M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Bien sûr !

M. Hervé Novelli, secrétaire d'État. De cette spécialisation dépend aussi l'attractivité du territoire français. Les entreprises et les praticiens de la propriété intellectuelle souhaitent une spécialisation accrue des juridictions chargées de la propriété intellectuelle, cette spécialisation étant source de rapidité et d'efficacité.

Du reste, le 27 février 2007, le Conseil supérieur de la propriété industrielle a recommandé de poursuivre l'autonomie de l'ensemble du contentieux de la propriété intellectuelle en le confiant à un nombre réduit - voire très réduit - de tribunaux de grande instance spécialisés.

La mise en oeuvre de cette spécialisation géographique se fera dans le cadre de la réforme de la carte judiciaire actuellement en cours, et ce en cohérence avec le mouvement de spécialisation générale des contentieux techniques.

Le Gouvernement est donc, je le redis, pleinement favorable à ces deux amendements identiques.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Très bien !

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 47 et 50 rectifié.

(Les amendements sont adoptés.)

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 39.

L'amendement n° 48 rectifié bis, présenté par M. Béteille au nom de la commission est ainsi libellé :

I. - Après l'article 39, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :

1° Au 1 de l'article 428 du code des douanes, les mots : « sous tous régimes douaniers » sont supprimés ;

2° Dans le deuxième alinéa (a) des articles L. 716-9 et L. 716-10 du code de la propriété intellectuelle, les mots : « sous tout régime douanier » et "sous tous régimes douaniers" sont respectivement supprimés ;

3° Les articles L. 716-8 et L. 716-8-1 du code de la propriété intellectuelle sont rédigés comme suit :

« Art. L. 716-8.- En dehors des cas prévus par la réglementation communautaire en vigueur, l'administration des douanes peut, sur demande écrite du propriétaire d'une marque enregistrée ou du bénéficiaire d'un droit exclusif, assortie des justifications de son droit, retenir dans le cadre de ses contrôles les marchandises que celui-ci prétend constituer une contrefaçon de ladite marque.

« Le procureur de la République, le requérant, ainsi que le déclarant ou le détenteur des marchandises sont informés sans délai, par les services douaniers, de la retenue à laquelle ces derniers ont procédé.

« La mesure de retenue est levée de plein droit à défaut pour le requérant, dans le délai de dix jours ouvrables ou de trois jours ouvrables, s'il s'agit de denrées périssables, à compter de la notification de la retenue des marchandises, de justifier auprès de services douaniers, soit de mesures conservatoires décidées par la juridiction civile compétente, soit de s'être pourvu par la voie civile ou la voie correctionnelle et d'avoir constitué les garanties destinées à l'indemnisation éventuelle du détenteur des marchandises au cas où la contrefaçon ne serait pas ultérieurement reconnue.

« Les frais liés à la mesure de retenue ou aux mesures conservatoires prononcées par la juridiction civile compétente sont à la charge du requérant.

« Aux fins de l'engagement des actions en justice visées aux troisième et quatrième alinéas, le requérant peut obtenir de l'administration des douanes communication des noms et adresses de l'expéditeur, de l'importateur, du destinataire des marchandises retenues ou de leur détenteur, ainsi que de leur quantité, leur origine et leur provenance par dérogation aux dispositions de l'article 59 bis du code des douanes, relatif au secret professionnel auquel sont tenus les agents de l'administration des douanes.

« La retenue mentionnée au premier alinéa ne porte pas :

« - sur les marchandises de statut communautaire, légalement fabriquées ou mises en libre pratique dans un État membre de la Communauté européenne et destinées, après avoir emprunté le territoire douanier tel que défini à l'article 1er du code des douanes, à être mises sur le marché d'un autre État membre de la Communauté européenne, pour y être légalement commercialisées ;

« - sur les marchandises de statut communautaire, légalement fabriquées ou légalement mises en libre pratique dans un autre État membre de la Communauté européenne, dans lequel elles ont été placées sous le régime du transit et qui sont destinées, après avoir transité sur le territoire douanier tel que défini à l'article 1er du code des douanes, à être exportées vers un État non membre de la Communauté européenne. » ;

« Art. L. 716-8-1.- En l'absence de demande écrite du propriétaire d'une marque enregistrée ou du bénéficiaire d'un droit exclusif d'exploitation, et En dehors des cas prévus par la réglementation communautaire en vigueur, l'administration des douanes peut, dans le cadre de ses contrôles, retenir une marchandise susceptible de porter atteinte à une marque enregistrée ou à un droit exclusif d'exploitation.

« Cette retenue est immédiatement notifiée au propriétaire de la marque enregistrée ou au bénéficiaire du droit exclusif d'exploitation. Le procureur de la République est également informé de ladite mesure.

« Lors de la notification visée à l'alinéa précédent, la nature et la quantité réelle ou estimée des marchandises est communiquée au propriétaire de la marque enregistrée ou au bénéficiaire du droit exclusif d'exploitation, par dérogation à l'article 59 bis du code des douanes.

« La mesure de retenue est levée de plein droit si le propriétaire de la marque enregistrée ou le bénéficiaire du droit exclusif d'exploitation, n'a pas déposé la demande prévue par l'article L. 716-8 dans le délai de trois jours ouvrables à compter de la notification de la retenue visée au deuxième alinéa. » ;

4° Après l'article L. 716-8-1 du code de la propriété intellectuelle, sont insérés les articles L. 716-8-2, L. 716-8-3, L. 716-8-4 et L. 716-8-6 ainsi rédigés :

« Art. L. 716-8-2.- I- Lorsque la retenue portant sur des marchandises soupçonnées de constituer une contrefaçon d'une marque enregistrée, prévue par la réglementation communautaire en vigueur, est mise en oeuvre avant qu'une demande d'intervention du propriétaire de la marque enregistrée ou du bénéficiaire d'un droit exclusif d'exploitation, ait été déposée ou acceptée, les agents des douanes peuvent, par dérogation à l'article 59 bis du code des douanes, informer ce propriétaire ou ce bénéficiaire du droit exclusif d'exploitation, de la mise en oeuvre de cette mesure. Ils peuvent également leur communiquer des informations portant sur la quantité de la marchandise et sa nature.

« Lorsque la retenue portant sur des marchandises soupçonnées de constituer une contrefaçon de marque, prévue par la réglementation communautaire en vigueur, est mise en oeuvre après qu'une demande d'intervention du propriétaire de la marque enregistrée ou du bénéficiaire d'un droit exclusif d'exploitation a été acceptée, les agents des douanes peuvent également communiquer à ce propriétaire ou à ce bénéficiaire, les informations prévues par cette réglementation communautaire, nécessaires pour déterminer s'il y a eu violation de son droit.

« II - Les frais générés par la mise en oeuvre d'une retenue prévue par la réglementation communautaire en vigueur sont à la charge du propriétaire de la marque enregistrée ou du bénéficiaire du droit exclusif d'exploitation.

« Art. L. 716-8-3.- Pendant le délai de la retenue visée aux articles L. 716-8, L. 716-8-1 et L. 716-8-2, le propriétaire de la marque enregistrée ou le bénéficiaire du droit exclusif d'exploitation peut, à sa demande ou à la demande de l'administration des douanes, inspecter les marchandises retenues.

« Lors du contrôle des marchandises mises en retenue, l'administration des douanes peut prélever des échantillons. À la demande du propriétaire de la marque enregistrée ou du bénéficiaire du droit exclusif d'exploitation, ces échantillons peuvent lui être remis aux seules fins d'analyse et en vue de faciliter les actions qu'il peut être amené à engager par la voie civile ou pénale.

« Art. L. 716-8-4.- En vue de prononcer les mesures de retenue prévues aux articles L. 716-8, L. 716-8-1, L. 716-8-2 et L. 716-8-3 les agents des douanes appliquent les pouvoirs qui leur sont dévolus par le code des douanes.

« Art. L. 716-8-5.- Les conditions d'application des mesures prévues aux articles L. 716-8, L. 716-8-1, L. 716-8-2, L. 716-8-3 et L. 716-8-4 sont définies par décret en Conseil d'État.

« Art. L. 716-8-6. - Les officiers de police judiciaire peuvent procéder, dès la constatation des infractions prévues aux articles L. 716-9 et L. 716-10, à la saisie des produits fabriqués, importés, détenus, mis en vente, livrés ou fournis illicitement et des matériels spécialement installés en vue de tels agissements. » ;

5° Au paragraphe 4 de l'article 38 du code des douanes, remplacer les mots : « aux marchandises présentées sous une marque contrefaite » par les mots : « aux marchandises présentées sous une marque contrefaisante ou incorporant un dessin ou modèle tel que mentionnés à l'article L. 513-4 du code de la propriété intellectuelle » ;

6° Le 6° du I de l'article 28-1 du code de procédure pénale est ainsi rédigé :

« Les infractions prévues au code de la propriété intellectuelle » ;

7° L'article 41-4 du même code est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Le procureur de la République peut ordonner la destruction des biens meubles saisis dont la conservation n'est plus nécessaire à la manifestation de la vérité, lorsqu'il s'agit d'objets qualifiés par la loi de dangereux ou nuisibles, ou dont la détention est illicite. »

8° Après l'article 41-4 du même code, il est un article 41-5 ainsi rédigé :

« Art. 41-5.- Lorsqu'au cours de l'enquête, la restitution des biens meubles saisis et dont la conservation n'est plus nécessaire à la manifestation de la vérité s'avère impossible, soit parce que le propriétaire ne peut être identifié, soit parce que le propriétaire ne réclame pas l'objet dans un délai de deux mois à compter d'une mise en demeure adressée à son dernier domicile connu, le juge des libertés et de la détention peut, sur requête du procureur de la République et sous réserve des droits des tiers, autoriser la destruction de ces biens ou leur remise au service des Domaines aux fins d'aliénation.

« Le juge des libertés et de la détention peut également autoriser la remise au service des Domaines, en vue de leur aliénation, des biens meubles saisis dont la conservation en nature n'est plus nécessaire à la manifestation de la vérité et dont la confiscation est prévue par la loi, lorsque le maintien de la saisie serait de nature à diminuer la valeur du bien. S'il est procédé à la vente du bien, le produit de celle-ci est consigné. En cas de classement sans suite, de non-lieu ou de relaxe, ou lorsque la peine de confiscation n'est pas prononcée, ce produit est restitué au propriétaire des objets s'il en fait la demande.

« Les ordonnances prises en application des deux premiers alinéas du présent article sont motivées et notifiées au ministère public et, s'ils sont connus, au propriétaire ainsi qu'aux tiers ayant des droits sur le bien, qui peuvent la déférer à la chambre de l'instruction par déclaration au greffe du tribunal dans les dix jours qui suivent la notification de la décision. Cet appel est suspensif. Le propriétaire et les tiers peuvent être entendus par la chambre de l'instruction. Les tiers ne peuvent toutefois pas prétendre à la mise à disposition de la procédure.

« Un décret en Conseil d'État détermine les modalités d'application du présent article. »

La parole est à M. le rapporteur.

M. Laurent Béteille, rapporteur. Cet amendement assez complet vise à étendre les compétences des douanes et des services judiciaires, par un certain nombre de modifications, notamment pour ce qui concerne les douanes.

Il s'agit de réprimer plus sévèrement les contrefaçons lors des « transbordements », dont je parlais tout à l'heure dans la discussion générale. Il s'agit des marchandises qui ne sont pas destinées au marché français ou communautaire et qui transitent par nos plateformes aéroportuaires pour être réexpédiées ensuite vers une destination finale extracommunautaire. On les appelle des « marchandises tiers-tiers ».

Actuellement, toute infraction relevée par les douanes ne peut faire l'objet que d'une simple contravention. Nous proposons d'en faire un délit douanier.

Nous souhaitons également rendre plus sévère la procédure de retenue douanière en matière de marques. Il s'agit essentiellement de renforcer l'information des titulaires de droits pour leur permettre de faire valoir leur point de vue.

Quant à la saisie douanière en matière de dessins et modèles, elle n'est possible à l'heure actuelle que pour les marques, ce qui permet à certains contrefacteurs de tourner la difficulté. Par conséquent, nous proposons d'appliquer aux contrefaçons de dessins et modèles le régime de la prohibition douanière.

Nous souhaitons dans le même esprit que la compétence de la douane judiciaire soit étendue, au-delà des seules marques, aux autres droits de propriété intellectuelle.

Enfin, nous proposons de permettre au procureur de la République d'ordonner la destruction des biens illicites dès lors que leur détention n'est plus nécessaire à la manifestation de la vérité ou lorsqu'il s'agit d'objets dangereux ou nuisibles dont la détention est illicite, afin que cette destruction soit facilitée.

Cet amendement peut être extrêmement utile. Il a été rectifié de manière que l'action des services douaniers et des services judiciaires en matière de lutte contre la contrefaçon ne soit pas limitée aux seuls marques ou dessins et modèles déposés mais s'étende à l'ensemble des marques et dessins et modèles.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Hervé Novelli, secrétaire d'État. Cet amendement semble tout à fait complet et le Gouvernement y est favorable.

Il s'agit d'améliorer l'efficacité des procédures douanières en matière de contrefaçon en étendant respectivement les possibilités d'intervention des services douaniers et de la douane judiciaire à l'encontre des marchandises contrefaisantes, d'une part ; les possibilités d'information des titulaires de droits lors des contrôles douaniers, d'autre part ; les possibilités de répression des infractions constatées, enfin.

M. le président. La parole est à M. Richard Yung, pour explication de vote.

M. Richard Yung. Je voterai cet amendement.

M. le rapporteur et moi-même avons visité les douanes de Roissy. Nous avons été impressionnés de ce que nous avons constaté, notamment cette impuissance des douaniers qui ne cessent de voir arriver des conteneurs de produits de contrefaçon en provenance d'Asie ou d'autres régions du monde qui transitent sur notre sol avant de repartir vers les marchés d'Amérique latine ou d'Afrique : nos douaniers ne peuvent pas faire grand-chose en l'état actuel de la législation.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. C'est vrai ! C'est incroyable !

M. Richard Yung. Aux cinq points de renforcement de la législation douanière que M. le rapporteur a évoqués, j'apporte mon soutien. Nous allons dans le bon sens.

Je forme le voeu qu'à l'occasion de la présidence française de l'Union européenne on puisse proposer un renforcement, une amélioration supplémentaire de la coopération douanière entre les douanes communautaires.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 48 rectifié bis.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 39.

Articles additionnels après l'article 39
Dossier législatif : projet de loi de lutte contre la contrefaçon
Articles additionnels après l'article 39

Article 2 (précédemment réservé)

1° Dans le titre II du livre V du même code, le chapitre unique devient un chapitre Ier intitulé : « Contentieux des dessins et modèles nationaux » ;

2° L'article L. 521-3-1 est abrogé ;

3° Les articles L. 521-4, L. 521-6 et L. 521-7 deviennent respectivement les articles L. 521-10, L. 521-13 et L. 521-14.

M. le président. L'amendement n° 1 rectifié, présenté par M. Béteille, au nom de la commission, est ainsi libellé :

I. Supprimer le deuxième alinéa (2°) de cet article.

II. Rédiger comme suit le troisième alinéa (3°) de cet article :

3° Les articles L. 521-6 et L. 521-7 deviennent les articles L. 521-13 et L. 521-14.

La parole est à M. le rapporteur.

M. Laurent Béteille, rapporteur. Il s'agit d'un amendement de coordination, pour renuméroter les articles concernés.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Hervé Novelli, secrétaire d'État. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 2, modifié.

(L'article 2 est adopté.)

Article 2 (précédemment réservé)
Dossier législatif : projet de loi de lutte contre la contrefaçon
Explications de vote sur l'ensemble (début)

Articles additionnels après l'article 39 (suite)

M. le président. L'amendement n° 49, présenté par M. Béteille, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Après l'article 39, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :

I. Après l'article L. 521-9 du code de la propriété intellectuelle, il est inséré un article L. 521-10 ainsi rédigé :

« Toute atteinte portée sciemment aux droits garantis par le présent livre est punie de trois ans d'emprisonnement et de 300 000 euros d'amende. Lorsque le délit a été commis en bande organisée ou lorsque les faits portent sur des marchandises dangereuses pour la santé, la sécurité de l'homme ou l'animal, les peines sont portées à cinq ans d'emprisonnement et à 500 000 euros d'amende.

« En outre, la juridiction peut ordonner la fermeture totale ou partielle, définitive ou temporaire, pour une durée au plus de cinq ans, de l'établissement ayant servi à commettre l'infraction.

« La fermeture temporaire ne peut entraîner ni rupture, ni suspension du contrat de travail, ni aucun préjudice pécuniaire à l'encontre des salariés concernés. Lorsque la fermeture définitive entraîne le licenciement du personnel, elle donne lieu, en dehors de l'indemnité de préavis et de l'indemnité de licenciement, aux dommages-intérêts prévus aux articles L. 122-14-4 et L. 122-14-5 du code du travail en cas de rupture de contrat de travail. Le non-paiement de ces indemnités est puni de six mois d'emprisonnement et de 3 750 euros d'amende. »

II. Au dernier alinéa de l'article L. 716-9 et dans la seconde phrase du premier alinéa de l'article L. 615-14 du même code, après les mots : « en bande organisée » sont insérés les mots : « ou lorsque les faits portent sur des marchandises dangereuses pour la santé, la sécurité de l'homme ou l'animal ».

La parole est à M. le rapporteur.

M. Laurent Béteille, rapporteur. Par cet amendement, nous souhaitons renforcer la protection des personnes lorsque les biens contrefaisants risquent de porter atteinte à leur santé ou à leur sécurité.

S'il n'est pas nécessaire d'énumérer de nouveau tous les risques que de tels produits, dont la qualité est médiocre, voire déplorable, peuvent véritablement faire courir aux consommateurs, il faut souligner l'importance d'alourdir les pénalités prévues en pareil cas.

Lors de la discussion générale, j'ai insisté sur le fait que ce phénomène couvre de très nombreux domaines de la contrefaçon et concerne un panel extrêmement large de fabrications, et non pas les seuls médicaments.

M. le président. Le sous-amendement n° 54, présenté par MM. Poniatowski et Longuet est ainsi libellé :

Compléter le II de l'amendement n° 49 par les mots :

ou sur des marchandises fabriquées, transportées ou commercialisées dans des conditions contraires à la dignité humaine et en violation des conventions internationales, lois et règlements interdisant le travail forcé et le travail des enfants

La parole est à M. Ladislas Poniatowski.

M. Ladislas Poniatowski. À l'évidence, l'amendement n° 49 de la commission, d'une part, et les amendements identiques nos 47 et 50 rectifié précédemment adoptés, d'autre part, contiennent les deux principaux ajouts à ce projet de loi, qui, comme l'a souligné tout à l'heure Mme Lagarde, contribueront à mieux réprimer la contrefaçon dans notre pays. Par conséquent, je soutiens cet amendement fort important et, bien entendu, je le voterai.

M. le rapporteur l'a rappelé lors de la discussion générale, dans le droit actuel, les sanctions prévues pour tous les délits classiques de contrefaçon peuvent aller jusqu'à trois ans d'emprisonnement et 300 000 euros d'amende. Un seul cas de figure constitue aujourd'hui une circonstance aggravante, à savoir les contrefaçons commises en bande organisée.

La commission des lois propose donc de créer une autre circonstance aggravante, lorsque la contrefaçon présente un danger pour la santé et la sécurité des personnes.

À cet égard, mes chers collègues, je vous renvoie à l'excellent rapport de M. Béteille, dans lequel il souligne notamment la dangerosité de certains jouets. Vous vous en souvenez sûrement tous, voilà quelques jours à peine, des jouets fabriqués en Chine ont encore été retirés de l'ensemble du marché mondial.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Mais ce n'étaient pas des contrefaçons !

M. Ladislas Poniatowski. En l'occurrence, étaient visés les peintures et les colorants employés. Très souvent, d'ailleurs, les jouets contrefaisants présentent ce type de malfaçons, qui sont effectivement très dangereuses.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Ce sont les délocalisations qui posent problème !

M. Ladislas Poniatowski. M. le rapporteur nous a également rappelé la dangerosité d'un certain nombre d'objets, notamment mécaniques. Je me souviens d'ailleurs des débats sur la loi Perben de 2004 et sur la loi Longuet de 1994, dont j'étais le rapporteur à l'Assemblée nationale. À l'époque, j'avais moi-même recensé deux cents produits authentiques et contrefaisants dans le domaine du jouet, du textile, du médicament, de la mécanique et de la bijouterie.

M. Hervé Novelli, secrétaire d'État. Je m'en souviens !

M. Ladislas Poniatowski. Le phénomène est véritablement impressionnant, car de tels produits peuvent être dangereux et provoquer des accidents.

M. le secrétaire d'État l'a souligné, la première étape importante a été la loi Longuet de 1994, complétée par la loi Perben de 2004, l'une et l'autre constituant l'ossature de la directive européenne que ce projet de loi vise à transposer.

Dans ce domaine, si les pays européens nous ont copiés, nous conservons toujours une longueur d'avance. En effet, grâce au travail réalisé par la commission des lois du Sénat et, notamment, par M. le rapporteur, nous proposons d'aller plus loin et d'agir plus fortement encore et plus efficacement.

Malgré tout, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, ce dispositif n'est pas sans danger, car les tribunaux saisis risquent d'être confrontés à certains problèmes.

Vous avez, les uns et les autres, fait allusion à Roissy, où je m'étais moi-même rendu à l'époque. Mais vous auriez pu également trouver une situation analogue au Havre, où un certain nombre de conteneurs arrivent et repartent aussitôt, d'où les très grandes difficultés rencontrées par les Douanes pour constater les délits.

Par conséquent, en cas de saisie importante, le tribunal peut difficilement porter un jugement sur le préjudice causé à la personne qui porte plainte, dans la mesure où il faut toujours juger en fonction de ce qui a été saisi. Lorsque la saisie porte, par exemple, sur un millier de montres, ce sont vraisemblablement 10 000 ou 20 000 montres qui circulent. La tâche du tribunal est d'autant plus difficile que l'entreprise elle-même qui porte plainte ne souhaite pas toujours révéler son vrai préjudice, par peur de donner trop d'informations à ses concurrents.

Si l'amendement n° 49 est adopté en l'état, les tribunaux auront probablement demain plus de facilité à porter un jugement, en cas de plainte, sur la dangerosité du produit saisi que sur le préjudice subi. En réalité, la jurisprudence risque de concerner principalement les produits dangereux, car il sera moins difficile pour les Douanes et pour les tribunaux d'agir efficacement contre ceux-ci.

Bien entendu, les juges devront également traiter les plaintes portant sur les saisies d'autres produits. Pour autant, dès lors qu'il n'y a pas de danger particulier, toutes les autres contrefaçons risquent d'être banalisées. Si M. le secrétaire d'État et M. le rapporteur ont souligné la nécessité de lutter contre toutes les formes de contrefaçons, un tel risque existe bel et bien.

C'est la raison pour laquelle Gérard Longuet et moi-même avons voulu au moins soulever le problème à travers ce sous-amendement, car certains produits sont fabriqués dans le monde en dehors de tout respect des droits de l'homme et en violation de l'interdiction du travail des enfants ou du travail forcé, même si, je le sais bien, les preuves sont souvent difficiles à apporter.

Il importe cependant que cet élément entre au moins en ligne de compte, car il touche de très nombreux produits susceptibles d'être saisis. Autrement dit, la circonstance aggravante les concernerait aussi.

Monsieur le secrétaire d'État, je connais d'ores et déjà votre avis sur ce sous-amendement et je sais bien que vous allez me prier de bien vouloir le retirer. Si j'accepte, demandez alors au moins à la commission de supprimer de son amendement la référence à la dangerosité pour l'animal. À mes yeux, cette notion est tout de même beaucoup moins grave que l'obligation faite à des enfants de travailler ou le non-respect du droit du travail ! Dans ce domaine, il convient d'être logique et cohérent, et c'est bien pour cette raison que nous avons déposé ce sous-amendement.

Je vous demanderai également, monsieur le secrétaire d'État, de rassurer non pas les seuls parlementaires, mais bien tous les industriels de notre pays qui sont touchés par la contrefaçon de leurs produits. En France, ce phénomène représente un manque à gagner et un nombre d'emplois supprimés très importants. Or ce n'est pas parce qu'une nouvelle circonstance aggravante est créée pour certains produits que la lutte contre toutes les autres contrefaçons doit être abandonnée.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Laurent Béteille, rapporteur. Monsieur Poniatowski, votre préoccupation mérite tout à fait d'être prise en considération, car nous ne pouvons être que fermement opposés à tout ce qui peut favoriser le travail des enfants. Le fait de proposer une pénalisation plus lourde dans ce domaine peut donc paraître, de prime abord, une bonne idée.

Cela étant, si, sur le principe, nous ne pouvons qu'être favorables à votre proposition, celle-ci soulève à mon sens une double difficulté en pratique : d'une part, un produit authentique peut lui-même avoir été fabriqué en ayant recours au travail des enfants ; d'autre part, votre disposition sera extrêmement compliquée à mettre en oeuvre, car elle pose des problèmes en termes de preuve qui seront, à mon avis, difficiles à résoudre.

Moi aussi, j'ai bien entendu la crainte exprimée par certains industriels, redoutant que l'alourdissement des pénalités sur les contrefaçons dangereuses n'aboutisse à délaisser celles qui ne le seraient pas.

En réalité, il ne s'agit que d'une circonstance aggravante et non d'un délit sui generis, qui aboutirait à ne sanctionner que la contrefaçon dangereuse. Vous avez vous-même rappelé les dispositions législatives successivement adoptées, notamment la loi Longuet, lesquelles font de la contrefaçon un délit en toute hypothèse, qui est d'ailleurs sévèrement sanctionné de trois ans d'emprisonnement et de 300 000 euros d'amende. C'est la loi de la République, et les tribunaux se doivent de l'appliquer.

Il existe certes une circonstance aggravante pour la contrefaçon commise en bande organisée, mais celle-ci comme celle que nous proposons d'ajouter ne constituent, je le répète, que des circonstances aggravantes et non des délits particuliers.

Par conséquent, je souhaite connaître l'avis du Gouvernement sur ce sous-amendement. Si j'ai, d'abord, proposé à la commission d'émettre un avis de sagesse, celle-ci s'est tout de même montrée quelque peu réservée, et ce pour les raisons que je viens d'évoquer.

M. Ladislas Poniatowski. Et quel est votre avis sur la référence à la dangerosité pour l'animal, monsieur le rapporteur ?

M. Laurent Béteille, rapporteur. En fait, dans un souci d'harmonisation de la législation française, nous avons repris la formule qui existe déjà : lorsque l'atteinte à la santé est mentionnée, il est toujours fait référence à l'homme et à l'animal. Nous n'avons donc pas inventé cette formule, nous nous sommes contentés de la reprendre.

M. Ladislas Poniatowski. Elle n'est pas satisfaisante !

M. Laurent Béteille, rapporteur. L'une des raisons avancées, c'est que des animaux ayant consommé des produits dangereux risquent eux-mêmes de devenir dangereux pour la consommation humaine.

M. Ladislas Poniatowski. On n'a jamais vu cela !

M. Laurent Béteille, rapporteur. Mon cher collègue, je peux certes comprendre votre réaction. Mais, je le répète, nous avons agi dans un souci d'harmonisation législative, pour éviter d'avoir des textes qui se contredisent. En l'occurrence, il convenait de reprendre la formule déjà utilisée dans le code pénal plutôt que d'inventer une nouvelle expression.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Hervé Novelli, secrétaire d'État. Monsieur Poniatowski, le sous-amendement que vous avez déposé avec M. Longuet me semble très intéressant : vous proposez de faire de la fabrication, du transport et de la commercialisation de produits en violation des règles d'interdiction du travail forcé et du travail des enfants une circonstance aggravante en matière de délit de contrefaçon.

Évidemment, nous ne pouvons qu'être sensibles à l'objectif recherché. L'examen de ce sous-amendement est l'occasion de le rappeler, la production ou la commercialisation de marchandises contrefaisantes s'effectue dans l'illégalité et est donc propice au développement du travail clandestin ou, ce qui est le plus souvent le cas, à l'absence de respect du droit du travail. Lutter contre la contrefaçon, c'est aussi lutter contre les formes d'exploitation humaine qui l'accompagnent trop souvent.

Toutefois, monsieur le sénateur, il n'est pas certain que l'adoption d'un tel dispositif permette d'atteindre les objectifs que vous avez fixés. Vous l'avez vous-même reconnu, il soulèverait de réelles difficultés probatoires et d'exécution.

M. Hervé Novelli, secrétaire d'État. En effet, la circonstance aggravante du délit devrait alors vraisemblablement être démontrée à l'étranger.

M. Ladislas Poniatowski. C'est ce qui se passe actuellement !

M. Hervé Novelli, secrétaire d'État. Chacun le sait, ce n'est pas dans notre pays que la fabrication de produits contrefaisants est la plus importante : c'est donc bien à l'étranger qu'il faudrait se rendre pour constater les atteintes au droit du travail, en ce qui concerne notamment les enfants.

De plus, la lutte contre le travail des enfants ou contre le travail illégal doit être menée dans tous les cas, qu'il s'agisse de marchandises contrefaisantes ou non. Dans l'exemple que vous avez vous-même cité, les jouets étaient non pas des produits contrefaisants, mais tout simplement des objets dangereux. Il est donc difficile de prévoir une circonstance aggravante dans le seul cas de la contrefaçon.

Le travail forcé et le travail des enfants sont déjà réprimés par le droit pénal. Le code pénal protège les personnes particulièrement vulnérables contre les conditions de travail contraires à la dignité de la personne : les articles 225-13 et suivants prévoient des peines de cinq ans d'emprisonnement et de 150 000 euros d'amende ; elles sont aggravées si ces infractions sont commises à l'égard de mineurs, les infractions étant alors punies de sept ans d'emprisonnement et de 200 000 euros d'amende.

En outre, le code du travail interdit le travail des mineurs de moins de seize ans. Les conventions internationales de l'Organisation internationale du travail et de l'Organisation des Nations unies consacrent le respect des droits de l'enfant. Quant à la Convention européenne des droits de l'homme, elle réaffirme, dans son article 4, l'interdiction de l'esclavage et du travail forcé. Nous disposons donc de nombreux textes !

Dès lors, même si je souscris pleinement aux objectifs qui sont les vôtres, monsieur le sénateur, votre sous-amendement me semble poser des problèmes pratiques d'application qui sont difficiles à surmonter.

Je suis plus sensible, en revanche, à la fin de votre propos. Je vous le confirme officiellement et solennellement : il n'y aura aucune banalisation de la lutte contre la contrefaçon, dans quelque domaine que ce soit, et donc pas d'instauration d'un régime pénal à deux vitesses.

Certains ont pu craindre, comme vous, que la création d'une circonstance aggravante pour atteinte à la santé ne relègue au second plan la contrefaçon de produits ne comportant pas ce type de risques. Je souhaite les rassurer, ainsi que vous-même, et leur confirmer que notre politique de lutte contre la contrefaçon est et demeure uniforme quel que soit le secteur concerné, en particulier dans l'industrie du luxe, qui demeure une priorité du Gouvernement.

Sous le bénéfice de ces explications, je vous demande, monsieur le sénateur, de bien vouloir retirer votre sous-amendement.

L'amendement n° 49 tend à créer, en matière de délit de contrefaçon, une circonstance aggravante lorsque les produits contrefaisants portent atteinte à la santé ou à la sécurité de l'homme ou de l'animal. Cette proposition me semble opportune.

La contrefaçon concerne aujourd'hui tous les secteurs économiques et porte, notamment, sur des pièces détachées automobiles, des équipements électroménagers, des médicaments, des lunettes de soleil, de l'alcool, des cosmétiques. Dans la plupart des cas, ces produits ne respectent pas les normes de sécurité européenne et sont de mauvaise qualité, voire défectueux. Il en résulte un risque pour la santé et la sécurité du consommateur.

Par exemple, les médicaments de contrefaçon ne contiennent aucun principe actif, ou pas en dose appropriée, et peuvent même contenir des additifs dangereux. Les lunettes de soleil contrefaisantes protègent insuffisamment ou pas du tout contre les rayonnements. L'alcool de contrefaçon peut être frelaté. Quant aux cosmétiques contrefaisants, ils n'ont pas fait l'objet des tests préalables exigés par la réglementation et peuvent s'avérer allergènes.

Il apparaît donc profondément légitime de sanctionner plus sévèrement ces cas très répandus de contrefaçon dangereuse. C'est pourquoi le Gouvernement approuve l'amendement déposé par M. le rapporteur et adopté par la commission des lois.