compte rendu intégral

PRÉSIDENCE DE M. Philippe Richert

vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à dix heures.)

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PROCÈS-VERBAL

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n'y a pas d'observation ?...

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.

2

Dépôt de rapports du gouvernement

M. le président. M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre :

- le rapport relatif à la coopération entre les grandes écoles et les universités, établi en application de l'article 13 de la loi n° 2006-450 du 18 avril 2006 de programme pour la recherche ;

- le rapport sur le bilan d'application de la loi n° 2005-882 du 2 août 2005 en faveur des petites et moyennes entreprises, prévu à l'article 57 de cette même loi.

Acte est donné du dépôt de ces deux rapports.

Ils seront transmis respectivement à la commission des affaires culturelles et à la commission des affaires économiques et seront disponibles au bureau de la distribution.

3

Candidatures à une commission mixte paritaire

M. le président. J'informe le Sénat que la commission des affaires sociales m'a fait connaître qu'elle a d'ores et déjà procédé à la désignation des candidats qu'elle présentera si le Gouvernement demande la réunion d'une commission mixte paritaire en vue de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2008 actuellement en cours d'examen.

Ces candidatures ont été affichées pour permettre le respect du délai réglementaire.

4

Financement de la sécurité sociale pour 2008

Suite de la discussion d'un projet de loi

Article 41 (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi de financement de la sécurité sociale de financement de la sécurité sociale pour 2008
Article 42

M. le président. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2008, adopté par l'Assemblée nationale (nos 67, 72 et 73).

Quatrième partie (suite)

Dispositions relatives aux dépenses pour 2008

Dans la discussion des articles de la quatrième partie, nous en sommes parvenus à l'article 42.

Quatrième partie
Dossier législatif : projet de loi de financement de la sécurité sociale de financement de la sécurité sociale pour 2008
Articles additionnels après l'article 42

Article 42

I. - L'article 33 de la loi n° 2003-1199 du 18 décembre 2003 de financement de la sécurité sociale pour 2004 est ainsi modifié :

1° La première phrase du I est ainsi rédigée :

« Jusqu'au 31 décembre 2008, par dérogation aux dispositions de l'article L. 174-2-1 du code de la sécurité sociale, les prestations d'hospitalisation, les actes et consultations externes ainsi que les spécialités pharmaceutiques et produits et prestations mentionnés à l'article L. 162-22-7 du même code ne sont pas facturés à la caisse désignée à l'article L. 174-2 du même code. » ;

2° Dans le II, le mot et l'année : « En 2005 » sont remplacés par les mots : « Jusqu'au 31 décembre 2008 » ;

3° Le V est ainsi rédigé :

« V. - Pour les années 2008 à 2012, dans les établissements de santé mentionnés aux a, b et c de l'article L. 162-22-6 du code de la sécurité sociale, la présente loi s'applique sous réserve des dispositions suivantes :

« A. - Les consultations et actes mentionnés au premier alinéa de l'article L. 162-26 du code de la sécurité sociale et les prestations d'hospitalisation mentionnées au 1° de l'article L. 162-22-6 du même code sont pris en charge par les régimes obligatoires d'assurance maladie sur la base des tarifs respectivement mentionnés aux articles L. 162-26 et L. 162-22-10 du même code affectés d'un coefficient de transition, ainsi que, le cas échéant, du coefficient géographique mentionné au 3° de l'article L. 162-22-10 susmentionné, déduction faite, le cas échéant, de la participation de l'assuré. Par dérogation au présent alinéa, les tarifs des prestations afférentes aux activités d'hospitalisation à domicile et de prélèvement d'organes ou de tissus ne sont pas affectés par le coefficient de transition susmentionné.

« B. - Le coefficient de transition mentionné au A est calculé pour chaque établissement de manière à prendre en compte l'impact sur ses recettes d'assurance maladie des modalités de financement définies au même A par rapport à celles préexistantes. Le coefficient ainsi calculé prend effet à compter du 1er janvier 2008 et s'applique jusqu'au 29 février de la même année.

« À compter du 1er mars 2008, la valeur du coefficient converge vers la valeur un, dans le respect des modalités fixées au C.

« C. - Chaque année, l'État fixe, outre les éléments mentionnés aux 1° à 3° du I de l'article L. 162-22-10 du code de la sécurité sociale, le taux moyen régional de convergence des coefficients de transition des établissements de santé.

« L'État fixe les règles générales de modulation du taux moyen régional de convergence entre les établissements de la région. Le taux moyen de convergence des coefficients de transition des établissements pour lesquels ce coefficient est inférieur à un peut excéder le taux moyen régional de convergence dans les conditions prévues au deuxième alinéa du IV du présent article.

« La valeur du coefficient de transition de chaque établissement est fixée par le directeur de l'agence régionale de l'hospitalisation et prend effet à la date d'entrée en vigueur des tarifs de prestation mentionnés à l'article L. 162-22-10 du code de la sécurité sociale. Le coefficient doit atteindre la valeur un au plus tard en 2012.

« D. - La répartition entre les différents régimes obligatoires d'assurance maladie des sommes versées en 2007 aux établissements mentionnés aux a, b et c de l'article L. 162-22-6 du code de la sécurité sociale au titre de la dotation annuelle complémentaire mentionnée au présent article dans sa rédaction antérieure à la loi de financement de la sécurité sociale pour 2008 est effectuée dans les conditions prévues par voie réglementaire. De même, de 2007 à 2012, par dérogation à l'article L. 162-22-15 du code de la sécurité sociale, les sommes versées au titre de l'activité mentionnée à l'article L. 162-22-6 du même code, des forfaits annuels mentionnés à l'article L. 162-22-8 du même code et des dotations annuelles de financement des missions d'intérêt général et d'aide à la contractualisation mentionnées à l'article L. 162-22-14 du même code sont réparties selon les mêmes modalités.

« E. - La caisse mentionnée à l'article L. 174-2 du code de la sécurité sociale verse des avances de trésorerie aux établissements de santé pour leurs activités de médecine, chirurgie, obstétrique ou odontologie, dans des conditions fixées par arrêté des ministres chargés de la santé et de la sécurité sociale.

« F. - L'état des prévisions de recettes et de dépenses mentionné à l'article L. 6145-1 du code de la santé publique tient compte de l'application du coefficient de transition mentionné au B applicable à la période considérée. 

« G. - Les conditions de montée en charge de la tarification à l'activité dans les hôpitaux du service de santé des armées sont fixées par le décret prévu au X de l'article 69 de la loi n° 2006-1640 du 21 décembre 2006 de financement de la sécurité sociale pour 2007.

« H. - Les modalités d'application du présent V à l'exception du E sont fixées par décret en Conseil d'État. » ;

4° Le VI est ainsi modifié :

a) L'année : « 2007 » est remplacée par l'année : « 2009 » ;

b) Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :

« Toutefois, les modalités de financement prévues au I de l'article L. 162-22-10 du code de la sécurité sociale s'appliquent aux établissements énumérés par arrêté des ministres chargés de la santé et de la sécurité sociale dans les conditions prévues au V. » ;

5° La dernière phrase du VII est remplacée par deux phrases ainsi rédigées :

« Ce processus de convergence est orienté vers les tarifs des établissements mentionnés au d de l'article L. 162-22-6 du même code.  Un bilan des travaux sur la mesure de ces écarts est transmis au Parlement avant le 15 octobre 2008. » ;

6° Le VII est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« À compter du 1er janvier 2008 et afin de faciliter le processus de convergence, les tarifs des prestations nouvellement créées sont identiques pour les établissements mentionnés aux a, b, c et d de l'article L. 162-22-6 du code de la sécurité sociale dans la limite des écarts mentionnés à l'alinéa précédent. »

II. - Le II de l'article 69 de la loi n° 2006-1640 du 21 décembre 2006 de financement de la sécurité sociale pour 2007 est abrogé.

III. - Au 1er janvier 2008, à titre exceptionnel, les tarifs des prestations d'hospitalisation sont modifiés de sorte que le montant des dépenses d'assurance maladie générées par la prise en charge des prestations d'hospitalisation et des consultations et actes externes selon les modalités définies au A du V de l'article 33 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2004 dans la rédaction issue de la présente loi soit égal au montant des dépenses générées en application des modalités de prise en charge définies au A du V du même article dans sa rédaction antérieure à la présente loi. Ces tarifs prennent effet au 1er janvier et s'appliquent jusqu'au 29 février 2008.

Un décret en Conseil d'État fixe les modalités de détermination des tarifs de prestation susmentionnés.

IV. - Dans la deuxième phrase du premier alinéa de l'article L. 162-22-13 du code de la sécurité sociale, après les mots : « à l'article L. 6112-1 du code de la santé publique », sont insérés les mots : « à l'exception des formations prises en charge par la région en application de l'article L. 4383-5 du même code ».

V. - Dans le premier alinéa de l'article L. 162-22-15 du même code, les mots : « par douzième » sont remplacés par les mots : «, dans les conditions fixées par voie réglementaire, ».

VI. - Au troisième alinéa de l'article L. 6114-2 du code de la santé publique, après les mots « ainsi que ses autres engagements », sont insérés les mots : «, notamment de retour à l'équilibre financier, ».

VII. - Au XVIII de l'article 1er du titre Ier de l'ordonnance n° 2005-1112 du 1er septembre 2005 portant diverses dispositions relatives aux établissements de santé et à certains personnels de la fonction publique hospitalière, les mots : « et au D du V » sont supprimés.

VIII. - Par dérogation au C du V de l'article 33 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2004 (n° 2003-1199 du 18 décembre 2003), dans sa rédaction issue de la présente loi, la valeur coefficient de transition de l'Assistance publique - hôpitaux de Paris converge chaque année vers un à due concurrence du taux moyen régional de convergence fixé en application des dispositions du premier alinéa dudit C. Le coefficient ainsi calculé est notifié à l'établissement par le conseil de tutelle mentionné à l'article L. 6147-1 du code de la santé publique.

M. le président. Je rappelle que, sur proposition de la commission des affaires sociales, le Sénat a décidé hier soir d'examiner séparément d'abord l'amendement de suppression de cet article, puis les quatorze autres amendements, pour organiser le débat dans de meilleures conditions.

La parole est à Mme Raymonde Le Texier, sur l'article.

Mme Raymonde Le Texier. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, tous les systèmes d'évaluation du coût de l'hospitalisation ont montré leurs limites, même si la T2A semble être le moins mauvais de tous. Nous sommes favorables à son principe à condition que sa mise en place respecte les spécificités de l'hôpital public et tienne compte de ses besoins.

Or tel n'est pas encore le cas aujourd'hui. C'est dire si l'objectif de réaliser à marche forcée la convergence public-privé nie cette réalité et représente un vrai danger pour l'avenir de l'hôpital public.

L'hôpital, à la différence des cliniques, assume des missions d'intérêt général qui pèsent lourdement sur ses coûts de fonctionnement : un hôpital accueille tout le monde, tout au long de la vie, tous les jours, à toute heure et toute l'année, sur tous les territoires.

Certes, il existe bien une dotation de financement des missions d'intérêt général et d'aide à la contractualisation, les MIGAC, censée prendre en compte ces spécificités, mais elle est notoirement sous-évaluée.

Pendant ce temps, la clinique travaille durant les heures ouvrables, sur rendez-vous, et sélectionne les pathologies. Pis, pour une même pathologie, c'est l'hôpital qui assume les soins les plus lourds et les activités les moins rémunératrices ; c'est l'hôpital qui prend en charge les plus fragiles, les plus jeunes, les plus âgés, les plus démunis ; c'est l'hôpital qui forme les professionnels de santé, et cela sans renoncer à son objectif d'excellence ; c'est aussi à l'hôpital que sont réalisées les plus importantes prouesses et premières médicales.

Or, sans une prise en compte du coût de la permanence des soins et sans une évaluation rigoureuse des caractéristiques des structures hospitalières publiques - poids de la précarité et des urgences, continuité territoriale, rôle de la formation,etc. -, la mise en place de la convergence sonnera le glas d'un système qui est l'un des derniers à lutter contre les inégalités en matière de santé.

Le contexte dans lequel se déroulent les discussions autour de la convergence est très tendu. L'hôpital public connaît depuis des années une telle pénurie budgétaire que l'on peut d'ores et déjà s'inquiéter pour son avenir.

Je préside depuis une quinzaine d'années la commission de surveillance d'un hôpital en région parisienne. Comme la majeure partie des hôpitaux français, celui-ci a usé de tous les recours pour remplir vaille que vaille, année par année, sa mission. Mais, aujourd'hui, il arrive au bout du processus. Cela fait bien trop longtemps qu'il est forcé de faire des économies sur le personnel, tardant à effectuer les remplacements, multipliant les heures supplémentaires, supprimant les récupérations et allant jusqu'à différer des admissions, faute de pouvoir recruter du personnel, même en intérim.

Les personnels ont un dévouement et une compétence remarquables, mais ils atteignent aujourd'hui leurs limites. Et nulle solution ne vient éclaircir leur avenir tant les budgets sont sous-dimensionnés par rapport aux besoins. Or ce que prend en charge cet hôpital, aucune clinique ne le ferait. Spécialisé en gérontologie, il accueille les patients les plus démunis, les plus fragiles, les plus dépendants ; c'est une activité médicalement et socialement indispensable, mais qui n'est absolument pas lucrative.

Dans ce cadre, l'instauration de la T2A peut avoir des conséquences très dommageables. Pratiquer un examen médical sophistiqué ou même un examen lambda comme une prise de sang sur une personne très âgée, agitée, cela demande un temps de sécurisation difficilement quantifiable et traduisible en T2A. Il arrive que, sans ce temps pris pour rassurer, pour calmer, pour apaiser, l'examen ne puisse être réalisé, rendant nécessaire une nouvelle tentative ultérieurement.

Ce qui est vrai pour ce type de patient l'est bien sûr pour d'autres, notamment les enfants.

L'environnement social est un paramètre essentiel de l'acte technique, qu'il faut prendre en compte. Les MIGAC n'y suffisent pas. Il faut intégrer de façon claire et chiffrée ces éléments dans l'évaluation de la prise en charge du patient.

Or, pendant que l'on asphyxie sous les contraintes budgétaires ce type d'établissements, le groupe de cliniques privées Générale de santé vient d'annoncer la prochaine réunion de son assemblée générale pour approuver l'octroi d'un dividende exceptionnel de 420 millions d'euros à ses actionnaires. Les fonds de pension anglo-saxons entrent massivement sur ce marché, à qui ils demandent et auprès desquels ils obtiennent des taux de retour sur investissements à deux chiffres.

En tant qu'élus, nous sommes les garants du service public et nous devons réaffirmer que la santé n'est ni un lieu de profit ni un secteur commercial ayant pour première vocation la rémunération des actionnaires.

Aujourd'hui, de notre point de vue, cela passe par le refus de la mise en place arbitraire d'une convergence public-privé.

M. le président. La parole est à M. Guy Fischer, sur l'article.

M. Guy Fischer. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la précipitation avec laquelle vous prévoyez, dans ce projet de loi, de financer à 100 % les établissements publics par la T2A d'ici à 2012 est l'un des symptômes d'un mal très répandu dans vos rangs, source de grands dégâts.

Ce n'était pas le calendrier annoncé et vous avez décidé de l'accélérer.

Ce mal, il s'appelle « libéralisme économique ». Il veut chaque jour réguler le marché, non pour le rendre plus humain, en assurant une meilleure répartition des profits, mais pour lui permettre d'accroître ceux de quelques-uns et, par là, de peser d'une manière très claire sur la dépense publique. Certains développent l'idée que l'hôpital public, dont les dépenses représentent un peu moins de la moitié des dépenses d'assurance maladie, serait à l'origine du profond déficit qu'elle enregistre.

Le libéralisme est pour le monopole, dès lors que celui-ci est privé ; et il est, bien entendu, pour la libre circulation des capitaux.

Plusieurs domaines parvenaient jusqu'à présent à résister à cette offensive : la police, la justice, autrement dit les activités régaliennes de l'État, l'école et la santé. Face à la fronde du service public, irrésistible acquis sur lequel reposent nos valeurs fondamentales, une poignée de députés et de sénateurs vous ont pressée, madame la ministre, d'anticiper le passage à la T2A. L'hôpital public tirera alors près de 90 % de ses recettes du financement à l'activité, un taux inégalé en Europe, même si la T2A s'est généralisée dans la plupart des grands pays de notre continent.

Madame la ministre, vous vous êtes ralliée à cette position. Souffrez que, à votre gauche, nous ne soyons pas convaincus ; je pèse mes mots. Notre désaccord est tel que nous proposons un amendement de suppression de l'article.

Cette offensive du « tout-libéral » fait de la médecine et de l'offre de soins un bien comme un autre, à tel point qu'en juin 2006 Gilles Johanet, qui pantouflait alors chez AXA, voulait une assurance santé privée d'excellence, dont la cotisation annuelle aurait été de 12 000 euros.

Dans le même temps, un ancien directeur des hôpitaux, Jean de Kervasdoué, plaidait en ces termes pour une diminution de l'offre de soins publique en faveur de l'offre privée : « L'élaboration de la stratégie d'un hôpital public ressemble justement à celle des autres entreprises [...]. Il s'agit d'analyser l'activité et la clientèle [...]. Même si le mot marketing est encore tabou du fait de sa connotation agressive, on cherche à vendre. C'est bien de cela qu'il s'agit. »

Tout cela, madame la ministre, vous en êtes responsable, car en faisant le choix de la T2A, en calquant les règles du marché pour les transposer à l'hôpital, vous faites naître les mêmes convoitises, vous validez l'idée selon laquelle la santé, après tout, est un marché comme les autres.

Et demain, madame la ministre, qu'allez-vous faire ? Après ce projet de loi, quel sort réserverez-vous aux hôpitaux ? Allez-vous introduire en bourse les plus rentables d'entre eux ? Raymonde Le Texier vient de citer les résultats de la Compagnie générale de santé : ils explosent ! À Lyon, elle est en train de construire un établissement qui regroupera trois cliniques. Cela contribue aux 420 millions d'euros qui seront répartis aux actionnaires.

Allez-vous créer au sein de l'hôpital officiellement public des services entièrement privés ? Le privé y est déjà implanté. Allez-vous généraliser les consultations privées, qui se substituent aux missions régulières des médecins hospitaliers ?

Cette réforme, madame la ministre, est dangereuse, car elle vise à appliquer des règles de financement d'une structure sur une autre structure qui n'a ni les mêmes objectifs ni les mêmes missions. Les directeurs de centres hospitalo-universitaires viennent de tirer la sonnette d'alarme. Ils disent ne pas pouvoir boucler la fin de l'année, car il leur manque un milliard d'euros.

Là où les cliniques à but lucratif visent la maximisation des bénéfices des actionnaires - souvent détenus par des fonds de pensions étrangers ou des groupes boursiers -, les hôpitaux cherchent à répondre aux besoins de santé pour tous. Là où la recherche du profit est une fin en soi, les hôpitaux cherchent à assurer l'équilibre avant de continuer à pratiquer toutes formes de soins. Ils exercent ainsi leur mission de service public.

Je m'interroge sur vos projets futurs, et je crains de les deviner : vous comptez diminuer les missions des hôpitaux et contribuer à faire pression sur la dépense publique.

M. le président. Veuillez conclure, monsieur Fischer !

M. Guy Fischer. Nous nous mettons juste en forme ! (Sourires.)

M. François Autain. C'est un tour de chauffe !

M. le président. En théorie, monsieur Fischer, chaque orateur dispose de cinq minutes.

M. Guy Fischer. Je n'avais pas l'impression d'avoir été si long !

M. le président. Vous parlez pourtant depuis six minutes trente !

M. Guy Fischer. Depuis quelques années, la T2A est partiellement appliquée. Quelles conséquences en tirez-vous ? Si vous n'en formulez aucune critique, c'est décidément que vous voulez rester sourds. La Cour des comptes, quant à elle, ne l'est pas. Dans son rapport de septembre 2006, elle pointait le risque inflationniste inhérent à la T2A, du fait de la disparition de la régulation budgétaire qui s'appliquait aux établissements sous dotation globale. En outre, un rapport de l'Inspection générale des affaires sociales, l'IGAS, notait dès 2005 que les premiers effets de la T2A avaient été « d'engendrer une dérive non maîtrisée des dépenses de santé ».

Monsieur le président, je vous prie de bien vouloir m'excuser d'avoir été un peu long.

M. le président. Nous avons tous compris, monsieur Fischer, que votre intervention valait en même temps défense de l'amendement n° 347.

M. Gérard Dériot. Vous avez parfaitement compris, monsieur le président !

M. Guy Fischer. Pas du tout ! Avec les franchises, c'est l'un des principaux articles du projet de loi de financement de la sécurité sociale. Nous n'allons pas nous rendre comme cela ! (Sourires.)

M. le président. L'amendement n° 347, présenté par M. Fischer, Mme David, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Guy Fischer.

M. Guy Fischer. Soyez rassurés, mes chers collègues, je ne reviendrai pas sur ce que j'ai pu dire lors de mon intervention sur l'article. Toutefois, il me paraît important de défendre devant vous cet amendement, qui vise à supprimer les dispositions instaurant la T2A à 100 %.

Une telle rémunération est inacceptable en ce qu'elle méconnaît les deux spécificités qui sont propres à l'hôpital.

D'une part, vous le savez, nous en avons discuté, l'une des missions de l'hôpital est la formation des praticiens. La diversité des pathologies traitées à l'hôpital en fait le lieu le plus excellent pour former, comme le dit Michael Moore dans son dernier film, les meilleurs médecins qui soient.

D'autre part, vous le savez également, les hôpitaux ont comme spécificité d'organiser la permanence des soins. Je vous défie de trouver des cliniques ou des médecins libéraux qui assuraient cette permanence des soins à la Toussaint !

Les cliniques se refusent à pratiquer certains actes, car ils sont peu ou pas rentables. Tel n'était pas le cas de l'hôpital. Or, avec votre projet de loi, vous instaurez une hiérarchie entre les malades en fonction d'un rapport pathologie-bénéfices.

Désormais, tel malade est plus rentable que tel autre, telle activité devient plus intéressante que telle autre. Ainsi, le malade bénéficiant d'un geste technique ou d'une chirurgie impliquant une courte hospitalisation est hautement rentable et particulièrement recherché. Le malade complexe ayant une maladie chronique avec des problèmes sociaux et psychologiques, et nécessitant une hospitalisation prolongée, n'est pas rentable. En diabétologie, de manière provocante et factuellement exacte, on peut dire que dialyser ou amputer un diabétique est plus rentable que de prévenir la dialyse ou l'amputation. J'exagère un peu, mais on n'en est pas loin !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Faute avouée, à moitié pardonnée !

M. Guy Fischer. Le président de la commission médicale d'établissement, la CME, du plus grand hôpital lyonnais m'a dit que nous étions arrivés à des pratiques discutables.

Les unités d'éducation thérapeutique, qui assurent cette prévention et sont par nature plus consommatrices de personnels que de techniques, voient leur développement entravé. Leur maintien même est menacé.

Il existe aujourd'hui, et cela va s'accroître avec votre réforme, une dichotomie entre l'hôpital public et le privé, comme le signalait le professeur André Grimaldi, chef du service de diabétologie à la Pitié-Salpêtrière : « L'essentiel de la médecine est faite à l'hôpital, l'essentiel de la chirurgie est faite en clinique. Les sinusites chroniques ou les otites chroniques sont pour la clinique ; les tumeurs ORL et stomatologiques sont pour l'hôpital. Les prothèses de hanches sont pour la clinique, les traumatismes compliqués du rachis sont pour l'hôpital. La chirurgie de la main est pour la clinique, la chirurgie du pied diabétique est pour l'hôpital. »

Un chiffre en témoigne : 80 % des gens meurent à l'hôpital.

Votre projet de loi, si vous le maintenez, aura pour conséquence de rendre impossible la pratique de certains actes dans les hôpitaux les moins riches, et contraindra plusieurs d'entre eux à ne plus faire des actes qui ne sont pas assez rentables afin de développer les actes légers et ambulatoires qui rapportent plus.

Telles sont les raisons pour lesquelles nous proposons cet amendement de suppression.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Alain Vasselle, rapporteur de la commission des affaires sociales pour les équilibres financiers généraux et l'assurance maladie. Avis défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé, de la jeunesse et des sports. J'ai déjà longuement expliqué pourquoi le Gouvernement était défavorable à cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Guy Fischer, pour explication de vote.

M. Guy Fischer. Le groupe CRC demande un scrutin public sur cet amendement. (Protestations sur les travées de l'UMP.)

Après, la journée sera pratiquement terminée !

M. Bruno Sido. Pas du tout !

M. Guy Fischer. Pour rendre le débat plus vivant, permettez-moi, mes chers collègues, de citer la voix des directeurs d'hôpitaux.

Voilà ce que disait le directeur d'un hôpital du Havre, où 550 postes sur 4 000 ont été supprimés en cinq ans : « La concurrence avec le privé est rude, on nous demande de courir le marathon avec des boulets aux pieds que sont les missions de service public,...

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Ce n'est pas facile !

M. Guy Fischer. ... l'obligation de continuité des soins, l'impossibilité de choisir ses malades, autant de contraintes dont le privé s'exonère sans trop de difficultés. »

Il déclarait également : « Parfois certains patients sont admis aux urgences du secteur privé commercial. On leur adresse tous les soins que l'on peut facturer au titre de la tarification à l'acte ; ensuite si l'on diagnostique des pathologies associées, qui peuvent générer des pertes, des nuits d'alitement supplémentaires par exemple, on les dirige à nouveau directement chez nous, aux urgences publiques. »

Ce débat est aujourd'hui un véritable problème de fond. L'accélération de la mise en oeuvre de la T2A témoigne de la volonté de hâter cette réforme. Ce déséquilibre entre l'hôpital public et le privé aura un jour ou l'autre des conséquences très graves dans l'accès aux soins. Ce sont les plus démunis qui, de toute évidence, en pâtiront.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 347.

Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe CRC.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...

Le scrutin est clos.

(Il est procédé au comptage des votes.)

M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 32 :

Nombre de votants 321
Nombre de suffrages exprimés 320
Majorité absolue des suffrages exprimés 161
Pour l'adoption 126
Contre 194

Le Sénat n'a pas adopté.

L'amendement n° 178, présenté par M. Gouteyron est ainsi libellé :

Après le quatrième alinéa (2°) du I de cet article, insérer deux alinéas ainsi rédigés :

...° Le dernier alinéa du IV est complété par une phrase ainsi rédigée :

« Cette mesure de réduction du coefficient sera prise en compte dans le coefficient de transition des établissements concernés de manière à en préserver la neutralité financière. »

Cet amendement n'est pas soutenu.

L'amendement n° 43, présenté par M. Vasselle au nom de la commission des affaires sociales est ainsi libellé :

Rédiger comme suit le troisième alinéa (A) du 3° du I de cet article :

« A - Les prestations d'hospitalisation mentionnées au 1° de l'article L. 162-22-6 du même code sont prises en charge par les régimes obligatoires d'assurance maladie sur la base des tarifs mentionnés à l'article L. 162-22-10 du même code affectés d'un coefficient de transition, ainsi que, le cas échéant, du coefficient géographique mentionné au 3° de l'article L. 162-22-10. Par dérogation, les tarifs des prestations afférentes aux activités d'hospitalisation à domicile et de prélèvement d'organes ou de tissus ne sont pas affectés par le coefficient de transition susmentionné.

La parole est à M. Alain Vasselle, rapporteur.

M. Alain Vasselle, rapporteur. Cet amendement concerne les actes externes des établissements publics, qui sont facturés aux assurés dans les mêmes conditions que les actes réalisés en ville.

Il nous paraît important, au sein de la commission des affaires sociales, que les tarifs demeurent semblables entre les deux secteurs afin que ni les professionnels ni les assurés ne soient pénalisés. S'il faut appliquer un coefficient de transition, cela ne doit pas se traduire par un surcoût pour l'assuré lui-même. Donc, si un coefficient correcteur « surdote » la tarification des actes externes à l'hôpital, c'est bien la Caisse nationale d'assurance maladie, la CNAM, qui en supportera la dépense.

Tel est l'objet de l'amendement.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Il n'est pas inutile de rappeler qu'avant 2004, date du passage à la T2A, les actes externes étaient financés par l'assurance maladie dans le cadre de la dotation globale. Celle-ci contribuait au financement de l'activité des établissements du secteur public, qu'il s'agisse des séjours hospitaliers ou des consultations externes.

Au moment du passage à la T2A en 2004, dans le régime de transition mis en place, la dotation globale, appelée couramment DAC, ou dotation annuelle complémentaire, dégressive au fur et à mesure de l'augmentation de la part financée par des tarifs, contribuait au financement partiel des consultations externes. Pour le solde, celles-ci étaient financées par le tarif CCAM, ou classification commune des actes médicaux, affecté de la fraction tarifaire.

La réforme de la tarification à l'activité proposée par le Gouvernement à compter du 1er janvier 2008 conduit logiquement à appliquer à ces consultations et actes externes les mêmes modalités de transition que pour l'activité hospitalière des établissements. Pour les consultations externes, le financement par la DAC, augmenté de la fraction de tarif de la CCAM, sera remplacé par le tarif de la CCAM, affecté du coefficient de transition de l'établissement.

L'objet de l'amendement mentionne qu'il est important qu'entre le secteur public et le secteur privé ni les professionnels de santé ni les assurés ne soient pénalisés, ce qui est un objectif auquel je souscris.

Or le dispositif prévu par l'article 42 du projet de loi de financement de la sécurité sociale ne porte que sur la part des dépenses financées par l'assurance maladie. La charge supportée par l'assuré est calculée sur le tarif de la classification commune des actes médicaux, la CCAM, hors coefficient de transition.

S'agissant des professionnels, il convient de rappeler que les praticiens hospitaliers sont rémunérés par les établissements de santé et que la rémunération au titre des consultations externes qu'ils dispensent est versée aux établissements qui les emploient. La mesure est donc neutre pour ces professionnels.

Elle est neutre également pour l'assurance maladie. La masse financière des dépenses d'assurance maladie des établissements de santé dont le coefficient de transition est supérieur à un est identique à celle des établissements dont le coefficient est inférieur à un.

Pour l'ensemble de ces raisons, monsieur le rapporteur, le Gouvernement est défavorable à cet amendement et vous invite à le retirer.

M. le président. Monsieur le rapporteur, l'amendement no 43 est-il maintenu ?

M. Alain Vasselle, rapporteur. Madame la ministre ayant affirmé, à la fin de son propos, que la mesure sera neutre tant pour le patient que pour les professionnels de santé, je retire l'amendement no 43.

M. le président. L'amendement no 43 est retiré.

L'amendement n° 45, présenté par M. Vasselle au nom de la commission des affaires sociales est ainsi libellé :

Dans la seconde phrase du dernier alinéa du C du texte proposé par le 3° du I de cet article pour le V de l'article 33 de la loi n° 2003-1199 du 18 décembre 2003 de financement de la sécurité sociale pour 2004, remplacer la valeur :

un

par la valeur :

0,9

La parole est à M. Alain Vasselle, rapporteur.