compte rendu intégral

PRÉSIDENCE DE M. Adrien Gouteyron

vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

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Procès-verbal

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n'y a pas d'observation ?...

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.

2

Dépôt d'un rapport du Gouvernement

M. le président. M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre, en application de l'article 67 de la loi n° 2004-1343 du 9 décembre 2004 de simplification du droit, le rapport sur la mise en application de la loi n° 2007-148 du 2 février 2007 de modernisation de la fonction publique.

Acte est donné du dépôt de ce rapport.

Il sera transmis à la commission des lois et sera disponible au bureau de la distribution.

3

Démission d'un membre d'une commission et candidature

M. le président. J'ai reçu avis de la démission de M. Simon Loueckhote, comme membre de la commission des affaires culturelles.

J'informe le Sénat que le Groupe Union pour un Mouvement populaire a fait connaître à la présidence le nom du candidat qu'il propose pour siéger à la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, à la place laissée vacante par Serge Vinçon, décédé.

Cette candidature va être affichée et la nomination aura lieu conformément à l'article 8 du règlement.

4

Rappel au règlement

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances, pour un rappel au règlement.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je voudrais brièvement revenir sur les modalités d'application de l'article 40 de la Constitution.

M. Guy Fischer. Encore !

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Pendant de longues années, le Sénat a eu une lecture spécifique de l'article 40.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Une lecture sénatoriale !

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Toutefois, chacun ici s'en souvient, les décisions du Conseil constitutionnel sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2007 nous ont amenés à conduire une réflexion collective au sein de la conférence des présidents et, avec l'accord de l'ensemble des responsables des groupes, nous sommes convenus d'appliquer dans sa rigueur l'article 40 de la Constitution.

Je mesure à quel point des incompréhensions peuvent apparaître ici ou là. Ainsi, hier soir, lors de la discussion des deux textes relatifs aux archives, l'un de nos collègues, M. Peyronnet, a eu comme une réaction de protestation.

Je voudrais rappeler que la commission des finances s'efforce d'assurer, dans les conditions les plus rigoureuses possibles, le respect de l'article 40, puisqu'elle en a la mission. Vous voudrez bien en convenir, ce n'est pas l'aspect le plus gratifiant de notre travail que de devoir, à certains moments, expliquer à tel ou tel collègue que l'amendement qu'il a déposé ne viendra pas en discussion parce qu'il contient une disposition qui n'est pas recevable. Aussi, nous essayons chaque fois de prévenir les auteurs des amendements susceptibles de tomber sous le coup de l'article 40, de façon qu'ils puissent modifier leur texte et éviter l'irrecevabilité.

Contrairement à ce qu'on a laissé entendre hier, lundi, alors que j'étais dans mon département, mon administrateur m'a informé que l'amendement de M. Peyronnet contenait des dispositions auxquelles risquait de s'appliquer l'article 40, et il m'en a saisi. Je lui ai fait connaître mon appréciation et lui ai demandé de se mettre en rapport avec l'auteur de la proposition afin qu'il puisse en modifier le texte.

Je veux dissiper tout malentendu : ce n'est pas l'administration de la commission des finances en tant que telle qui décide de l'application de l'article 40. Avec mes collègues de la commission des finances, j'exerce mes prérogatives et j'assume totalement la responsabilité de l'irrecevabilité qui est prononcée à l'égard de certains amendements.

Je reste à la disposition de chacun d'entre vous, mes chers collègues, pour, en tant que de besoin, expliquer nos positions, les faire comprendre et, je l'espère, les faire partager. Je rappelle que, avant la fin du semestre en cours, nous procéderons à un rapport d'étape qui nous permettra de tirer les enseignements d'une année d'application de l'article 40 au Sénat.

M. Jean-Claude Peyronnet. Je demande la parole.

M. le président. Aux termes du règlement, mon cher collègue, je ne peux pas vous donner la parole. Néanmoins, étant donné l'importance du sujet, je vais vous permettre de vous exprimer, mais très brièvement.

M. Jean-Claude Peyronnet. Je vous remercie, monsieur le président, de bien vouloir me donner la parole sur un sujet qui, effectivement, est difficile et fait l'objet d'une incompréhension non pas seulement de ma part, monsieur le président de la commission des finances, mais également de la part de plusieurs de nos collègues : peut-être les membres de la commission des finances sont-ils tous bien au fait, mais les membres des autres commissions, il faut le reconnaître, se posent souvent des questions.

En l'occurrence, sans revenir sur le débat, je proposais qu'un fonctionnaire d'État puisse être remplacé par un fonctionnaire territorial au poste de directeur départemental des archives et, considérant qu'alors l'État réalisait une économie, je demandais, tout naturellement, que la charge du salaire de ce fonctionnaire territorial soit compensée par un versement au conseil général.

Vous dites, monsieur le président de la commission, qu'il s'agit d'une dépense nouvelle. Je ne le comprends pas ainsi ! Vous estimez que le poste existe par ailleurs : non ! Et c'est là qu'il y a incompréhension entre nous ; c'est un poste vacant et l'État n'est donc pas obligé d'en payer par ailleurs le titulaire. Par conséquent, il n'y a pas de dépense nouvelle !

Si les fonctionnaires de la commission des finances ou vous-mêmes avez été choqués, sur la forme, par mon intervention, je le regrette, car je sais que vous faites tous votre travail avec la plus grande honnêteté.

Mais, sur le fond, l'article 40 nous pose un réel problème. Bien sûr, on sait pourquoi il a été créé : il s'agissait de limiter les pouvoirs du Parlement. Il joue donc pleinement son rôle.

Toutefois, au moment où l'on se demande s'il ne faut pas, au contraire, renforcer les droits du Parlement, l'article 40 lui-même est à revoir ou, du moins, la façon dont il est appliqué. Le bilan que la commission des finances établira en juin permettra assurément une discussion ouverte et approfondie sur ce sujet, et débouchera peut-être sur une libéralisation de l'application de cet article de la Constitution qui nous permettrait de trouver une solution ménageant le droit légitime du Parlement.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. L'article 40 ne se prête pas à l'interprétation. Si un amendement a pour conséquence une diminution des ressources publiques, il est irrecevable. Toutefois, le mot « ressources » étant au pluriel, on peut recourir aux gages ; j'ignore si le tabac pourra continuer durablement à remplir cette fonction comme il l'a fait jusqu'à maintenant. En revanche, s'agissant de la création ou de l'aggravation d'une charge publique, la formulation est au singulier : aucune compensation n'est donc possible.

Dans l'amendement que vous vouliez présenter, monsieur Peyronnet, vous proposiez que des agents issus de la fonction publique territoriale puissent exercer les fonctions de directeur départemental des archives et que, dans cette hypothèse, l'État devrait compenser. C'est votre excès de scrupule qui a rendu irrecevable votre amendement !

C'est la raison pour laquelle je vous avais suggéré de retirer cette précision : s'il est évident, de votre point de vue, que l'agent recruté par l'État restera à la disposition du département mais sera payé par l'État, ce n'est pas la peine de le dire. Si vous le précisez, c'est qu'il y a doute ; et s'il y a doute, c'est qu'une aggravation de la charge publique est possible, ce qui fait tomber l'amendement sous le coup de l'irrecevabilité prévue à l'article 40.

5

 
Dossier législatif : projet de loi relatif à la réforme de l'organisation du service public de l'emploi
Discussion générale (suite)

Service public de l'emploi

Discussion d'un projet de loi déclaré d'urgence

Discussion générale (début)
Dossier législatif : projet de loi relatif à la réforme de l'organisation du service public de l'emploi
Discussion générale (interruption de la discussion)

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi relatif à la réforme du service public de l'emploi (urgence déclarée) (nos 141, 154).

Dans la discussion générale, la parole est à Mme la ministre. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)

Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, des finances et de l'emploi. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des affaires sociales, madame le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, les objectifs du Gouvernement sont simples : atteindre le plein-emploi en 2012, ramener le taux de chômage à 5 % et le taux d'emploi à 70 %.

La France a probablement une chance historique d'atteindre ces objectifs en raison des transformations qui sont à l'oeuvre sur le marché du travail et qui tiennent à deux facteurs : d'une part, une dynamique retrouvée de création d'emplois ; d'autre part, la transition démographique qui, ajoutée à une modification significative de notre économie, peut nous permettre de réaliser nos objectifs d'ici à 2012.

La baisse du chômage, continue depuis deux ans, s'est accélérée au troisième trimestre 2007, nous permettant de passer désormais sous la barre symbolique des 8 %, sous la barre symbolique des 2 millions de demandeurs d'emploi : cela montre clairement que nous sommes sur la bonne voie.

Un homme politique célèbre en son temps constatait : « Contre le chômage, on a tout essayé. » Nous souhaitons nous placer dans une autre logique, non pas dans la logique du traitement du chômage mais, tout simplement, dans la logique de la libération de l'emploi.

Le projet de loi que j'ai l'honneur de présenter aujourd'hui devant vous, mesdames, messieurs les sénateurs, constitue la première étape d'une ambitieuse réforme du service public de l'emploi et du marché du travail. Celle-ci nous occupera pendant toute l'année 2008. Les étapes en ont été fixées avec les partenaires sociaux lors de la conférence sociale du 19 décembre dernier, tenue sous la présidence de M. le Président de la République.

J'aborderai trois points, en essayant d'être brève : d'abord, je vous exposerai ma logique de la politique de l'emploi ; ensuite, je reviendrai sur les principes fondamentaux qui inspirent la fusion des réseaux opérationnels de l'Agence nationale pour l'emploi, l'ANPE, et de l'Union nationale interprofessionnelle pour l'emploi dans l'industrie et le commerce, l'UNEDIC ; enfin, je vous présenterai les principaux éléments de cette réforme.

Pour revenir au plein-emploi, c'est-à-dire à 5 % de chômage, nous souhaitons adopter une politique active destinée à encourager la création d'emplois et à faciliter le placement, c'est-à-dire la rencontre entre des demandeurs d'emploi et des offres d'emplois non encore pourvus.

Nous ne devons jamais perdre de vue que la création d'emplois constitue la réponse la plus durable au chômage.

De ce point de vue, on ne peut que se féliciter des chiffres de l'année 2007 : plus de 312 000 créations d'emplois, c'est-à-dire un tiers de plus que sur toute l'année 2006. Si l'on y ajoute la création probable, cette année, de plus de 300 000 entreprises, c'est clairement un mouvement de croissance qui est en marche et dont on ne peut que se réjouir pour l'emploi.

Toute la logique de notre action, c'est qu'il ne sert à rien de diviser le travail ; il faut au contraire le multiplier. Ce n'est pas en travaillant moins que l'on travaillera tous ; c'est en travaillant plus que l'on inventera de nouveaux emplois dans le secteur des nouvelles technologies, notamment de l'information, de la communication et, enfin, dans le secteur des services à la personne.

Mais créer des emplois ne suffira pas ; encore faut-il qu'ils puissent être pourvus. Certains ergotent sur le chiffre exact : s'agit-il de 450 000, de 500 000, de 550 000 emplois non pourvus ? Nous le voyons bien, les uns et les autres, dans nos circonscriptions, aujourd'hui, nombre d'entreprises n'arrivent pas à trouver les personnes susceptibles d'occuper les emplois disponibles, et les tensions que nous connaissons déjà pourraient s'aggraver dans l'avenir.

Il faut en effet s'attendre à de profondes modifications du marché de l'emploi dans les prochaines années. L'économie qui est déjà à plus de 70 % « tertiarisée » va poursuivre ce mouvement aux deux extrêmes de l'échelle des qualifications : il y aura davantage d'emplois qualifiés de niveau cadre dans l'informatique, le commerce et les services aux entreprises, mais aussi, et selon des formes probablement nouvelles et à réinventer au fur et à mesure du vieillissement de la population et de la dépendance, davantage d'emplois, souvent moins qualifiés, dans les services à la personne, qu'il s'agisse des aides à domicile, des employés de maison, des assistantes maternelles, des agents d'entretien ; tous ces secteurs constituent un gisement de créations d'emplois considérable.

M. Guy Fischer. À 700 euros !

Mme Christine Lagarde, ministre. En ajoutant les emplois libérés par les départs à la retraite aux créations nettes d'emplois, on peut quantifier les besoins en main-d'oeuvre à environ 750 000 par an jusqu'en 2015, alors que la population active devrait se stabiliser d'ici à quelques années.

Or, en dépit du nombre d'actifs disponibles sur le marché du travail, ces déséquilibres ne se résorberont pas d'eux-mêmes, parce que les profils recherchés ne correspondent pas toujours aux profils disponibles et parce que certains métiers en tension sont perçus, à tort d'ailleurs, comme peu attractifs et, en particulier, peu susceptibles d'intéresser les jeunes.

Des efforts devront être accomplis dans ce domaine, parce que les services en charge de l'intermédiation entre l'offre et la demande ne sont pas assez efficaces.

Nous avons donc aujourd'hui une formidable opportunité pour en finir avec le chômage. Néanmoins, si nous ne faisons rien, nous risquons de nous trouver face à un paradoxe : les employeurs qui souhaitent embaucher n'y parviennent pas, tandis que les chômeurs ne trouvent pas d'emploi.

Notre pays est confronté à un défi considérable, que nous devons tous ensemble relever. Pour être en mesure de le faire, il faut, bien entendu, agir au niveau de l'orientation, avec un système de formation capable de répondre aux nouveaux besoins de qualification et, bien sûr, au niveau du service public de l'emploi, pour qu'il soit plus efficace.

La formation concerne au premier plan les jeunes. Avec Valérie Pécresse et Xavier Darcos, nous voulons améliorer leur chance de trouver un travail à la sortie de leurs études. Le rôle des universités dans l'insertion professionnelle a été inscrit dans la loi votée l'été dernier. L'orientation des jeunes est un sujet majeur dont le Gouvernement s'est saisi. Parallèlement, je poursuivrai la politique de développement des dispositifs d'alternance, dont les résultats en termes d'insertion professionnelle sont unanimement reconnus.

Mais la formation ne doit pas s'arrêter aux portes de la vie active. Elle doit être présente au coeur des entreprises et des branches, dans le service public de l'emploi, comme l'a à juste titre souligné la mission d'information sur le fonctionnement des dispositifs de formation professionnelle, présidée par M. Jean-Claude Carle, que je souhaite saluer ici.

Ce sujet est au centre de la négociation sur la sécurisation des parcours professionnels qui entre dans sa phase finale aujourd'hui. Je souhaite que les partenaires sociaux parviennent à des avancées concrètes, notamment en ce qui concerne l'accès des demandeurs d'emploi à la formation.

Quoi qu'il arrive, le Gouvernement entend progresser sur ce sujet en 2008, en y associant les régions et les partenaires sociaux. Conformément à l'agenda social défini par le Président de la République, je vais donc mettre en place dans les tout prochains jours un groupe de travail sur la formation professionnelle continue, qui réunira l'État, les partenaires sociaux et les régions. Il s'agira de clarifier les priorités stratégiques en matière de formation professionnelle et d'établir un partage clair entre les sujets qui relèveront de la compétence des partenaires sociaux et ceux qui relèveront de la compétence du législateur, et ce d'ici à la fin de l'année 2008.

Amélioration des services de placement et d'accompagnement, développement de la formation tout au long de la vie, réforme du contrat de travail, meilleure prise en charge des périodes de chômage, ce sont là les éléments constitutifs de la vaste réforme du marché du travail engagée par le Gouvernement, à laquelle Xavier Bertrand et moi-même participons et à laquelle les partenaires sociaux sont évidemment associés de manière particulièrement efficace : des négociations importantes sont en cours.

L'objectif est clair : construire avec les salariés et les entreprises des formes de sécurisation des parcours professionnels adaptés à notre économie mondialisée, post-industrielle et de plus en plus « tertiarisée ».

J'en viens maintenant au coeur de la réforme qui est soumise à votre examen.

La première étape de cette réforme, c'est évidemment le projet de fusion entre l'ANPE et les ASSEDIC. Pourquoi fusionner l'ANPE et les ASSEDIC ? Je commencerai par quelques brefs constats.

Le premier constat, c'est la multiplicité des acteurs sur le terrain et la coexistence de plusieurs réseaux qui ont parfois du mal à se coordonner. Nous le savons tous, même si nous n'osons pas toujours l'avouer, la multiplicité de ces réseaux n'est pas propice à la réalisation de cette intermédiation entre les demandeurs d'emploi, d'une part, et les entreprises, d'autre part.

Le deuxième constat, c'est ce qui se passe au-delà des frontières de la France. Que font nos voisins ? La plupart de ceux qui ont réussi en matière de créations d'emplois et d'intermédiation entre les demandeurs d'emplois et les entreprises disposent d'un réseau unifié. En l'espèce, il s'agit du Royaume-Uni, de l'Allemagne, du Danemark et, plus loin de nous, de l'Australie, de la Nouvelle-Zélande ou des États-Unis, qui disposent tous de services unifiés.

M. Guy Fischer. À quel prix ?

Mme Christine Lagarde, ministre. La tendance est générale dans les pays les plus performants. Et cela se fonde sur un constat éprouvé : l'accompagnement d'un demandeur d'emploi est un tout qui associe l'accueil, la prise en charge financière, le diagnostic, les propositions de formation et le placement. Pourquoi se priver d'un outil qui a fait ses preuves ailleurs ?

Le troisième constat, c'est que la voie du « rapprochement sur le terrain » des deux réseaux au sein de guichets uniques et par les maisons de l'emploi, voie qui avait été retenue par la loi de programmation pour la cohésion sociale et qui a fourni un certain nombre de résultats, a probablement atteint ses limites.

Les réalisations concrètes en matière d'unicité de réseaux peinent à se construire et à se déployer. Pour ne prendre que cet exemple, les véritables guichets uniques, c'est-à-dire des sites entièrement communs, se comptent sur les doigts des deux mains : pas plus de dix sont réellement constitués en site unique où toutes les prestations sont disponibles.

Quant au système d'information commun, le GIE informatique qui en constitue le support n'a commencé à fonctionner que l'été dernier. Heureusement que nous l'avons : il permettra, dans le cadre de la fusion, de faire avancer les dossiers plus rapidement. Mais sa mise en place fut laborieuse, malgré toutes les bonnes volontés.

Cela ne permet pas de traiter l'ensemble des problèmes : l'enrichissement de l'offre de service vers les entreprises et les demandeurs d'emploi, la rationalisation des moyens mis en oeuvre, et surtout la dualité du marché du placement entre, d'une part, les chômeurs indemnisés et, d'autre part, les chômeurs non indemnisés. Ce que nous souhaitons, c'est parvenir au placement de tous ceux qui sont à la recherche d'un emploi, qu'ils soient indemnisés ou qu'ils ne le soient pas.

Au total, je crois que la direction retenue dans la loi de programmation pour la cohésion sociale était la bonne, que le rapprochement était une étape indispensable et que les premiers efforts entrepris ont permis de faire mûrir les esprits. C'est d'ailleurs parce que les acteurs se sont rapprochés que ce projet de fusion peut aujourd'hui être acceptable par la plupart d'entre eux.

Mais il faut maintenant passer à la vitesse supérieure. Quels sont les objectifs de ce nouveau chantier ?

Le premier objectif est d'améliorer le service rendu aux usagers. Certes, nous allons modifier une structure juridique, rapprocher des personnels et, en particulier, travailler à la création d'une culture nouvelle. Toutefois, ce qui est fondamental et ce qui permettra de fédérer les énergies, c'est, bien sûr, le service rendu aux usagers, les demandeurs d'emploi, d'un côté, les entreprises, de l'autre. Car c'est en favorisant la rencontre entre les offres des uns et les demandes des autres que nous parviendrons à lutter contre le chômage et à créer des emplois, et ce en mettant en place des guichets uniques en tout point du territoire.

Ces plateformes polyvalentes seront en charge de l'intégralité des prestations : l'accueil, le diagnostic, la recommandation de formation, l'accompagnement, le suivi, le placement et l'indemnisation. Et quand je parle des usagers, je pense aux demandeurs d'emploi, qui doivent véritablement être pris par la main quand c'est nécessaire, notamment lorsqu'il s'agit de publics qui sont depuis longtemps éloignés de l'emploi ou qui sont particulièrement en difficulté, comme les séniors, mais je pense aussi aux entreprises, car il faut non seulement aller chercher les demandeurs d'emploi, les accompagner, mais également se rendre sur le terrain, là où se trouvent les emplois.

Le deuxième objectif est de proposer une gamme de prestations complètes pour tous les demandeurs d'emploi, c'est-à-dire ceux qui sont indemnisés et ceux qui ne le sont pas. C'est un élément très important de notre réforme.

Le troisième objectif est de renforcer l'accompagnement des demandeurs d'emploi, notamment ceux qui sont le plus en difficulté, grâce à la mutualisation des moyens qui permettra de déployer plus d'agents sur le terrain.

Vous le voyez, au travers de ces objectifs, notre réforme va créer non pas un nouveau monstre administratif à deux têtes, mais plutôt un attelage de course, rapide et performant, au service de l'emploi.

La fusion n'est pas une construction bureaucratique dont la portée serait purement institutionnelle. Elle a des implications concrètes sur le terrain, pour les demandeurs d'emploi comme pour les entreprises.

Ne pas attendre plusieurs jours, ne pas avoir à faire des kilomètres pour se rendre à l'ANPE, puis à l'ASSEDIC, c'est du concret pour les demandeurs d'emploi.

Pouvoir désormais proposer toutes les prestations à l'ensemble des demandeurs d'emploi et non plus seulement aux demandeurs d'emploi indemnisés pour certaines prestations, c'est aussi du concret.

Redéployer davantage d'agents au contact direct des usagers, après les périodes de formation nécessaires à cet effet, c'est encore du concret.

La mise en oeuvre de cette opération sera essentielle. Elle ne sera pas simple, elle sera graduelle, mais l'étape législative que nous commençons aujourd'hui au Sénat est déterminante.

La fusion elle-même n'est qu'une première étape de la réforme du service public de l'emploi. Elle en est le socle, mais elle n'épuise pas, et de loin, la réforme que nous voulons conduire.

J'entends porter une attention particulière au contenu de l'offre de service du nouvel opérateur, qui sera définie par la convention que passeront avec lui les deux commanditaires que sont l'État, d'une part, et le régime d'assurance chômage, d'autre part.

Il s'agira de définir les publics prioritaires du nouveau service public de l'emploi, en ce qui concerne tant les entreprises que les salariés, les prestations offertes en matière de formation et d'orientation et les conditions de collaboration avec les réseaux spécialisés, publics ou privés, qui devront trouver toute leur place dans ce nouveau dispositif.

Je souhaite mener ces différents chantiers selon le même mode que le chantier de la fusion lui-même, en associant systématiquement en amont toutes les parties prenantes, tous les partenaires sociaux, toutes les collectivités territoriales et tous les usagers. Pour ce faire, nous allons mettre en place au sein du Comité supérieur de l'emploi un groupe de travail qui accompagnera ces différentes études.

En conclusion, je vous présenterai les modalités pratiques de l'opération, telles qu'elles sont prévues dans le projet de loi.

Elles correspondent, pour l'essentiel, à cinq grands principes, qui se sont peu à peu dégagés de l'intense concertation que nous menons depuis le mois de juillet dernier avec les partenaires sociaux, dont le point culminant a été la réunion du Comité supérieur de l'emploi le 19 novembre dernier, et qui a permis de faire évoluer les esprits de chacun sur ce dossier pour le rendre, je l'espère, acceptable.

Premier principe que nous avons retenu et que nous réaffirmons : le respect du paritarisme.

Le régime paritaire d'assurance chômage demeure sous la responsabilité de l'UNEDIC. Je veillerai notamment à ce que le transfert aux URSSAF du recouvrement des contributions d'assurance chômage n'entame ni l'autonomie financière de l'UNEDIC ni la qualité et la mise à jour de l'information qu'elle détient et dont elle demeurera propriétaire.

Deuxième principe : une gouvernance efficace, autour des deux financeurs et commanditaires.

Les partenaires sociaux seront majoritaires au sein du conseil, mais c'est l'État qui aura la responsabilité de la nomination du directeur général, afin que le nouvel opérateur reste un outil de la politique de l'emploi, laquelle relève du domaine de l'État. Cet équilibre obtenu par la concertation est à la fois politique et juridique.

À l'extérieur de l'opérateur, un conseil national de l'emploi, que je présiderai, assurera la cohérence des politiques de l'emploi. C'est également la vocation de la convention tripartite entre l'État, l'UNEDIC et la nouvelle institution, qui fixera les priorités et les moyens alloués.

Troisième principe : la mise en tension de l'opérateur, avec la définition d'objectifs de résultat, le recours à l'évaluation et le principe d'un appel systématique à des opérateurs spécialisés.

Un comité de suivi de la convention tripartite conclue entre l'État, l'UNEDIC et le nouvel opérateur vérifiera le respect et la mise en oeuvre de ces principes. Au sein de l'institution, j'ai également souhaité la création d'un comité d'audit permanent. Chaque fois que de nouvelles priorités seront fixées et que de nouveaux moyens seront déployés pour mettre en place de nouveaux programmes, nous examinerons l'efficacité de ces derniers pour savoir s'il faut continuer de les financer.

Quatrième principe : la dimension territoriale des politiques d'emploi, qui est un facteur clé pour leur succès.

On le sait, c'est sur le terrain, au plus près des demandeurs d'emploi et des entreprises créatrices d'emploi, que nous trouverons les solutions. Les politiques de l'emploi seront adaptées aux situations locales grâce aux budgets d'intervention déconcentrés et aux coopérations que le nouvel opérateur entretiendra avec tous les réseaux secondaires spécialisés, qu'il s'agisse de l'APEC, l'Association pour l'emploi des cadres, des missions locales, ou encore de Cap Emploi.

Pour ce qui concerne plus particulièrement les maisons de l'emploi, dont le rôle de coordination est essentiel dans les bassins d'emploi où elles sont implantées, j'ai confié une mission au député Jean-Paul Anciaux pour formuler des recommandations sur le futur cahier des charges des maisons de l'emploi, qui permette une bonne articulation avec le réseau territorial du nouvel opérateur. Il s'agit donc non pas d'absorber les maisons de l'emploi, mais de mettre en place une bonne coordination avec cette nouvelle institution pour que chacun respecte ses devoirs et ses engagements.

Cinquième principe : le pragmatisme dans la mise en oeuvre.

Le projet de loi prévoit notamment la mise en place immédiate d'une instance provisoire, qui permettra de préparer la naissance officielle de la nouvelle institution d'ici à la fin de l'année 2008. C'est elle qui sera notamment chargée de conduire une réflexion sur l'organisation territoriale du réseau. Je souhaite que cela se fasse dans la concertation.

Naturellement, comme je m'y étais engagée devant le Comité supérieur de l'emploi et en m'adressant directement, au travers de leurs directeurs, aux agents concernés, j'ai tenu à inscrire dans le texte des garanties fortes pour les agents des deux institutions. Il s'agit d'un projet ambitieux en raison des objectifs que nous nous sommes fixés et des difficultés qui se présenteront du fait du mécanisme même de la fusion.

C'est ainsi que le statut actuel des personnels des ASSEDIC, qui résulte d'une convention collective, sera conservé jusqu'à ce qu'ait pu être négociée une nouvelle convention collective au sein de la nouvelle institution. Je le réaffirme, il n'y aura pas, contrairement à ce que prévoit le code du travail en pareil cas, de dénonciation de la convention actuelle. La convention collective continuera de s'appliquer jusqu'à ce qu'un autre texte, qui fera l'objet d'une négociation, s'y substitue.

Les personnels de l'ANPE conserveront également leur statut actuel, qui est un statut de droit public durant cette période de négociation de la nouvelle convention collective.

Une fois la convention collective négociée et signée, ils auront le choix, pendant un an, de rejoindre le statut commun ou de conserver, à titre dérogatoire, le statut public qu'ils ont aujourd'hui. Nous le savons, le passage d'un statut public à un statut privé est un changement important, mais la convention collective comportera des garanties qui tiendront compte de la nature particulière des missions de service public exercées par ces agents, comme le prévoit d'ailleurs une convention de l'Organisation internationale du travail.

Au-delà des dispositions législatives, j'ai par ailleurs indiqué clairement que la fusion des réseaux n'avait pas pour objet de réduire les effectifs ; il s?agissait simplement de mieux les utiliser pour répondre au seul objectif que nous poursuivons, à savoir la lutte contre le chômage.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Très bien !

Mme Christine Lagarde, ministre. De la même manière, j'en ai pris l'engagement, il n'y aura pas de mobilité géographique imposée.

Tout cela doit permettre de mettre en place rapidement, mais sereinement, le nouvel opérateur central du service public de l'emploi.

Vous aurez peut-être remarqué, mesdames, messieurs les sénateurs, que je n'ai pas évoqué, durant cette présentation, le nom de cette nouvelle institution, même si, en tant que futurs parents, nous allons probablement passer un certain temps avec ce nouvel enfant. En fait, nous allons tout simplement demander à l'instance de préfiguration de la nouvelle institution de proposer un certain nombre de dénominations - vous en avez sans doute déjà lu quelques-unes, ici ou là, dans la presse - pour que les équipes elles-mêmes se rassemblent autour d'éléments d'identification tels que les couleurs, les marques, les logos ou encore les sigles, et se l'approprient.

Quel que soit son nom, je suis convaincue que ce nouvel organisme répondra aux attentes des usagers, demandeurs d'emploi et entreprises. Mon souhait le plus cher est qu'il soit un meilleur intermédiaire entre les offres et les demandes d'emploi, afin que les chefs d'entreprise ne nous disent plus jamais qu'ils préfèrent consulter un chasseur de têtes plutôt qu'un agent de l'ANPE et que les jeunes qui sortent du système universitaire aient immédiatement le réflexe de se tourner vers l'ANPE plutôt que d'aller dans une agence d'intérim. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à Mme le rapporteur. (Applaudissements sur les mêmes travées.)

Mme Catherine Procaccia, rapporteur de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission, mes chers collègues, le projet de loi que nous examinons cet après-midi prévoit une réforme ambitieuse des deux principaux opérateurs du service public de l'emploi que sont l'ANPE et l'UNEDIC.

Cette réforme est ambitieuse, car ces deux organismes sont de statuts très différents : l'ANPE est un établissement public administratif, tandis que l'UNEDIC est une association, gérée paritairement par les partenaires sociaux, tout comme les trente ASSEDIC qui constituent son réseau. Ces organismes exercent des missions complémentaires : l'ANPE est chargée du placement des demandeurs d'emploi et l'UNEDIC de leur indemnisation.

Cette réforme est ambitieuse, car elle prévoit de créer un opérateur unique, qui assurera à la fois le placement et l'indemnisation des demandeurs d'emploi, en fusionnant l'ANPE et le réseau opérationnel de l'UNEDIC. Or, l'histoire l'a montré, toute fusion est toujours un peu compliquée.

La fusion, qui a été voulue et annoncée par le Président de la République, a un objectif premier, essentiel à mes yeux - et pas seulement aux miens, puisque presque toutes les personnes auditionnées l'ont estimé indispensable : améliorer le service rendu aux demandeurs d'emploi en simplifiant leurs démarches.

Le regroupement des deux réseaux entraînera des économies de gestion - je dis bien des « économies de gestion » et non des « économies de personnel », ainsi que Mme la ministre l'a de nouveau rappelé -, ...