Article 12 bis
Dossier législatif : projet de loi relatif à la prévention de la délinquance
Article additionnel après l'article 12 ter A

Article 12 ter A

Après l'article L. 211-14 du code rural, il est inséré un article L. 211-14-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 211-14-1. - Pour les personnes autres que celles mentionnées à l'article L. 211-13, la détention de chiens mentionnés à l'article L. 211-12 est subordonnée à l'évaluation comportementale du chien par un vétérinaire comportementaliste. »

M. le président. Je suis saisi de quatre amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 80, présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen - Seat, Mathon - Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Après cette longue discussion sur les chiens dangereux, je ne sais plus ce qu'il faut penser !

Si nous vous proposons de supprimer cet article 12 ter A, ajouté par l'Assemblée nationale, c'est parce que nous n'en avons pas très bien perçu la pertinence sur le plan de la prévention, puisque c'est théoriquement de cela qu'il s'agit avec ce texte.

J'ai particulièrement apprécié l'introduction dans le dispositif de la notion de « vétérinaire comportementaliste » ! M. Beaumont pourrait d'ailleurs nous faire un cours sur ce qui caractérise les vétérinaires comportementalistes par rapport à ceux qui ne le sont pas. Heureusement que l'on n'a pas prévu d'instituer des « psychiatres pour chiens » !

Peut-être les amendements de mes collègues vont-ils m'éclairer sur la question, mais, en l'état actuel, je le répète, je ne vois pas du tout l'intérêt de cet ajout au regard de la prévention de la délinquance. La législation concernant les animaux dangereux existe. Tout le problème est de la faire appliquer : mieux vaudrait donc traiter ces questions par la voie réglementaire plutôt que d'empiler les dispositions législatives.

M. le président. L'amendement n° 155, présenté par M. Peyronnet, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi cet article :

L'article L. 223-10 du code rural est complété par quatre alinéas ainsi rédigés :

« Lorsque l'animal mordeur est un chien, il fait obligatoirement l'objet, dans un délai de 3 jours à compter de la constatation de la morsure, d'une visite comportementale par un vétérinaire comportementaliste ou un vétérinaire sanitaire spécialement formé.

« Cette visite comportementale est également effectuée pour tout chien désigné par le maire en application de l'article L. 211-11 du code rural ou pour tout chien à la demande de la justice.

« Les frais de cette visite sont à la charge du propriétaire du chien.

« Un décret détermine les conditions d'application du présent article. »

La parole est à M. Jean-Claude Peyronnet.

M. Jean-Claude Peyronnet. Comme Mme Borvo Cohen-Seat, j'ai découvert avec cet article l'existence des vétérinaires comportementalistes ! Ayant écouté M. Beaumont avec attention, je ne pense pas trahir sa pensée en disant que, selon lui, certains propriétaires, au vu de leur comportement et de la manière dont ils dressent leur chien, mériteraient également d'être examinés. (Sourires.) Pour ma part, j'en suis totalement convaincu !

En tout état de cause, il s'agit d'un dossier lourd, qui est devenu un fait de société important, tant il est vrai que nous avons partout dans nos villes, mais aussi dans nos campagnes, une quantité importante de chiens devenus dangereux, car plus ou moins bien dressés.

Certes, la question a été traitée, voilà déjà quelques années, par la loi du 6 janvier 1999 relative aux animaux dangereux et errants et à la protection des animaux. Reste à savoir si cela relève bien de la loi. Quoi qu'il en soit, à l'époque, il a été décidé de caractériser certaines races de chiens et de créer deux catégories de chiens dangereux - ceux de la première catégorie doivent être stérilisés -, et j'ai cru comprendre que notre collègue René Beaumont n'était pas forcément d'accord avec une telle disposition.

Par ailleurs, monsieur le ministre, l'article 11 de cette même loi a prévu que le Gouvernement déposerait au bout de deux ans sur le bureau des assemblées un rapport d'évaluation des mesures adoptées. Le 19 septembre dernier, vous m'avez assuré que ce rapport était disponible et que vous veilleriez à le transmettre au Parlement. Or je n'ai pas eu connaissance de son dépôt. Il serait pourtant intéressant de faire un point d'étape sur l'application de la loi de 1999. Pour une fois que nous pouvions avoir une évaluation avant de légiférer ! Si ce rapport est effectivement disponible, nous serions heureux que vous nous le fassiez parvenir.

J'en viens à l'amendement n° 155.

Il ne nous paraît pas opportun de subordonner la détention d'un chien classé dans l'une des deux catégories que j'ai mentionnées à la visite médicale prévue à l'article 12 ter A. En revanche, le principe même d'une « évaluation comportementale », pour reprendre les termes employés, qui serait généralisée à l'ensemble des chiens mordeurs, est intéressant. Nous pourrions ainsi disposer d'un outil, parmi d'autres, permettant à terme de limiter le nombre de morsures de chien en France. À partir de l'examen précis de l'ensemble des visites pratiquées à l'échelon national, l'État pourra en effet adopter les mesures préventives nécessaires.

Le dispositif que je propose ne sera cependant efficace qu'à une double condition.

D'une part, chaque cas de morsure de chien, quelle que soit sa race - j'insiste sur ce point - devra faire l'objet d'une déclaration obligatoire par l'instance ayant eu à en connaître, c'est-à-dire les médecins, les services d'urgence, les vétérinaires ou les assureurs.

D'autre part, une visite comportementale strictement obligatoire devra être effectuée dans un court délai après la morsure du chien, et ce, je le répète, quelle que soit sa race. Notre collègue Beaumont, qui est beaucoup plus que moi au fait de ces questions, a bien montré que certains chiens étaient en effet dressés à mordre, alors que leur race ne les prédestine nullement à cette « fonction », si j'ose dire.

M. le président. L'amendement n° 19, présenté par M. Lecerf, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Rédiger comme suit le texte proposé par cet article pour l'article L. 211-14-1 du code rural :

« Art. L. 211-14-1. - La détention d'un chien mentionné à l'article L. 211-12 est subordonnée à l'évaluation comportementale périodique du chien par un vétérinaire comportementaliste ou un vétérinaire sanitaire spécialement formé.

« Les frais d'évaluation sont à la charge du propriétaire du chien.

« Un décret détermine les conditions d'application du présent article. »

La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Cet amendement tend à préciser quatre points.

Premièrement, l'évaluation devra être périodique, dans la mesure où un chien peut changer de comportement avec le temps.

Deuxièmement, des vétérinaires sanitaires spécialement formés pourront également procéder à cette évaluation. Il s'agit de répondre rapidement au « stock » à traiter, car le nombre de vétérinaires comportementalistes n'est pas suffisant.

Troisièmement, les frais seront à la charge du propriétaire.

Enfin, quatrièmement, un décret précisera les conditions d'application de cet article.

M. le président. L'amendement n° 43 rectifié, présenté par MM. Beaumont, Braye, Dulait, Gruillot, Trillard et Bizet, est ainsi libellé :

Rédiger comme suit le texte proposé par cet article pour l'article L. 211-14-1 du code rural :

« Art. L. 211-14-1. - Le maire, ou le préfet, peut faire évaluer la dangerosité d'un animal ayant mordu ou présentant un danger en recourant à l'avis d'un vétérinaire sanitaire qualifié mandaté par la direction des services vétérinaires. »

La parole est à M. René Beaumont.

M. René Beaumont. Monsieur le président, je retire cet amendement au profit de l'amendement n° 19 de la commission, lequel est bien mieux rédigé.

M. le président. L'amendement n° 43 rectifié est retiré.

Quel est l'avis de la commission sur les amendements nos 80 et 155 ?

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. La commission émet un avis défavorable sur l'amendement de suppression n° 80.

Sur l'amendement n° 155, qui vise à insérer quatre alinéas, la commission est assez partagée : si elle n'est pas favorable au premier alinéa du texte proposé, qui tend à rendre obligatoire l'évaluation de tout animal en cas de morsure, elle est prête à s'en remettre à l'avis du Gouvernement sur le deuxième, qui a pour objet de prévoir la possibilité d'une visite comportementale « pour tout chien désigné par le maire en application de l'article L. 211-11 du code rural ou pour tout chien à la demande de la justice ».

En l'état, les amendements nos 155 et 19 sont incompatibles, et l'adoption du premier ferait tomber le nôtre. Je propose donc à M. Peyronnet de transformer son amendement en sous-amendement à l'amendement n° 19, mais en retenant exclusivement, moyennant une légère modification rédactionnelle, la possibilité de la visite comportementale, laquelle serait donc effectuée pour tout chien désigné par le maire en application du code rural ou pour tout chien à la demande de la justice.

M. le président. M. Peyronnet, suivez-vous la suggestion de M. le rapporteur ?

M. Jean-Claude Peyronnet. Oui, monsieur le président.

M. le président. Je suis donc saisi d'un sous-amendement n° 155 rectifié, présenté par M. Peyronnet, et ainsi libellé :

Après le premier alinéa du texte proposé par l'amendement n° 19 pour l'article L. 211-14-1 du code rural, insérer un alinéa ainsi rédigé : « Une visite comportementale est également effectuée pour tout chien désigné par le maire en application de l'article L. 211-11 ou pour tout chien à la demande de la justice. »

Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements nos 80 et 19, ainsi que sur le sous-amendement n° 155 rectifié ?

M. Christian Estrosi, ministre délégué. Le Gouvernement émet un avis défavorable sur l'amendement n° 80.

En revanche, le Gouvernement émet un avis favorable sur le sous-amendement n° 155 rectifié et sur l'amendement n° 19.

Cela étant précisé, monsieur Peyronnet, le Gouvernement s'est effectivement engagé à remettre au Parlement un rapport établissant le bilan de la portée de la loi du 6 janvier 1999 sur les animaux dangereux et errants. M. le ministre d'État, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire, l'a d'ailleurs adressé le 28 décembre 2006 au secrétaire général du Gouvernement, afin que celui-ci puisse le transmettre pour information aux deux assemblées. Le voici (M. le ministre délégué brandit ledit rapport) : il devrait donc très rapidement venir éclairer l'ensemble de la représentation nationale.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 80.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 155 rectifié.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Le groupe CRC s'abstient.

(Le sous-amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 19, modifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 12 ter A, modifié.

(L'article 12 ter A est adopté.)

Article 12 ter A
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Article 12 ter

Article additionnel après l'article 12 ter A

M. le président. L'amendement n° 44 rectifié, présenté par MM. Beaumont, Braye, Dulait, Gruillot, Trillard et Bizet, est ainsi libellé :

Après l'article 12 ter A, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après l'article L. 223-10 du code rural, il est inséré un article additionnel ainsi rédigé :

« Art. L.... - Tout propriétaire d'un chien ayant mordu une personne a obligation de le soumettre à une évaluation de dangerosité par un vétérinaire sanitaire qualifié, selon des modalités définies par arrêté. »

La parole est à M. René Beaumont.

M. René Beaumont. Monsieur le président, compte tenu de tout ce qui vient d'être dit et de l'adoption de l'article 12 ter A modifié par l'amendement de la commission et le sous-amendement de M. Peyronnet, je retire l'amendement n° 44 rectifié, qui me paraît un peu trop corporatiste.

M. le président. L'amendement n° 44 rectifié est retiré.

Article additionnel après l'article 12 ter A
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Article 12 quinquies

Article 12 ter

L'article 9 de la loi n° 2000-614 du 5 juillet 2000 relative à l'accueil et à l'habitat des gens du voyage est ainsi modifié :

1° A Le I est complété par trois alinéas ainsi rédigés :

« Les mêmes dispositions sont applicables aux communes qui bénéficient du délai supplémentaire prévu au III de l'article 2 jusqu'à la date d'expiration de ce délai ainsi qu'aux communes disposant d'un emplacement provisoire faisant l'objet d'un agrément par le préfet, dans un délai fixé par le préfet et ne pouvant excéder six mois à compter de la date de cet agrément.

« L'agrément est délivré en fonction de la localisation, de la capacité et de l'équipement de cet emplacement, dans des conditions définies par décret.

« L'agrément d'un emplacement provisoire n'exonère pas la commune des obligations qui lui incombent dans les délais prévus par l'article 2. » ;

1° Le II est ainsi rédigé :

« II. - En cas de stationnement effectué en violation de l'arrêté prévu au I, le maire, le propriétaire ou le titulaire du droit d'usage du terrain occupé peut demander au préfet de mettre en demeure les occupants de quitter les lieux.

« La mise en demeure ne peut intervenir que si le stationnement est de nature à porter atteinte à la salubrité, la sécurité ou la tranquillité publiques.

« La mise en demeure est assortie d'un délai d'exécution qui ne peut être inférieur à vingt-quatre heures. Elle est notifiée aux occupants et publiée sous forme d'affichage en mairie et sur les lieux. Le cas échéant, elle est notifiée au propriétaire ou titulaire du droit d'usage du terrain.

« Lorsque la mise en demeure de quitter les lieux n'a pas été suivie d'effets dans le délai fixé et n'a pas fait l'objet d'un recours dans les conditions fixées au II bis, le préfet peut procéder à l'évacuation forcée des résidences mobiles, sauf opposition du propriétaire ou du titulaire du droit d'usage du terrain dans le délai fixé pour l'exécution de la mise en demeure.

« Lorsque le propriétaire ou le titulaire du droit d'usage du terrain fait obstacle à l'exécution de la mise en demeure, le préfet peut lui demander de prendre toutes les mesures nécessaires pour faire cesser l'atteinte à la salubrité, à la sécurité ou la tranquillité publiques dans un délai qu'il fixe.

« Le fait de ne pas se conformer à l'arrêté pris en application de l'alinéa précédent est puni de 3 750 € d'amende. » ;

2° Après le II, il est inséré un II bis ainsi rédigé :

« II bis. - Les personnes destinataires de la décision de mise en demeure prévue au II, ainsi que le propriétaire ou le titulaire du droit d'usage du terrain peuvent, dans le délai fixé par celle-ci, demander son annulation au tribunal administratif. Le recours suspend l'exécution de la décision du préfet à leur égard. Le président du tribunal ou son délégué statue dans un délai de soixante-douze heures à compter de sa saisine. » ;

3° Dans le premier alinéa du III, les mots et la référence : « et du II » sont remplacés par les mots et la référence : «, du II et du II bis ».

M. le président. La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery, sur l'article.

Mme Alima Boumediene-Thiery. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, après avoir passé plus d'une heure sur les chiens méchants, nous abordons maintenant le cas des gens du voyage ! Comme nous le disions tout à l'heure, il s'agit vraiment d'un texte fourre-tout, entraînant des rapprochements pour le moins incongrus...

Ce projet de loi permet à de nombreux parlementaires membres de la majorité présidentielle de faire prévaloir leur vision ultrarépressive. Ils n'ont pas hésité à faire adopter, à cette occasion, des dispositions liberticides et dangereuses pour notre démocratie, notamment au détriment de certaines catégories de nos concitoyens.

Ainsi, ceux qui se nomment aujourd'hui Sintés, Kalés, Roms, Manouches, Tziganes ou Gitans, que l'on appelle communément « gens du voyage », et dont beaucoup sont des citoyens français, sont de nouveau victimes d'une discrimination institutionnelle inacceptable.

En effet, l'article 12 ter, introduit par le Sénat en première lecture et aggravé dans ses effets par l'Assemblée nationale, permet au préfet de procéder d'office à l'évacuation forcée des terrains en cas de violation des règles sur le stationnement des gens du voyage.

Ce dispositif, qui se substituerait donc à la saisine du juge civil par le maire, est contestable tant sur le plan juridique que du point de vue politique.

La compétence du juge est de principe en la matière. En effet, la mise en demeure de quitter les lieux, émise par le préfet, est un acte administratif. Les contentieux d'annulation et de réformation des décisions des autorités publiques sont réservés au juge administratif, pour autant que ne sont pas en cause les matières réservées par nature à l'autorité judiciaire, conformément à la décision du Conseil constitutionnel en date du 23 janvier 1987.

Or l'autorité judiciaire est garante, en vertu de l'article 66 de la Constitution, du respect des libertés individuelles, parmi lesquelles figure l'inviolabilité du domicile, comme l'affirme le Conseil constitutionnel dans ses décisions Fouille des véhicules du 12 janvier 1977, et Perquisitions fiscales des 29 décembre 1983 et 29 décembre 1984.

Selon une jurisprudence constante, émanant notamment du Conseil d'État, la caravane des gens du voyage est considérée comme leur domicile. À ce titre, son inviolabilité est consacrée par l'article 184 du code pénal. Il s'agit d'un principe fort de notre droit positif, régulièrement réaffirmé par le Conseil constitutionnel et la Cour de cassation. L'évacuation forcée des résidences mobiles du terrain sur lequel elles sont installées constitue donc une violation du domicile, ce dernier étant, de fait, déplacé sous la contrainte.

En outre, comme le rappelle le juge constitutionnel, le principe, de valeur constitutionnelle, de prévention de l'atteinte à l'ordre public doit être concilié avec les libertés individuelles, et notamment avec le principe de l'inviolabilité du domicile. La saisine préalable et l'intervention du juge judiciaire sont donc nécessaires en cas d'évacuation des caravanes des gens du voyage, en vue de l'exercice d'un contrôle effectif des opérations.

La stricte application de ce principe a justifié le rejet, par la Cour de cassation, d'une autorisation de visite domiciliaire délivrée par un président de tribunal de grande instance dans la mesure où celui-ci n'avait pas désigné lui-même les officiers de police judiciaire chargés d'assister à l'opération, laissant ce soin au commissaire de police.

Un autre argument juridique s'oppose à la mise en oeuvre de ce dispositif : le droit au recours contre une telle décision d'évacuation ne peut s'exercer que dans le délai fixé par la mise en demeure pour quitter les lieux, ce délai ne pouvant être inférieur à vingt-quatre heures.

Cette disposition constitue une rupture de l'égalité des citoyens devant la justice. En effet, comme l'a rappelé récemment le Conseil constitutionnel, dans sa décision Loi relative aux compétences du tribunal d'instance, de la juridiction de proximité et du tribunal de grande instance du 20 janvier 2005, ce délai de recours varie selon le délai laissé aux destinataires de la mise en demeure pour quitter les lieux.

Le législateur ne doit pas procéder, en cette matière, à des distinctions injustifiées, car les justiciables doivent bénéficier de garanties égales, notamment s'agissant du respect des droits de la défense. En l'espèce, le projet de loi viole ce principe en instaurant des délais de recours qui, dans certains cas, seront très brefs et ne permettront pas l'exercice effectif des droits de la défense.

Une telle différence de traitement est, en outre, injustifiée en ce sens que ce délai est fixé de façon discrétionnaire par le préfet et ne résulte d'aucune distinction de situation prévue par la loi.

Enfin, ce dispositif est inacceptable d'un point de vue politique.

Combien de temps encore va-t-on faire subir une discrimination aux gens du voyage ? Combien de temps encore va-t-on les considérer comme des citoyens de deuxième, voire de troisième zone ?

Ce gouvernement persiste à criminaliser des groupes entiers de citoyens, mettant ainsi en oeuvre le projet du « ministre-candidat » qui consiste à dresser une France contre une autre, à dresser les citoyens les uns contre les autres, le plus souvent des précaires contre d'autres précaires. Ce projet vise à attiser les peurs pour que son auteur puisse mieux s'ériger ensuite en rempart providentiel, à stigmatiser les uns pour qu'il puisse manipuler les autres.

Le nombre de places réalisées sur le territoire national pour accueillir les gens du voyage demeure à ce jour très insuffisant par rapport aux besoins recensés dans l'ensemble des plans départementaux établis en application de la loi du 5 juillet 2000 relative à l'accueil et à l'habitat des gens du voyage.

Plus de six ans après l'adoption de cette loi, et alors que l'on estime le besoin total à 40 000 places, seules 8 000 places environ sont, aujourd'hui, officiellement disponibles, soit moins de 20 % de l'objectif affiché. Cette pénurie est créée par la défaillance et l'opposition des élus locaux, seuls responsables de la non-réalisation de ces aires, alors qu'il s'agit pour eux d'une obligation imposée par la loi.

Dès lors, la possibilité pour les personnes vivant en caravane de stationner de manière régulière sur des terrains municipaux est désormais plus que réduite. Cette situation contraint inévitablement ces familles à s'installer sur des terrains disponibles non prévus à cet effet, faute de places légales.

Du fait de cette occupation illégale, les gens du voyage sont constamment condamnés mais, à l'inverse, aucune condamnation n'est prévue pour les maires qui refusent de se conformer à l'obligation légale de réaliser ces aires.

Les Verts refusent cet apartheid institutionnalisé et demandent, par conséquent, la suppression de cet article infâme.

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.

L'amendement n° 81 est présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.

L'amendement n° 156 est présenté par MM. Peyronnet, Godefroy, Badinter, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Mahéas et Sueur, Mme Campion, MM. Cazeau et Domeizel, Mmes Demontès, Jarraud-Vergnolle et Le Texier, M. Michel, Mme Schillinger, MM. Bockel, Guérini, Lagauche, Madec, Mélenchon, Mermaz et Ries, Mmes Tasca, Boumediene-Thiery et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour présenter l'amendement n° 81.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Le présent article, relatif à l'accueil et à l'habitat des gens du voyage, et inscrit dans le cadre du projet de loi relatif à la prévention de la délinquance, perpétue l'amalgame ancien, renforcé par la loi du 29 août 2002 d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure, entre les forains, les gens du voyage et l'idée de désordre : c'est le vieux cliché des « voleurs de poules » !

Cet article nous semble fort peu approprié et nous refusons que de telles dispositions figurent dans ce projet de loi.

Mais notre opposition a une motivation plus précise. Nous pouvons tous faire le constat d'une pénurie, à l'échelle nationale, de places réalisées pour l'accueil des gens du voyage.

La loi d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure a renforcé les sanctions prises à l'encontre des gens du voyage installés hors des aires autorisées. À l'inverse, aucune condamnation n'est prévue pour les maires qui refusent de se mettre en conformité avec la loi qui leur impose de réaliser des aires de stationnement. C'est toujours le même problème : il y a ceux qui font et ceux qui ne font pas !

La pénurie de places est due à la défaillance, voire à l'opposition des élus locaux, et les gens du voyage ne sauraient en faire les frais.

Avec cet article, vous portez trois fois atteinte aux droits fondamentaux de ces citoyens : dérogation à l'article 66 de la Constitution, garante du respect des libertés individuelles, avec la suppression de l'intervention préalable de l'autorité judiciaire ; atteinte flagrante au principe d'inviolabilité du domicile, en l'occurrence les caravanes, qui constituent l'habitat des gens du voyage ; rupture de l'égalité des citoyens devant la justice et atteinte aux droits de la défense, les délais de recours variant selon les situations locales et les préfets.

Pour toutes ces raisons, nous demandons la suppression de cet article.

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Peyronnet, pour présenter l'amendement n° 156.

M. Jean-Claude Peyronnet. Celui-ci a été défendu par Mme Boumediene-Thiery, lors de son intervention sur l'article.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-René Lecerf. Je ferai trois observations.

Tout d'abord, la compétence administrative peut effectivement se justifier dans la mesure où la mise en demeure du préfet ne peut intervenir que si le stationnement est de nature à porter atteinte à la salubrité, la sécurité ou la tranquillité publiques.

Par ailleurs, les droits des gens du voyage sont préservés, ces personnes pouvant introduire un recours suspensif devant le tribunal administratif contre la décision du préfet, cette juridiction ayant alors l'obligation de statuer dans un délai de soixante-douze heures.

Enfin, les critiques selon lesquelles ce texte serait liberticide me semblent désobligeantes à l'égard tant de la juridiction administrative que de nos collègues députés. En effet, c'est à l'unanimité que l'Assemblée nationale a adopté l'amendement déposé par M. Woerth, qui avait lui-même repris un amendement de M. Hérisson.

L'avis de la commission est donc défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Christian Estrosi, ministre délégué. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 81 et 156.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 12 ter.

(L'article 12 ter est adopté.)

Article 12 ter
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Article additionnel après l'article 12 quinquies

Article 12 quinquies

Le 4° de l'article L. 2215-1 du code général des collectivités territoriales est ainsi rédigé :

« 4° En cas d'urgence, lorsque l'atteinte constatée ou prévisible au bon ordre, à la salubrité, à la tranquillité et à la sécurité publiques l'exige et que les moyens dont dispose le préfet ne permettent plus de poursuivre les objectifs pour lesquels il détient des pouvoirs de police, celui-ci peut, par arrêté motivé, pour toutes les communes du département ou plusieurs ou une seule d'entre elles, réquisitionner tout bien ou service, requérir toute personne nécessaire au fonctionnement de ce service ou à l'usage de ce bien et prescrire toute mesure utile jusqu'à ce que l'atteinte à l'ordre public ait pris fin ou que les conditions de son maintien soient assurées. »

M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 157, présenté par MM. Peyronnet, Godefroy, Badinter, Collombat, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Mahéas et Sueur, Mme Campion, MM. Cazeau et Domeizel, Mmes Demontès, Jarraud-Vergnolle et Le Texier, M. Michel, Mme Schillinger, MM. Bockel, Guérini, Lagauche, Madec, Mélenchon, Mermaz et Ries, Mmes Tasca, Boumediene-Thiery et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Jean-Claude Peyronnet.

M. Jean-Claude Peyronnet. Cet amendement a été défendu.

M. le président. L'amendement n° 82, présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi cet article :

Le 4° de l'article L. 2215-1 du code général des collectivités territoriales est abrogé.

La parole est à Mme Éliane Assassi.

Mme Éliane Assassi. La loi pour la sécurité intérieure du 18 mars 2003 a élargi les pouvoirs de police du préfet en autorisant celui-ci, en cas d'urgence et lorsqu'une atteinte à l'ordre public l'exige, à réquisitionner tout bien et tout service, à requérir toute personne nécessaire au fonctionnement de ce service et à prescrire toute mesure utile jusqu'à ce que l'atteinte à l'ordre public ait pris fin.

Il semble que cette rédaction ne satisfasse pas le rapporteur du présent projet de loi à l'Assemblée nationale, M. Philippe Houillon, qui souhaite que cette disposition s'étende à la prévention des troubles à l'ordre public.

Cette précision est, à notre sens, inutile dans la mesure où l'article L. 2215-1 du code général des collectivités territoriales, complété en 2003, est relatif aux pouvoirs de police générale du préfet. Or exercer la police administrative, c'est assurer le maintien de l'ordre public, c'est décider des mesures et entreprendre les actions propres à prévenir les troubles à la sécurité, la tranquillité et la salubrité publiques.

En revanche, le texte adopté en 2003, qui mentionne le rétablissement de l'ordre public, pose certains problèmes au regard de la définition traditionnelle de la police administrative générale exercée par le préfet.

De plus, le champ d'application de ce pouvoir de réquisition est bien trop étendu. D'une part, le préfet détient cette compétence pour maintenir et rétablir l'ordre public, ce qui dépasse largement le caractère préventif traditionnel de la police administrative générale. D'autre part, il peut exercer ce pouvoir, sans condition, pour toutes les communes du département, plusieurs ou une seule d'entre elles. Or, habituellement, le préfet a compétence pour prendre des mesures de police dont le champ d'application excède le territoire d'une commune, à la seule condition que les mesures envisagées soient liées à des circonstances particulières concernant l'ensemble des communes en question.

Par ailleurs, quels sont ces biens et ces services que le préfet a le pouvoir de réquisitionner ? Comment peut-on exiger de toute personne qu'elle réponde à cet ordre de réquisition sous peine d'encourir une peine de six mois d'emprisonnement et de 10 000 euros d'amende ? Non seulement les nouveaux pouvoirs de réquisition dévolus au préfet ne sont ni strictement définis ni encadrés mais, de plus, la protection des libertés des personnes réquisitionnées n'est pas suffisamment garantie.

Pour toutes ces raisons, nous demandons la suppression, à la fois, de l'article 12 quinquies et du 4° de l'article L. 2215-1 du code général des collectivités territoriales.

M. le président. L'amendement n° 20, présenté par M. Lecerf, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Rédiger comme suit le premier alinéa de cet article :

Le premier alinéa du 4° de l'article L. 2215-1 du code général des collectivités territoriales est ainsi rédigé :

La parole est à M. le rapporteur pour présenter cet amendement et pour donner l'avis de la commission sur les amendements nos 157 et 82.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. L'amendement n° 20 tend à corriger une erreur matérielle.

Par ailleurs, la commission est défavorable aux amendements de suppression nos 157 et 82.

Comme Mme Assassi, je considère que la compétence de police générale du préfet s'étend naturellement à la prévention du bon ordre, de la salubrité, de la tranquillité et de la sécurité publiques. La disposition prévue à l'article 12 quinquies peut donc donner l'impression de s'apparenter à un truisme. Mais ce qui va sans dire va encore mieux en le disant. Ainsi, dans une décision assez curieuse, Commune de Vannes, le tribunal administratif de Rennes a sanctionné le recours à une réquisition préfectorale pour prévenir un trouble futur, alors même que ce trouble apparaissait totalement inéluctable en cas d'abstention du préfet.

C'est la raison pour laquelle, dans un souci de clarté, il est précisé dans cet article que la compétence de police générale du préfet peut effectivement s'étendre à la prévention du bon ordre.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Christian Estrosi, ministre délégué. Le Gouvernement est défavorable aux deux amendements de suppression nos 157 et 82.

Il apparaît en effet que, en matière de prévention des troubles à l'ordre public, les pouvoirs de réquisition du préfet restent très limités. Cette situation est paradoxale : le préfet, qui a le pouvoir de mettre un terme aux troubles de l'ordre public, ne dispose, pour préserver ce même ordre public, que de pouvoirs de réquisition limités. Ainsi, il est parfois quasiment impossible de mettre un terrain à la disposition des organisateurs de teknivals ou de rave-parties afin que ces événements se déroulent dans des conditions acceptables.

Le pouvoir du préfet n'est donc pas limité à la seule hypothèse du rétablissement de l'ordre public, mais peut également être mis en oeuvre pour prévenir des troubles à l'ordre public. C'est la raison pour laquelle cette disposition nous paraît essentielle.

Le Gouvernement est, par ailleurs, favorable à l'amendement n° 20.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 157.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 82.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 20.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 12 quinquies, modifié.

(L'article 12 quinquies est adopté.)