couverture des zones "grises" en téléphonie mobile

M. le président. La parole est à M. Michel Teston, auteur de la question n° 1169, adressée à M. le ministre délégué à l'aménagement du territoire.

M. Michel Teston. Monsieur le ministre, le plan de couverture des zones blanches en téléphonie mobile se déroule au rythme prévu, en raison principalement de l'engagement fort des collectivités territoriales qui ont à ce jour, en qualité de maîtres d'ouvrage pour la phase 1, déjà mis à la disposition des opérateurs un peu plus de 700 sites sur les 1 250 sites prévus.

En revanche, demeure entière à ce jour la question de la couverture des zones grises, c'est-à-dire des communes qui ne sont desservies que par un ou deux opérateurs.

En janvier 2006, lors d'une réunion tenue à l'Assemblée des départements de France, en présence notamment de l'un de vos conseillers et du président de l'Association française des opérateurs mobiles, il avait été convenu que vous consulteriez l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes ainsi que le Conseil de la concurrence sur les solutions à apporter à la situation des zones grises.

Un an après, monsieur le ministre, pouvez-vous me dire si ces consultations ont été effectuées et quelles sont les solutions envisagées ?

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Christian Estrosi, ministre délégué à l'aménagement du territoire. Monsieur le sénateur, vous abordez un sujet qui me passionne.

Lorsqu'en juin 2005 j'ai été nommé ministre délégué à l'aménagement du territoire, 3 000 zones blanches avaient été identifiées. À l'époque, avait été engagé un programme qui n'assurait que la couverture de 91 communes sur ces 3 000 communes recensées en zones blanches.

Je ferai un point de presse demain avec l'ensemble des opérateurs pour confirmer que, moins de vingt mois plus tard, plus de 1 500 communes sont couvertes, et ce grâce aux collectivités locales, vous l'avez rappelé, monsieur le sénateur, mais également grâce à l'État !

M. Michel Teston. Oui, mais un peu seulement !

M. Christian Estrosi, ministre délégué. Le plan que nous avons bâti avec les opérateurs était un bon partenariat.

Les deux tiers des communes en zones blanches étaient inscrites en phase 1, avec un financement de l'État à hauteur de 44 millions d'euros et une exonération de TVA à hauteur de 20 millions d'euros. À ces sommes, venaient s'ajouter les aides des collectivités locales.

Vous avez donc eu raison de souligner, monsieur le sénateur, que les collectivités locales se sont beaucoup investies pour permettre à cette phase 1 d'aboutir.

Pour le tiers restant des communes, les opérateurs se sont engagés à financer totalement la phase 2 dès lors que 50 % de la phase 1 serait atteinte.

Aujourd'hui, nous sommes entrés de plain-pied dans la réalisation de cette phase 2. Comme vous l'avez souligné, monsieur le sénateur, nous ne pouvons que nous réjouir ensemble de ce partenariat entre les collectivités territoriales, l'État et les opérateurs, qui permet d'apporter une réponse aux 3 000 communes situées en zones blanches.

Vous soulevez aujourd'hui, monsieur Teston, plus particulièrement le problème des zones grises.

Ce sont des territoires, vous l'avez précisé, monsieur Teston, qui ne sont couverts que par un ou deux opérateurs. Cet état de fait est antérieur à la définition d'un programme en zones blanches, toute la difficulté est là !

Il faut signaler également que ces territoires offraient l'avantage, à l'époque, de disposer d'une couverture. En d'autres termes, le résident avait la possibilité d'accéder au réseau en s'abonnant à l'opérateur qui couvrait cette zone grise. La gêne existait donc, surtout pour sont ceux qui traversaient la zone ou qui y résidaient de manière temporaire ; je pense notamment aux touristes. Les résidents permanents, eux, en réalité n'étaient pas gênés.

Pour autant, le Gouvernement, j'y ai tenu personnellement, a souhaité s'impliquer dans les zones grises.

Au début de l'année 2006, 3 % de la population était couverte par deux opérateurs et 1,5 % de la population n'était couverte que par un seul opérateur.

Vous l'avez rappelé, monsieur Teston, j'ai souhaité consulter l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes, l'ARCEP, selon laquelle il existe une dynamique naturelle de résorption des zones grises, liée à la concurrence entre opérateurs et au développement du programme de couverture des zones blanches qui incite les opérateurs à constituer des plaques de couverture cohérentes autour de ces zones rurales.

L'ARCEP récuse, en revanche, un système de financement public ou un modèle d'itinérance qui créeraient une incitation à ne plus investir, en constituant en quelque sorte une prime au réseau le moins étendu, et seraient contraires à l'exercice d'une concurrence loyale entre opérateurs.

Un opérateur qui a pris le risque de s'installer en zone grise il y a cinq ou six ans et à qui on imposerait aujourd'hui qu'un concurrent se branche sur le même équipement que lui pourrait se plaindre de concurrence déloyale. C'est donc là que réside toute la difficulté, pour le Parlement comme pour le Gouvernement.

Dans ce contexte, j'ai demandé à l'ARCEP d'accélérer la publication de cartes détaillées de couverture afin que les citoyens soient correctement informés du ou des réseaux disponibles là où ils se trouvent.

J'ai également demandé aux trois opérateurs de s'engager en faveur de la résorption des zones grises, chacun pour ce qui le concerne.

Deux d'entre eux ont répondu favorablement à cette demande.

Nous nous trouvons dans une situation de concurrence, et pour ne pas être confronté à un opérateur installé qui se plaindrait de la concurrence exercée par d'autres opérateurs, j'essaie de rapprocher les opérateurs entre eux afin que, ensemble, grâce aux collectivités et à grâce à l'État, soit mis en oeuvre le programme « zones blanches ».

Je demande donc aujourd'hui aux opérateurs de se répartir sur les zones de manière équilibrée. Je les incite à faire des échanges, à titre de compensation, quand certains opérateurs sont absents de telle zone grise mais présents dans telle autre zone grise.

Pour avoir contacté les trois opérateurs et leur avoir proposé ce principe du « donnant-donnant » ou du « gagnant-gagnant », je puis vous annoncer que deux d'entre eux ont répondu favorablement à ma demande.

En 2006, ils ont ainsi déployé plus de deux cents sites en zones grises, et prévoient la mise en service d'un nombre de sites équivalent pour 2007.

Que ce soit pour la téléphonie mobile, pour le haut débit ou pour la télévision numérique, l'objectif du Gouvernement est d'apporter des réponses à 100 % de la population.

Vous avez eu raison, monsieur le sénateur, de mettre l'accent sur le problème des zones grises. Je vous ai indiqué quelle était ma méthodologie.

Nous avons déjà obtenu de premières avancées et je suis à peu près convaincu qu'en 2007 nous parviendrons quasiment à un accord entre les trois opérateurs.

M. le président. La parole est à M. Michel Teston.

M. Michel Teston. M. le ministre considère que l'existence de zones grises en téléphonie mobile résulte principalement de différences entre les plans de déploiement des trois opérateurs.

J'en tire la conclusion qu'il n'est désormais plus question de se tourner vers les collectivités territoriales, en particulier vers les moins peuplées d'entre elles, souvent les moins riches, ...

M. Christian Estrosi, ministre délégué. C'est clair !

M. Michel Teston. ... pour aider financièrement tel ou tel opérateur à déployer son réseau.

M. Christian Estrosi, ministre délégué. On est d'accord.

M. Michel Teston. Cela étant, rien n'empêche la puissance publique, tout particulièrement le ministère de l'intérieur et de l'aménagement du territoire, de suivre de très près la question de la résorption des zones grises en téléphonie mobile.

Création d'un centre de rétention à Villeneuve-le-Roi

M. le président. La parole est à Mme Hélène Luc, auteur de la question n° 1186, adressée à M. le ministre d'État, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire.

Mme Hélène Luc. Monsieur le ministre, voilà dix-huit mois, en mai 2005, le préfet du Val-de-Marne a informé le maire de Villeneuve-le-Roi de la prochaine réalisation d'un centre de rétention administrative, un CRA, et d'une zone d'attente pour étrangers en situation irrégulière au sein de l'aéroport d'Orly, sur un terrain situé dans la commune de Villeneuve-le-Roi.

Ce centre serait implanté au coeur d'un quartier résidentiel, à la population modeste, et serait construit à quelques pas d'une ferme pédagogique accueillant notamment des enfants d'un centre de loisirs et d'un centre de jeunes en difficulté suivant un stage de réinsertion, qui représente déjà, pour ledit quartier, une lourde charge.

M'étant rendue sur place, j'ai pu me rendre compte du bouleversement que l'installation d'un tel centre apporterait dans ce quartier, avec des allées et venues incessantes de voitures de police, sirènes actionnées, sans parler du bruit des avions, puisque le centre serait situé derrière les grillages des pistes d'Orly.

Bien que ce ne soit pas une prison, cela y ressemble fort. Pourtant, les personnes qui doivent y être accueillies ne sont pas des délinquants ; ce sont des victimes du sous-développement économique de leur pays et de la politique particulièrement dure et répressive de l'actuel gouvernement à l'égard des miséreux. Vous conviendrez, monsieur le ministre, que cet environnement n'est pas le mieux adapté à l'implantation d'un tel établissement.

Dans ces conditions, je comprends l'inquiétude et le mécontentement des riverains, qui se sont constitués en association et s'expriment par de nombreuses banderoles et affiches.

Le maire de la ville est, semble-t-il, également opposé à ce projet, qui serait, de plus, réalisé sur un terrain nécessaire au développement économique de la commune.

En outre, je déplore, pour ma part, l'absence d'information, de transparence et de concertation dans le traitement de ce dossier. Il y a trois mois encore, les élus locaux, les riverains, les habitants de Villeneuve-le-Roi étaient tenus dans une ignorance totale, puisque ni le maire ni le préfet n'avaient fait connaître l'existence d'un tel projet, dévoilée par Michel Herry, conseiller municipal d'opposition et ancien maire de Villeneuve-le-Roi, et Daniel Guérin, conseiller régional, qui avaient d'ailleurs été informés tout à fait par hasard.

Depuis, devant l'opposition résolue et légitime des riverains, le ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire tente de temporiser en proposant une demi-mesure. En effet, sans s'engager sur l'étude d'une nouvelle implantation, il a demandé à M. le préfet du Val-de-Marne de proposer, en guise d'aménagement, un accès au centre par la plate-forme aéroportuaire, sans passer par Villeneuve-le-Roi.

Cette solution ne satisfait pas les riverains et ne les convainc pas du bien-fondé de l'implantation du centre de rétention administrative ; ils la refusent et je les soutiens dans leur opposition.

D'une façon plus générale, la situation à laquelle nous sommes confrontés à Villeneuve-le-Roi est le fruit d'une politique qui se durcit et qui devient de plus en plus répressive à l'encontre des immigrés vivant en France.

Il résultera de cette politique sécuritaire excessive que de plus en plus de personnes seront enfermées dans les centres de rétention administrative et y séjourneront de plus en plus longtemps, puisque le délai légal de rétention a été porté de douze à trente-deux jours par la loi du 26 novembre 2003 relative à la maîtrise de l'immigration, au séjour des étrangers en France et à la nationalité. C'est pourquoi le Gouvernement envisage de faire construire trente-deux nouveaux centres de rétention administrative, ce qui l'amène, selon la presse, à rechercher des terrains pouvant les accueillir.

À leur manière, et parce qu'ils risquent d'en subir les conséquences, c'est aussi cette politique que contestent les habitants du quartier de Villeneuve-le-Roi que j'évoquais.

Monsieur le ministre, vous savez mieux que quiconque que la très grande majorité des personnes retenues dans ces centres sont des sans-papiers, arrêtés à l'occasion de contrôles d'identité. J'ai pu maintes fois le constater, étant intervenue en faveur de ces personnes auprès du préfet du Val-de-Marne et de celui de Paris.

À cet égard, le dernier exemple en date, pour n'en citer qu'un, est celui de M. Houcine Ghafsi, arrêté à la suite d'un contrôle d'identité.

Ce père de deux enfants nés en France, qui sont scolarisés à Vitry-sur-Seine, comparaît ce matin devant le tribunal administratif de Melun. Je m'y serais d'ailleurs rendue avec les habitants de Vitry-sur-Seine si je n'avais dû être présente ici pour poser cette question orale.

M. Ghafsi a été envoyé au centre de rétention administrative de Roissy, et il s'en est fallu de quelques heures qu'il ne soit expulsé vers l'Algérie, vendredi dernier, avant que son recours ne soit examiné à Melun. Il a fallu l'intervention énergique de son avocat pour éviter cette expulsion. Ses enfants, sa femme, sa famille, les enseignants concernés sont tous sous le choc.

Monsieur le ministre, la place de M. Ghafsi n'est pas dans un de ces centres de rétention, qui sont en réalité des centres de détention ! Il doit être traité non pas comme un délinquant, mais comme un homme en infraction avec la législation sur l'entrée et le séjour en France des étrangers.

En premier lieu, en attendant que son dossier soit examiné par la préfecture, on pourrait l'assigner à résidence, au lieu de le placer en détention.

En second lieu, il fait naturellement partie des sans-papiers qu'il faut régulariser. C'est ce que je demande, avec le maire de Vitry-sur-Seine et le réseau Éducation sans frontières, que je félicite pour la mobilisation qu'ils ont engagée. L'affaire de Cachan, qui a sensibilisé de si nombreuses personnes, devrait vous inspirer.

En conséquence, je demande au Gouvernement de bien vouloir reconsidérer sa décision d'implanter un centre de rétention administrative dans le département du Val-de-Marne, qui n'en veut ni à Villeneuve-le-Roi, ni à Choisy-le-Roi - nous demandons d'ailleurs, avec le maire de cette ville, la suppression du local de rétention situé à l'intérieur du commissariat -, ni ailleurs !

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Christian Estrosi, ministre délégué à l'aménagement du territoire. Madame la sénatrice, ce n'est pas nous qui avons inventé les centres de rétention. Lorsque la gauche était au gouvernement, que je sache, tous ceux qui n'avaient pas de papiers, qui séjournaient irrégulièrement en France, avaient vocation, comme aujourd'hui, à y être placés.

La seule différence, c'est que, à cette époque, on a laissé les centres de rétention se dégrader et que les conditions d'accueil y étaient inhumaines, alors que nous avons choisi au contraire, pour notre part, de les moderniser et d'améliorer leur fonctionnement, afin que soit mieux respectée la dimension humaine de la personne, quelle qu'elle soit, qu'elle ait des papiers ou qu'elle n'en ait pas.

Cela étant, le Gouvernement, je le réaffirme, entend lutter fermement contre l'immigration irrégulière : ou l'on a des papiers et l'on est en règle, ou l'on en est dépourvu et l'on n'est pas en règle !

Nous avons fait le choix, dans cette perspective, d'augmenter la capacité d'accueil en centres de rétention administrative, en respectant des normes très exigeantes  - c'est pour nous une préoccupation essentielle -, ce que n'ont pas forcément fait des gouvernements que vous souteniez, madame la sénatrice.

Ainsi, nous avons fermé des centres de rétention qui ne répondaient pas à ces normes mais que des gouvernements de gauche avaient maintenus, par exemple à Arenc ou à Paris, et nous construisons des centres modernes. Alors que moins de 800 places existaient en 2000, une partie de ce parc étant très dégradée, 1 565 places en centres de rétention conformes aux normes actuelles sont maintenant disponibles.

Dans ce cadre, le Gouvernement souhaite disposer d'un centre de rétention administrative et d'une zone d'accueil pour personnes en instance d'éloignement sur la plate-forme aéroportuaire d'Orly.

À cet égard, plusieurs hypothèses sont à l'étude.

À la demande du sénateur Christian Cambon, deux réunions ont été tenues au ministère de l'intérieur cet automne, afin d'examiner différentes possibilités. En outre, le préfet du Val-de-Marne a organisé un certain nombre de réunions avec Aéroports de Paris.

Sept projets ont été envisagés, au regard des différents critères pertinents. Il faut en effet tenir compte du cahier des charges, en ce qui concerne la proximité des pistes et la zone réservée de l'aéroport. Il faut aussi prendre en considération les différents éléments de voisinage, comme l'a tout particulièrement souligné, à plusieurs reprises, le maire de Villeneuve-le-Roi, M. Didier Gonzalez.

La plupart des options envisagées ne conviennent pas, soit parce que les terrains sont trop éloignés du lieu d'embarquement, soit pour des raisons de desserte ou de viabilisation, soit, enfin, parce que leur mise en oeuvre engendrerait un décalage trop important dans le calendrier de réalisation de cet équipement indispensable à la réussite de la politique gouvernementale de maîtrise de l'immigration irrégulière.

L'éventualité de l'implantation d'un CRA à Villeneuve-le-Roi reste donc à l'étude.

Dans cette hypothèse, qui reste à confirmer, je veux souligner qu'il serait évidemment exclu de construire le CRA au coeur d'une zone pavillonnaire. Le centre serait implanté au sein de la zone réservée actuelle de l'aéroport, non accessible aux riverains. Le CRA serait totalement et hermétiquement séparé du quartier d'habitation situé à proximité.

Aussi un aménagement paysager serait-il inclus dans le projet, afin d'éviter toute incidence visuelle pour les riverains et d'empêcher toute communication, en véhicule ou à pied, entre le centre de rétention et la zone pavillonnaire mitoyenne.

De même, la connexion du CRA au réseau public de circulation serait aménagée hors du territoire de la commune de Villeneuve-le-Roi.

Ces pistes de travail doivent être explorées en pleine concertation avec les élus locaux, comme ceux-ci l'ont souhaité. Le préfet du Val-de-Marne reste donc en contact avec le maire de Villeneuve-le-Roi pour envisager de manière plus approfondie l'hypothèse de la construction d'un CRA dans cette ville, mais d'autres options restent parallèlement à l'étude.

M. le président. La parole est à Mme Hélène Luc.

Mme Hélène Luc. Monsieur le ministre, que ce soit un gouvernement ou un autre qui a créé les centres de rétention, là n'est pas le problème à mes yeux. Si vous pensez que c'était une mauvaise décision, il faut la remettre en cause. En tout cas, nous pensons, et ma collègue Nicole Borvo l'a déjà dit dans cette enceinte, qu'il faut revoir cette question des centres de rétention administrative. Le cas des personnes entrant dans notre pays sans être munies d'un passeport peut être traité dans un autre cadre.

Vous prévoyez de reconduire à la frontière 26 000 personnes en 2007, alors que 25 000 l'ont été en 2006. M. Sarkozy s'apprête donc à expulser encore plus d'étrangers, ce qui ne règle pas le problème, vous le savez.

Monsieur le ministre, nous en avons discuté longuement lors de l'examen des textes relatifs à l'immigration : il faut régulariser la situation des personnes installées en France, qui ont des enfants, qui travaillent et qui, pour un certain nombre d'entre elles, paient des impôts.

C'est pourquoi nous demandons la suppression des centres de rétention administrative, qui ne permettent pas de résoudre les problèmes et qui coûtent très cher. Nous proposons de remplacer les mesures de rétention par des assignations à résidence, car là est à notre avis la solution.

Par conséquent, ne vous appuyez pas sur des décisions qui ont été prises par d'autres gouvernements, envisagez ce qui doit être fait maintenant, dans la situation actuelle, en tenant compte du fait que M. Sarkozy lui-même estime nécessaire de faire venir de la main-d'oeuvre immigrée.

J'espère et je pense que, très prochainement, vous ne serez plus au pouvoir, parce que la gauche aura remporté les élections.

M. Louis de Broissia. Oh, ce n'est pas fait !

Mme Hélène Luc. En attendant, je vous demande de prendre une mesure concrète en ce qui concerne le centre de rétention qu'il est prévu d'implanter à Villeneuve-le-Roi. Je vous assure que les habitants de cette ville, ainsi que les conseillers généraux du Val-de-Marne, sont déterminés à ne pas accepter son installation.

création d'un traitement de données à caractère personnel dénommé eloi

M. le président. La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery, auteur de la question n° 1189, adressée à M. le ministre d'État, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire.

Mme Alima Boumediene-Thiery. Monsieur le ministre, le gouvernement auquel vous appartenez est, me semble-t-il, obsédé par les fichiers électroniques, par le contrôle continu et automatisé des citoyens, permettant un contrôle social, administratif et policier permanent.

Depuis près de cinq ans, vous avez multiplié les fichiers. Leur nombre est aujourd'hui alarmant. Cette extension s'effectue bien entendu contre tout bon sens, toute utilité objective, et, surtout, au détriment du respect de nos droits et de nos libertés.

À une liste qui semble sans fin vient de s'ajouter un nouveau fichier : celui, dénommé ELOI, qui a été créé par un arrêté du 30 juillet 2006.

Cet énième fichier présente une spécificité : y figureront non seulement les étrangers en instance d'éloignement, mais également leurs enfants, ainsi que les personnes hébergeant un étranger en situation irrégulière assigné à résidence, les visiteurs d'une personne étrangère placée en rétention administrative, les amis de ces étrangers et les associations qui leur viennent en aide.

Une fois n'est pas coutume, l'instauration de ce fichier s'est effectuée sans intervention de la Commission nationale de l'informatique et des libertés, la CNIL.

En effet, dans le texte de l'arrêté, on ne trouve aucune référence à une quelconque délibération de la CNIL, contrairement à ce que dispose la loi du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés.

En outre, la CNIL semble ne pas avoir respecté une autre obligation légale, selon laquelle elle doit se prononcer dans un délai de deux mois à compter de sa saisine, ce délai pouvant être renouvelé une fois sur décision motivée de son président. Si l'avis n'est pas rendu à l'expiration de ce délai, il est réputé favorable.

Or la CNIL, saisie le 18 mai 2006, n'avait pas rendu d'avis deux mois plus tard. Certes, son président n'a pas usé de son pouvoir pour demander la prolongation du délai, mais, de son côté, le ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire n'a pas relancé la CNIL avant de publier l'arrêté, contrairement à l'habitude.

L'arrêté créant le fichier a fait l'objet de multiples recours. Il a été attaqué conjointement par plusieurs associations, notamment le Groupe d'information et de soutien des immigrés, le GISTI, la Ligue des droits de l'homme, la Cimade, l'association IRIS - Imaginons un réseau internet solidaire -, ainsi que par le Syndicat de la magistrature.

Dans leur recours, les associations s'attachent à démontrer que le fichier ELOI ne respecte pas les principes fondamentaux régissant la mise en oeuvre des traitements informatisés de données à caractère personnel.

Je le rappelle, ces principes découlent de différents textes de droit interne, par exemple la loi du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés, mais aussi de droit international, notamment de droit communautaire, comme la convention du 28 janvier 1981 du Conseil de l'Europe sur la protection des personnes à l'égard du traitement automatisé des données à caractère personnel ou la directive du Parlement européen et du Conseil du 24 octobre 1995 relative à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel.

En fait, il s'agit des principes de pertinence et de proportionnalité, de finalité et d'exigence de garanties suffisantes. Cela signifie, d'une part, que les données à caractère personnel doivent être collectées à des fins déterminées, explicites et légitimes, et, d'autre part, qu'elles doivent être adéquates, pertinentes et non excessives. C'est au regard de la finalité du traitement que l'on peut évaluer le caractère proportionné et adéquat des données et de leur utilisation.

Or la finalité du fichier ELOI est bien vague : celui-ci vise à « faciliter l'éloignement des étrangers se maintenant sans droit sur le territoire par la gestion des différentes étapes de la procédure d'éloignement », et ce dans un objectif de « lutte contre l'immigration clandestine ». On en conviendra, il s'agit là d'une définition très large.

Compte tenu de l'existence de nombreux autres fichiers répondant à des finalités voisines - je pense notamment au fichier qui était tenu par toutes les préfectures et au fichier central des étrangers -, il n'est nullement pertinent que ce nouveau fichier contienne des informations relatives aux étrangers en situation irrégulière.

Deux autres catégories de données sont elles aussi plus que contestables.

D'une part, le recueil de données relatives à la « filiation complète », qui incluent le nom, le prénom et la date de naissance des enfants, avec pour conséquence le fichage de ceux d'entre eux qui ne peuvent pas faire l'objet de mesures d'éloignement forcé, n'est manifestement pas pertinent au regard de la finalité du fichier, à moins que l'objectif inavoué ne soit de compromettre les chances des intéressés d'obtenir ultérieurement un titre de séjour.

D'autre part, la collecte de données liées à la « nécessité d'une surveillance particulière au regard de l'ordre public » et concernant des étrangers qui ne sont pas en instance d'expulsion, mais font l'objet de mesures d'éloignement justifiées par l'irrégularité du séjour, sans représenter a priori une menace pour l'ordre public, suscite également des interrogations.

Monsieur le ministre, pouvez-vous clarifier les critères d'évaluation du caractère menaçant pour l'ordre public que peut présenter une personne ? Doit-elle avoir fait l'objet d'une condamnation, d'une arrestation, ou peut-il s'agir d'un simple sentiment subjectif ?

Par ailleurs, l'enregistrement des données relatives à l'hébergeant lorsqu'un étranger en situation irrégulière est assigné à résidence et au visiteur d'une personne étrangère placée en rétention administrative n'a pas lieu d'être. En effet, cela n'a aucun rapport avec la mise en oeuvre des mesures d'éloignement.

Nous assistons, ni plus ni moins, à l'élargissement sans fin de l'application d'une logique du soupçon généralisé, s'étendant par cercles concentriques des clandestins aux immigrés, des étrangers à leurs amis, à leurs familles ou aux associations qui les aident.

Ces glissements progressifs de la xénophobie ont une finalité politique simple : l'intimidation. En effet, il s'agit de décourager la solidarité qui s'est exprimée dans notre pays depuis plus d'un an, notamment à travers le réseau Éducation sans frontières.

M. Louis de Broissia. C'est un discours fleuve !

Mme Alima Boumediene-Thiery. Je l'ai dit et je le répète, il me semble indispensable de faire preuve d'une grande vigilance à l'égard de tous ces fichiers, qui nous rappellent des pages sombres de notre histoire. Il serait tout de même incroyable que ce passé puisse revivre. (Murmures sur les travées de l'UMP.)

Monsieur le ministre, nous vous demandons donc solennellement, devant cette auguste assemblée, de bien vouloir nous fournir quelques explications sur ce nouveau fichier, afin d'apaiser nos craintes, ou alors de le supprimer.

M. le président. Madame la sénatrice, le temps de parole qui vous était imparti était de trois minutes. Or vous vous êtes exprimée pendant six minutes ! Nous avons déjà pris beaucoup de retard, et j'invite donc les orateurs à faire preuve de concision.

La parole est à M. le ministre délégué.

M. Christian Estrosi, ministre délégué à l'aménagement du territoire. Madame la sénatrice, vous avez souhaité obtenir des éclaircissements sur les finalités du logiciel ELOI.

Comme vous le savez, par arrêté du 30 juillet 2006, et après saisine de la Commission nationale de l'informatique et des libertés, le ministère de l'intérieur et de l'aménagement du territoire a procédé à la création d'un logiciel de traitement de données à caractère personnel relatif à la procédure d'éloignement, dénommé ELOI.

Ce logiciel, élaboré à l'usage des préfectures et des centres de rétention administrative, vise à améliorer le suivi des procédures d'éloignement des étrangers en situation irrégulière, ainsi qu'à faciliter la gestion des différents centres de rétention administrative. Il assure ainsi l'informatisation de procédures jusqu'alors écrites.

Dans ce cadre, le logiciel ELOI enregistrera effectivement les données relatives à l'étranger en situation irrégulière, au visiteur d'une personne placée en rétention administrative, ainsi qu'à l'hébergeant d'un étranger en situation irrégulière faisant l'objet d'une assignation à résidence prononcée par le juge des libertés et de la détention.

C'est précisément sur l'utilité de la saisie informatique de telles données que vous vous interrogez.

En premier lieu, le logiciel assure l'enregistrement des identités des personnes retenues, qu'elles soient majeures ou mineures. En effet, il peut s'agir des mineurs présents dans les centres de rétention administrative spécialement aménagés. Je rappelle que le placement de familles en centre de rétention administrative n'est possible que dans les seuls lieux spécialement équipés à cette fin et limitativement énumérés par arrêté interministériel.

En deuxième lieu, il convient d'indiquer que le terme « visiteurs » ne s'applique qu'aux particuliers effectuant des visites à titre individuel, personnel et privé. Sont donc exclus du champ de cette définition les avocats, mais également les parlementaires ou les membres d'institutions telles que la Commission nationale de contrôle des centres et locaux de rétention administrative et des zones d'attente. Le souci du maintien de l'ordre public au sein des centres de rétention et la nécessité, pour le préfet à l'origine du placement, de pouvoir suivre l'ensemble des étapes de la procédure d'éloignement constituent les uniques motifs d'enregistrement.

En troisième et dernier lieu, s'agissant des personnes qui hébergent des ressortissants étrangers assignés à résidence par le juge des libertés et de la détention, il convient de rappeler que la législation et la jurisprudence de la Cour de cassation limitent les possibilités d'assignation à résidence aux seuls étrangers en possession d'un passeport en cours de validité et disposant d'un domicile ou de l'adresse d'une personne acceptant de les héberger.

En outre, cette assignation à résidence est ordonnée aux fins d'exécution de la mesure d'éloignement dont l'étranger en situation irrégulière fait l'objet. Dans ce cadre, l'enregistrement de l'adresse et du nom de la personne qui héberge apparaît indispensable pour pouvoir disposer, le moment venu, de l'ensemble des informations nécessaires au suivi de l'exécution de la mesure.

Au total, l'ensemble des données enregistrées visent à améliorer l'exécution des mesures d'éloignement par un meilleur suivi des procédures et l'utilisation d'un outil commun par les différents acteurs de la lutte contre l'immigration irrégulière.

Si l'arrêté constitutif du logiciel ELOI fait actuellement l'objet d'un recours pour excès de pouvoir devant le Conseil d'État, il convient de souligner que le référé-suspension a été rejeté par le juge des référés dans sa décision du 8 novembre 2006. Par ailleurs, dans l'attente de la décision rendue au fond par la haute juridiction, des instructions confirmant l'absence de mise en oeuvre effective du logiciel jusqu'à nouvel ordre ont été données aux préfectures.

M. le président. La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.

Mme Alima Boumediene-Thiery. Vous venez de rappeler des éléments d'information dont j'avais déjà fait part, monsieur le ministre, mais vous n'avez pas répondu aux questions essentielles que j'ai soulevées.

Quelle définition donnez-vous de la notion de menace à l'ordre public ? Quelles garanties pouvez-vous nous apporter s'agissant du respect des droits et libertés, au regard notamment de l'enregistrement, de la conservation, voire de la consultation ou du droit de modification de certaines données ? Pourquoi instituer un énième fichier de ce type, alors qu'il en existe déjà d'autres répondant à des visées similaires, notamment dans les préfectures ?

En réalité, le fichier ELOI enfreint aujourd'hui les principes régissant la protection des données à caractère personnel. Nous n'avons obtenu aucune réponse sur les points que je viens de rappeler.