tomber sur une gestion de fait.

Toutefois, il faut comprendre que la gestion de fait n’a pas pour objet de couvrir d’infamie un ordonnateur ou de le traîner devant la juridiction pénale, même si – il faut le reconnaître – cela arrive parfois. Cette procédure sert à réintégrer dans la comptabilité publique des écritures comptables qui n’auraient pas dû en sortir, et c’est tout.

Or, à l'occasion de l’examen de ce projet de loi, nous allons modifier substantiellement les procédures suivies devant le juge des comptes, qu’il s’agisse de la Cour des comptes ou des chambres régionales ou territoriales des comptes. Nous allons passer de la règle dite « du double arrêt » ou « du double jugement » à celle dite « du simple arrêt » ou « du simple jugement ».

En outre, nous allons offrir au ministère public la faculté de soulever, ou non, l’existence ou le soupçon d’une gestion de fait. Cette procédure réduira naturellement le risque de déclarations abusives de gestion de fait, comme il y en a eu – je ne le conteste pas –, notamment durant les premières années de fonctionnement des chambres régionales des comptes.

En effet, le ministère public sera juge de l’opportunité de soulever l’existence, ou le soupçon, d’une gestion de fait devant les chambres des comptes comme devant les juridictions judiciaires, et nous pouvons lui faire confiance pour ne pas lancer abusivement cette procédure.

Or, si nous réduisons la durée de la prescription à cinq ans, nous risquons de voir le ministère public soulever à titre conservatoire certaines gestions de fait parce que le rapporteur de la chambre régionale des comptes n’aura pas eu le temps d’examiner complètement l’opération. Ainsi, le remède serait pire que le mal et les gestions de fait plus nombreuses qu’auparavant !

Il me paraîtrait donc sage de laisser un délai raisonnable au rapporteur des chambres régionales des comptes pour que celui-ci puisse examiner non seulement la comptabilité publique, mais aussi les comptabilités annexes, qui pourraient faire naître des éventuels soupçons de gestion de fait.

Certes, je me doute que la mesure présentée dans le sous-amendement n° 20 rectifié n’est pas très populaire, car elle accorde aux rapporteurs une année supplémentaire pour soulever éventuellement une gestion de fait.

Toutefois, je le répète, nous allons instituer une procédure dans laquelle, désormais, il appartiendra au ministère public de conclure, ou non, à l’existence d’une telle situation. Dès lors, il y a moins de risques à laisser au rapporteur de la chambre régionale des comptes un délai raisonnable pour accomplir son travail qu’à inciter le ministère public, parce que le temps a manqué pour examiner correctement l’affaire, à soulever à titre conservatoire une gestion de fait qui n’en est peut-être pas une ! (Murmures au banc des commissions.)

Mes chers collègues, je constate que mes propos suscitent certaines réactions, ce qui était déjà le cas hier lors de la réunion de la commission des lois, mais je crois que l’intérêt de l’ordonnateur, sur lequel pourrait peser la menace d’une gestion de fait, est bien de laisser le juge des comptes faire complètement son travail, surtout dans le cadre de la nouvelle procédure que nous allons instituer, plutôt que de le pousser à boucler au plus vite l’opération.

Puisque l’on veut harmoniser les prescriptions, il me paraît donc sage d’aligner la gestion de fait sur la prescription de six ans qui s’applique aujourd'hui au comptable public, au lieu d’en rester au délai actuel de dix ans ou de fixer une durée de cinq ans pour tout le monde.

D'ailleurs, la prescription court non pas à compter de l’ouverture des comptes, mais de la réalisation de la gestion de fait. Et, comme je l’indiquais au début de mon intervention, même si l’on nous affirme que le contrôle est « triennal, voire quadriennal », telle n’est pas la réalité, l’ouverture des comptes ayant lieu plutôt quatre ans que trois ans après leur clôture.

Je pense donc que, pour la régularité des comptabilités publiques, et dans l’intérêt des ordonnateurs, le délai de cette prescription devrait être fixé à six ans. Tel est l’objet de ce sous-amendement.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. On peut discuter indéfiniment des délais. Toutefois, cet après-midi même, nous débattrons d’une proposition de loi –  elle deviendra la loi, du moins si aucun amendement nouveau n’est adopté – visant justement à harmoniser et à réduire les délais d’un certain nombre de prescriptions.

Monsieur Détraigne, vous n’envisagez qu’un aspect de la question. Il faut aussi penser à ceux qui subissent, parfois indéfiniment, des procédures de vérification des comptes auxquelles chacun s’amuse à donner de la publicité. En effet, dans notre société, la gestion de fait a été pratiquement transformée en un moyen de stigmatiser les élus, et je pourrais vous en donner bien des exemples !

Au départ, pourtant, l’expression « gestion de fait » était neutre et visait simplement à constater une situation, sans qu’une infraction pénale ait nécessairement été commise. Cela signifiait que des sommes qui auraient dû être inscrites dans les comptes publics ne s’y trouvaient pas, voilà tout. Or, il y eut une époque où les collectivités multipliaient en toute bonne foi les associations périphériques – elles ont corrigé ce point par la suite, et c’est tant mieux –, en prenant d'ailleurs exemple sur l’État, qui avait créé de nombreuses associations, organismes, etc. !

Monsieur Détraigne, je comprends l’argument selon lequel un délai de six ans permet une meilleure respiration aux chambres régionales des comptes, dont j’ai reçu les magistrats, comme M. le rapporteur.

Toutefois, vous affirmez aussi que, faute de temps, le ministère public saisira préventivement le juge. Mais je ne vois pas comment il pourrait le faire s’il n’a pas découvert un minimum de gestion de fait ! Honnêtement, cet argument me paraît étrange, sauf à considérer que le ministère public, par précaution, déclare la gestion de fait sur tous les comptes !

M. Yves Détraigne. Mais s’il a seulement des soupçons ?

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. J’ai bien compris votre raisonnement, monsieur Détraigne : vous affirmez que le ministère public, s’il a des soupçons, ne déclarera pas tout de suite la gestion de fait, mais qu’il examinera plus précisément les comptes, ce qui permettra d’écarter cette qualification. (M. Yves Détraigne acquiesce.) Franchement, ce serait tout de même extraordinaire ! Soit il existe des éléments de gestion de fait, soit il n’y en a pas, et les soupçons n’ont pas leur place ici !

Par ailleurs, vous affirmez que les comptes ne sont pas examinés au même moment. Mais on rapproche tout de même les comptes du comptable de ceux de la collectivité ! Je comprends bien que ces documents donnent lieu à deux jugements différents, puisque les normes comptables ne sont pas les mêmes, mais les vérificateurs les confrontent ! Sinon, pourquoi nous obliger, nous, les ordonnateurs, à voter le compte de gestion en même temps que le compte de la collectivité ?

Je dois l’avouer, le contrôle des comptes est pour moi très mystérieux, et de plus en plus…

M. Jean-Pierre Sueur. Il faudrait faire un stage… (Sourires.)

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Il faudra effectivement que j’aille faire un stage dans une juridiction financière, sur le modèle de ceux que l’on propose aux élus dans les autres tribunaux ! (Nouveaux sourires.) En tout cas, il faut faire un choix entre cinq ans et six ans.

Pour notre part, nous souhaitons harmoniser les délais de prescription. Si on nous proposait dix ans, le choix serait clair, mais on admet tout de même qu’un délai plus court est nécessaire. Entre six ans et cinq ans, franchement, la différence n’est pas considérable, d’autant que les avis des spécialistes divergent !

Nous souhaitons quant à nous que le système soit lisible. Aujourd'hui, les délais de prescription sont trop nombreux : il y en aurait un peu plus de deux cents. Offrons-leur un peu de lisibilité, d’autant que cela nous permettra de rendre hommage à nos collègues socialistes, qui ont déjà proposé une telle mesure à diverses reprises !

M. le président. Dois-je comprendre que la commission n’est pas favorable au sous-amendement n° 20 rectifié ?

M. Bernard Saugey, rapporteur. Vous avez bien compris, monsieur le président. Je demande le retrait de ce sous-amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. L’avis du Gouvernement est quelque peu complexe : il est favorable à la réduction de six ans à cinq ans du délai de prescription pour les comptables publics, ce qui ne pose pas de difficulté particulière et permet effectivement une harmonisation ; en revanche, il est hostile à la réduction de dix ans à cinq ans – ou à six ans, je vous le dis tout de suite, monsieur Détraigne ! – de la prescription de l’action en déclaration de gestion de fait.

L’avis du Gouvernement est donc favorable à la première partie de l’amendement n° 16 mais défavorable à sa seconde partie, ainsi qu’au sous-amendement n° 20 rectifié.

Or, j’imagine que M. le rapporteur n’acceptera pas de rectifier l’amendement n° 16 pour le réduire à sa première partie…

M. Bernard Saugey, rapporteur. En effet !

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. Je ne doutais pas de la qualité et de la vigueur de vos convictions, monsieur le rapporteur ! (Sourires.)

En conséquence, le Gouvernement émet un avis globalement défavorable sur l’amendement n° 16 et sur le sous-amendement n° 20 rectifié.

M. le président. La parole est à M. Jacques Mahéas, pour explication de vote sur le sous-amendement n° 20 rectifié.

M. Jacques Mahéas. Certes, lors de l’examen de ce qui est devenu la loi du 21 décembre 2001, le groupe socialiste au Sénat a défendu un amendement ramenant la prescription à cinq ans, mais à l’époque celle-ci était – excusez-moi du peu –de trente ans !

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Vous proposiez donc une réduction encore plus considérable !

M. Jacques Mahéas. Pour obtenir une diminution significative, monsieur le président de la commission, il est parfois nécessaire de forcer le trait, admettez-le !

M. Bernard Saugey, rapporteur. Vous étiez bien audacieux à l’époque !

M. Jacques Mahéas. Depuis, nous avons observé le fonctionnement des juridictions financières et entendu l’avis d’un spécialiste expérimenté en la personne de M. Détraigne. Le Gouvernement a engagé la concertation par le biais de plusieurs groupes de travail.

M. le rapporteur veut imposer une durée systématique de cinq ans.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Il la propose.

M. Bernard Saugey, rapporteur. C’est vous qui décidez !

M. Jacques Mahéas. Vous voulez normaliser tout cela, retenir le délai de cinq ans.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. C’est notre souhait !

M. Jacques Mahéas. Le Gouvernement, mi-chèvre mi-chou, accepte ce délai pour les comptables publics et le refuse pour la gestion de fait de M. Dupont, car la situation est alors plus compliquée.

Comme l’a rappelé M. Détraigne, il s’agit d’une question très technique.

En premier lieu, il convient d’établir un programme pluriannuel. En général, c’est ainsi que procèdent les cours régionales des comptes. Ce programme pluriannuel pourrait être calqué sur la durée des mandats. Or cette dernière, dans les collectivités territoriales, est de six ans.

Si les cours régionales des comptes procèdent avec intelligence, et il n’y a pas de raison que ce ne soit pas le cas, on peut fort bien envisager de calquer la durée du programme pluriannuel sur celle de la durée des mandats.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Si une bêtise est faite, six ans, c’est trop long !

M. Jacques Mahéas. C’est un laps de temps maximal. Les saisines peuvent être immédiates ou intervenir dans des délais très courts.

L’examen normalisé et approfondi des liasses comptables peut constituer un travail de titan. Avec un délai de cinq ans, la procédure de gestion de fait risquerait de disparaître. Nous pourrions, à la rigueur, accepter le délai de dix ans que propose le Gouvernement, mais nous considérons qu’une durée de six ans constituerait un compromis profitable à tout le monde. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Yves Détraigne, pour explication de vote.

M. Yves Détraigne. Comme l’a indiqué à juste titre M. le président de la commission, la gestion de fait a permis de remédier aux difficultés liées aux associations satellites.

Dans la logique des arguments que j’ai évoqués à l’appui de mon sous-amendement, si nous optons pour un délai de cinq ans et que nous rendons finalement la procédure de gestion de fait inutilisable, rien n’empêchera la réapparition d’associations satellites. En effet, la probabilité que le juge des comptes les découvre dans un délai de cinq ans serait bien moindre qu’elle ne l’était lorsque les chambres régionales des comptes ont commencé, voilà maintenant une vingtaine d’années, à examiner la comptabilité des collectivités locales. En d’autres termes, une telle décision aurait un effet pervers. Si l’on ramène à cinq ans le délai de la prescription, il y aura beaucoup moins de risques à se lancer dans la gestion de fait.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Bernard Saugey, rapporteur. Notre discussion me remémore deux maximes : « L’enfer est pavé de bonnes intentions » ; « Qui veut tuer son chien l’accuse de la rage ». (Sourires.)

Je constate avec un certain amusement que, pour justifier quelque chose, l’on trouve toujours des arguments.

M. Jacques Mahéas. C’est vrai !

M. Bernard Saugey, rapporteur. C’est notre lot commun, d’ailleurs.

M. Jean-Pierre Sueur. Si nous n’avions pas d’arguments, nous ne serions pas là !

M. Bernard Saugey, rapporteur. Monsieur Mahéas, la lecture du compte rendu de la séance du 11 mai 2000 me fait sourire. Un membre de votre groupe déclarait à l’époque : « Nous proposons un délai plus raisonnable de cinq ans. C’est plus que le délai pour les délits, mais c’est un délai que nous avons calculé, au groupe socialiste, de façon à tenir compte du rythme et des charges de travail de contrôle des chambres régionales des comptes, de façon à ne pas leur imposer un rythme trop lourd ou qui serait déraisonnable au regard de leurs possibilités ».

Vous reconnaîtrez que c’est un texte admirable !

M. Jacques Mahéas. Depuis, un membre de ma famille qui travaille à la Cour des comptes m’a apporté des explications ! (Sourires.)

M. Bernard Saugey, rapporteur. Vive la famille ! (Nouveaux sourires.)

Monsieur le secrétaire d'État, vous m’objectez que la prescription de l’action tendant à mettre en jeu la responsabilité d’un gestionnaire de fait court à compter des faits et non de leur découverte. Certes ! Toutefois, la proposition de loi portant réforme de la prescription en matière civile, que nous examinerons cet après-midi, prévoit d’autres hypothèses, pour lesquelles le délai de prescription de cinq ans courra à compter des faits, et non de leur découverte.

Pour ne citer qu’un exemple, l’action en responsabilité dirigée contre les personnes ayant représenté ou assisté les parties en justice sera prescrite par cinq ans à compter de la fin de leur mission.

En outre, monsieur Détraigne, puisque les juridictions financières contrôlent simultanément les comptes des comptables publics et la gestion des ordonnateurs tous les trois ou quatre ans, elles doivent être en mesure de déceler les actes constitutifs de gestion de fait avant l’écoulement du délai de prescription quinquennal prévu par la commission.

Je n’ai donc pas de raison de retirer l’amendement n° 16.

M. René Garrec. Très bien !

M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 20 rectifié.

(Le sous-amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 16.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 29 bis.

Article additionnel après l'article 29 bis
Dossier législatif : projet de loi relatif à la Cour des comptes et aux chambres régionales des comptes
Article 31

Article 30

Le Gouvernement est autorisé, dans les conditions prévues à l'article 38 de la Constitution, à prendre par ordonnance les mesures d'extension, sous réserve des adaptations nécessaires, des dispositions de la présente loi aux chambres territoriales des comptes de Mayotte, de Nouvelle-Calédonie, de Polynésie française, de Saint-Barthélemy, de Saint-Martin et de Saint-Pierre-et-Miquelon.

L'ordonnance sera prise avant le premier jour du sixième mois suivant celui de la publication de la présente loi au Journal officiel.

Le projet de loi portant ratification de cette ordonnance sera déposé devant le Parlement au plus tard le premier jour du troisième mois suivant celui de sa publication au Journal officiel.

M. le président. L'amendement n° 17, présenté par M. Saugey, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à M. le rapporteur.

M. Bernard Saugey, rapporteur. Cet amendement a pour objet de supprimer l'habilitation à prendre par ordonnance les mesures nécessaires à l'extension et à l'adaptation des dispositions proposées aux collectivités d'outre-mer.

Il s'agit d'une mesure de coordination avec l'amendement présenté à l'article 28.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 17.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, l'article 30 est supprimé.