PRÉSIDENCE DE M. ADRIEN GOUTEYRON

vice-président

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Luc Ferry, ministre. Madame la sénatrice, je vous prie d'excuser l'absence de M. Xavier Darcos, retenu par un comité interministériel, qui, vous le savez, s'occupe plus particulièrement de ces sujets.

Vous avez parfaitement exposé les mesures prises cette année par le ministère, notamment le plan « santé ». Vous avez raison de souligner que la lutte contre le tabagisme et la drogue est au coeur des préoccupations de tous les chefs d'établissement que nous rencontrons, y compris de ceux des lycées dans lesquels il ne semble pas y avoir de difficulté particulière. Je n'en ai pas rencontré un seul, jusqu'à ce jour, qui m'ait dit n'être confronté à aucun problème de ce type.

Nous avons trois grands axes d'action. Tout d'abord, nous collaborons avec le ministère de la santé - c'est une première - pour définir une politique de santé publique dans les établissements, notamment en matière de lutte contre la drogue et le tabagisme.

Ensuite, Mme Claire Brisset, défenseure des enfants, va nous faire très prochainement sur ce sujet - je l'ai reçue la semaine dernière - des propositions en vue d'aider les adolescents, notamment de mieux prendre en charge leur souffrance. Cette souffrance existe, elle est probablement à l'origine de comportements déviants qui ne sont actuellement pas suffisamment pris en considération dans les établissements scolaires.

En ce qui concerne le tabagisme, le professeur David Khayat, chargé du plan « cancer » par la présidence de la République, m'a fait part d'une augmentation foudroyante du nombre de cancers du poumon chez les femmes, en raison du tabagisme croissant observé chez les jeunes filles ces dernières années.

M. René-Pierre Signé. Ce sont des cancers secondaires du poumon, et non pas des cancers primaires fréquents chez les non-fumeurs !

M. Luc Ferry, ministre. Monsieur le sénateur, vous aurez probablement l'occasion d'intervenir sur ce thème que vous connaissez certainement mieux que moi. Je fais pour ma part état des propos de M. Khayat à ce sujet.

On constate l'augmentation de ce type de cancer dans l'ensemble de l'Europe, mais en France, singulièrement, cette situation est dramatique.

M. Marcel Lesbros. C'est un phénomène de société !

M. Luc Ferry, ministre. Nous avons donc décidé que vingt-deux établissements seraient désormais « sans tabac », c'est-à-dire que l'interdiction de fumer s'appliquerait aussi à la salle des professeurs. A l'évidence, il faudra parvenir à étendre le plus rapidement possible cette mesure expérimentale à tous les établissements de France.

M. le président. La parole est à Mme Annie David.

Mme Annie David. Monsieur le ministre, vous annoncez une hausse de 2,8 % de votre budget. Mais, après avoir retiré l'évolution des rémunérations et des pensions, les mesures acquises en 2003 reportées en 2004 et le financement des postes d'assistant d'éducation, qui sont dorénavant inscrits dans votre budget, il ne reste rien pour les mesures nouvelles. Cette augmentation n'est finalement qu'un leurre.

Monsieur Ferry, vous avez présenté votre budget pour 2004 comme étant « le meilleur du siècle ». Je constate qu'il est en réalité en régression sur les plans éducatif et social, et qu'il se traduit par de lourdes pertes en termes d'effectifs.

M. Jean-Louis Carrère. Il n'a pas dit de quel siècle !

Mme Annie David. Les enseignants, les professeurs et les stagiaires ne seront pas les seuls à subir cette restriction budgétaire ; les personnels administratifs et d'encadrement sont aussi concernés. A cet égard, les maîtres d'internat et surveillants d'externat, les MI-SE, et les aides-éducateurs, je ne le soulignerai jamais assez, ne seront pas tous remplacés par les nouveaux assistants d'éducation, dont le statut entraîne par ailleurs une aggravation de la précarité des étudiants.

M. Jean-Louis Carrère. Très bien !

Mme Annie David. Cette réduction de postes d'adultes dans les établissements, alors que les effectifs d'élèves sont globalement en hausse, est incohérente par rapport à la phraséologie gouvernementale concernant la citoyenneté ou l'incivilité, et ce n'est évidemment pas ainsi que vous favoriserez la scolarisation en maternelle des enfants de moins de trois ans !

Les bourses, quant à elles, connaissent une forte diminution dans le second degré, alors que la dégradation de la situation économique précipite un nombre croissant de familles, et donc d'étudiants, dans le besoin.

J'en viens à la jeunesse, sacrifiée elle aussi sur l'autel de la rationalisation comptable, puisque sa part du budget est en baisse de 4 %, fragilisant aussi bien l'emploi que l'encadrement des réseaux associatifs. Après la baisse de 5 % en 2003, il semble évident que la jeunesse, l'éducation populaire et la vie associative restent à l'écart des priorités de votre ministère.

Les postes FONJEP, le fonds de coopération de la jeunesse et de l'éducation populaire, sont eux aussi victimes de ce recul. Après le gel de 100 postes en 2003 et la baisse de la prise en charge par l'Etat à hauteur de 150 euros par poste, on peut craindre le gel de 450 postes, malgré l'annonce de la création de 40 nouveaux postes. A travers cet exemple, je souligne le peu d'aide que vous accordez à l'emploi associatif, après la suppression de 30 400 emplois-jeunes dans le milieu associatif et la diminution de 30 % des subventions aux associations en 2003.

Nos collectivités territoriales auront à supporter ce désengagement de l'Etat. La fiscalité locale, à la charge de l'ensemble des ménages, n'a pas besoin de ces charges supplémentaires.

J'en arrive au fonds national pour le développement de la vie associative, le FNDVA. Le monde associatif est inquiet des conséquences de sa budgétisation, ces crédits étant dorénavant inscrits dans une ligne intitulée « soutien à la vie associative » abondant le titre IV. La meilleure garantie que vous pouvez leur donner est de pérenniser la gestion paritaire de ces crédits.

M. Jean-Louis Carrère. Très bien !

Mme Annie David. Les mouvements de jeunesse et les collectivités doivent être soutenus. A terme, ce sont les jeunes, notamment les plus défavorisés d'entre eux, qui pâtiront le plus de ces désengagements de l'Etat.

Enfin, vous avez revendiqué une rentrée scolaire « techniquement réussie », mais cette rentrée fut en réalité celle de la communauté éducative, qui a su faire passer son sens des responsabilités et l'amour de son métier au-dessus de la colère et de la rancoeur qui continuent à l'animer.

La part du budget consacrée à l'éducation ne cesse de baisser en euros constants comme en pourcentage de produit intérieur brut, à l'inverse de celle des ménages et des collectivités territoriales. Elle atteint seulement 3,3 % en 2004 : on est loin de 6,9 % des dépenses totales d'éducation. Or, vous le savez, seules les dépenses effectives de l'Etat garantissent des droits égalitaires sur l'ensemble du territoire.

Votre budget n'est pas uniquement mauvais du fait de la diminution des moyens, il traduit aussi la politique de démantèlement du service public que vous maintenez, malgré les luttes du printemps dernier. Déjà, avec le vote du texte sur les responsabilités locales, vous avez percé une première et importante brèche dans l'unicité des équipes éducatives, en sortant de l'éducation nationale les médecins scolaires et les personnels techniciens ouvriers et de service.

Le report important d'une partie des dépenses vers les collectivités territoriales et la mise en application de la loi organique relative aux lois de finances dans deux académies, sans débat véritable, est le signe annonciateur d'une nouvelle étape de la décentralisation inconsidérée du Gouvernement et du démantèlement des services publics.

La présentation même de ce budget est source d'inquiétudes : pourquoi fournir autant de données ou de statistiques si ce n'est pour mettre en place la « culture du résultat » ? Or ceci est inacceptable lorsqu'il s'agit de l'éducation de nos jeunes.

L'école est la clé du développement économique et social, elle détermine l'avenir et la prospérité de la nation. Elle mérite qu'on lui donne tous les moyens nécessaires à sa mission et ne doit pas répondre à une logique d'entreprise.

M. René-Pierre Signé. Elle a raison !

Mme Annie David. Elle a besoin de moyens, d'ambitions, de démocratisation, de transformation. La commission Thélot semblait incarner ces ambitions, mais votre budget mensonger (M. le rapporteur spécial s'exclame), loin de symboliser une quelconque ambition, augure mal de l'efficacité de cette commission.

Ma question est simple, monsieur le ministre : on sait que la France aura un besoin impérieux de travailleurs hautement qualifiés, n'est-il pas temps de percevoir l'éducation nationale, service public de l'Etat, non pas comme un coût que l'on doit à tout prix diminuer, mais comme un investissement à long terme ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Luc Ferry, ministre. Madame David, je sais que c'est un passage obligé pour vous que de faire ce catalogue de critiques auquel, je pense, vous ne croyez pas vous-même. (Oh si ! sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)

M. René-Pierre Signé. Elle a le sérum de vérité !

M. Luc Ferry, ministre. Il est tout de même difficile de dire d'un budget qui augmente de 2,8 % qu'il est en diminution. Examinons-le honnêtement : même en déduisant les augmentations mécaniques que nous connaissons, vous comme moi, ainsi que la prise en charge intégrale des assistants d'éducation, l'augmentation demeure.

Mme Hélène Luc. Ce n'est pas une façon de répondre !

M. Luc Ferry, ministre. Je vais vous expliquer précisément en quoi votre raisonnement, qui a d'ailleurs été élaboré dans un tract de la FSU, la fédération syndicale unitaire, puis repris par vos collègues de l'Assemblée nationale, ne tient pas la route.

M. Jean-Marc Todeschini. Quel amalgame !

M. Luc Ferry, ministre. D'un côté, vous enlevez l'effet en année pleine des hausses de l'année antérieure et, de l'autre, vous n'ajoutez que l'effet en tiers d'année des mesures inscrites dans le projet de loi de finances pour 2004. C'est cette argumentation, totalement fallacieuse, qui permet de dire que le budget est en trompe-l'oeil et qu'il n'augmente pas véritablement. Or il augmente évidemment de 2,8 %. Je le répète, même en retirant les augmentations mécaniques, il continue malgré tout d'augmenter.

M. René-Pierre Signé. Et l'inflation ?

Mme Hélène Luc. Sans compter les gels de crédits qui peuvent être décidés, comme l'année dernière !

M. Luc Ferry, ministre. Dans la situation actuelle, ce n'est pas si mal ; cette augmentation marque à tout le moins que le Gouvernement accorde une priorité à cet engagement dans l'éducation nationale.

Vous avez évoqué mille choses, je répondrai sur la question des assistants d'éducation, qui me semble particulièrement importante.

Dès l'année dernière, j'ai reçu de la part d'élus du parti communiste, tant de l'Assemblée nationale que du Sénat, plusieurs demandes, d'ailleurs parfaitement légitimes, pour savoir quand j'envisageais de mettre en place les indemnités de chômage. Or vous savez parfaitement que mon prédécesseur avait tout simplement « oublié » de prévoir les indemnités de chômage des emplois-jeunes en fin de contrat.

M. Pierre Martin, rapporteur pour avis. Il faut le dire !

M. Luc Ferry, ministre. Il a été obligé de téléphoner aux services du ministère pour s'assurer que ce serait fait ! Or cette mesure, inscrite dans le projet de loi de finances pour 2004, coûte 100 millions d'euros ! Franchement, s'il y a un sujet sur lequel le gouvernement précédent a été mauvais, et même archimauvais, c'est bien celui-là ! (Protestations sur les travées du groupe socialiste.)

Mme Hélène Luc. Et les enfants qui ne réussissent pas à l'école ?

M. Luc Ferry, ministre. Alors, une certaine décence voudrait que l'on n'évoque pas trop ce problème ! Vous aviez cinq ans pour prévoir l'avenir des emplois-jeunes.

M. René-Pierre Signé. Vous n'aurez pas cinq ans !

M. Luc Ferry, ministre. Vous pouviez soit les titulariser, soit prévoir leur départ, soit financer leurs indemnités de chômage : rien n'a été fait !

M. Pierre Martin, rapporteur pour avis. Tout à fait !

M. Luc Ferry, ministre. Nous aurons mis en place 20 000 assistants d'éducation d'ici au moins de janvier ; 13 000 postes sont prévus dans le projet de loi de finances pour 2004. C'est dire, je le maintiens, que tous les surveillants seront remplacés, un pour un, et qu'environ un tiers des aides-éducateurs non surveillants sera remplacé.

Il « manquera », si je puis dire, 10 000 jeunes adultes dans les établissements, mais ce déficit sera en grande partie compensé par la possibilité de cumuler un emploi à mi-temps avec des bourses attribuées sur critères sociaux, ainsi que par l'extension, que vous avez combattue, de la durée du service des assistants d'éducation par rapport à celui des surveillants.

Mme Annie David. Les étudiants sont aussi moins disponibles pour suivre leurs études !

M. Luc Ferry, ministre. C'est précisément ce qui permettra, à terme, une présence de jeunes adultes dans les établissements équivalente à celle des emplois-jeunes. Ces derniers relevaient de dispositifs de droit privé qui étaient calamiteux, tout le monde l'a reconnu, auxquels les syndicats eux-mêmes s'étaient opposés.

Par conséquent, sur ce sujet, la décence voudrait que l'on s'abstienne de critiquer l'action de l'actuel gouvernement ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)

M. Serge Lagauche. Pas de leçon de morale !

M. le président. La parole est à Mme Annie David.

Mme Annie David. M. le ministre n'a absolument pas répondu à ma question, qui était simple. Elle portait sur l'éducation nationale, service public de l'Etat, qu'il convenait de considérer non pas comme un coût mais comme un investissement à long terme.

Monsieur le ministre, le monde de l'éducation n'adhère pas à votre politique, malgré tout ce que vous pouvez nous dire. Il l'a rejetée sans ambiguïté lors des luttes du printemps dernier, comme le font aujourd'hui les étudiants. Et ce ne sont pas les quelques concessions que vous avez faites qui vont apaiser cette situation, parce que votre projet de budget, malgré ce que vous voulez bien nous en dire, affirme et renforce les choix gouvernementaux en matière d'éducation.

M. Luc Ferry, ministre. Heureusement, cela me paraît relever de la plus élémentaire logique ! (Sourires.)

Mme Annie David. Je peux vous en rappeler les grandes lignes, au cas où elles vous auraient échappé : une part plus grande laissée à l'échelon local avec la décentralisation, la précarisation encore aggravée de l'emploi, l'affaiblissement de la formation, la diminution des subventions attribuées aux actions et à la recherche pédagogique.

M. Jean-Louis Carrère. Faites un peu de pédagogie, cela fait du bien !

Mme Annie David. Le système éducatif a vraiment besoin de moyens humains, de moyens pédagogiques, de recherche et de formation ; il a besoin d'une politique volontaire, ambitieuse et même visionnaire. (Exclamations sur les travées de l'UMP.)

J'évoquerai, par exemple, un thème qui n'est jamais abordé dans le grand débat sur l'école : la gratuité. Pourtant, l'école doit offrir les mêmes chances à tous, quels que soient leur lieu de résidence et leurs origines sociales, elle doit permettre à tous de développer leurs talents, elle doit s'attaquer à l'échec des enfants. Enfin, l'éducation nationale doit rester un service public.

La commission Thélot avait ces ambitions et devait même les actualiser. Il s'agit pour nous, non pas de former dans un même moule tous les jeunes, mais bien d'ouvrir sur une culture commune de base permettant un réel choix d'orientation - l'orientation vers l'enseignement professionnel et technique en fait partie -, qui débouche sur une formation citoyenne et, pourquoi pas, mondiale.

Monsieur le ministre, nous n'avons pas été satisfaits de votre réponse et nous ne voterons pas votre budget. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)

M. le président. La paroles est à M. André Vallet.

M. André Vallet. Monsieur le ministre, je voulais tout d'abord saluer, au nom de la majorité du groupe du RDSE, votre volonté d'interrompre la dégradation du système scolaire de notre pays. (Bravo ! sur certaines travées de l'UMP.)

Vous avez eu la volonté d'ouvrir un débat national sur l'avenir de l'école. Vous ne voulez plus que l'éducation soit un sujet tabou dans notre pays. Vous avez voulu définir une nouvelle ambition pour l'école. Vous avez refusé l'école éclatée, vous refusez le nivellement et l'égalitarisme. Ce sont des objectifs qui sont les nôtres et la majorité de notre groupe votera le budget que vous nous présentez.

Nous apprécions, sans renoncer à l'ambition méritocratique, sans revenir sur l'objectif d'ouvrir l'école au plus grand nombre, que vous ouvriez de nouvelles pistes, que vous conjuguiez la formation de tous avec l'indispensable formation d'une élite, que vous permettiez aux individus de s'élever dans la hiérarchie nécessaire sans pour autant abandonner quiconque aux marges de la réussite.

Fonder ses hiérarchies sur le mérite et le talent, non sur la naissance et la fortune, voilà ce qui a fait la renommée de notre conception républicaine de l'école ; cela doit en rester le principe. L'école ne doit plus être le nivellement par l'égalitarisme ; la préparation à l'entrée dans la vie ne doit pas être synonyme de fermeture des portes de l'espoir.

Je souhaite que le service public d'éducation soit maintenu dans ses grandes lignes actuelles. Je sais - et il faut également le dire - qu'il fonctionne plutôt moins mal en France que dans les autres pays de développement comparable.

Ce n'est pas pour autant, monsieur le ministre, qu'il faut écouter ceux qui demandent toujours plus d'efforts financiers sans jamais reconnaître ni que l'effort de la nation est considérable...

M. Christian Demuynck. Très bien !

M. André Vallet. ... - près de 200 millions d'euros chaque jour - ni les échecs du système, car il en existe.

J'évoquerai le niveau d'illettrisme en hausse à l'entrée au collège, et j'aimerais à ce sujet, monsieur le ministre, que vous nous communiquiez des chiffres précis ; le taux toujours plus élevé de sortie du système scolaire sans qualification ; le mépris des entreprises pour l'enseignement professionnel sur lequel je souhaiterais vous entendre ; la diminution de la part des enfants socialement défavorisés dans les grandes écoles ; l'augmentation dans les établissements scolaires de ce que l'on appelle pudiquement des « incivilités » et qui sont en réalité des délits. Au-delà des affaires qui marquent l'opinion publique, il serait intéressant, monsieur le ministre, que vous nous livriez les statistiques relatives à ces incivilités.

L'urgence, c'est non pas de donner toujours plus, mais d'utiliser autrement et mieux le potentiel des moyens et des compétences de l'éducation nationale. (M. Jean-Louis Carrère s'exclame.)

L'amélioration du service public d'éducation passe incontestablement par l'instauration d'une nouvelle dynamique au sein même des établissements. Vous l'avez évoqué tout à l'heure, monsieur le ministre, pour dire que c'était la réforme des réformes. Vous avez mentionné l'autonomie administrative et pédagogique des établissements. C'est un sujet qui revient très souvent, sans que jamais n'intervienne de véritable avancée dans ce domaine. Vous avez dit vouloir attendre le grand débat sur l'éducation. Il faut, au contraire, se presser : on ne peut plus attendre et l'autonomie des établissements devient une urgence pour le ministère que vous dirigez.

Votre budget va dans le sens que nous souhaitons : placer l'école au coeur de la République, en faire la clé de la réussite personnelle et professionnelle et le creuset de la cohésion sociale. C'est la raison pour laquelle nous voterons votre budget. Mais, auparavant, j'émettrai un certain nombre de souhaits importants.

Un débat sur l'éducation va avoir lieu ; il sera poursuivi au Parlement. Je souhaite que, chaque année, avant l'examen du budget de l'éducation nationale, il puisse y avoir, au sein des assemblées, un débat d'orientation sur l'éducation nationale. J'aimerais connaître votre point de vue à cet égard, monsieur le ministre.

Ensuite, s'agissant des équipements technologiques des établissements scolaires, vous avez évoqué le nombre d'ordinateurs par élève dans notre pays. Je tiens à vous faire remarquer qu'un certain nombre de disparités existent. En effet, les départements et les communes riches parviennent à équiper beaucoup mieux leurs élèves que ceux qui connaissent des difficultés budgétaires. Comment comptez-vous corriger ces disparités pour permettre aux élèves, quelle que soit leur situation géographique, d'obtenir les mêmes soutiens du pays ?

Enfin, la bivalence voire la polyvalence des professeurs dans les collèges sont évoquées depuis très longtemps, mais aucune avancée n'a jamais été constatée dans ce domaine. Il est temps aujourd'hui, monsieur le ministre, compte tenu de ce que vous nous avez dit sur les langues étrangères en particulier, que ce système soit mis en place très rapidement dans l'éducation nationale, notamment au collège. (M. Jacques Pelletier applaudit.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Luc Ferry, ministre. Monsieur le sénateur, vous avez posé de multiples questions. J'évoquerai brièvement l'ensemble des sujets que vous avez abordés, si vous me le permettez.

Vous me demandez de vous communiquer les chiffres sur l'illettrisme, la violence ou les incivilités qui nous sont signalées, mais aussi, plus généralement, sur l'échec scolaire.

En ce qui concerne l'illettrisme, on s'accorde à dire qu'environ 15 % des enfants qui entrent en classe de sixième ne maîtrisent pas véritablement les compétences de base en matière de lecture et d'écriture ou sont, comme l'on dit pudiquement, « en grande difficulté ». Vous pouvez probablement multiplier ce chiffre par deux si vous y ajoutez celui des enfants qui savent déchiffrer un texte, mais qui peinent considérablement à en percevoir le sens. C'est un phénomène qui doit également être pris en compte.

En ce qui concerne les sorties du système éducatif sans diplôme ou sans qualification, le chiffre est clairement avéré : l'année dernière, on en a compté 161 000. Ce chiffre englobe les sorties sans qualification - sortie de CAP en cours de route - et les sorties sans diplôme autre que le brevet des collèges ou le certificat d'études.

S'agissant des incivilités, l'année dernière, elles s'élevaient à d'environ 86 000. Nous enregistrons une régression assez considérable cette année puisque ce chiffre a baissé de 10 000 à 12 000. Cela signifie qu'une politique d'autorité peut parfois aussi, dans ce domaine, donner de bons résultats, même si ceux-ci demeurent insuffisants, car 72 000 incidents graves ont encore été signalés cette année. Il ne faut donc pas, c'est le moins qu'on puisse dire, baisser la garde.

Il est un point sur lequel je me permettrai d'apporter un bémol à vos propos. Je ne pense pas que l'on puisse dire que l'on constate un véritable mépris des entreprises envers les lycées professionnels. Si cela a pu être vrai par le passé, les choses ont beaucoup changé. J'ai signé, tout au long de l'année, des conventions avec les entreprises pour leur permettre, précisément, d'accueillir des élèves en stage, lesquels avaient notamment un baccalauréat professionnel. Cela a été le cas, par exemple, avec PSA Peugeot Citroën. Je crois que les entreprises reconnaissent aujourd'hui, grâce à l'effort consenti par les régions en terme d'équipement, que la qualité des lycées professionnels s'est nettement améliorée depuis vingt ans. A l'heure actuelle, ils sont tout à fait capables de fournir une formation adaptée aux exigences des entreprises.

Je ne reviendrai pas sur l'autonomie des établissements, puisque j'ai déja eu l'occasion de répondre à cette question.

S'agissant du débat d'orientation au Parlement, je souhaite, évidemment, qu'il ait lieu, mais c'est aux parlementaires de fixer la date qui leur convient. Il me paraît en effet souhaitable que les élus et les parlementaires s'investissent sur le terrain, mais aussi qu'un débat ait lieu au Parlement à un moment ou à un autre. Je me tiens évidemment à votre disposition pour vous fournir les outils nécessaires à l'organisation de ce débat. mais, encore une fois, il ne m'appartient pas d'en fixer la date.

M. le président. La parole est à M. Serge Lagauche.

M. Serge Lagauche. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les crédits consacrés à la jeunesse et à la vie associative s'élèveront, en 2004, à 142,4 millions d'euros, contre 142,9 millions d'euros en 2003. Les moyens financiers alloués à la jeunesse accuseraient donc une baisse de 0,3 %.

Il me semble cependant qu'à titre liminaire une ambiguïté mérite d'être levée.

Vous avez, monsieur le ministre, par le biais de l'article 22 du présent projet de loi de finances, procédé à la budgétisation du compte d'affectation spéciale « fonds national pour le développement de la vie associative ». La conséquence directe de la clôture de ce compte et du transfert financier des recettes qui l'alimentaient est l'inscription de 8,2 millions d'euros au titre des crédits consacrés à la jeunesse de notre pays.

Le montant total des crédits que vous consacriez, en 2003, à la jeunesse et au monde associatif s'élevait à 151 millions d'euros. L'enveloppe budgétaire qui leur est cette année dévolue accuse donc une baisse effective de près de 6 %, et non de 0,3 %. Les chiffres, monsieur le ministre, parlent d'eux-mêmes.

Bien entendu, les rapporteurs de la commission des affaires culturelles et de la commission des finances du Sénat ont fait de leur mieux pour mettre en exergue un certain nombre de mesures nouvelles en faveur de la politique de la jeunesse que vous nous proposez.

Ainsi, vous avez, monsieur le ministre, pérennisé et renforcé les opérations « Envie d'agir » et « Défis jeunes », cette dernière bénéficiant de l'inscription au projet de budget pour 2004 d'une mesure nouvelle de 500 000 euros, qui devrait permettre l'attribution de cent cinquante bourses supplémentaires.

Vous avez par ailleurs augmenté de 7,3 millions d'euros les crédits de fonctionnement de l'Institut national de la jeunesse et de l'éducation populaire, la globalité des moyens financiers consacrés au fonctionnement de la jeunesse enregistrant une hausse de 17 %.

Naturellement, monsieur le ministre, ces mesures susciteraient ma pleine satisfaction s'il ne s'agissait pas, selon l'expression consacrée, de l'arbre qui cache la forêt.

En créant le « réseau information jeunesse », le précédent gouvernement a mené avec succès une grande campagne d'installation de points « Cyb espaces jeunes numériques », mettant ainsi à la disposition de notre jeunesse une information actualisée dans les domaines les concernant grâce aux nouvelles technologies de l'information et de la communication.

Or, depuis l'année dernière, votre ministère ne délègue plus de crédits pour la labellisation de nouvelles bornes Internet et la ligne « information de la jeunesse » disparaît en 2004 de votre budget.

De la même manière, en dépit du succès rencontré par les contrats éducatifs locaux, dont plus de deux millions d'enfants et de jeunes ont d'ores et déjà bénéficié, les crédits inscrits pour 2004 diminuent de 5,7 millions d'euros, ceux qui sont consacrés à la formation des animateurs chutent de 17 %, sans compter les actions partenariales pour les initiatives, les loisirs, l'insertion et les échanges des jeunes, dont les moyens sont réduits de près de 6 millions d'euros.

Ces chiffres sont éloquents et témoignent, monsieur le ministre, des carences de votre politique pour soutenir les points d'ancrage de notre société que sont la jeunesse et l'éducation populaire.

La situation financière que vous réservez au monde associatif est tout aussi inquiétante.

Alors que le précédent gouvernement avait pris toute la mesure du rôle fondamental pour notre société joué par le tissu associatif, vous vous livrez à une remise en cause substantielle de l'engagement bénévole et de l'aide au développement de l'éducation populaire.

En 2003, vous annonciez la création de soixante postes FONJEP, mais vous avez en fait gelé les crédits d'une centaine de postes de ce type et réduit de 150 euros votre participation à leur financement. Dès lors, que deviendront les quarante nouveaux postes que vous nous annoncez pour 2004 ?

Je vous poserai deux questions précises, monsieur le ministre.

Quelles solutions proposez-vous pour maintenir le niveau des rémunérations des postes FONJEP ?

Dans la même optique, je vous serais reconnaissant si vous pouviez exposer à la représentation nationale les garanties que vous comptez mettre en oeuvre pour éviter de voir se reproduire la situation de l'an passé, à savoir le gel budgétaire, en cours d'année, de nombreux crédits consacrés aux postes FONJEP. Pouvez-vous également nous parler des contrats CIVIS ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Luc Ferry, ministre. Monsieur Lagauche, je vous répondrai précisément, et je crois avec honnêteté, sur les trois points principaux que vous avez soulevés - vous allez comprendre pourquoi je dis « avec honnêteté ».

Il est clair que, sur la question du FNDVA, votre analyse est juste. Je ne prétends pas le contraire. C'est un effet de la régulation budgétaire exercée l'année dernière. Mais, pour les raisons que j'ai indiquées, et sur lesquelles je reviendrai dans un instant, cette régulation n'aura pas lieu cette année.

En revanche, s'agissant des crédits affectés plus précisément aux points « Cyb espaces jeunes numériques », votre analyse n'est pas correcte, car ces crédits n'ont pas du tout été supprimés : ils figurent simplement sur une autre ligne ; ils sont fondus avec l'ensemble des crédits d'aide aux associations et de partenariat avec les associations.

Enfin, s'agissant des postes FONGEP, vous avez à nouveau raison pour ce qui est de l'année dernière : c'est un effet de la régulation budgétaire. Mais, cette année, nous revenons au même niveau que l'an dernier.

Il n'y aura pas de régulation budgétaire pour la raison que j'indiquais tout à l'heure : comme nous avons travaillé par redéploiement, notamment de l'enseignement scolaire vers l'enseignement supérieur, en échange, mon collègue Alain Lambert s'est engagé publiquement et par écrit à ce que n'intervienne pas de régulation budgétaire l'année prochaine sur l'enseignement scolaire, donc sur les crédits de la jeunesse, puisqu'ils sont maintenant fondus avec ceux de l'enseignement scolaire. Cela nous permet de retrouver le niveau très élevé qui avait été atteint par les crédits de la jeunesse au cours des trois ou quatre dernières années et d'avoir la garantie que, cette année, il n'y aura pas de gel ou de régulation budgétaires.

La situation n'est donc pas mauvaise, et je crois que nous avons, pour ce qui est de la jeunesse, un très bon budget, à hauteur de ceux des trois ou quatre années précédentes, à epsilon près.

M. le président. La parole est à M. Serge Lagauche.

M. Serge Lagauche. Vous ne m'avez pas convaincu, monsieur le ministre. Les crédits qui seront consacrés à la jeunesse et à la vie associative sont en baisse. Votre budget pêche par un manque cruel d'ambition, et ce sont malheureusement les collectivités locales qui devront supporter le désengagement de l'Etat pour soutenir et accompagner la jeunesse de notre pays. Autrement, ce seront les jeunes les plus défavorisés, c'est-à-dire ceux vers lesquels vous devriez vous tourner en priorité, qui seront les premières victimes.

Vous ouvrez un débat national sur l'avenir de l'école et, vous adressant aux participants, vous écrivez : « c'est une chance unique de faire entendre votre voix sur ce sujet crucial entre tous pour l'avenir de notre jeunesse et de notre pays ».

Peut-on y croire ? Car, pour l'instant, les très nombreuses voix qui se sont élevées contre votre politique incertaine, hésitante et contradictoire, hormis les coupes claires budgétaires qui, elles, sont sans équivoque, n'ont guère été entendues et c'est avec une grande inquiétude que nous attendons votre projet de loi pour l'automne 2004. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à M. Pierre Martin.

M. Pierre Martin. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'intérêt constant que je porte à l'enseignement primaire, et qui s'explique par une carrière professionnelle consacrée à exercer le métier de maître d'école, d'instituteur - un sacerdoce pour beaucoup - et mon attachement certain à l'éducation nationale, me donnent, dans le cadre de la présentation du budget de l'enseignement scolaire pour 2004, l'occasion de m'interroger sur l'une de vos priorités, dont vous avez fait un sujet essentiel, monsieur le ministre : la lutte contre l'illettrisme.

En septembre 2003, 6 568 000 enfants sont entrés en maternelle ou en classe élémentaire. Selon l'avis des experts, c'est à ce stade que se situe la genèse du succès d'un cursus scolaire ou celle de son échec.

Je ne peux pas me résoudre à accepter, conformément aux statistiques actuelles, que 10 % d'entre eux ne sauront ou ne pourront maîtriser les compétences les plus élémentaires à la compréhension de l'écrit à leur entrée au CE 2. Je ne peux pas davantage me résoudre à leur entrée en 6e, 15 % d'entre eux apparaîtront en difficulté, et, parmi ceux-ci, 3 % présenteront des lacunes quasi générales dans tous les domaines de la lecture, alors que 12 % éprouveront des difficultés graves dues à leur extrême lenteur dans l'exécution des tâches ou parce qu'ils n'auront acquis que partiellement les connaissances de base.

Les auteurs du rapport du Haut conseil de l'évaluation de l'école estiment que le noyau dur des élèves et des jeunes en difficulté se constitue très tôt et que le redoublement du CP ou du CE 1 est une mesure qui se révèle, certes, insuffisante, mais nécessaire pour leur permettre de surmonter leurs difficultés.

Suit alors le constat qui nous apprend que les redoublants du CP, et, dans une moindre mesure, ceux du CE 1, comptent encore parmi les 20 % des élèves les plus en difficulté, ceux qui, à l'entrée au collège, n'auront pas acquis les savoirs fondamentaux, ceux qui - je cite Alain Bentolila - « à force de se sentir importuns, revendiqueront ensemble les attributs de l'échec plutôt que de les subir ».

Ne laissons pas cette sous-population scolaire qui n'a plus le goût d'apprendre être en proie au dégoût d'apprendre.

Faute d'avoir appris à défricher - excusez l'expression, car c'est plutôt un terme d'agriculteur que d'instituteur -, à comprendre un texte littéraire ou mathématique, ils seront démunis et se verront contraints d'opter par défaut pour une formation professionnelle qu'ils subiront, dans le meilleur des cas, laissant aux autres la possibilité de choisir leur orientation professionnelle en adéquation avec leur désir de découvrir et leur capacité à l'exercer.

Cependant, l'effort national en faveur de l'école primaire n'a cessé de progresser. Ainsi, la dépense unitaire d'un élève du premier degré est passée de 2 270 euros à 4 460 euros ces vingt-cinq dernières années, ce qui représente 96 % d'augmentation en francs constants, sans jamais parvenir aux résultats escomptés.

Accepter cette fatalité de complaisance ne correspond en rien aux exigences et aux buts que s'est donnés l'école de notre République.

Votre volonté politique et le projet de budget qui nous est soumis aujourd'hui tendent à démontrer que l'attitude qui consiste à tout juger à l'aune des moyens n'est plus d'actualité.

Faire mieux, grâce à une véritable mutation structurelle, c'est le cap que le Gouvernement et vous-même, monsieur le ministre, vous êtes fixé pour l'école. Les mesures que vous avez mises en place pour lutter contre l'illettrisme traduisent votre détermination.

Je rappelle quelles sont ces mesures pédagogiques : un programme de deux heures à deux heures trente de lecture et d'écriture par jour en primaire - c'était le cas il y a quelques décennies - et l'introduction de la littérature pour transmettre aux élèves des repères culturels, mais aussi pour les sensibiliser à travers elle aux expériences humaines et aux manières de les exprimer.

Vous avez également créé des outils. Le livret « Lire au CP » et des méthodes d'évaluation ont été mis à la disposition des maîtres du cycle 2, soit la grande section de maternelle, du CP et du CE 1.

Vous avez instauré des cours préparatoires à effectifs réduits, des CP renforcés par un maître supplémentaire ou par un assistant d'éducation dans les secteurs géographiques difficiles accueillant des élèves fragilisés par leur origine sociale et/ou leur âge.

D'importants moyens sont donc mobilisés. Bien qu'il soit encore trop tôt pour connaître les résultats significatifs de cette expérience, certains dispositifs vous permettent-ils déjà, monsieur le ministre, d'en tirer quelques conclusions ?

Dans le cadre budgétaire qui est imparti à l'école élémentaire, pouvez-vous nous dire quelles actions vous pensez mettre en oeuvre pour élargir et prolonger cette opération dans l'avenir ?

Enfin, la lutte contre l'illettrisme, c'est aussi le combat des maîtres ; ce n'est pas uniquement le débat sur les méthodes. Prend-on suffisamment en compte à l'institut universitaire de formation des maîtres l'apprentissage de la transmission des savoirs fondamentaux ? Et l'enseignement qui y est dispensé aujourd'hui est-il réellement adapté à cette mission essentielle ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Luc Ferry, ministre. Vous m'avez interrogé sur l'action que nous conduisons contre l'illettrisme, ou, plus exactement, pour la prévention de l'illettrisme. On ne saurait en effet parler d'illettrisme s'agissant du cours préparatoire, bien que les maîtresses de cours préparatoire, - « maîtresses », parce que ce sont souvent des femmes - repèrent les difficultés très tôt. Il y a, en ce sens, comme une viscosité, au sens physique du terme, de l'échec scolaire qui peut, hélas ! être constaté très tôt et auquel on a beaucoup de difficultés à remédier.

L'action que nous conduisons consiste, pour l'essentiel, à dédoubler les classes de cours préparatoire dans les écoles qui cumulent le plus grand nombre de handicaps.

L'expérimentation menée l'année dernière a donné un certain nombre de résultats intéressants. Cela étant, tout dépend de la pédagogie adoptée dans ces classes-là, car le dédoublement en lui-même n'est pas une panacée ; il permet de pratiquer une pédagogie différente, que l'on ne peut pas pratiquer en groupes entiers, c'est-à-dire une pédagogie qui associe immédiatement le remède au repérage des difficultés. Cela ne peut pas être fait avec un groupe de vingt-cinq élèves, ou, en tout cas, pas dans les conditions idéales réunies avec un groupe de douze élèves.

Nous allons mettre en place un livret du CP dédoublé ou renforcé, comme nous l'avons fait au début de l'année dernière pour le CP, car cette initative a été très bien accueillie par les enseignants. Ce livret rendra compte de l'expérimentation menée l'année dernière et valorisera les bonnes pratiques constatées dans les classes dédoublées, notamment dans celles qui ont obtenu d'excellents résultats.

Un certain nombre de propositions nous sont transmises par les professeurs des écoles qui ont participé à cette expérimentation. L'une d'entre elles me paraît très intéressante : il s'agirait de ne dédoubler la classe de CP que le matin et d'étendre l'expérience au CE 1 pour accompagner cet effort sur deux années. Nous dresserons un bilan en fin d'année et cette proposition se retrouvera probablement dans nos recommandations visant à donner à cette expérimentation sur le dédoublement des CP toute son ampleur. Cela concerne, tout de même, 70 000 élèves, soit un effectif significatif.

Quant au redoublement à l'identique, il ne sert à rien, nous le savons bien ; le redoublement précoce, du CP ou du CE 1, n'est utile, lui, que dans certains cas. Je souhaiterais, pour cette année, non pas une augmentation des taux de redoublement, qui sont déjà relativement élevés, mais, plutôt, un délicat ciblage des cas dans lesquels le redoublement est utile.

Monsieur le sénateur, je suis prêt à vous recevoir quand vous le souhaiterez pour que nous avancions sur ce sujet qui me paraît très important.

M. le président. La parole est à M. Pierre Martin.

M. Pierre Martin. Je remercie M. le ministre de sa réponse et de l'intérêt qu'elle manifeste pour l'apprentissage de la lecture, essentiel sous ses deux aspects de prévention et de lutte contre l'illettrisme.

Je relève dans cette réponse un élément important, à savoir le ciblage des bons candidats au redoublement. En effet, les enfants sont différents, il faut donc personnaliser les réponses, les adapter.

Je fais toute confiance à M. le ministre pour qu'il en aille ainsi dans les années à venir, dans l'intérêt de nos enfants.

M. François Trucy. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Ivan Renar.

M. Ivan Renar. Je dois d'abord regretter que, sous prétexte de tonicité, on émiette ainsi le débat budgétaire, ce qui ne permet pas de véritables échanges d'idées sur l'ensemble.

Mme Hélène Luc. C'est vrai !

M. Ivan Renar. Monsieur le ministre, le projet de budget que vous défendez n'est pas bon, pour les raisons qui ont été évoquées voilà un instant par notre collègue Mme Annie David.

On peut indéniablement affirmer - et je le regrette -, que l'éducation nationale ne relève pas des priorités du Gouvernement. Je considère qu'il s'agit là d'une grave erreur. L'idée du Gouvernement selon laquelle il ne serait pas utile de dépenser davantage, la France ayant une école qui coûte cher pour des résultats médiocres, nous paraît être une hérésie.

Il faut, au contraire, que la nation s'engage massivement tant sur le plan de la réflexion intellectuelle que sur la plan financier, en faveur de l'enseignement scolaire, qui, dans sa forme actuelle, peut, certes, être critiquable, mais qui, pour être amendé, ne peut et ne doit pas être considéré du seul point de vue comptable. Les pouvoirs publics se doivent de consacrer leurs efforts en faveur de la modernisation de l'école afin qu'à nouveau le succès scolaire soit synonyme de progrès social et personnel.

L'école doit être vécue non comme une dépense ou un mal nécessaire, mais comme de la valeur directe. Car nous parlons bien ici de l'avenir de nos enfants, et donc, de notre pays.

Alors même que débute l'examen critique de notre système éducatif, à travers le débat national auquel participent activement les enseignants et les personnels de l'éducation nationale eux-mêmes, il faut réaffirmer haut et fort que l'école demeure une institution fondamentale de notre système républicain, « une institution organique de la République », pour reprendre la formule de Jules Ferry, l'un des derniers bastions où sont encore enseignées et mises en pratique les valeurs essentielles que sont la liberté, l'égalité et la fraternité inscrites au fronton de nos établissements publics. On pourrait y ajouter le fameux « Il n'y a pas de liberté pour l'ignorant », de Condorcet.

Reste à savoir quelles sont désormais les ambitions de l'éducation nationale et à clarifier les missions qui lui incombent. S'agit-il de former des citoyens, de développer leur esprit critique, de leur permettre de se définir par rapport aux enjeux contemporains en leur offrant des clés de compréhension du monde actuel, préalable indispensable au libre choix d'une activité professionnelle dans laquelle ceux-ci pourront s'épanouir, autrement dit, pour reprendre une citation de Ferry - Jules ! -, « bien apprendre ce qu'il n'est pas permis d'ignorer » ? A contrario, l'école a-t-elle pour vocation première de former de simples agents économiques soumis à la loi des marchés, dont la profession dépendra avant tout des futurs besoins en main-d'oeuvre immédiate des entreprises ?

Monsieur le ministre, vous me répondrez que, sur ce point, nos concitoyens sont invités à se prononcer lors du débat national sur l'avenir de notre système éducatif. Nous participerons à ce débat dans le pays et dans cette enceinte. Nous pensons, en effet, qu'on ne s'interrogera jamais assez sur les rapports de notre société à la mixité sociale, à la construction de l'espace public, aux relations dans le travail, à la culture et aux connaissances et, bien entendu, à l'école. J'estime que ce fut une grande erreur de ne pas intégrer l'enseignement supérieur à ce débat.

Mme Hélène Luc. Absolument !

M. Ivan Renar. La jeunesse de ce pays a considéré cela comme un signe de mépris.

A force d'enseigner les savoirs comme des croyances à apprendre et non comme des aventures intérieures contradictoires, on tue à la fois le plaisir et l'esprit critique. En rester à cette logique ou, pis, l'accentuer, c'est à la fois former de piètres créatifs dans la vie professionnelle et des citoyens passifs. C'est à la fois abaisser l'efficacité du système éducatif, alimenter les inégalités socioculturelles et durcir la logique de l'échec.

Nous devons croire à « l'éducabilité » de tous et ne pas nous résigner au « darwinisme » scolaire professé par certains misanthropes.

Si l'école abandonnait cette finalité essentielle - former des esprits critiques et curieux, des citoyens actifs et vigilants -, alors le pays ne saurait relever ni les défis socioéconomiques modernes, ni ceux des formes démocratiques dont tout montre l'urgence. De la sorte, on ne préparerait chacun qu'à la soumission intellectuelle et pratique aux « experts », qui prétendent gouverner et court-circuiter la démocratie, tout en perpétuant une perméabilité aux irrationalités les plus fantasmagoriques, les idéologies les plus régressives et les intégrismes les plus menaçants.

Il ne s'agit pas de limiter les ambitions à établir « une culture pauvre pour pauvres quartiers » ; il s'agit de soigner non pas le pauvre dans l'homme, mais l'homme dans le pauvre, et donc de créer les bases pour une culture de notre temps et pour la culture pour tous.

Il paraît donc urgent de centrer le débat sur les finalités de l'école, y compris pour donner force politique, au sens noble du terme, à l'exigence légitime de nouveaux moyens, sans quoi les débats autour du système oscilleront entre le corporatisme des uns, l'ultralibéralisme des autres et, si j'ose dire, monsieur le ministre, les grandes envolées ministérielles coupées des réalités !

Le budget tel qu'il nous est présenté aujourd'hui préfigure - hélas ! - les conclusions de la grande consultation à laquelle sont invités l'ensemble de nos concitoyens.

Aussi, monsieur le ministre, me faut-il vous poser cette question : en fonction des éléments de réponse qui ressortiront du débat national, serez-vous prêt à revoir votre budget et, le cas échéant, vous engagerez-vous en faveur d'une augmentation significative du budget de la jeunesse et de l'enseignement scolaire pour l'année 2005 ? (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Xavier Darcos, ministre délégué à l'enseignement scolaire. Cher Ivan Renar, vous savez comme moi que, dans les quinze dernières années, le budget de l'éducation nationale a doublé, que le nombre d'enseignants a augmenté de près de 25 % et que, dans le même temps, nous avons perdu 500 000 élèves. Pour autant, les performances, les résultats du système - les statistiques l'attestent - ne sont pas en si nette amélioration que cela ! Il y aurait même plutôt une stagnation.

M. Jean Chérioux. C'est le moins que l'on puisse dire !

M. Jean-Louis Carrère. C'est un expert qui vous parle ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste.)

M. Xavier Darcos, ministre délégué. Nous ne regrettons pas l'effort que la nation consent, mais nous ne croyons pas que le quantitatif suffise à expliquer l'actuelle stagnation de nos résultats.

Je reviens sur les assistants d'éducation. Le projet de loi de finances pour 2004 en prévoit 13 000 nouveaux au 1er septembre 2004, soit 33 000 au total, si l'on y ajoute ceux qui étaient prévus à l'origine.

Comme nous l'avions dit, le dispositif monte en puissance avec un rythme compatible avec la situation budgétaire et avec les besoins.

M. Jean-Louis Carrère. Il monte en puissance lentement !

M. Xavier Darcos, ministre délégué. Monsieur Carrère, l'essentiel est qu'il soit efficace ! Vous savez ce qu'est la « poussée », vous qui êtes un homme du Sud-Ouest. (Sourires.)

L'attractivité de ce nouveau dispositif a été démontrée, puisque les 16 000 assistants d'éducation prévus à la rentrée dernière sont aujourd'hui en place et que les 4 000 asssistants nouveaux qui ont été annoncés en juillet dernier seront progressivement recrutés. Ainsi, à la fin de l'année, tous les postes devraient être pourvus.

Les moyens supplémentaires qui sont prévus dans le projet de loi de finances pour 2004 viennent se substituer, je le rappelle, un pour un, en ce qui concerne les maîtres d'internat-surveillants d'externat : lorsqu'un MI-SE s'en va, un assistant d'éducation arrive. Le remplacement est cependant partiel, je le reconnais, pour les emplois-jeunes qui partiront en cours d'année 2004. Il y aura donc bien une perte globale de 10 000 emplois-jeunes qui ne seront pas remplacés. Permettez-moi de vous le dire, monsieur Renar, ce n'est pas notre choix, c'est celui de ceux qui ont mis en place les emplois-jeunes. Ils devaient bien savoir que, dans les délais qu'ils avaient eux-mêmes fixés, ces emplois disparaîtraient.

Dois-je ajouter, d'ailleurs, que le coût du chômage des emplois-jeunes budgété dans le projet de loi de finances pour 2004 est de près de 100 millions d'euros, soit un coût à peu près équivalant à 12 000 assistants d'éducation en tiers d'année ?

A la fin de l'année 2004, il y aura ainsi 100 000 jeunes travaillant au sein de l'éducation nationale au titre de l'ensemble de ces dispositifs, ce qui représente 75 000 équivalents temps plein. Voyez que ces chiffres sont tout à fait acceptables.

Quant à la décentralisation, nous en avons beaucoup parlé, nous en avons aussi beaucoup entendu parler. Elle se met en place dans des conditions de garantie satisfaisantes pour les personnels, en particulier pour les ATOS, qui sont finalement les seuls concernés, ou quasiment : on leur promet un cadre d'emploi, et on offre le choix à ceux qui sont actuellement en poste. Ainsi, je pense que tous sont rassurés. D'une manière générale, les personnels, les établissements, le système éducatif et la gestion, bien conçue, de l'ensemble des politiques régionales en matière d'équipement, d'investissement, d'immobilier scolaire, permettront que tout cela fonctionne de manière convenable. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. Ivan Renar.

M. Ivan Renar. Je suis toujours agréablement surpris du caractère disert de nos ministres et de la façon, de l'art, même, qu'ils ont de ne pas répondre aux questions posées ! Cela étant, je tiens tout de même à saluer la galanterie de M. Darcos, qui a répondu très aimablement à ma collègue Annie David sur la question des emplois-jeunes. (Sourires.) Je suis tout de même très insatisfait sur le fond - ou, plutôt, sur les fonds, puisque nous parlons du budget -, de la réponse du ministre.

Chaque fois que l'ouverture d'un grand débat ou le déclenchement d'un mouvement social placent le système de formation au coeur de l'actualité, on en voit qui discutent des moyens séparément des missions, et d'autres qui veulent parler de tout sauf des moyens ! Comme dirait frère Jean des Entommeures, les uns meurent sans parler, les autres parlent sans mourir ! Au point que la plupart finissent par se résigner aux pénuries génératrices d'inégalités croissantes, en même temps qu'à la pérennisation d'une logique scolaire génératrice de dominations élargies. Pourtant, ces diverses composantes d'un même problème pourraient et devraient s'articuler de façon organique, pour peu que l'on commence enfin par centrer la discussion sur les finalités de tout enseignement. Car, sous la question des moyens, gît l'enjeu de civilisation. Certes, la question des moyens demeure cruciale, à partir du moment où une logique budgétaire la réduit à une dépense.

Revenons à l'essentiel, l'espèce humaine, et je m'adresse ici au philosophe et au ministre. L'espèce humaine se distingue d'abord de toutes les autres par sa capacité plusieurs fois millénaire à créer et à produire, hors du corps des savoirs et des savoir-faire, une culture qui, loin de pouvoir être transmise génétiquement, suppose un apprentissage, une construction au singulier de la personnalité. C'est pourquoi rien n'est plus efficace, ni même « rentable » à long terme qu'un bon système éducatif et l'épanouissement permanent des individualités.

M. Jean Chérioux. A condition que les individus soient bons !

M. Ivan Renar. En même temps, cette efficacité n'est visible qu'à moyen et à long terme, et elle n'est pas rentable à court terme si l'on enserre ces notions dans leur acception étroitement financière.

C'est, me semble-t-il, le grand défaut de ce projet de budget. Vous comprendrez donc, monsieur le ministre, pourquoi le groupe communiste républicain et citoyen aura beaucoup de mal - et c'est une litote - à le voter. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Todeschini.

M. Jean-Marc Todeschini. Monsieur le ministre, à l'heure où vous lancez un grand débat sur l'école et que nous examinons le volet « jeunesse et enseignement scolaire » du projet de loi de finances pour 2004, je me demande comment vous pouvez prétendre élever le niveau des connaissances sans consacrer à cette ambition les moyens indispensables.

En effet, derrière un projet de budget de l'enseignement scolaire et de la jeunesse qui se dit en hausse de 2,8 %, se cache un budget qui hypothèque l'avenir. Oui, comme l'a dit Mme David, ces 2,8 %, véritable trompe-l'oeil, sont simplement le résultat des augmentations mécaniques liées à celles des traitements et des pensions.

Nous savons tous, monsieur le ministre, ce qu'est selon vous un « bon budget ». Nous savons que, pour vous, « il ne se mesure pas au fait qu'il augmente, mais au fait qu'il soutient des priorités ».

Certes ! Mais quelles sont les réelles priorités de ce gouvernement ? Vous ne semblez guère afficher l'ambition d'une véritable politique éducative. Pourquoi ?

Votre tâche est devenue, monsieur le ministre, celle d'un comptable qui n'a comme seul souci que de réparer, par de petites économies, les mauvais choix de son directeur général !

Ce propos n'est pas gratuit, il est justifié.

Je prendrai pour exemple la santé scolaire.

En février 2003, vous annonciez un plan sans précédent. Quelle est la réalité de ce budget ? Aucune création de poste, ni d'infirmière, ni d'assistante sociale, ni de médecin scolaire, alors que les retards sont considérables. Et cela va être amplifié avec les nouvelles lois de décentralisation : les départements les plus riches pourront créer les postes nécessaires, mais les plus pauvres devront, pour répondre aux besoins et à la demande de leur population, augmenter fortement les impôt locaux.

Cet exemple n'est malheureusement pas le seul et beaucoup de points noirs apparaissent dans le budget de l'éducation.

Vous pénalisez ainsi tout notre système scolaire.

Avec ce budget, monsieur le ministre, vous êtes devenu l'auteur d'un véritable « plan social pour l'école ». Or l'école n'a pas de prix. Elle n'a pas pour seule vocation la transmission du savoir ; elle s'inscrit dans une démarche globale autour d'une équipe éducative complète et, face aux problèmes de société qui l'envahissent, la présence dans les établissements d'enseignants, d'adultes formés est indispensable.

Vos choix s'éloignent de ces conceptions, si bien qu'il devient légitime de vous poser la question suivante : quelle politique, monsieur le ministre, mettez-vous en oeuvre au niveau du personnel de l'éducation nationale ?

A cette question, nous attendons tous une réponse claire. Nous n'accepterons pas de simples déclarations.

En effet, ce sont 1 100 postes d'administratifs qui vont être supprimés dans les rectorats, qui en comptent actuellement 18 000.

Ce sont, certes, 1 500 postes dans le primaire qui seront créés, mais ils ne suffiront pas à accueillir les 55 000 élèves supplémentaires.

Ce sont 1 500 suppressions de postes d'enseignant dans le secondaire ; ce sont 2 400 postes de professeur stagiaire qui connaîtront le même sort.

Déjà, cette année, le refus d'ouvrir des listes complémentaires se traduit par l'entrée dans les IUFM de 14 500 stagiaires seulement, alors que 18 000 postes étaient mis aux concours. Pour mémoire, 16 800 départs à la retraite sont prévus pour 2004 dans l'audit gouvernemental de décembre 2002. Cette annonce est un signal désastreux en direction des jeunes, qui sont ainsi découragés d'aller vers les carrières de l'enseignement au même moment où l'OCDE alerte sur le risque d'une grave pénurie d'enseignants.

Votre politique, c'est aussi la disparition rapide des MI-SE : 9 000 postes de surveillants seront supprimés en 2004, après les 5 600 de 2003. Les 13 000 assistants d'éducation supplémentaires de 2004 ne permettront pas de compenser les 12 400 postes de surveillants supprimés et les 14 000 aides-éducateurs arrivant en fin de contrat.

Le nombre d'adultes pour l'encadrement éducatif - surveillants, aides-éducateurs - va donc baisser dans les écoles, les collèges et les lycées de 10 000 personnes au moins à la rentrée 2004, après avoir déjà baissé de 10 000 à 15 000 cette année !

De plus, en 2003, sur plus de 16 000 postes d'assistant d'éducation prévus, il semble que seuls 12 210 soient pourvus.

Derrière ces chiffres, monsieur le ministre, les projets deviennent illisibles et les questions se posent. Quel sens allez-vous donner, avec une telle rigueur budgétaire, à la lutte contre l'illettrisme, contre la violence et pour l'accueil des élèves handicapés ?

Prenons l'exemple de la lutte contre l'illettrisme. Vous avez annoncé 2 000 classes de cours préparatoire à moins de dix élèves : on en compte seulement 282.

M. Luc Ferry, ministre. Mais non !

M. Jean-Marc Todeschini. Par ailleurs, certaines d'entre elles fonctionnent par redéploiement, ce qui provoque la surcharge des autres classes de la même école. La lutte contre l'illettrisme, fer de lance de votre politique, monsieur le ministre aurait-elle du plomb dans l'aile ?

Et que dire de l'accueil des élèves en situation de handicap ? On note une dégradation de la prise en charge de ces derniers au titre de l'AIS, l'adaptation et l'intégration scolaires, alors même que le Président de la République s'est attaché à faire de l'intégration des personnes handicapées une des priorités nationales.

Vous nous avez assuré que les 6 000 auxiliaires de vie scolaire promis étaient recrutés. Je souhaite pouvoir vous croire, car on aurait pu penser que ce n'était malheureusement qu'un effet d'annonce. Cela reste donc à vérifier !

Enfin, permettez-moi d'illustrer mon propos par une situation que je connais bien, celle de mon département, la Moselle.

Lorsqu'on y interroge les enseignants pour évoquer les conditions de la rentrée, la réponse qui leur vient spontanément est qu'elle s'est « à première vue bien passée ».

« A première vue », car ils complètent très rapidement par cette remarque : « Evidemment, il y a les problèmes d'emploi du temps, de salles. »

Puis viennent d'autres commentaires, selon les établissements : il y a un problème pour les groupes de langue - nombre d'heures, accès aux salles spécialisées -, pour les groupes de sciences - il devient difficile d'organiser les activités de travaux dirigés par manque d'heures, de salles, de matériel et d'aides de laboratoire...

Les postes non pourvus apparaissent ici et là : ici, un poste en mathématiques ; là, un poste en documentation. Les besoins en personnels de surveillance existent partout, y compris là où les dotations rectorales sont intégralement respectées. Déjà, la maintenance et l'ouverture des salles Internet ne sont plus assurées dans certains établissements en raison du départ encore non compensé des premiers aides-éducateurs en fin de contrat. Les personnels non enseignants, pourtant essentiels, font également défaut.

Ces éléments font apparaître le vrai visage de cette rentrée : des conditions de travail détériorées, des conditions d'accueil dégradées. C'est donc un service public d'éducation qui ne tient que grâce à l'engagement toujours plus déterminé des enseignants et des personnels non enseignants.

Monsieur le ministre délégué, pouvez-vous nous préciser les principaux axes de votre politique à l'égard de l'ensemble des personnels de l'éducation nationale ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Xavier Darcos, ministre délégué. La question que vous posez, monsieur le sénateur, est tout de même vaste, vous le reconnaîtrez. Votre intervention a consisté à brosser rapidement les critiques habituelles qui sont faites à la politique que nous conduisons, en particulier en vous fondant sur les chiffres des personnels supplémentaires que vous jugez nécessaire de recruter - ce que nous faisons déjà.

Il n'est pas exact de dire que ce budget est en régression, alors qu'il est en augmentation de 2,8 % ! Il n'est pas nécessaire non plus de solliciter à tout prix des recrutements massifs et aveugles à partir du moment où, là où des besoins se font jour, il y a des personnels.

Il est même absurde d'affirmer qu'il faut de nouveaux professeurs et dans le même temps, de constater une certaine désaffection des viviers de recrutement pour nos propres concours : en somme, vous nous proposez de recruter massivement, à des niveaux très bas, des professeurs dont nous n'avons pas besoin !

Il faut plutôt poursuivre notre action, c'est-à-dire, en fonction des politiques que nous souhaitons et que nous arrêtons, essayer d'évaluer très clairement nos besoins en termes d'enseignants et d'assistance éducative en général et trouver les postes correspondants.

La preuve que cette politique est la bonne, c'est que, comme vous l'avez vous-même reconnu, la dernière rentrée s'est bien passée. C'est donc bien que les besoins ont été satisfaits, et ce grâce à la redistribution interacadémique des emplois.

Ainsi, nous sommes parvenus à répondre à la demande. On ne peut donc pas dire, me semble-t-il, que, à cette rentrée, le service que l'on doit à tous les élèves de France ait été mal rendu.

A votre tour, vous avez évoqué les MI-SE. Je le répète : chaque fois qu'un surveillant d'externat ou qu'un maître d'internat quitte le système éducatif, il est remplacé un pour un par un assistant d'éducation. Il n'y a à cet égard aucun abandon.

S'agissant de la médecine scolaire, dont vous dénoncez les manques et les faiblesses en rappelant les décisions que nous avons prises en matière de politique de santé, il faut être conséquent. La plupart des présidents de conseils généraux - y compris de gauche, d'ailleurs - souhaitaient que la médecine scolaire fasse partie des politiques départementales en matière de santé : de même qu'il paraissait logique que les assistantes sociales, la protection médicale infantile ou les centres de prévention soient déjà départementalisées, de même, il ne paraissait pas absurde que la politique de santé scolaire le soit également.

M. Luc Ferry, ministre. Eh oui !

M. Xavier Darcos, ministre délégué. Il en a été décidé autrement - sous la pression, d'ailleurs, de vos amis politiques. Nous ne pouvons aujourd'hui que le regretter, et ce d'autant plus que, si cette départementalisation avait été inscrite dans la loi relative aux responsabilités locales, nous aurions évité le deuxième inconvénient que vous avez signalé, monsieur Todeschini : la disparité territoriale, puisque, précisément, le principe de péréquation est inscrit dans cette loi. On ne peut pas à la fois avoir refusé une politique d'amélioration qualitative et quantitative et la dénoncer aujourd'hui !

Quant aux objectifs principaux du ministère de l'éducation nationale, ils me semblent clairement affichés, et nous ne méritons pas le procès que vous nous faites : Luc Ferry et moi-même nous sommes très souvent exprimés sur la lutte contre la violence, sur la lutte contrel'illettrisme, sur les classes en alternance, sur la réforme nécessaire d'un certain nombre de filières.

A titre d'exemple, les chiffres que vous indiquez à propos des CP dédoublés ne sont pas exacts. Aujourd'hui, 3 800 classes sont concernées. Certains CP sont entièrement dédoublés, c'est-à-dire qu'une classe de vingt élèves est divisée en deux groupes de dix. D'autres, 1 500 exactement, sont dédoublés pour le temps d'apprentissage de la lecture avec d'autres professeurs, et 1 800 pour les temps d'apprentissage renforcé de la lecture avec l'aide d'assistants d'éducation.

On ne peut donc pas dire que ces politiques ne sont pas suivies d'effets : lorsque nous nous fixons une priorité, nous essayons de nous y tenir !

M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Todeschini.

M. Jean-Marc Todeschini. Bien entendu, M. le ministre ne m'a pas convaincu, mais il s'en doutait.

Ma question, bien sûr, était vaste, mais les réponses sont convenues. Elles ne reviennent pas, pour une fois, sur le passé - le ministre n'a pas accablé ses prédécesseurs - mais elles restent très globales.

Concernant les classes de CP, vous répondez, monsieur le ministre, en mentionnant plus de 3 000 classes : on peut même aller jusqu'à 10 000 s'il ne s'agit que de prendre une heure de dédoublement, par ailleurs mise à la charge des autres enseignants de l'école !

Après une année 2003 pour laquelle votre budget était loin de mériter les qualificatifs que vous avez employés, vous nous présentez pour 2004 un mauvais projet de budget qui inclut un plan de licenciements massifs et pour cacher le désastre que vous avez provoqué, vous nous proposez un grand débat sur l'école - nous y reviendrons.

Bravo, messieurs les ministres, pour votre vision personnelle, très libérale, injuste et inefficace de l'éducation ! (Rires sur les travées de l'UMP.)

M. René-Pierre Signé. Voilà des qualificatifs appropriés !

M. Jean-Marc Todeschini. J'en resterai là, mais les personnels ne peuvent en aucun cas être rassurés par les réponses globales que vous avez apportées. (Applaudissements sur les travées socalistes.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Carrère.

M. Jean-Louis Carrère. Messieurs les ministres, ma question porte sur les objectifs visés par le grand débat sur l'avenir de l'école que vous ne finissez pas de mettre sur les rails, depuis maintenant plus de six mois, à grand renfort de publicité - si vous m'autorisez cette appréciation. Il semble que cette surenchère de questionnements nouveaux et de pseudo-consultations vous dédouane quelque peu - du moins le pensez-vous - de votre inaction et de votre budget « cache-misère ».

Je résume les modalités, pour le moins confuses, de ce débat. Il s'articulera autour des travaux de la pléthorique commission Thélot, qui prendra aussi en compte quantité d'autres travaux et participations.

Cette commission Thélot est composée un peu à la façon d'une armée mexicaine : plus de cinquante membres - quel gage d'efficacité !

M. Jean Chérioux. Elle est à l'échelle de l'éducation nationale !

M. Jean-Louis Carrère. ... venus d'horizons extrêmement différents et parfois pour le moins surprenants, car n'ayant qu'un lien ténu avec l'école.

Je passe sur le collège « membres de droit », où, dans votre grande mansuétude, messieurs, vous avez autorisé tous vos prédécesseurs vivants à siéger,...

M. Roger Karoutchi, rapporteur spécial. Les vivants seulement !

M. Jean-Louis Carrère. ... ainsi que notre ami Bernard Derosier, rapporteur de la loi d'orientation sur l'éducation de 1989.

Vient ensuite le collège « personnalités », où se côtoient de nombreux professeurs de l'enseignement supérieur et directeurs de grands organismes de recherche, mais aussi plus surprenant - convenez-en -, un éditorialiste de la presse hebdomadaire et, surtout, le président de Radio-France, connu pour ses compétences dans le secteur éducatif et surtout pour sa neutralité politique !

J'en viens aux membres au titre des « usagers de l'école ». Les surprises continuent : une « étudiante », très bien ; un « lycéen », parfait. Mais les anciens présidents des trois principales associations de parents d'élèves - pour la FCPE : Mailles ; pour la PEEP : Janet ; pour l'UNAPEL : Labarre ? Je m'interroge sur cette préférence donnée aux anciens présidents sur les actuels. Sans doute les anciens sont-ils davantage au fait des problèmes actuels du système éducatif ?

M. Jean Chérioux. C'est l'éducation nationale !

M. Jean-Louis Carrère. Toujours au titre des « usagers » - et là je me pince ! - siègent un représentant de la Confédération de l'artisanat et des petites entreprises du bâtiment - pourquoi pas ? - ; la DGA du groupe Dassault Systèmes, en charge des ressources humaines - de mieux en mieux ! - et le président honoraire du groupe Lafarge. Ce dernier semble avoir néanmoins disparu de la deuxième liste !

A votre place, je ne me serais pas privé, et j'aurais donné la présidence de la commission à M. Ernest-Antoine Seillière ! (Sourires.)

M. Luc Ferry, ministre. Nous y avons pensé ! (Nouveaux sourires.)

M. Jean-Louis Carrère. Pourquoi ne pas aller au bout ?

Je passe sur le collège « acteurs de l'école », au sein duquel sont représentés quasiment tous les métiers de l'éducation nationale, les métiers techniques étant, convenez-en, messieurs les ministres, très sous-représentés. Cela veut-il dire que vous avez déjà fait l'impasse et que, pour vous, les personnels TOS ne font plus partie du secteur de l'éducation ? Est-ce à dire que vous anticipez et que vous feignez seulement de lancer un grand débat public ?

Enfin, certains parlementaires ont accepté d'être « associés » à cette commission, et je les comprends. Je rappelle que les parlementaires socialistes ont refusé de cautionner ce que nous considérons comme une mascarade.

Quelle sera la tâche de cette commission ? Elle va devoir établir deux rapports : une synthèse en mars 2004, avant même le rapport définitif, qui sera publié à la rentrée scolaire de 2004. Généralement - excusez-moi de vous le rappeler, mais ceux qui sont attachés à la rigueur intellectuelle en conviendront avec moi, bien que je ne sois qu'un modeste instituteur de classe élémentaire -, la synthèse intervient après le rapport ! C'est ainsi, en tout cas, que l'on m'avait appris à travailler.

Ces rapports devront prendre en compte l'évaluation effectuée par le Haut conseil de l'évaluation de l'école, autorité dont le sérieux ne saurait être remis en cause, pas plus que l'on ne saurait contester la qualité de ses études et travaux. Ce Haut conseil se sera lui-même inspiré, si j'ai bien compris, du rapport Eléments pour un diagnostic sur l'école, élaboré par quatre « experts » de l'éducation : MM. Hardouin, Hussenet, Septours et Bottani.

Parallèlement, la commission Thélot devra intégrer les travaux des 15 000 réunions publiques qui devront être organisées sur l'ensemble du territoire afin de traiter de quelques-uns des vingt-deux sujets présélectionnés par le Haut conseil, sujets d'une importance extrême, je vous le concède, qui ne sauraient être traités à la légère et de façon anarchique.

Le travail de la commission Thélot ne s'arrête pas là : elle devra encore « éplucher » les contributions individuelles reçues sur le site Internet du ministère ouvert à cet effet, afin de les intégrer dans sa synthèse et dans son rapport ! L'organisation d'un référendum aurait sans doute été plus simple, messieurs les ministres. Cela dit, vous appartenez à un gouvernement qui en décide beaucoup mais en réalise peu !

Je ne sais pas si vous m'avez suivi. Je souhaite en tout cas bien du courage à Claude Thélot, car je crains fort que la commission dont il a la charge ne s'apparente rapidement à quelque chose que vous connaissez bien : Clochemerle !

M. Roger Karoutchi, rapporteur spécial. Oh !

M. Jean-Louis Carrère. Personnellement, mes chers collègues, je crois que c'est sur la base des travaux de cette commission que le Gouvernement nous saisira, peut-être, d'un projet de loi. Mais alors, messieurs les ministres, vous auriez tout de même pu consulter préalablement les organisations syndicales, les partenaires de l'école et, enfin, le Parlement !

J'abrégerai mon propos, car le temps m'est compté.

M. le président. Il le faut en effet, monsieur Carrère.

M. Jean-Louis Carrère. Il faut dire, monsieur le président, que je me suis un peu « calé » sur le temps que vous avez accordé à M. Vallet !

M. Jean Chérioux. Ce n'est pas beau d'être envieux !

M. Jean-Louis Carrère. Messieurs les ministres, je ne vous parle pas des universités, où vous reculez, tant l'action que vous êtes en train de conduire paraît floue et dangereuse aux étudiants.

Ma question est donc extrêmement simple : messieurs les ministres, pouvez-vous garantir aujourd'hui, devant le Sénat, que la réforme qui suivra le grand débat sur l'avenir de l'école ne remettra pas en cause les acquis fondamentaux de la loi du 10 juillet 1989 et qu'elle garantira toujours l'unicité des formations et des diplômes sur l'ensemble du territoire, ainsi que la gratuité et la laïcité de l'enseignement scolaire public partout en France ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Xavier Darcos, ministre délégué. Monsieur le sénateur, il n'existe pas de rapport absolument immédiat entre la discussion budgétaire et la question que vous posez. Je reconnais cependant que le grand débat que nous lançons est une façon de penser l'école pour les années à venir, et donc de parler d'orientation.

Vous dénoncez une commission pléthorique, en oubliant que certains de vos amis y siègent. Mme David, notamment, contribue à cette pléthore !

M. Jean-Louis Carrère. Elle n'est pas pléthore à elle seule !

M. Xavier Darcos, ministre délégué. Quant aux anciens ministres, nous n'y avons convoqué que les vivants. Il eût été difficile de faire parler les morts...

M. Jean-Louis Carrère. Vous avez tous les pouvoirs !

M. Jean Chérioux. Ce n'est pas comme vous !

M. Xavier Darcos, ministre délégué. A vous qui êtes assurément un démocrate - personne ne vous le contestera -, je veux dire que la démocratie n'est pas de votre avis. Lorsqu'on sonde les Français sur le grand débat, en effet, 84 % d'entre eux trouvent qu'il est utile, et 54 % pensent, espèrent, savent que de cette consultation sortiront sans aucun doute de bonnes choses pour l'école.

Une réaction conjoncturelle, une manière de noyer le poisson, une façon de réagir à des difficultés passagères, dites-vous ? Nullement ! Je rappelle que ce projet d'une consultation nationale à partir d'un grand débat et débouchant sur un diagnostic partagé, donc sur des options consensuelles pour l'école de la nation, c'était le programme du Président de la République lors de sa dernière élection, cela figurait dans le programme du Gouvernement : il était donc parfaitement prévu de le faire. Nous avons même regretté que les circonstances n'aient pas permis de le faire plus tôt, car, en termes de politique éducative à moyen terme, le grand débat est au coeur du projet du Gouvernement.

Tout cela, dites-vous, va déboucher sur des synthèses, sur des rapports, et même sur une synthèse avant un rapport, alors qu'il vaut mieux que le rapport précède la synthèse...

Ce que je crois, c'est que la commission est parfaitement indépendante et qu'elle est présidée par une personnalité dont l'autorité n'est pas discutée. Qu'aurait-on dit si la commission avait été présidée par les ministres ? On nous aurait reproché que tout cela soit préparé, prémédité, que le résultat soit connu à l'avance.

Peut-on reprocher une absence de transparence et de démocratie à un dispositif qui va donner lieu à 13 000 débats organisés par des personnalités diverses et animés par des journalistes ou par des personnalités qui n'appartiennent pas forcément au monde de l'éducation ? Peut-on dire que tout cela n'est qu'une opération entièrement maîtrisée, dominée, préparée, dont on connaîtrait déjà les résultats ? A supposer même que telle ait été notre intention - ce qui n'est pas le cas -, il est bien évident que nous aurions été incapables d'assurer la maîtrise, la tutelle d'un si grand nombre de rencontres !

Vous n'avez aucune raison de vous inquiéter des résultats de cette consultation en ce qui concerne les grandes orientations de l'école de la nation, monsieur le sénateur : il n'est dans l'esprit de personne de faire en sorte que l'éducation ne soit plus nationale.

Certes, vous pouvez nous soupçonner d'espérer voir cette consultation aboutir à dénoncer la laïcité, ou à créer une école des riches et une école des pauvres, ou à faire en sorte que l'on organise en France une école concurrentielle sur le modèle du grand marché libéral de l'école... Il n'en est évidemment rien, et vous le savez, car nous voulons au contraire renforcer le caractère national de l'école.

Il ne s'agit pas de dénoncer la loi de 1989 : il s'agit d'élaborer une nouvelle loi qui orientera la politique de la nation pour les quinze ans à venir dans le cadre très précis que le Président de la République a toujours défendu, celui de l'exception française, qui veut que l'école et la culture dépendent exclusivement de la responsabilité de l'Etat. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Carrère.

M. Jean-Louis Carrère. Messieurs les ministres, vous citez des sondages quand ils vous arrangent, mais vous ne les citez pas quand ils vous dérangent ! Sur la hausse du prix du gazole, sur la hausse du prix du tabac et des taxes, cela ne vous a pas gênés d'oublier de les citer !

M. Roger Karoutchi, rapporteur spécial. Qu'est-ce que cela vient faire ?

M. Jean-Louis Carrère. S'agissant du caractère pléthorique de la commission Thélot, je vous rappelle que je n'ai pas mis en cause les personnes qui y siègent ! Je ne me le serais pas permis ! Quant à Mme David, elle sait qu'elle a toute mon amitié et toute mon estime politique. De surcroît, je vous rappelle qu'elle n'est que membre associé de cette commission, et non membre à part entière.

Par ailleurs, il en va du programme du Président de la République comme des sondages : quand cela vous arrange, vous nous rappelez ses promesses - il en a tant fait, au demeurant, que tout pourrait y entrer ! -, mais vous oubliez de les rappeler quand elles ne vous arrangent pas !

En tout état de cause, monsieur Darcos, je vous remercie de nous avoir assuré que vous n'aviez aucune arrière-pensée qui pourrait vous conduire à mettre à mal le principe de laïcité et d'universalité du système éducatif français.

Je crois que vous êtes sincère, mais, ce qui me préoccupe, c'est que, autour de vous et dans votre majorité, d'autres le sont moins. Pardon de le rappeler, messieurs les ministres, mais, si, avec certains de mes collègues, nous ne nous étions pas battus ici même, au Sénat, contre la volonté d'un précédent gouvernement et de son ministre de l'éducation nationale, l'article 69 de la loi Falloux aurait été abrogé. Ma confiance reste donc limitée. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Max Marest.

M. Max Marest. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, chaque année, plus de 150 000 jeunes quittent le système scolaire sans bagage ou sans diplôme.

C'est notamment pour lutter contre cette situation que vous avez décidé, messieurs les ministres, de valoriser la voie professionnelle en développant une véritable diversification au collège et en proposant aux élèves qui le souhaitent des parcours scolaires alternant enseignement général et séquences de découverte professionnelle réalisées en lycée professionnel et/ou en entreprise.

Le collège unique, je crois que l'on peut le dire, a été la cause de nombreux échecs scolaires...

M. René-Pierre Signé. C'est discutable !

M. Max Marest. ... et il a gâché les chances de quantité d'enfants.

Il est temps d'en prendre conscience et de proposer autre chose.

En outre, selon les prospectives réalisées, d'ici à 2010, de sept millions à huit millions d'emplois seront vacants, dans le cadre des départs à la retraite et dans celui de la création de nouveaux métiers. Par ailleurs, un million d'entreprises devraient être créées dans les cinq ans à venir, notamment par des jeunes issus de la voie professionnelle. C'est pour toutes ces raisons que nous devons être prêts à répondre de façon efficace aux besoins économiques et sociaux de notre pays.

M. Jean Chérioux. Très bien !

M. Max Marest. Monsieur le ministre, vous avez confirmé, dans vos réponses à notre collègue Annie David, rapporteure pour avis de la commission des affaires culturelles, votre volonté et votre détermination à montrer que l'enseignement général n'est pas le seul possible.

En effet, la diversification des voies est indispensable pour permettre à tous les élèves de réussir, et ainsi pour réduire le nombre d'élèves qui sortent sans diplôme du système scolaire.

Afin de mettre toutes les chances de notre côté pour valoriser la voie professionnelle de la façon la plus formatrice et à l'occasion du débat sur l'avenir de l'école, il serait opportun de s'inspirer d'une des expériences les plus probantes en la matière. Je veux parler des Maisons familiales rurales.

Se rapprocher de cette association paraîtrait intéressant, compte tenu de son expérience dans ce domaine, car elle revêt un caractère particulier. En effet, avec soixante-dix ans d'histoire et une expérience atypique, elle a une originalité hors du commun.

Cette association, qui s'est toujours préoccupée de l'insertion, de l'alternance et de l'épanouissement des jeunes, a sans cesse été à l'écoute des jeunes et des familles en même temps qu'attentive aux expériences susceptibles de déboucher sur la réussite des élèves.

Son président, M. François Subrin, pense qu'aujourd'hui il faut favoriser des pédagogies et des parcours différents pour que les élèves restent motivés.

Je le cite : « Le collège unique est un moule trop "unique" alors qu'il existe des publics très différents. La diversité est une richesse, on ne l'exploite pas assez. On raisonne par l'échec. »

Selon lui, les filières professionnelles seraient vues comme des voies de compensation pour élèves en échec scolaire.

Aujourd'hui, certains enseignants de l'éducation nationale montrent encore des réticences lorsqu'un jeune fait un choix très tôt dans sa scolarité.

Pourtant, il faut plus de liberté pour l'élève lorsqu'il doit s'orienter, il faut le moins de barrages possible. Le choix de l'élève et de la famille doit primer.

Dans notre pays, beaucoup de jeunes souhaiteraient choisir à quatorze ans la voie qui leur plaît, mais la part du préapprentissage n'est pas assez développée. Pour faire son choix, l'élève et sa famille doivent être aidés.

Il ne faut pas oublier que la formation générale vaudra d'autant plus si elle est accompagnée d'une formation professionnelle.

L'alternance renforce la famille. En effet, elle favorise les responsabilités, ce qui est positif, car quatorze ans, quinze ans ou seize ans sont des âges difficiles, et des conflits sont souvent installés entre l'adolescent et les parents. La relation avec les familles est donc capitale.

Il paraît évident que l'approche de la formation en alternance facilite le dialogue entre les parents et les enfants, car l'entrée des enfants dans le monde du travail crée des points communs ancrés dans la réalité quotidienne.

Je sais, messieurs les ministres, que vous avez l'intention de développer les parcours en alternance au collège.

Ainsi, vous auriez l'intention de faire un effort significatif en ce qui concerne les classes de troisième, puisque, de 820 établissements et 12 000 élèves concernés par cette formation, nous passerions à 1 400 établissements et à 21 000 élèves. Quant à la classe de quatrième, nous passerions de 480 établissements concernés à 1 400 et de 2 500 élèves à 12 000. Pouvez-vous nous confirmer cette intention, dont vous ne savez pas à quel point elle est attendue ?

Pour terminer, je vous adresse tous mes encouragements ; vous avez choisi la bonne voie quant aux moyens, et vos décisions ne pourrons qu'enrichir notre système éducatif.

Vous pouvez comptez sur le soutien du groupe de l'UMP, soutien mérité, car votre ambition pour l'école de la République ravive la passion que chacun de nous nourrit pour elle : l'école qui donne sa chance à tous en fonction de ses mérites. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. Jean Chérioux. Très bien !

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Luc Ferry, ministre. Monsieur le sénateur, je vous remercie chaleureusement d'avoir posé cette question. Je vous confirme les chiffres que vous avez indiqués, qui sont d'ailleurs déjà une réalité.

Ce n'est en effet plus un projet, mais nous poursuivons évidemment avec les services académiques, notamment les proviseurs de lycée professionnel et les principaux de collège, la mise en place des dispositifs en alternance dès la classe de quatrième, afin que, dès l'âge de quatorze ans, les élèves puissent y accéder.

Comme vous l'avez souligné, ces dispositifs se mettent en place avec l'accord des élèves et celui des familles, car c'est l'une des conditions de leur réussite.

Une autre condition de la réussite de ces parcours en alternance est, plutôt que de rétablir le palier d'orientation en fin de cinquième comme certains le souhaitaient, avec des arguments qui, d'ailleurs, n'étaient pas négligeables, de permettre aux collégiens qui entrent dans les parcours professionnels en alternance de rester collégiens dans l'enseignement général.

Il y a à cela une raison de fond : lorsqu'ils passent le stade du CPA et du BEP pour se diriger vers le bac professionnel et, a fortiori, vers les BTS, ces élèves ont besoin d'une formation générale de bon niveau.

Il ne faut pas brader l'enseignement général, et c'est la raison pour laquelle il faut passer une sorte de pacte, de contrat avec les élèves : des parcours en alternance pour découvrir les métiers leurs sont ouverts, mais, en échange, un effort sur la formation générale leur est demandé pour qu'à terme, lorsqu'ils seront à un plus haut niveau, celui du bac voire du BTS, ils ne soient pas en difficulté.

Le modèle des Maisons familiales rurales est en effet un bon modèle, et nous l'avons en tête lorsque nous mettons en place des dispositifs en alternance. Vous le savez, comme beaucoup de bonnes choses, les Maisons familiales rurales dépendent du ministère de l'agriculture. L'enseignement agricole est aujourd'hui un des plus performants en France. C'est, comme d'habitude, hélas ! une des raisons pour lesquelles on en parle trop peu.

Quoi qu'il en soit, nous poursuivons nos efforts et je vous confirme les chiffres que vous avez indiqués. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. Max Marest.

M. Max Marest. Monsieur le ministre, je vous remercie de m'avoir confirmé que le cheminement dans la voie de la formation en alternance se poursuivait. Je pense effectivement que, pour beaucoup de jeunes, l'alternance entre l'enseignement général et l'approche de la vie professionnelle est indispensable.

Vous citez le modèle de l'enseignement agricole, qui marie en effet l'apprentissage du terrain et l'enseignement général, avec beaucoup de réussites : moins de jeunes tombent dans l'oisiveté et tous les vices qui l'accompagnent.

M. le président. La parole est à M. René-Pierre Signé.

M. René-Pierre Signé. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, je voudrais vous parler de l'enseignement scolaire en zone rurale, et plus particulièrement de la préscolarisation.

Il est difficile de dissocier les enjeux de l'éducation nationale des enjeux de l'aménagement du territoire. L'école, souvent le dernier service public en milieu rural, se trouve au coeur d'un projet plus global de sauvegarde de la ruralité.

On ne peut que s'interroger sur les handicaps des écoles rurales pour maintenir un système éducatif performant si l'on prend en compte la faiblesse du taux de préscolarisation, les conditions de travail difficiles pour les enseignants, l'absence d'activité périscolaire et l'offre éducative limitée dans les collèges.

L'école rurale bénéficie, en apparence, de moyens plus importants que l'école urbaine, parce que le nombre d'élèves par maître y est plus faible. En réalité, surtout en zone fragile, elle est souvent déficitaire de par son isolement, les limites de son offre culturelle et son retard dans l'offre d'écoles maternelles.

Sur ces territoires, l'éducation nationale doit mobiliser et encourager les partenariats pour assurer un service public d'éducation de qualité et consolider des structures scolaires durables, éventuellement par la mise en réseau des établissements scolaires. Les regroupements pédagogiques ont constitué une première réponse mais ils n'ont souvent fait, hélas ! que retarder l'échéance.

Or, monsieur Darcos, à la lecture des compte rendus des débats de l'Assemblée nationale, il semble que la préscolarisation ne soit plus une priorité et que le Gouvernement souhaite maintenir à 32 % le taux d'enfants concernés, ce qui laisse craindre au moins une réduction de la durée de préscolarisation dans la vie scolaire, et cela malgré les quelques démentis que vous avez faits ensuite et qui n'ont pas toujours convaincu.

Evoquant devant l'Assemblée nationale la préscolarisation des enfants de deux ans, vous avez souligné, monsieur Darcos, qu'elle bénéficiait surtout aux « enfants de familles de cadres, aux enfants d'immigrés et aux enfants étrangers ». « Cela n'a pas d'impact sur la suite de la scolarisation dans les milieux modestes », avez-vous ajouté, pour déclarer ensuite : « Nous continuerons à accueillir les enfants de deux ans dans les endroits où c'est nécessaire. »

On pourrait en conclure que l'école maternelle ne profite qu'à certaines catégories sociales et que les autres peuvent en être dispensées, ou plutôt privées.

Il y a là une ébauche de ségrégation qui ne correspond pas au mode de fonctionnement de l'école de la République, par définition ouverte à tous sans aucune distinction, qu'elle soit sociale ou territoriale.

En fait, l'école maternelle - là où elle existe - est très fréquentée et très recherchée. Environ 35 % des enfants de deux ans la fréquentent, mais ce chiffre doit être revu à la hausse puisque toute la classe d'âge n'est pas scolarisée. En fait, ce sont près de 55 % des enfants de deux ans qui la fréquentent.

Il faut toutefois noter, dans ces moyennes, des disparités importantes, et d'abord de très fortes disparités régionales, puisque, dans certaines régions, 70 % des enfants sont scolarisés. En outre, en milieu rural, il n'existe pas toujours d'école maternelle, et les enfants sont directement accueillis dans les écoles primaires.

Pourtant, je ne vous l'apprendrai pas, la réussite scolaire passe par la maternelle : éveil de l'enfant, éclosion de son intelligence... Les résultats de cette scolarisation ont fait d'ailleurs l'objet de nombreuses enquêtes et les analyses convergent pour montrer que l'école maternelle permet une meilleure intégration sociale et qu'elle élève le niveau général atteint par une population scolaire.

Cette conclusion est importante et suffit à elle seule à considérer avec intérêt la poursuite d'une politique de scolarisation à deux ans, en particulier dans les zones d'éducation prioritaires, où l'école doit souvent pallier les carences, en matière d'éducation, de certaines familles.

Dans les zones rurales isolées, l'accueil des enfants se fait souvent, quand il existe, au sein de sections enfantines dans des classes à plusieurs cours, mêlant souvent des enfants d'âges très divers, qui ne permettent pas toujours la scolarisation satisfaisante des tout-petits et peuvent freiner les progrès des autres enfants, et l'idée de faire appel à des enseignants itinérants n'est pas tout à fait satisfaisante.

Débordant de mon propos, mais s'agissant toujours des zones rurales, je ne peux pas ne pas rappeler que l'apprentissage d'une langue étrangère devrait être étendu à tous les élèves dès leur plus jeune âge, en tous cas, dès le CM1 ou le CM2. Mais que de disparités entre les académies ! Que le personnel qualifié manque !

De même, il est dommage que les études classiques ne soient plus en faveur et que leur enseignement soit réduit. L'enseignement du grec et du latin prédispose pourtant à une conception plus humaniste, plus humaine de la vie sociale, humanisme que chacun appelle de ses voeux.

Au moment où s'engage le grand débat sur l'école, il nous appartient de définir ses missions, de favoriser la réussite scolaire, de permettre aux élèves d'accéder dans les meilleures conditions au monde du travail, en ayant utilisé toutes leurs facultés et mis en valeur leur intelligence.

Les questions que l'on vous pose, messieurs les ministres, doivent permettre d'aborder ces thèmes transversaux : comment favoriser une nouvelle dynamique du service éducatif en milieu rural ? Quels soutiens, notamment en personnels, le ministère est-il prêt à consacrer aux zones rurales, à l'heure où l'on parle de décentralisation ? Que peut-on attendre de positif de cette mesure phare du Gouvernement ? (M. Serge Lagauche et Mme Annie David applaudissent.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Xavier Darcos, ministre délégué. Monsieur Signé, vous avez posé plusieurs questions en une, les deux principales portant, d'une part, sur l'école en milieu rural, et, d'autre part, sur les maternelles.

D'abord, je suis d'accord avec vous sur le fait que l'aménagement rural passe par le maintien du service public de l'éducation, et nous devons en effet être très vigilants.

Depuis cinquante ans, la situation a évolué très rapidement. Il y avait, naguère, une école par commune, et l'école et la mairie étaient souvent dans le même bâtiment. Aujourd'hui, un tiers des communes de France n'a plus d'école, un tiers a une école à une ou deux classes, et le dernier tiers a des écoles à plusieurs classes.

Nous voulons contrecarrer cette tendance, d'autant que nous sommes dans une période - peut-être l'opinion publique ne l'a-t-elle pas bien perçu - où le milieu rural change : l'exode s'arrête, de nouveaux habitants s'installent sur les territoires ruraux et ils demandent de nouveaux services de proximité, en particulier en matière d'assistance médicale et d'éducation.

Le Gouvernement, conscient de cette situation, a proposé un nouveau dispositif : les réseaux d'école, qui ont précisément pour vocation de regrouper des écoles en nombre suffisant pour atteindre vingt ou trente classes au sein d'une structure au caractère juridique et administratif clair, dotée d'un animateur de réseau comme il y a des animateurs de zones d'éducation prioritaires.

Cette démarche s'inscrit dans un schéma départemental établi sur plusieurs années par le comité départemental de l'éducation nationale.

Nous espérons ainsi contrecarrer la dispersion des classes et, surtout, assurer l'égalité des chances. En effet, les réseaux d'écoles pourront faire appel à un animateur en informatique ou à des professeurs de langue, conformément à vos voeux, monsieur Signé ; bref, ils pourront offrir les mêmes services que les écoles urbaines d'une certaine importance.

C'est la raison pour laquelle nous voulons développer ce système. Nous espérons atteindre d'ici à deux ans le seuil, qui commencerait à être significatif, de 600 réseaux d'écoles d'une trentaine de classes. Après une expérimentation et une évaluation de ce nouveau dispositif, nous nous efforcerons de le faire monter en puissance. Autrement dit, nous allons passer de l'école communale à l'école intercommunale.

J'en reviens à l'école maternelle. En France, l'âge de la scolarisation est de trois ans, ce qui n'est pas contesté : tous les enfants doivent pouvoir être scolarisés à trois ans, et ils le sont.

La situation des enfants de deux à trois ans est différente : il s'agit de préscolarisation. Aujourd'hui, un tiers des élèves de France sont préscolarisés. La question est de savoir, d'une part, si la préscolarisation leur est bénéfique, d'autre part, si elle profite à ceux pour lesquels elle a été conçue.

M. Pierre Martin, rapporteur pour avis. Très bien !

M. Xavier Darcos, ministre délégué. La réponse est négative dans les deux cas : la préscolarisation n'est pas bénéfique et elle n'a pas d'effet sur la scolarité. Surtout, la préscolarisation a des inconvénients en termes de psychologie des enfants. (M. René-Pierre Signé s'étonne.)

Monsieur Signé, vous êtes médecin, et j'observe que le Quotidien du médecin du 21 novembre confirme ce jugement, et rejoint d'ailleurs les analyses du rapport de Mme Brisset, défenseure des enfants : « La tranche des deux-trois ans n'est pas celle des acquisitions cognitives. L'école classique n'est pas adaptée à leurs besoins en calme, en sommeil, en contacts duels. Cette approche doit être revue. L'école à deux ans, c'est mettre les enfants qui sont en difficulté en plus grande difficulté encore, c'est compromettre leur avenir et même leur personnalité tout entière. »

M. Max Marest. Ça, c'est signé ! (Sourires.)

M. Xavier Darcos, ministre délégué. Il faut donc revoir la question. Il s'agit non pas de refuser d'accueillir les enfants à deux ans, mais de reconnaître que la préscolarisation avant trois ans a un caractère particulier. Il vaudrait donc mieux mener une réflexion d'ensemble sur les crèches, les haltes-garderies, les écoles passerelles, les jardins d'enfants, afin d'étudier, selon une optique différente de celle qui vaut pour l'école, comment l'on peut accueillir, socialiser, habituer à l'apprentissage des enfants de deux à trois ans. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. Jean-Philippe Lachenaud. Quelle sagesse !

M. le président. La parole est à M. René-Pierre Signé.

M. René-Pierre Signé. Monsieur le ministre, on peut souscrire au principe de la mise en place des réseaux d'écoles, qui permettront de gérer la pénurie (M. Pierre Martin proteste), encore qu'il ne soit pas très satisfaisant d'obliger des enfants à se déplacer.

En ce qui concerne la préscolarisation, monsieur le ministre, je pourrais produire des études dont les conclusions diffèrent quelque peu de celles de l'article du Quotidien du médecin que vous avez cité. J'ai un peu pratiqué la pédiatrie, et tous les spécialistes que j'ai fréquentés affirmaient que plus tôt l'on éveille les enfants, meilleur sera leur parcours. Les cellules cérébrales ont besoin d'être stimulées très tôt. Ainsi, on en arrive presque à parler aux enfants in utero. En tout état de cause, leur intelligence doit être cultivée dès le plus jeune âge.

Je suis donc tout à fait en désaccord avec vous s'agissant de la préscolarisation. Celle-ci doit commencer à l'âge de deux ans. (« Non ! » sur les travées de l'UMP.) Ce sera une bonne chose pour l'avenir des enfants, en particulier de ceux d'entre eux qui ne bénéficient pas d'une éducation familiale suffisante.

M. Xavier Darcos, ministre délégué. Je suis d'accord sur ce point !

M. le président. La parole est à M. Laurent Béteille.

M. Laurent Béteille. Je sais, monsieur le ministre, combien vous avez compris la nécessité de réduire la fracture scolaire et de donner à chaque élève la réponse de qualité qu'il est en droit d'attendre de notre système éducatif.

Aujourd'hui, 96 000 élèves souffrant d'un handicap sont scolarisés dans les établissements du premier et du second degrés. Malheureusement, de 10 000 à 13 000 jeunes ne trouvent pas leur place dans le système actuel.

Votre objectif est ambitieux. Il est en effet, comme vous l'avez rappelé à plusieurs reprises au cours de ces dernières semaines, d'« assurer d'ici à cinq ans la scolarisation de tous les jeunes handicapés ou malades afin de lutter contre l'exclusion civique, politique, sociale et professionnelle ».

Nous ne souhaitons qu'une chose, monsieur le ministre : la réussite de votre projet.

Vous me permettrez néanmoins d'exprimer ma préoccupation quant à son financement et à la répartition des crédits à venir. Vous avez indiqué qu'un effort financier de 800 millions d'euros sur cinq ans sera nécessaire, ce qui portera les crédits consacrés à la scolarisation des élèves handicapés à 833 millions d'euros à cette échéance, soit une progression de 34 %. Pourriez-vous nous donner des indications sur l'utilisation de ces crédits en ce qui concerne l'achat de matériels, l'aménagement des structures scolaires, la création de postes d'éducateur spécialisé, la construction d'établissements spécialisés ?

En outre, en vue d'une meilleure scolarisation des élèves et des étudiants handicapés, vous avez souhaité entourer davantage les familles. Ainsi, vous avez prévu de créer, dans chaque département, un centre de ressources pour l'enfance et l'adolescence, en relation avec les commissions départementales de l'éducation spéciale. Pourriez-vous nous éclairer sur les missions exactes de ces centres ?

Par ailleurs, dans son rapport sur les enfants handicapés dans le milieu scolaire, M. Yvan Lachaud, député du Gard, à qui vous aviez confié une mission sur ce sujet, dresse un constat très intéressant en ce qui concerne les classes d'intégration pour enfants atteints d'un handicap visuel, les CLIS 3. Il semblerait que ces classes soient peu nombreuses, voire inexistantes, dans certaines académies, telles que celles de Lyon, de Montpellier, de Bordeaux et de Strasbourg. Est-il possible de connaître votre sentiment sur cette situation ? Pensez-vous avancer des propositions et prendre des initiatives en termes de création d'établissements de ce type afin de combler le déficit ? Si tel devait être le cas, pouvez-vous nous indiquer combien de centres vous envisagez d'ouvrir ?

Aujourd'hui, il reste un travail important à réaliser pour que tous les élèves puissent bénéficier d'une scolarité à la hauteur de leurs besoins.

Vous avez pris, monsieur le ministre, la mesure des déséquilibres existants, notamment entre les premier et second degrés, et je suis convaincu que vous mettrez tout en oeuvre pour infléchir cette situation. Nous savons tous que les élèves handicapés doivent faire l'objet d'une attention particulière, et nous devons prendre les moyens nécessaires pour cela.

A l'heure actuelle, trop d'élèves sont encore exclus du système, trop d'inégalités subsistent. Aussi, monsieur le ministre, comptons-nous sur votre volonté pour briser cette injustice et faire en sorte que les lois de la République profitent à tous les citoyens.

Le 3 décembre 2002, devant le conseil consultatif des personnes handicapées, le Président de la République faisait la déclaration suivante : « Une société, je crois, se juge notamment à l'attention qu'elle porte aux plus fragiles et à la place qu'elle réserve par conséquent aux personnes qui souffrent d'un handicap. »

J'estime que nous devrions toujours garder ce principe à l'esprit, afin de favoriser l'évolution de notre société vers le courage et non vers la lâcheté.

Sachez, monsieur le ministre, que vous pouvez compter sur notre entier soutien. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Luc Ferry, ministre. Monsieur le sénateur, le principal problème que nous avions à résoudre, s'agissant de la scolarisation des enfants handicapés, quand elle est possible, était celui de la rupture catastrophique, au sens propre du terme, entre les premier et second degrés.

Je rappellerai les chiffres à cet égard : on compte 3 000 classes d'intégration dans le premier degré, contre seulement 300 dans le second degré, au sein des unités pédagogiques d'intégration, les UPI. Comme je l'ai déjà souligné, nous avons cette année multiplié par deux le nombre des UPI accueillant les enfants handicapés dans le second degré.

Il s'agissait bien entendu de répondre à une très forte angoisse de familles dont les enfants, à la sortie de l'école primaire ou passé l'âge de la scolarité obligatoire, avaient pourtant encore besoin d'être pris en charge.

C'est pourquoi nous avons décidé de mettre l'accent sur la nécessaire continuité des parcours, par conséquent sur l'accueil des enfants handicapés dans le second degré. Une grande part des 800 millions d'euros que vous avez évoqués, monsieur le sénateur, sera employée à la création d'UPI.

Ces crédits seront également utilisés pour recruter les auxiliaires de vie scolaire, les AVS - 5 000 l'ont été cette année -, pour acheter du matériel adapté aux CLIS et aux UPI et, dans une proportion importante, pour financer les transports, cet aspect méritant aussi d'être pris en considération.

En outre, nous allons créer cent postes de professeur d'école spécialisé, ces personnels étant destinés à travailler avec les jeunes handicapés au sein des écoles, voire des UPI.

Pour ce qui concerne les centres et les maisons du handicap, ils ne dépendent pas directement de mon ministère. Il s'agit d'un projet de réforme d'ensemble des commissions départementales de l'éducation spéciale, en voie d'être finalisé par les services de Mme Boisseau, qui vise à un meilleur accueil des familles, lesquelles affrontent souvent un véritable parcours du combattant et, manquant d'information, ont le sentiment que l'on ne répond pas à leurs demandes. C'est dans cette perspective que la création des maisons du handicap sera inscrite dans le projet de loi élaboré par le ministère de la santé, de la famille et des personnes handicapées.

Par ailleurs, s'agissant des quelque 13 000 enfants handicapés, probablement scolarisables, que nous peinons à identifier et qui ne fréquentent pas nos établissements, j'ai demandé à M. Lachaud de nous fournir davantage d'informations. Je n'ai pas réussi à obtenir une réponse claire sur cette question qui, il faut bien le dire, est assez difficile.

En effet, nous ne savons pas exactement pourquoi ces enfants ne sont pas scolarisés. Ce n'est pas faute de capacités d'accueil, et ils ne sont pas non plus rejetés par l'institution scolaire, contrairement à ce que l'on entend parfois dire. En fait, les familles préfèrent les garder au domicile, pour des raisons qui peuvent être ou non légitimes. Nous continuons donc à travailler sur ce thème pour tenter de cerner un problème qui, encore une fois, est mal connu, tant des services du ministère de la santé que de ceux du ministère de l'éducation nationale. Si vous détenez des informations sur le sujet, monsieur le sénateur, je souhaiterais vivement que vous puissiez me les communiquer, car, pour l'heure, je ne parviens pas à en obtenir ! En tout cas, sachez que si ces enfants ne sont pas accueillis dans les écoles, c'est non pas, je le repète, par manque de places disponibles, mais parce que les familles préfèrent les garder au domicile.

M. le président. La parole est à M. Laurent Béteille.

M. Laurent Béteille. Je voudrais remercier M. le ministre de sa réponse et souligner toute l'attention que ses services prêtent aux enfants handicapés et à leurs familles, qui avaient été jusqu'alors négligés par l'éducation nationale, ce qui était tout à fait scandaleux.

M. le président. La parole est à M. Christian Demuynck.

M. Christian Demuynck. Le projet de loi de finances pour 2004 reflète une volonté certaine de donner des moyens à l'Education nationale.

J'évoquerai deux exemples à cet égard.

D'une part, vous allez, messieurs les ministres, créer 1 500 emplois de personnel enseignant du premier degré, ce qui permettra d'accueillir 55 000 élèves supplémentaires en 2004 et de poursuivre la mise en oeuvre du plan d'adaptation et d'intégration scolaire des élèves handicapés.

D'autre part, vous allez embaucher 13 000 nouveaux assistants d'éducation au 1er septembre 2004, ce qui portera à 33 000 leur effectif total.

En ce qui concerne les moyens de fonctionnement affectés notamment à des priorités éducatives et pédagogiques, ils sont en progression et l'on ne peut que s'en réjouir. Au nombre de ces priorités figure la lutte contre l'incivilité et la violence à l'école. Permettez-moi d'insister plus particulièrement sur ce point.

Vous avez mis en place un nouveau dispositif de prévention de la violence, qui concerne tous les établissement scolaires, et non plus seulement les plus exposés d'entre eux. Comme vous l'avez déclaré, ce dispositif s'incrit dans une politique nouvelle fondée sur la redéfinition de la « règle » et de la « loi ».

En 2002-2003, la violence à l'école a régressé. En effet, 72 057 faits de violence ont été signalés par les chefs d'établissement, contre 78 272 pour l'année scolaire précédente. Cette baisse de 10 % concerne les actes de malveillance, les vols, les actes de racket et les injures racistes.

Par exemple, en Seine-Saint-Denis, département que je connais bien, si la violence, en général, régresse, les brutalités envers les filles sont en augmentation. Les adolescents croient s'affirmer en insultant les filles, voire en les agressant, selon les chefs d'établissement. Dans ces conditions, monsieur le ministre, quelles mesures pourrait-on envisager de prendre pour réprimer les dérives sexistes qui apparaissent dans certains lycées ?

Même si la violence est en régression, nous ne pouvons pour autant baisser la garde. Je sais d'ailleurs que vous vous y refusez, monsieur le ministre. Ainsi, vous avez rappelé à plusieurs reprises que l'autorité de l'école et du savoir appelait l'autorité des maîtres. Vous avez proposé d'améliorer la représentativité des conseils de discipline, afin notamment que les professeurs puissent y retrouver une place significative. A cet égard, vous avez annoncé qu'un texte serait présenté et ferait l'objet d'une concertation. Pourriez-vous nous donner des informations sur ce projet ?

En conclusion, permettez-moi de citer un extrait de la lettre de Jules Ferry aux instituteurs en date du 17 novembre 1883, relative à l'enseignement moral et civique. Il donne une idée de la grandeur que cet homme se faisait de la mission impartie aux instituteurs :

« Il ne s'agit plus là d'une série de vérités à démontrer mais, ce qui est tout autrement laborieux, d'une longue suite d'influences morales à exercer sur de jeunes êtres, à force de patience, de fermeté, de douceur, d'élévation dans le caractère et de puissance persuasive. On a compté sur vous pour leur apprendre à bien vivre par la manière même dont vous vivez avec eux et devant eux. On a osé prétendre pour vous à ce que d'ici quelques générations, les habitudes et les idées des populations au milieu desquelles vous aurez exercé attestent les bons effets de vos leçons de morale. Ce sera dans l'histoire un honneur particulier pour notre corps enseignant d'avoir mérité d'inspirer aux Chambres françaises cette opinion, qu'il y a dans chaque instituteur, dans chaque institutrice, un auxiliaire naturel du progrès moral et social, une personne dont l'influence ne peut manquer en quelque sorte d'élever autour d'elle le niveau des moeurs. Ce rôle est assez beau pour que vous n'éprouviez nul besoin de l'agrandir. D'autres se chargeront plus tard d'achever l'oeuvre que vous ébauchez dans l'enfant et d'ajouter à l'enseignement primaire de la morale un complément de culture philosophique ou religieuse. Pour vous, bornez-vous à l'office que la société vous assigne et qui a aussi sa noblesse : poser dans l'âme des enfants les premiers et solides fondements de la simple moralité. »

C'est cela, la passion française pour l'école, et je sais, messieurs les ministres, que vous la partagez. En 2000, monsieur le ministre délégué, vous écriviez, dans votre livre intitulé L'art d'apprendre à ignorer, que nous disposons de trois atouts évidents pour réussir : la qualité de notre structure scolaire, la passion française et le chemin parcouru jusqu'à aujourd'hui. Vous avez dédié ce livre, « avec respect, à tous ceux qui, dans leur classe ou ailleurs, insoucieux des théories et des chapelles, apportent la culture aux générations montantes. Ils font le plus noble et le plus nécessaire métier du monde. »

Sachez, messieurs les ministres, que vous pouvez compter sur le soutien sans faille de notre groupe à votre action, qui mérite le respect. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. René-Pierre Signé. C'était bon, mais c'était long !

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Xavier Darcos, ministre délégué. Je voudrais d'abord remercier M. Demuynck de son approbation de notre action, à laquelle je suis très sensible.

Vous avez beaucoup insisté, monsieur le sénateur, sur notre volonté de redonner à l'école de la nation des repères, de faire en sorte que les valeurs qui la fondent - votre citation de Jules Ferry les met nettement en évidence - soient perçues à nouveau par tous les acteurs.

Il est exact que nous avons cherché à agir en ce sens. S'agissant en particulier de la lutte contre l'incivilité et la violence scolaire, nous avons cherché non seulement à réprimer, mais surtout à rappeler le caractère presque sacré de l'espace scolaire, où les actes qui contreviennent aux lois de la République sont encore plus insupportables que dans la rue.

Notre lutte contre la violence scolaire commence d'ailleurs à porter ses fruits. Ainsi, j'ai participé ce matin au conseil de sécurité intérieure, que présidait le Président de la République, et nous avons enregistré, pour cette année, une baisse très sensible, à hauteur de 8,6 %, du nombre des incidents par rapport à l'année précédente.

En outre, les professeurs, pour la première fois depuis quinze ans, ne considèrent pas que les violences scolaires soient le premier problème qui se pose à eux. Ils ne les classent plus qu'au deuxième rang, ce qui est assez nouveau.

Je ne rappellerai pas les actions que nous avons engagées sur ce plan, puisque M. le sénateur Demuynck l'a très bien fait. J'affirmerai simplement que nous allons maintenir les dispositifs relais, poursuivre le renforcement de l'école ouverte et continuer à faire en sorte que l'école accueille ceux qui en ont le plus besoin, en particulier aux heures où ils sont livrés à eux-mêmes. Notre objectif est qu'un véritable contrat de vie scolaire s'établisse entre les familles et l'établissement que fréquentent leurs enfants.

Il faut aussi prévenir. Par conséquent, il convient de lutter contre l'absentéisme, parce qu'un élève absent risque d'être entraîné dans une dérive, vers la délinquance. Il importe de mieux coordonner les actions de prévention, de s'assurer du bon fonctionnement des comités ad hoc et de faire en sorte que nos professeurs ne soient plus affectés dans les établissements les plus difficiles lorsqu'ils y sont le moins préparés, sachant que 60 % des premières affectations se font dans de tels établissements.

Vous avez en outre relevé, monsieur le sénateur, la recrudescence de violences à caratère physique et sexuel, et souligné que nous devions conduire avec beaucoup de détermination la lutte contre ces agissements. Le Gouvernement y est tout à fait décidé. Dans cette perspective, je voudrais, si vous le permettez, monsieur Demuynck, profiter de cette occasion pour annoncer à la Haute Assemblée que le Premier ministre vient de vous confier une mission sur les rapports entre les établissements scolaires et leur environnement en matière de violence à l'école. Il s'agira d'étudier toutes les formes que prend l'importation de la violence extérieure dans l'enceinte des établissements scolaires - le racket, le trafic de drogue, les intrusions diverses - et de définir de nouveaux modes de relation avec les partenaires de l'école, les services de l'Etat, les collectivités territoriales.

Le rapport sur ce thème que vous avez déjà commencé à élaborer, monsieur le sénateur, nous est très nécessaire. Nous aurons l'occasion de travailler ensemble, et, dans l'immédiat, je vous remercie d'avoir posé cette question, qui témoigne de beaucoup d'élévation et qui touche au coeur même de la question scolaire, à savoir la refondation du pacte républicain autour de l'école de la nation. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)

M. le président. La parole est à M. Christian Demuynck, auquel j'adresse mes félicitations. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. Christian Demuynck. Monsieur le ministre, je voudrais vous remercier, ainsi que M. le Premier ministre, de la confiance qui m'est accordée. Je tenterai modestement de dégager avec vous des solutions à ce problème d'incivilité et d'insécurité que nous rencontrons dans les écoles.

S'agissant de ma question, je vous remercie des réponses que vous venez de m'apporter. Elles confirment tout à fait la volonté du Gouvernement de continuer dans la voie que vous avez tracée depuis que vous êtes entré en fonctions, à savoir faire en sorte que les enfants étudient et que les enseignants enseignent, à l'abri des problèmes extérieurs à l'école.

M. René-Pierre Signé. Tout le monde est content ! On se congratule !

M. le président. Mes chers collègues, nous en avons terminé avec les questions-réponses, qui ont permis des échanges intéressants, certes parfois avec quelques redites, mais c'était sans doute inévitable.

Nous allons procéder à l'examen et au vote des crédits figurant aux état B et C concernant la jeunesse, l'éducation nationale et la recherche : I. - Jeunesse et enseignement scolaire.

ÉTAT B

Jeunesse, éducation nationale et recherche - I - Jeunesse et enseignement scolaire
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2004
Etat C - Titres V et VI

M. le président. « Titre III : 464 177 885 euros. »

Je mets aux voix les crédits figurant au titre III.

(Ces crédits sont adoptés.)

M. le président. « Titre IV : 135 811 703 euros. »

La parole est à M. René-Pierre Signé, sur les crédits. (Protestations sur les travées de l'UMP.)

M. René-Pierre Signé. Cela ne devrait pas vous indisposer. (Nouvelles protestations sur les mêmes travées.)

M. Jean Chérioux. Au contraire, c'est un régal !

M. René-Pierre Signé. Ce n'est pas une révolution, c'est une émeute ! (Sourires.)

Mon intervention concerne les contrats éducatifs locaux. Mme David les ayant évoqués, et fort bien, je serai sans doute amené à quelques redites. Ces contrats doivent permettre une synergie entre les divers partenaires et acteurs de l'éducation, à l'intérieur comme à l'extérieur de l'école, mais la mise en place de ce dispositif tarde. J'aimerais connaître les moyens financiers pouvant être consacrés à ces contrats, qui me semblent participer d'un enjeu extrêmement important d'ouverture de l'école.

Sans vouloir trop insister, on peut rappeler que les contrats mis en place en 1998 ont développé 9 000 projets éducatifs, me semble-t-il. On peut espérer que ce chiffre augmentera en 2004. Ces contrats reposaient pour beaucoup sur les aides éducateurs. Or vous supprimez 20 000 de ces postes en 2003, 15 000 autres en 2004 ainsi que les postes de MI-SE.

Vous savez que les assistants d'éducation ne les remplaceront pas : d'une part, parce qu'ils sont moins nombreux et, d'autre part, parce qu'on les affectera à d'autres tâches, par exemple à l'accueil des handicapés. Ce sont 10 000 postes qui vont disparaître. Il sera bien difficile de compenser cette perte de moyens humains indispensables.

C'est après coup que sera mesuré le rôle joué par ces aides éducateurs et le manque qui va être créé dans nos établissements. Le personnel qui les remplacera pourra exercer ces compétences dans plusieurs lieux, dans ou hors de l'établissement, ce qui fait que peu de comparaisons pourront être établies avec les aides éducateurs.

Les MI-SE jouaient aussi un rôle primordial, notamment en ce qui concerne la non-violence, l'éradication des menaces dont peuvent faire l'objet les enseignants et la possibilité pour ceux-ci de faire leurs cours sans contraintes.

Les contrats éducatifs locaux sont globalisés dans un article intitulé « Actions territoriales de promotion et de développement du sport », c'est-à-dire comprenant également le contrat éducatif et les subventions aux associations sportives locales.

On ne saura plus très bien ce qui va au contrat éducatif local et aux associations sportives, et, comme M. Todeschini l'a dit, une baisse de crédits ne facilitera pas la répartition, en baisse sensible depuis 2002 : 150 euros par poste Fonjep, gel de crédits. Le développement de l'éducation populaire, qui ne se résume pas à l'enseignement, me semble freiné.

Les postes CIVIS n'apporteront pas autant de souplesse que les emplois-jeunes. Ils sont proposés en priorité au monde associatif et les collectivités locales n'en bénéficieront pas.

Enfin, j'évoquerai les écoles ouvertes. Ce dispositif est intéressant - vous le constatez, monsieur le ministre, nous savons reconnaître les bonnes choses. Il consiste plus particulièrement à ouvrir les collèges pendant les vacances scolaires, voire les mercredi et samedi, pour offrir aux jeunes des activités scolaires et éducatives. La mesure favorisera une meilleure intégration à la vie scolaire.

L'intervention dans le monde éducatif des bénévoles est une idée intéressante. Ces bénévoles s'intéresseront non à l'enseignement mais plutôt à réduire l'illettrisme, défi majeur, à éradiquer la violence, à combattre aussi l'échec scolaire et à accueillir des enfants handicapés puisque, malgré la présence des AVS, l'encadrement s'avérera insuffisant.

C'est pourquoi je m'interroge sur la faiblesse des moyens qui leurs sont alloués, et notamment sur la baisse des effectifs d'encadrement car les contrats éducatifs locaux reposaient sur les aides éducateurs. La baisse de l'encadrement et de l'éducation populaire ne correspond pas aux discours très favorables que nous entendons sur l'école ouverte.

M. le président. Je mets aux voix les crédits figurant au titre IV.

(Ces crédits sont adoptés.)

ÉTAT C

Etat B - Titres III et IV
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2004
Art. 78

M. le président. « Titre V. - Autorisations de programme : 84 570 000 euros ;

« Crédits de paiement : 11 972 000 euros. »

Je mets aux voix les crédits figurant au titre V.

(Ces crédits sont adoptés.)

M. le président. « Titre VI. - Autorisations de programme : 29 080 000 euros ;

« Crédits de paiement : 9 308 000 euros. »

Je mets aux voix les crédits figurant au titre VI.

(Ces crédits sont adoptés.)

M. le président. J'appelle en discusion l'article 78, qui est rattaché pour son examen aux crédits affectés à la jeunesse et à l'enseignement scolaire.