compte rendu intégral

PRÉSIDENCE DE M. Christian Poncelet

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures cinquante.)

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PROCÈS-VERBAL

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n'y a pas d'observation ?...

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.

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DÉPÔT DU RAPPORT ANNUEL DE LA COUR DES COMPTES

M. le président. L'ordre du jour appelle le dépôt du rapport annuel de la Cour des comptes. (Mmes et MM. les sénateurs se lèvent.)

Huissiers, veuillez faire entrer M. le Premier président de la Cour des comptes.

(M. le Premier président de la Cour des comptes est introduit dans l'hémicycle selon le cérémonial d'usage.)

Monsieur le Premier président, je suis très heureux de vous accueillir pour la troisième fois dans cet hémicycle, pour la remise solennelle à notre assemblée du rapport annuel de la Cour des comptes.

Vous me permettrez de rappeler l'importance que le Sénat accorde à ses travaux de contrôle, qui sont, en quelque sorte, « sa seconde nature ». Il lui revient en effet d'effectuer, sur pièces et sur place, les contrôles nécessaires relatifs à la consommation des crédits publics.

Conformément aux articles 47 et 47-1 de la Constitution, la Cour des comptes joue un rôle essentiel d'assistance au Parlement et, plus encore ces derniers temps, dans le contrôle de l'application des lois de finances et des lois de financement de la sécurité sociale. Cette mission est attentivement suivie par la commission des finances, par son président, M. Arthuis, et par son rapporteur général, M. Marini.

En cette année de bicentenaire de la Cour, je forme donc le voeu que nos relations puissent se renforcer encore, afin d'améliorer l'information de nos commissions, du Sénat tout entier et, bien sûr, du peuple souverain.

C'est avec une grande attention et une curiosité, chaque année intacte, que notre assemblée va prendre connaissance de votre rapport.

Monsieur le Premier président, je vous souhaite une cordiale bienvenue dans l'hémicycle du Sénat et je vous donne la parole. (Applaudissements.)

M. Philippe Séguin, Premier président de la Cour des comptes. Monsieur le président, en application de l'article L. 136-1 du code des juridictions financières, j'ai l'honneur de vous remettre le rapport public annuel de la Cour des comptes, que j'ai présenté, hier soir, à M. le Président de la République. Je vous adresse des remerciements particuliers pour votre accueil.

Monsieur le président, monsieur le président de la commission des finances, mesdames, messieurs les sénateurs, l'exercice, auquel je viens de procéder, est rituel, et pour cause : comme vous l'avez fort opportunément rappelé, monsieur le président, le rapport annuel fête cette année, avec la Cour, ses 200 ans.

Certes, le Parlement ne connut pas ses vingt-cinq premiers millésimes, qui ne profitèrent qu'à Napoléon d'abord, puis à Louis XVIII, à Charles X et à leurs gouvernements ensuite. Mais l'essor du parlementarisme allait très vite changer la donne et, en 1832, les chambres obtinrent la communication de ce travail, qu'elles réclamaient depuis déjà plusieurs années.

Le rapport annuel est ainsi, avec la déclaration générale de conformité, à l'origine même de la mission d'assistance de la Cour au Parlement.

Cette mission, indissociable du nouvel équilibre des pouvoirs réalisé par la Monarchie de Juillet, n'a cessé, depuis lors, d'être réaffirmée, confortée et élargie. Mais elle a surtout changé de dimension voilà cinq ans, avec la mise en place de loi organique relative aux lois de finances, la LOLF, qui l'a littéralement et radicalement réactivée et revigorée.

La Cour des comptes est donc plus que jamais à votre disposition. Elle est à votre disposition pour assister la commission des finances dans ses travaux d'évaluation et de contrôle et pour assister la commission des affaires sociales dans ses travaux relatifs aux lois de financement de la sécurité sociale. Je viens moi-même régulièrement m'exprimer devant ces instances avec beaucoup de plaisir et répondre aux questions de leurs membres.

Elle est également à votre disposition pour mener toutes les enquêtes que vous souhaitez lui confier, en application du troisième alinéa de l'article 58 de la LOLF et de l'article 14 de la loi organique relative aux lois de financement de la sécurité sociale.

Ai-je besoin de rappeler qu'aujourd'hui ce n'est plus seulement un rapport annuel que nous vous remettons ? Ainsi, depuis 2002 et l'introduction des nouvelles dispositions législatives, ce sont 188 référés, 167 rapports particuliers, 5 rapports sur l'exécution budgétaire, 5 rapports sur la sécurité sociale, 4 rapports préliminaires et 44 autres rapports établis à la demande du Parlement, sur la base des deux lois organiques précitées, qui ont été remis aux deux assemblées.

Par ailleurs, la dynamique s'est radicalement accélérée. En 2002, nous consacrions un quart de notre temps de travail à ces travaux. En 2006, la proportion avait doublé et elle est, selon toute vraisemblance, encore appelée à s'accroître.

Et encore me suis-je abstenu de prendre en compte les rapports publics thématiques et autres travaux, qui ne relèvent pas directement de notre mission d'assistance, mais qui vous sont également communiqués.

En 2006, nous vous aurons ainsi remis 31 référés, 34 rapports particuliers. Nous avons réalisé, à votre demande, plusieurs enquêtes sur la gestion immobilière du ministère des transports, de l'équipement, du tourisme et de la mer, sur les commissions placées auprès du Premier ministre, sur l'Agence nationale de valorisation de la recherche, sur les aides à l'emploi, sur l'Association française d'action artistique, sur la réforme de la tarification des établissements de santé et sur le fonctionnement du service public de l'équarrissage. Vous avez d'ailleurs organisé un débat de contrôle budgétaire particulièrement approfondi - et nous nous en réjouissons -, sur le fondement de ce dernier travail. Nous sommes, bien entendu, très sensibles à cette initiative et très flattés que nos rapports puissent vous aider dans votre propre travail d'évaluation et de contrôle.

Nous nous sommes, par ailleurs et d'ores et déjà, mis en situation d'assumer celles de nos nouvelles compétences qui prennent effet cette année. Nous vous remettrons ainsi au printemps prochain quatre documents. Deux d'entre eux sont déjà connus de vous : le rapport sur les résultats, qui sera enrichi cette année, pour la première fois, des commentaires de la Cour sur les performances obtenues pour une vingtaine de programmes, et le rapport sur la situation et les perspectives des finances publiques, qui actualisera et approfondira l'analyse contenue dans le présent rapport annuel. Le troisième document sera l'expression de notre opinion sur les comptes de l'État, rédigé au terme du processus de certification, et qui viendra en lieu et place du rapport sur les comptes réalisé l'an dernier. Nous vous remettrons enfin un quatrième document dans lequel nous exprimerons notre opinion sur les divers comptes du régime général de la sécurité sociale. Pour autant, comme les années passées, nous vous remettrons, à l'automne, le traditionnel rapport sur l'application de la loi de financement de la sécurité sociale.

S'agissant de la certification, je veux encore une fois rappeler en cet instant que nous ne concevons pas nos nouvelles missions comme des armes de censure ou de sanction d'une politique. Nous nous contenterons de nous prononcer sur la conformité et la fidélité des états comptables au référentiel que l'État s'est donné.

De façon plus générale, nous avons bien conscience que les réformes comptable et budgétaire qu'impose la LOLF sont lourdes et très ambitieuses. Les administrations - je leur en donne bien volontiers acte -, ont déjà fourni un effort énorme pour répondre à ces nouvelles exigences. Nous n'avons d'ailleurs pas manqué de souligner les progrès déjà réalisés. Nous travaillons dans une logique de partenariat et d'accompagnement de la réforme plus que de sanction. Les rencontres et les échanges avec les ministères sont plus nombreux et nous veillons à répondre à leurs propres attentes.

Nous avons ainsi nous-mêmes engagé de profondes réformes internes pour nous adapter aux enjeux de la LOLF. Dans l'esprit des préconisations du récent rapport de MM. Lambert et Migaud, nous avons spécialisé nos équipes ; nous distinguons mieux les différents types de contrôle. Ainsi, le domaine juridictionnel, la certification et l'examen de la gestion font l'objet de méthodologies, de contrôles, de rapports et de délibérés distincts.

De la même façon, nous souhaitons vous apporter le soutien que vous jugerez nécessaire pour assumer les nouveaux pouvoirs que vous confère la LOLF et nous voulons que notre contribution à vos travaux soit toujours plus fructueuse.

C'est pourquoi, comme je l'ai annoncé à l'occasion de la séance solennelle de la Cour, nous tiendrons désormais l'ensemble des parlementaires régulièrement informés de l'état de la liste de nos communications. Par ailleurs, nous assortirons la transmission de nos référés et rapports particuliers de synthèses explicatives.

La Cour entend, en outre, se donner les moyens d'une plus grande réactivité. Nous savons que nous devons nous adapter au rythme de vos travaux. C'est pourquoi nous demanderons la réduction des délais de contradiction avec les organismes contrôlés, délais qui expliquent pour une bonne part un décalage trop fréquent entre le temps de la Cour et le temps du Parlement, et nous nous efforcerons de ramener le délai moyen de réponses à vos demandes d'enquêtes à la durée habituelle des commissions d'enquête parlementaire. Dans certaines circonstances, une note d'information pourra vous être communiquée dans des délais encore plus courts.

Enfin, pour que nous soyons en mesure de répondre totalement à votre attente, il nous reste à trouver la procédure de concertation la plus appropriée pour nous permettre, s'agissant de l'évaluation de la performance, programme par programme, de nous engager sur les travaux dont vous aurez vous-mêmes signalé la priorité. Il serait absurde de procéder autrement : notre vocation est de vous assister. C'est à vous de dire vos besoins et vos choix. Nous saurons adapter nos programmes en conséquence.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Merci !

M. Philippe Seguin, Premier président de la Cour des comptes. Nous voulons vous être utiles, comme nous souhaitons l'être, également, au Gouvernement et aux citoyens.

Le rapport public que nous vous remettons ce jour et que je présenterai tout à l'heure à la presse leur est également adressé.

Il s'ouvre, comme l'an dernier, sur une analyse de la situation des finances publiques. Les chiffres sont encore provisoires, mais mettent en évidence une amélioration sensible. Je n'entre pas dans le détail puisque, comme je vous l'ai dit, nous consacrerons à ce sujet un rapport spécifique au printemps sur des chiffres définitifs.

Je soulignerai simplement que certains des facteurs de cette amélioration sont conjoncturels. C'est dire que l'effort accompli reste à compléter pour améliorer encore la maîtrise de la dépense publique, seule vraie garantie du caractère pérenne des résultats obtenus et à obtenir.

Le rapport annuel 2007 est en tout cas l'occasion d'illustrer par des exemples variés et concrets les voies envisageables pour atteindre cet objectif général et - j'ai cru le comprendre - consensuel.

Le premier tome contient, cette année, vingt analyses de ce type portant sur des secteurs très divers.

Nous avons tout d'abord tenu, dans un contexte européen fort changeant, à consacrer plusieurs de nos contrôles au secteur agricole.

Les quatre exemples que nous donnons montrent la nécessité, mais aussi la difficulté d'une gestion plus efficace des financements publics qui y sont consacrés. Nous soulignons le foisonnement des aides, l'impossibilité de contrôler sérieusement l'éligibilité de leurs destinataires, l'absence d'évaluation sur l'efficacité de ces dépenses et les problèmes de conformité au droit communautaire.

Vous verrez que nous nous intéressons également à la question des aides aux PME et aux PMI, ainsi qu'au crédit d'impôt recherche, qui représente un enjeu financier lourd, mais dont on mesure encore difficilement l'impact sur les dépenses de recherche des entreprises.

Nous avons également examiné comment l'État fait vivre les priorités qu'il affiche en matière de recherche. Nous consacrons ainsi une insertion à la recherche en faveur des sciences et technologies de l'information et nous achevons en ce moment même un contrôle sur la recherche dans le domaine des sciences du vivant, la deuxième priorité affichée en 2000 par le Gouvernement en matière de recherche.

Nous revenons sur le régime d'indemnisation des intermittents du spectacle. La conclusion en est claire : la réforme de 2003 n'a pas réglé le problème. Elle a juste déporté une partie des charges pesant sur l'UNEDIC vers l'État qui continue indirectement à subventionner le secteur audiovisuel. La confusion entre politique pour l'emploi et politique culturelle demeure totale.

En matière de santé et de sécurité sociale, nous abordons successivement la question des urgences et celle des soins palliatifs. Je ne rentrerai pas dans le détail, mais je soulignerai simplement que, dans les deux cas, le problème est moins un problème de moyens qu'un problème de comportements et d'organisation, notamment, pour les urgences, d'organisation de l'offre de soins en amont de l'hôpital.

L'insertion sur les aides personnelles au logement permet de revenir sur une observation récurrente de la Cour : dans un contexte budgétaire très contraint, il est indispensable de mieux cibler les aides.

Nous consacrons également des développements aux centres de rétention administrative, aux organismes paritaires collecteurs agréés et aux établissements d'enseignement du second degré. Vous retrouverez également plusieurs insertions consacrées à la gestion locale réalisées avec l'aide des chambres régionales.

Ainsi, pour m'en tenir à cet exemple, sous le chapeau commun des aménagements à vocation culturelle ou de loisirs ont été regroupés les résultats de trois contrôles portant sur l'aménagement du site du pont du Gard, la gestion du parc du Futuroscope et l'opération Cap'découverte, opération de reconversion, comme vous le savez, du site minier de Carmaux.

Ces trois projets font, chacun à leur manière, peser de très lourdes charges sur les collectivités impliquées pour des retombées économiques très incertaines. Il faut dire qu'aujourd'hui les sites de loisirs se font concurrence et que les promoteurs surestiment trop souvent la fréquentation. Au final, ce sont évidemment les contribuables qui payent.

Toutefois, ce n'est pas tout.

Nous consacrons cette année un second tome, presque aussi important que le premier, à l'examen des suites données à nos précédents contrôles, d'une part, pour « tordre le cou » à un préjugé coriace qui voudrait que la Cour prêche la bonne parole dans le vide, d'autre part, pour sortir de la trop vieille habitude de la juridiction de ne parler que de ce qui va mal.

À ce titre, le rapport montre que la Cour a été incontestablement suivie dans nombre de ses recommandations portant sur la régularité et l'efficience de la gestion des organismes qu'elle contrôle.

Il apparaît très clairement que c'est lorsque nous revenons régulièrement dans un organisme ou sur une politique donnée, lorsque nous faisons état précisément et régulièrement des suites données à nos observations, que nous obtenons les résultats les plus probants.

Je ne veux pas me lancer ici dans un recensement exhaustif de nos travaux de suivi, mais j'appelle votre attention sur quelques exemples très encourageants.

Par exemple, lors d'un nouveau contrôle de la Banque de France, dont nous avions sévèrement critiqué la gestion en 2005, dans certains de ses aspects, nous avons constaté des avancées majeures : le réseau a été drastiquement réduit, les effectifs diminués et des gains de productivité importants ont été réalisés. Certes, nos recommandations sur la nécessaire refonte de la gestion des ressources humaines et de l'action sociale gardent toute leur actualité, mais l'établissement s'est incontestablement engagé sur la bonne voie.

Permettez-moi de citer un autre exemple, celui de Météo France, dont le dossier est bien connu de votre commission des finances : suite à nos recommandations, la gestion interne a été nettement améliorée.

Les résultats de notre contrôle de suivi sur EDF, contrôle qui, comme le précédent, avait été demandé par votre assemblée, sont également encourageants : comme nous le recommandions, l'électricien a recentré son activité internationale sur des participations stratégiques.

Je pourrais multiplier les exemples. Vous en trouverez de nombreux dans le corps de ce rapport.

Cependant, je mentirais par omission si je me contentais de dresser un tableau exclusivement positif.

Il est des domaines où les progrès sont lents. C'est le cas, notamment, de la gestion des ressources humaines et des rémunérations. Dans nombre des établissements que nous avons à nouveau contrôlés, nous avons retrouvé inchangées des pratiques critiquables.

Concernant plus particulièrement les pensions des fonctionnaires, par exemple, si la loi de 2003 a consacré des avancées majeures, force est de constater néanmoins que certains dispositifs très coûteux et très contestables d'indemnités servies aux pensionnés résidant outre-mer ou de bonifications de dépaysement accordées aux fonctionnaires ayant exercé à l'étranger ou dans les DOM-TOM n'ont pas été remis en cause ou, à tout le moins, adaptés à la réalité des situations.

Vous verrez également que nous revenons sur un certain nombre de travaux d'évaluation de politiques publiques : politique pour les personnes handicapées, politique de lutte contre l'alcoolisme, avec des constats très décevants, ou évaluation des aides à l'emploi.

Dans ces domaines, souvent gérés par une multiplicité d'intervenants - ce que nous déplorons - et cruellement dépourvus de moyens de suivi statistique et de pilotage, les résultats obtenus sont moins évidents.

C'est à plus long terme que nous pouvons espérer des changements plus convaincants.

La Cour revient, enfin, sur la politique d'accueil des immigrants, qu'elle avait examinée dans un rapport thématique de novembre 2004. Conformément à ses recommandations, il apparaît que les fondements juridiques du contrat d'accueil et d'intégration ont été consolidés, son contenu précisé et que la signature d'un tel contrat a été rendue obligatoire.

La Cour relève néanmoins l'absence de suivi des engagements pris par le signataire, notamment en matière de formation linguistique. Sur le plan institutionnel, après la création en 2005 de l'Agence nationale de l'accueil des étrangers et des migrants, l'ANAEM, l'Agence nationale pour la cohésion sociale et l'égalité des chances a été créée en 2006. La cohérence des actions de ces deux agences avec celles de la délégation interministérielle à la ville, de la délégation générale à l'emploi et à la formation professionnelle et de l'Agence nationale de lutte contre l'illettrisme reste à construire, si vous voulez bien m'autoriser cet euphémisme.

Voilà donc un aperçu du rapport annuel 2007.

Ce rapport annuel est accompagné, comme l'était celui de l'an dernier, du rapport d'activité de la Cour de discipline budgétaire et financière, la CDBF. C'est désormais, d'ailleurs, bien plus qu'un simple rapport d'activité. Nous avons voulu en faire un vecteur privilégié de communication pour mieux faire connaître la Cour de discipline budgétaire et financière, son rôle et sa jurisprudence. Ce rapport a également pour objet de constituer un outil de référence pour les praticiens et les autorités habilitées à saisir la CDBF, dont, monsieur le président, je n'oublie pas que vous faites partie.

En 2005, les moyens d'instruction et de jugement de la Cour ont été renforcés, le fonctionnement interne amélioré et les délais de traitement des affaires réduits. La CDBF traite un nombre croissant de saisines et peut en traiter plus encore. Il ne faut donc pas hésiter à la saisir.

Vous le savez, nous souhaiterions voir le rôle de la CDBF encore renforcé par une réforme législative d'ampleur. Je suis convaincu que tout le monde aurait à y gagner, car nous pourrions ainsi contribuer à limiter le risque de pénalisation de l'action publique.

Nous travaillons en tout cas dans ce sens et nous espérons que nos efforts pourront porter leurs fruits.

Tels sont, monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, les éléments que je souhaitais mettre en exergue.

Nous avons cherché à vous présenter une sélection de ce que nos contrôles ont dégagé de plus intéressant et de plus instructif sur la gestion publique et sur les moyens envisageables pour la rendre plus efficace et plus efficiente.

J'espère que ce travail et cette sélection vous apporteront des analyses et une expertise utiles et éclaireront vos débats.

C'est en tout cas dans cet esprit que nous avons travaillé et que nous continuerons à travailler pour vous. (Applaudissements.)

M. le président. Monsieur le Premier président, le Sénat apprécie la qualité de vos rapports et, surtout, votre persévérance dans l'exercice des responsabilités qui vous incombent, s'agissant du contrôle et de l'utilisation des fonds publics. La commission des finances notamment y est très sensible.

Monsieur le Premier président, le Sénat vous donne acte du dépôt du rapport de la Cour des comptes.

La parole est à M. le président de la commission des finances.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. C'est avec beaucoup de plaisir et d'attention, comme il se doit, que nous venons d'entendre M. le Premier président nous présenter le rapport public annuel de la Cour des comptes.

Je ne reviendrai pas sur le contenu de ce rapport, que nous ne manquerons pas, spécialement à la commission des finances, d'analyser comme toujours avec le plus grand soin.

C'est avec satisfaction que je souhaite en premier lieu souligner l'excellence des relations qui se sont établies entre la Cour des comptes et le Sénat, relations dont je considère qu'elles ont atteint désormais leur rythme de croisière.

Ainsi, cinq enquêtes que nous lui avons demandées en 2006, en application du deuxième alinéa de l'article 58 de la LOLF, nous ont été présentées ou vont l'être dans les prochaines semaines. Elles donneront lieu, comme l'usage s'en est établi, à des auditions pour suite à donner réunissant, autour des commissaires de la commission des finances, les magistrats de la Cour des comptes ayant conduit les enquêtes ainsi que les représentants des organismes contrôlés et, le cas échéant, le ou les ministères de tutelle.

Ces auditions, nous les avons souhaitées ouvertes à la presse et à tous nos collègues des commissions intéressées, afin de donner le plus de résonance possible aux travaux de la Cour des comptes qui sont effectués sur notre demande.

Ainsi, hier, nous avons entendu, avec la commission des affaires culturelles et la commission des affaires économiques, les représentants des services du ministère de l'économie et des finances, du ministère des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l'artisanat et des professions libérales, du ministère de l'industrie, et, enfin, du ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche à propos de l'enquête de la Cour sur l'Agence nationale de valorisation de la recherche et sa transformation en OSEO-ANVAR. Je crois me faire l'interprète de l'ensemble de mes collègues pour dire que ce fut un grand moment, compte tenu des observations de la Cour et des enseignements qu'il convient d'en tirer.

C'est pourquoi nous continuerons, cette année encore, à valoriser ces travaux par une attention particulière portée au suivi des enquêtes, notamment à travers l'organisation de débats en séance publique lors des séances mensuelles réservées à l'initiative parlementaire, afin d'interroger le ministre compétent sur les suites qui sont données à ces enquêtes.

Il m'arrive de penser, mes chers collègues, que ces travaux d'interpellation et de suivi sont peut-être aussi importants que le temps que nous consacrons parfois à examiner des textes de loi quelque peu inspirés par la « tyrannie » du moment et du court terme.

Pour l'année 2007, monsieur le Premier président, la commission des finances vous a ainsi saisi de cinq enquêtes issues des demandes des rapporteurs spéciaux compétents, portant sur les sujets suivants : l'évolution des retraites militaires depuis la professionnalisation ; la gestion des crédits d'intervention de la politique de la ville ; l'établissement public de maîtrise d'ouvrage des travaux culturels ; le service des pensions de l'État ; la gestion des remboursements et dégrèvements d'impôts d'État et d'impôts locaux.

Nous souhaitons aussi recourir de nouveau à la faculté, ouverte par le 1° de l'article 58 de la LOLF, de demander l'assistance d'un magistrat de la Cour sur le sujet délicat des ressources financières des chambres de métiers.

Merci encore, monsieur le Premier président, de contribuer ainsi à nous assister, grâce à ces procédures, mais aussi grâce à la qualité des contacts informels que nous établissons tout au long de l'année, dans le développement de la mission de contrôle, qui est, chaque jour davantage, la « seconde nature » du Parlement, ainsi que M. le président Christian Poncelet l'a rappelé.

Au cours de l'année 2007, et nonobstant le contexte politique très particulier, le Parlement et la Cour des comptes devront également faire vivre la LOLF et poursuivre sur la voie ouverte l'an dernier lors de l'examen de la loi de règlement.

Compte tenu du calendrier prévisible des travaux du Parlement, nous devrons sans doute modifier notre manière de procéder par rapport à l'année passée. Toutefois, grâce à la collaboration de la Cour des comptes et à l'esprit d'initiative des rapporteurs spéciaux, je ne doute pas que l'examen du projet de loi portant règlement définitif du budget de 2006, le premier texte de ce genre totalement « lolfien », démontrera que la logique de performance et de résultat, induite par la LOLF, est le principe qui nous guide dans l'appréciation portée sur la conduite des politiques publiques.

À l'image des entreprises du secteur privé, nous devons attacher une importance toute particulière à la reddition des comptes - bilan et compte de résultats -, et ce plus qu'à la présentation des comptes prévisionnels. À ce titre, je le répète, le Parlement doit faire évoluer le temps fort de la discussion budgétaire de la loi de finances initiale vers la loi de règlement, laquelle est la loi de « vérité budgétaire ».

Monsieur le Premier président, l'année à venir sera également marquée, vous l'avez souligné, par l'échéance du 31 mai 2007, date fixée par la LOLF pour une première certification des comptes de l'État, établie sur la base du bilan d'ouverture au 1er janvier 2006, premier « vrai bilan » selon les nouvelles normes comptables.

Je me félicite, à cet égard, que la Cour des comptes ait usé d'une démarche à la fois audacieuse et pragmatique. Audacieuse par nécessité, compte tenu de l'ampleur de la tâche et des délais qui lui étaient impartis. Pragmatique aussi, si je m'en réfère notamment au processus d'ajustements et d'échanges que la Cour des comptes a su établir avec la direction générale de la comptabilité publique en vue de préciser les concepts et les enjeux de cette opération majeure et sans précédent.

Ce travail constructif nous renvoie à la question fondamentale des normes comptables, sujet auquel, vous le savez, la commission des finances est très attentive.

Je suis bien conscient que le Parlement, comme la Cour des comptes, doit lui aussi se préparer à l'épreuve du bilan d'ouverture et qu'il nous revient sur ce sujet d'engager, dès à présent, une campagne d'information et de sensibilisation de nos concitoyens. Une telle «  préparation des esprits » n'est en effet aucunement à négliger.

De ce point de vue, je me permets d'insister de nouveau pour que cette première « photographie » du patrimoine de l'État, qui doit être aussi fidèle que possible, ne sous-estime en aucune façon les dettes et les provisions pour charges constituant le « passif » de l'État au 1er janvier 2006.

Il s'agit bien sûr d'assurer le respect de l'exigence de « sincérité » des comptes publics. C'est, au surplus, le meilleur moyen d'offrir aux Français l'image tant attendue de l'équilibre des comptes publics, dès que les conditions s'y prêteront. Si telle dette ou telle provision n'est pas constatée au 1er janvier 2006, les premiers résultats d'équilibre et, peut-être, d'excédent budgétaire seront instantanément « mangés » par ces oublis.

Je suis également convaincu que la révolution lolfienne engagée par l'État doit entrer dans une seconde étape et que les principes et les normes de la LOLF devront rapidement être appliqués aux comptes de la sécurité sociale et des collectivités territoriales. Il importe que toutes les institutions soient soumises aux mêmes principes, aux mêmes nomenclatures, au même vocabulaire comptable, bref, oserais-je dire, à la même grammaire !

Je voudrais, enfin, évoquer le débat, qui n'est pas clos, concernant le cadre général de l'évolution des pratiques budgétaires et comptables ainsi que ses conséquences sur le statut de la Cour des comptes, notamment la distinction opérée entre ses fonctions de certification, d'une part, et juridictionnelles, d'autre part.

À mon sens, si des évolutions doivent avoir lieu pour tenir compte de ces différentes fonctions, il est indispensable en cette matière de prendre son temps et de préserver avant tout l'indépendance de la Cour des comptes, dont nous connaissons, par ailleurs, la capacité à évoluer et à s'adapter à ses nouvelles responsabilités.

Je conclurai, monsieur le Premier président, en évoquant les pistes d'approfondissement des relations entre la Cour des comptes et le Parlement. Tracées lors de la séance solennelle de rentrée de la Cour, elles m'ont semblé très prometteuses.

Il s'agit non seulement de l'exploitation plus systématique des nombreux référés transmis par la Cour au Sénat, mais aussi de l'amélioration des procédures de coordination entre, d'une part, les initiatives de contrôle engagées par la commission des finances et, d'autre part, le programme de travail de la Cour des comptes. Sur ces deux points, je suis persuadé que nous saurons encore nous montrer plus performants. J'ai bien noté les propositions que vous venez de faire à cette même tribune et je ne doute pas de la réactivité de la Cour des comptes en ce domaine.

L'année 2007 sera non seulement celle de la célébration du deux centième anniversaire de l'institution dont vous avez la charge, mais aussi celle de la pleine application de la LOLF.

À cette occasion, je voudrais exprimer un souhait : le programme de manifestations que vous avez prévu pour célébrer comme il se doit cet anniversaire doit permettre de populariser les travaux de contrôle. Ce faisant, nos concitoyens pourront exercer pleinement leurs prérogatives. Je ne doute pas que les parlementaires que nous sommes considéreront qu'il est plus gratifiant de se livrer à des travaux de contrôle.

Au fond, ce sera une bonne manière de consacrer, dans la République, l'obligation fondamentale qui nous est faite de rendre compte de notre gestion et de l'utilisation des comptes publics. (Applaudissements.)

M. le président. Huissiers, veuillez reconduire M. le Premier président de la Cour des comptes.

(M. le Premier président de la Cour des comptes est reconduit selon le même cérémonial qu'à son entrée dans l'hémicycle.)