SEANCE DU 17 DECEMBRE 2002


M. le président. Je suis saisi, par M. Muzeau, Mme Demessine, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, d'une motion n° 32, tendant à opposer la question préalable.
Cette motion est ainsi rédigée :
« En application de l'article 44, alinéa 3 du règlement, le Sénat décide qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la délibération sur le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, après déclaration d'urgence, portant relance de la négociation collective en matière de licenciements économiques. »
Je rappelle que, en application de l'article 44, alinéa 8, du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l'auteur de l'initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d'opinion contraire, pour quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.
En outre, la parole peut être accordée pour explication de vote, pour une durée n'excédant pas cinq minutes, à un représentant de chaque groupe.
La parole est à M. Guy Fischer, auteur de la motion.
M. Guy Fischer. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, cette question préalable n'est pas notre dernière bataille, car, de toute évidence, nous continuerons à lutter contre ce projet de loi.
Le volet anti-licenciement de la loi du 17 janvier 2002, dite de modernisation sociale, a d'emblée fait l'objet de vives critiques, d'oppositions résolues du MEDEF et de la droite.
Reprenant les thèmes chers au MEDEF, développés dans l'appel de cinquante-six grands patrons, vous avez alors dénoncé les dangers d'un « texte de circonstance », « improvisé pour des raisons politiques », « jouant contre l'emploi », « facteur d'insécurité juridique ». Tout cela a été rappelé aujourd'hui.
Dans son ensemble, l'opposition d'alors avait annoncé qu'en cas d'alternance politique elle reviendrait sur le dispositif en vigueur en matière de licenciement. Nous y sommes ! Le candidat Président de la République Jacques Chirac fixait la méthode : un droit de saisine préalable des partenaires sociaux sur toute initiative législative dans le domaine social.
Depuis la censure par le Conseil constitutionnel, saisi à votre demande, d'une disposition clé de cette loi très controversée portant nouvelle définition du licenciement économique, le patronat n'a eu de cesse d'agir pour que l'ensemble des autres dispositions de cette loi soient purement et simplement abrogées, car elles constituent des handicaps pour les entreprises dans la mesure où elles sont contraires à la loi du marché.
L'institution nouvelle d'un médiateur tiers à l'entreprise, la distinction claire pour les entreprises soumises à l'obligation d'établir un plan de sauvegarde de l'emploi entre la procédure diligentée dans le cadre du livre III et celle qui fut diligentée dans le cadre du livre IV, renforçant de fait les prérogatives des représentants du personnel en ce qui concerne le projet de restructuration, ont cristallisé les griefs.
Les arguments développés contre la loi de modernisation sociale voilà un an sont resservis à l'identique aujourd'hui.
Vous vous contentez d'affirmer, monsieur le ministre, sans jamais le démontrer, d'ailleurs, que le texte incriminé allongerait démesurément les procédures, pénaliserait les entreprises et réduirait l'attractivité du site France.
Or la fragilité de la loi de modernisation sociale tient justement au fait que, pour l'essentiel, ses dispositions n'ont pu trouver à s'appliquer faute de décret. C'est vrai pour le médiateur, dont l'objet est de rapprocher les points de vue du chef d'entreprise et du comité d'entreprise sur le projet de restructuration et de compression d'effectif, puisque vous n'avez pas officialisé la liste des médiateurs potentiels. C'est également vrai de l'obligation de réindustrialisation des bassins d'activité, des sites totalement ou partiellement fermés.
Concernant la durée de la procédure de licenciement, là encore, vous usez de faux prétextes pour mettre à mal les moyens nouveaux dont pouvaient disposer les représentants du personnel pour être en mesure de discuter du bien-fondé des projets de restructuration. Selon un directeur adjoint d'une direction départementale du travail, « il est vrai sur le papier que les délais ponctuant le déroulement de la procédure d'information et de consultation du comité d'entreprise dans le cadre du livre IV ont été rallongés ; mais, dans les grands dossiers de la taille de Whirlpool, la discussion économique et le volet social étaient déjà dissociés ; la durée théorique était de toute façon dépassée ».
Les justifications avancées à l'appui de la nécessaire évolution des règles en matière de licenciement économique ne nous satisfont guère plus.
S'agissant de la « sécurité juridique », monsieur le ministre, nous n'avons pas, loin s'en faut, la même conception de ce vocable. Dans la mesure où rien n'est plus insupportable à l'employeur que de devoir payer a posteriori les conséquences d'un licenciement abusif ou, pis encore, de devoir réintégrer un salarié injustement licencié, vous vous employez, messieurs, à sécuriser non pas l'emploi mais les licenciements !
Je reviendrai ultérieurement sur cette question lorsque je développerai notre appréciation sur les accords de méthode.
En ce qui concerne la place réservée actuellement à la négociation par notre législation en matière de licenciement économique, contrairement aux remarques faites à ce sujet par M. le rapporteur, la négociation d'un plan social est d'ores et déjà prévue par le code du travail, en son article L. 321-6.
Mais cette négociation est subordonnée à deux principes qui, de toute évidence, gênent les promoteurs de ce projet de loi.
Il s'agit, d'une part, de la consultation préalable du comité d'entreprise pour tout ce qui concerne la marche générale de l'entreprise et les décisions ayant des conséquences sur l'emploi. C'est un principe dont la jurisprudence a déduit « que le plan social, qui est d'abord un acte unilatéral de l'employeur, doit être discuté au sein du comité avant de pouvoir être adopté au cours d'une négociation avec les syndicats sous forme d'un accord collectif ». Je cite là la décision du tribunal de grande instance de Nanterre du 11 mars 1994 concernant IBM France.
Il s'agit, d'autre part, de la soumission de l'accord collectif aux dispositions d'ordre public relatives au contenu obligatoire du plan social.
Pourquoi, dès lors, chercher à introduire cette négociation et à transformer le plan de sauvegarde de l'emploi en convention négociée si ce n'est pour mieux contourner ces deux verrous, avec toutes les conséquences qui en résultent ?
L'argument selon lequel la loi actuelle serait en contradiction avec les dispositions de la directive européenne du 20 juillet 1998 relative au rapprochement des législations des Etats membres relève, à notre sens, de l'escroquerie intellectuelle. (Exclamations sur les travées de l'UMP.)
M. Alain Gournac, rapporteur. C'est un peu fort !
M. Guy Fischer. Ecoutez-moi, c'est ma dernière prise de parole importante !
Certes, cette directive prévoit que l'employeur est tenu de procéder en temps utile à des consultations des représentants du personnel en vue d'aboutir à un accord, mais elle prévoit aussi qu'il faut entendre par « représentants des travailleurs » les « représentants des travailleurs prévus par la législation ou la pratique des Etats membres ». Or la législation française repose, depuis des décennies, sur deux types de représentation, la représentation élue et la représentation syndicale.
Il est donc parfaitement abusif de soutenir que la directive communautaire privilégierait l'accord avec les organisations syndicales en ce qui concerne la consultation du comité d'entreprise.
De même, la directive, si elle tend à favoriser la recherche d'un accord, qui, répétons-le, est déjà prévu en droit français, laisse la décision ultime en cas de désaccord à l'employeur.
Mais, puisque vous croyez pouvoir prendre appui sur la directive, je souhaite connaître votre opinion sur le paragraphe 4 de son article 4. Celui-ci permet à l'autorité publique de prolonger de soixante jours le délai entre le jour où elle est informée du projet de licenciement collectif et le jour d'envoi des lettres de licenciement « lorsque les problèmes posés par les licenciements collectifs envisagés risquent de ne pas trouver de solution dans le délai initial, qui est déjà de trente jours ». Voilà qui ne cadre pas vraiment avec la volonté d'aboutir à des procédures beaucoup plus rapides que les procédures actuelles !
Le projet de loi que vous défendez, monsieur le ministre, répond aux exigences fortes de certaines entreprises qui répugnent à voir leurs choix économiques discutés, qui souhaitent s'affranchir des différentes étapes de consultation du comité d'entreprise pour accélérer la mise en oeuvre du plan social et désamorcer ainsi toute mobilisation des salariés.
La question de la prévention des licenciements économiques est éminemment politique, dans la mesure où s'entrechoquent les sphères du social et de l'économique.
En fait, vous voulez prendre, à notre sens, une revanche sociale. Bien que vous vous en défendiez, monsieur le ministre, les modifications projetées sont uniquement dictées par des considérations idéologiques.
Au moment où la croissance fléchit, où le chômage repart à la hausse et où tous les secteurs d'activité, toutes les régions sont touchées par des annonces de restructuration avec leurs charrettes de licenciements, vous faites le choix risqué de lâcher du lest en direction des entreprises. Vous évacuez du code du travail des dispositions de nature à prévenir les licenciements économiques, à renforcer les droits d'intervention des salariés, qui sont tout de même les premiers concernés par les décisions prises, et à responsabiliser davantage les employeurs dans le cadre des projets de restructuration.
Vous avez défait la loi relative aux 35 heures ; vous avez décidé la fin des emplois jeunes.
Au moment de l'examen des crédits de l'emploi, nous avons dénoncé, rappelez-vous, les choix que vous faites en matière de politique économique et sociale.
En 2003, le montant des exonérations de cotisations sociales sur les bas salaires sera supérieur aux crédits d'intervention de votre ministère, qui sont pourtant nécessaires au traitement social du chômage, mais aussi au soutien des actions volontaristes susceptibles d'augmenter en volume l'emploi.
Quelle que soit la volonté de ce gouvernement de policer le message, votre acharnement à répéter que ce projet de loi ne touche pas aux droits propres des salariés mais uniquement à la forme, à la procédure applicable en matière de licenciement économique, prouve le contraire.
Le débat à l'Assemblée nationale, « l'appel au réflexe d'intelligence économique et sociale » lancé par certains députés à l'appui d'amendements visant à pousser plus loin la simplification entreprise aboutissent à réduire la protection du droit à l'emploi.
Votre texte, monsieur le ministre, satisfait doublement le MEDEF dans le mesure où, en plus de la suspension de onze articles de la loi de modernisation sociale, la primauté du contrat et de l'accord d'entreprise sur la loi se trouve consacrée.
M. Roland Muzeau. Eh oui !
M. Guy Fischer. Selon vos propres termes, « mesure après mesure, vous déplacez le curseur entre la loi et le contrat ». Nous ne partageons pas votre souhait « d'imaginer une subsidiarité sociale ». La seule véritable protection reste, selon nous, celle de la loi et ses dispositions d'ordre public.
Nous sommes conscients du réel apport de votre projet de loi, monsieur le ministre, qui est loin de se limiter à la simple mise entre parenthèses de la loi de modernisation sociale. Notre rapporteur note très justement que ce texte « constitue en effet une première étape dans la vie de la réforme de notre droit du licenciement ».
Toutefois, toutes les vérités ne sont pas bonnes à dire, monsieur le ministre, et vous passez sous silence le fait que le régime antérieurement applicable en matière de licenciement ouvert à la négociation interprofessionnelle pourrait lui aussi être revu. Or deux droits actuels qui ne résultent nullement de la loi de modernisation sociale mais du droit antérieur je pense à l'article L. 321-4-1 résultant de la loi du 27 janvier 1993, sur initiative communiste sont dans le collimateur du MEDEF et de certains membres de la majorité proches de ce milieu. Il s'agit, d'une part, du droit du comité d'entreprise ou de toute organisation syndicale représentative de contester l'insuffisance du plan social et d'en obtenir l'annulation jusques et y compris dans ses effets, c'est-à-dire l'annulation des licenciements eux-mêmes. Il s'agit d'autre part, du droit, pour chaque salarié licencié dans le cadre d'un plan social, de contester l'insuffisance du plan devant le conseil des prud'hommes et d'obtenir, à titre individuel, sa réintégration. (M. le rapporteur manifeste son impatience.)
Monsieur le rapporteur, je dispose de quinze minutes !
M. Alain Gournac, rapporteur. C'est long !
M. Guy Fischer. Nous faisons des efforts pour terminer cette nuit l'examen de ce texte, et M. le rapporteur marque déjà son impatience !
M. Alain Gournac, rapporteur. Nous perdons du temps !
M. Roland Muzeau. Un peu de décence, monsieur le rapporteur !
M. Guy Fischer. Un quart d'heure, c'est peu, sur des sujets aussi importants !
M. Michel Mercier. Allons, monsieur Fischer, la colère est mauvaise conseillière !
M. le président. Veuillez poursuivre, monsieur Fischer. M. Guy Fischer. Ce droit s'applique même dans le cas où le comité d'entreprise et les syndicats n'ont pas agi en amont ou si, ayant agi, leur demande a été rejetée par le tribunal de grande instance.
La très célèbre jurisprudence « Samaritaine », qui a permis de confirmer que la nullité qui affecte le plan social s'étend à tous les actes subséquents, en particulier aux licenciements prononcés par l'employeur, et qui impose la poursuite des contrats de travail illégalement rompus a été attaquée frontalement à l'Assemblée nationale. Les députés chefs d'entreprises de l'UMP et de l'UDF, fondateurs du club Génération Entreprise, ont provisoirement retiré leur amendement visant à supprimer cet acquis.
Une fois de plus, monsieur le ministre, le Gouvernement a excellemment joué son rôle de modérateur social en ne cédant pas, en apparence, aux pressions de cette frange de la majorité.
Toutefois, nous savons pertinemment que, au fond, vous partagez les motivations des auteurs de ces amendements jusqu'au-boutistes. Vous contenez leurs ardeurs à pousser encore plus loin la simplification uniquement pour ne pas faire trop de vagues.
Il est en effet inutile d'agiter un chiffon rouge alors que d'autres dispositions du projet de loi - l'article 2 notamment - peuvent aboutir à la remise en cause de ces droits.
Monsieur le ministre, nous avons pris la mesure des risques que font courir vos accords de méthode. A titre expérimental, ils pourront déroger à l'ordre public social et il est à craindre que, dans les mois à venir, sans attendre l'issue de la négociation nationale, ils permettent de supprimer les avancées législatives et jurisprudentielles intervenues depuis 1993.
Le moins que l'on puisse dire est que les syndicats de salariés, non-demandeurs d'une négociation nationale sur la modernisation du droit du licenciement économique, cette matière relevant de la compétence du législateur, voient mal comment cette négociation nationale interprofessionnelle pourrait aboutir. Le MEDEF ne le souhaite pas. De plus, - et c'est là l'essentiel -, comme l'exprime le secrétaire confédéral de FO, Jean-Claude Quentin, les syndicats voient mal comment ils pourront « négocier avec le patronat des dispositions qui seraient en retrait par rapport à celles qu'on suspend ».
Dans de telles conditions, les partenaires sociaux ont peu de chances d'aboutir à un accord. Par conséquent, les risques sont grands de voir demain les accords d'entreprise dérogatoires constituer le socle que reprendra le législateur à l'issue des dix-huit mois de suspension.
Dans l'état actuel des textes, rien n'interdit aux partenaires sociaux de convenir, par un accord de méthode, des conditions dans lesquelles doivent s'effectuer les différentes phases de la procédure de consultation des institutions représentatives du personnel, notamment en matière de restructuration.
Je vais conclure,...
M. Michel Mercier. Parce que c'est l'heure !
M. Guy Fischer. ... mais j'aurai l'occasion de m'exprimer de nouveau sur ce sujet.
M. Alain Gournac, rapporteur. Nous aussi ! (Sourires.) M. Guy Fischer. Le seul et unique objet de la loi Fillon sera de permettre des accords dérogatoires, et ce pour une raison simple : la loi actuelle permet déjà de conclure des accords non dérogatoires.
Pour la même raison, lorsqu'il est indiqué que l'objectif est de conforter les accords de méthode déjà signés, il faut comprendre qu'il s'agit de légaliser les accords illicites déjà signés.
Je m'arrête là, car je sens que l'on ne me prête plus guère d'attention. Mais je poursuivrai plus tard ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. le président. Y a-t-il un orateur contre la motion ?...
Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Gournac, rapporteur. Vous ne serez pas étonnés, mes chers collègues, que je sois tout à fait opposé à cette proposition, la question préalable consistant de fait à revenir à ce que nous ne voulons pas.
Pour notre part, nous voulons instaurer le dialogue social dans ce pays ; nous voulons tenter pendant dix-huit mois de faire évoluer la situation.
C'est la raison pour laquelle j'émets, au nom de la commission, un avis défavorable.
M. François Trucy. Très bien !
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ? M. François Fillon, ministre. Je ne suis pas sûr d'avoir bien compris quelle était la justification de la question préalable, mais il est vrai que M. Fischer n'a pas pu aller jusqu'au bout de sa démonstration. (Sourires ironiques sur les travées de l'UMP.) En revanche, j'ai bien entendu le raisonnement qui a été le sien.
Premier élément de la démonstration : nous ne pouvons pas savoir si la loi de modernisation sociale est mauvaise puisqu'elle n'a pas été appliquée.
Ce n'est pas vrai ! Beaucoup de dispositions de cette loi étaient d'application immédiate. C'était le cas de la non-concomitance des procédures, de l'allongement des procédures d'information du comité d'entreprise, de l'obligation de négocier le passage aux 35 heures, et du deuxième constat de carence de l'administration. Par conséquent, les procédures les plus contraignantes de la loi de modernisation sociale s'appliquaient déjà.
Il est vrai que certaines d'entre elles, telles que le doublement de l'indemnité de licenciement, le médiateur, le congé de reclassement, nécessitaient des décrets, qui d'ailleurs ont été pris. D'autres prévoyaient des décrets qui ne l'ont pas été, que ce soit par le gouvernement précédent ou par le nôtre ; il est clair que nous n'allions pas nous précipiter pour prendre des décrets relatifs à un texte que nous considérons comme dangereux tant pour l'économie que, finalement, pour l'emploi !
Deuxième élément de l'argumentation : les dispositions de la loi de modernisation sociale ne sont pas excessives, notamment eu égard aux dispositions existant dans les autres pays européens.
J'ai eu l'occasion de donner mon sentiment et ma réponse sur ce point.
Troisième élément de la démonstration : en réalité, ce texte n'obéit qu'à un désir de revanche sociale et il s'inscrit dans un choix risqué de modification des instruments de la politique de l'emploi à un moment où la conjoncture est plus difficile.
Je vous répondrai, monsieur le sénateur, que nous modifions la politique de l'emploi précisément parce que nous pensons qu'elle n'a pas réussi. Elle n'a pas permis à la France, une fois la croissance en recul, d'atteindre des performances comparables à celles des autres pays européens. Nous n'aurions pas touché à des dispositions qui fonctionnaient.
Nous sommes convaincus que ces dispositions non seulement n'ont pas amélioré, malgré leur coût excessif pour les finances publiques, les performances de notre pays en matière d'emploi, mais que, de surcroît, maintenant que la croissance est moins forte, elles pèsent sur notre compétitivité et nous font courir un risque de désindustrialisation.
Quatrième élément de la démonstration : les accords d'entreprise visent en réalité à remettre en cause l'ordre public social.
Je voudrais sur ce point vous rassurer, si cela est possible. L'accord de méthode ne remet en rien en cause l'ordre public social. Il ne remet en cause ni le droit du comité d'entreprise à être consulté sur le projet de restructuration et sur les mesures du plan social, ni son droit de formuler des propositions alternatives, ni les prérogatives de l'administration, évidemment, et encore moins les obligations concernant le contenu et la qualité des mesures sociales.
Ce sont bien ces principes qui sont d'ordre public social, et non pas les modalités de leur mise en oeuvre, qui peuvent effectivement faire l'objet d'expérimentations, d'accords dérogatoires. Ces derniers sont limités dans le temps à deux ans et trouveront naturellement leur aboutissement, positif ou négatif, dans le texte final que le Gouvernement vous soumettra après la négociation.
Enfin - et c'est le dernier élément de votre argumentation, monsieur Fischer -, vous dites que la négociation n'aura pas lieu parce que, finalement, personne ne voudra négocier. Je ne le crois pas. Je reconnais que nous prenons un risque en nous engageant dans cette voie ; c'est d'ailleurs ce qui me fait dire que la suspension est plus courageuse que l'abrogration, car elle va nous obliger dans dix-huit mois à revenir devant le Parlement, alors que nous aurions pu abroger cette disposition et ne pas poursuivre ce débat difficile.
Je suis convaincu que nous allons obtenir l'ouverture de ces négociations. Nous n'avons pas d'autre choix que de conduire les partenaires sociaux vers de nouvelles négociations sur la formation professionnelle, le droit des licenciements, les conditions de la démocratie sociale, parce que c'est la condition de l'évolution de notre système économique et social.
Je propose au Sénat, dans ces conditions, de repousser la question préalable.
M. le président. La parole est à M. Gilbert Chabroux, pour explication de vote.
M. Gilbert Chabroux. La démonstration de notre collègue Guy Fischer a été claire et probante. Le groupe CRC et le groupe socialiste aboutissent à la même conclusion : ce projet de loi est dangereux. Par conséquent, nous voterons la motion tendant à opposer la question préalable.
M. le président. La parole est à M. François Zocchetto, pour explication de vote.
M. François Zocchetto. Il est urgent de modifier la loi du 17 janvier 2002, tout d'abord parce que ce texte a déjà produit trop d'effets négatifs en termes d'emploi depuis quelques mois, ensuite parce qu'il est impératif de relancer le dialogue social.
Nous voterons donc contre la motion tendant à opposer la question préalable.
M. le président. Je mets aux voix la motion n° 32, tendant à opposer la question préalable.
Je rappelle que l'adoption de cette motion entraînerait le rejet du projet de loi.

(La motion n'est pas adoptée.)
M. le président. En conséquence, nous passons à la discussion des articles.

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