SEANCE DU 9 DECEMBRE 2002


M. le président. L'amendement n° II-116, présenté par MM. Domeizel, Miquel, Massion, Moreigne, Sergent, Demerliat, Charasse, Lise, Haut, Marc, Angels, Auban et les membres du groupe socialiste et rattachée, est ainsi libellé :
« Après l'article 58, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« Le dernier alinéa du II de l'article 1521 du code général des impôts est supprimé à compter du 1er janvier 2003. »
La parole est à M. Gérard Miquel.
M. Gérard Miquel. Nous restons sur le même sujet, puisque cet amendement n° II-116 vise à supprimer les dispositions qui prévoient que les locaux situés dans la partie de la commune où ne fonctionne pas le service d'enlèvement des ordures ménagères sont exonérés de la taxe sur l'enlèvement des ordures ménagères. Cette proposition est, certes, un peu radicale, mais, aujourd'hui, tous nos territoires sont desservis par un service de collecte des déchets ménagers.
Cette mesure répond à un véritable problème auquel sont confrontés les maires des communes rurales. En effet, l'éloignement d'une habitation des conteneurs de ramassage des ordures justifie, selon les tribunaux administratifs, un dégrèvement de la TEOM.
Cette situation comporte de nombreux inconvénients dans les communes rurales où l'habitat est particulièrement clairsemé. En effet, d'une part, la distance retenue par la jurisprudence varie parfois d'un tribunal à l'autre, ce qui fragilise juridiquement la taxe et, d'autre part, cela fait obstacle au développement pourtant rationnel de la mécanisation de la collecte ou de la mise en place de conteneurs.
La suppression de ce cas d'exonération ne semble pas déraisonnable dans la mesure où, à la différence de la redevance, la TEOM a un caractère fiscal : ainsi, son montant n'est pas intimement lié au coût du service rendu.
Notre groupe vous propose d'adopter le présent amendement, car ces dispositions permettraient aux communes rurales de sécuriser les recettes procurées par la TEOM, tout en développant l'utilisation des conteneurs, ce qui s'inscrit dans une politique de protection de l'environnement et constitue une source d'économie pour les contribuables.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. Je suis très sensible à la proposition qui est formulée dans cet amendement. Je citerai un exemple : la commune de Compiègne est une commune agglomérée, mais les quatre cinquièmes du territoire se trouvent dans la forêt domaniale. Or, dans cette forêt - Georges Othily s'en souvient - il y a des hameaux, dont au moins deux sont implantés sur le territoire communal de Compiègne. L'enlèvement des ordures ménagères ne s'y fait pas et la question se pose de savoir comment traiter les résidents au regard de la taxe d'enlèvement des ordures ménagères.
J'ai écouté avec intérêt le propos de notre collègue Gérard Miquel, car il faut trouver une solution offrant une sécurité juridique aux collectivités qui sont dans une situation de ce genre ; celles-ci sont très nombreuses en milieu rural.
En fait, ce que nous propose notre collègue, c'est de supprimer une disposition qui tend à instiller un peu de redevance dans la taxe, si j'ose m'exprimer ainsi, pour que le non-accomplissement du service soit bien pris en compte par une exonération des locaux non desservis par le service de ramassage.
M. Gérard Miquel. De la REOM dans la TEOM ! (Sourires.)
M. Philippe Marini, rapporteur général. En quelque sorte, mon cher collègue !
Pourtant, s'il était avéré, comme l'indiquent les auteurs de l'amendement, que les tribunaux administratifs ont des interprétations différentes du droit en vigueur, les collectivités locales ne seraient plus égales devant la possibilité d'accorder l'exonération, et l'égalité des contribuables devant l'impôt en souffrirait.
Peut-être pourrait-on améliorer la rédaction du texte en vigueur en essayant de préciser ce qu'il faut entendre par les mots : « locaux situés dans la partie de la commune où ne fonctionne pas le service d'enlèvement des ordures », plutôt que de supprimer une disposition dont la logique demeure bonne.
Monsieur le ministre, c'est à la suite de ces considérations que la commission est amenée à solliciter votre avis.
M. le président. Quel est donc l'avis du Gouvernement ?
M. Alain Lambert, ministre délégué. Chacun connaît l'expérience de Gérard Miquel en la matière. Je voudrais donc lui demander si, en fait, il souhaite, par cet amendement, faire échec à la jurisprudence administrative qui exonère de la taxe d'enlèvement des ordures ménagères des locaux qui, compte tenu de leur éloignement par rapport au point le plus proche où passent des véhicules de nettoiement, sont considérés comme ne bénéficiant pas de ce service.
La proposition n'est pas dénuée de logique. Cela étant, à ce stade, il me semble difficile de la retenir. Il ne serait pas justifié, en effet, que la taxe soit réclamée systématiquement, quelle que soit la situation réelle de l'usager. Vous le savez, c'est un point auquel les contribuables locaux sont très attentifs : les nombreux courriers que nous recevons dans nos mairies ou au siège de nos intercommunalités, ainsi que ceux qui sont adressés au ministère de l'économie, des finances et de l'industrie, montrent leur sensibilité sur cette question.
Cela étant, monsieur Miquel, l'amendement que vous présentez et les commentaires de M. le rapporteur général prouvent la difficulté que nous avons, parfois, à organiser de manière cohérente la fiscalité la plus appropriée à ce domaine.
Vous le savez mieux que personne, puisque, dans votre département, vous travaillez depuis longtemps sur ce sujet, les communes ou les établissements publics de coopération intercommunale dans lesquels la taxe d'enlèvement n'apparaît pas adaptée aux modalités d'organisation du service peuvent toujours restituer la redevance, laquelle permet de proportionner le montant de la cotisation à l'importance du service rendu.
Mais j'ai bien compris que vous souhaitiez préserver la taxe. Nous pourrions utilement réexaminer cette question dans le cadre des travaux que nous engagerons au cours des prochaines semaines pour adapter les régimes en vigueur. Pour l'instant, il me semble prématuré d'anticiper leurs conclusions.
Pour l'ensemble de ces raisons, après avoir ententu votre proposition, monsieur le sénateur, tout bien pesé, je vous demande de retirer cet amendement. A défaut, il me semblerait plus raisonnable de le rejeter.
M. le président. L'amendement est-il maintenu, monsieur Miquel ?
M. Gérard Miquel. J'ai bien entendu vos explications, monsieur le ministre. Il s'agit là d'un réel problème, que nous évoquons lors de chaque débat budgétaire.
La taxe d'enlèvement des ordures ménagères permet à la collectivité d'avoir une recette assurée, puisque l'Etat prend en charge la collecte moyennant rétribution, alors que la redevance peut donner lieu parfois à des impayés, que la collectivité ne parvient pas à recouvrer. Il nous faut travailler - élus, services de Bercy - pour trouver une solution équitable. Aujourd'hui, la taxe est calculée sur les bases du foncier bâti. Or celles-ci n'ont pas été réévaluées depuis plus de trente ans.
La taxe d'enlèvement des ordures ménagères constitue une entrave à l'intercommunalité. Supposons qu'une ville-centre crée une communauté de communes ou une communauté d'agglomérations avec la périphérie, comme nous le souhaitons tous et comme nous en avons constitué de nombreuses : la taxe s'applique alors sur un territoire où les bases sont très différentes. Certes, on peut faire varier le taux en fonction du service rendu. Mais si le service rendu est le même, le taux restera inchangé.
Il nous appartient de trouver un mode de calcul différent et de garder, pour ce qui est de la perception de la taxe, le système actuellement en vigueur, qui préserve la recette pour la collectivité puisqu'elle est prélevée en même temps que les impôts.
Monsieur le ministre, nous avons là un beau chantier devant nous, et j'espère que vous aurez la volonté, vous qui connaissez bien ce problème, de nous aider à résoudre ce problème pour l'ensemble des collectivités de ce pays.
Pour vous être agréable, monsieur le ministre, je retire cet amendement.
M. le président. L'amendement n° II-116 est retiré.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° II-140 rectifié, présenté par M. Guené, est ainsi libellé :
« Après l'article 58, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - La section VII du chapitre premier du titre premier de la deuxième partie du livre premier du code général des impôts est modifiée comme suit :
« 1° Au I de l'article 1521, les mots : "taxe foncière sur les propriétés bâties ou qui en sont temporairement exonérées" sont remplacés par les mots : "taxe d'habitation".
« 2° L'article 1522 est rédigé comme suit :
« Art. 1522. - La taxe est établie d'après la valeur locative servant de base à la taxe d'habitation visée à l'article 1494.
« La taxe est établie d'après la valeur locative afférente à l'habitation principale de chaque contribuable et majorée en fonction du nombre de personnes figurant à charge.
« Les communes et les établissements publics de coopération intercommunale déterminent le taux et peuvent plafonner par délibération la taxe.
« La base de l'imposition des logements occupés par les fonctionnaires et les employés civils ou militaires visés à l'article 1523 est égale à leur valeur locative déterminée dans les conditions prévues à l'article 1494 et diminuée de 50 % ».
« 3° L'article 1523 est rédigé comme suit :
« Art. 1523 . - La taxe est imposée au nom des personnes qui ont, à quelque titre que ce soit, la disposition ou la jouissance des locaux imposables et exigibles contre eux.
« Les fonctionnaires et les employés civils et militaires logés dans les bâtiments appartenant à l'Etat, aux départements, aux communes ou aux hospices sont imposables nominativement pour les locaux affectés à leur habitation personnelle.
« Il en est de même des sociétés d'attribution d'immeubles en jouissance à temps partagé.
« Les dispositions du II de l'article 1408 ne sont pas applicables à cette taxe ».
« 4° A la fin de l'article 1524, les mots : "taxe foncière" sont remplacés par les mots : "taxe d'habitation".
« II. - Les dispositions du I ci-dessus entreront en vigueur le 1er janvier 2004. »
L'amendement n° II-115, présenté par M. Domeizel, est ainsi libellé :
« Après l'article 58, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« Le premier alinéa de l'article 1523 du code général des impôts est ainsi rédigé :
« La taxe est imposée au nom des propriétaires ou usufruitiers ou le cas échéant de leurs locataires et exigible contre eux. Les dispositions de l'article 1686 s'appliquent au recouvrement de la taxe. »
La parole est à M. Charles Guené, pour défendre l'amendement n° II-140 rectifié.
M. Charles Guené. En réalité, cet amendement se situe dans le prolongement de la discussion que nous avons eue lors de l'examen de l'amendement n° II-101.
L'acceptation du Gouvernement de reporter le délai fixé par la loi du 13 juillet 2000 traduit une prise en compte des problèmes rencontrés par les collectivités pour harmoniser les financements à l'intérieur d'un même périmètre.
Cela est tout à fait salutaire dans la mesure où le délai laissé pour mettre en oeuvre le dispositif prévu par la loi du 12 juillet 1999 n'était pas tenable en l'état actuel de la réglementation et aurait pu avoir des effets néfastes sur l'ensemble de notre territoire.
Le report était donc nécessaire, mais il n'est pas suffisant. En effet, si aucun dispositif n'est mis en place pour faciliter l'harmonisation durant ce délai, le législateur sera effectivement conduit à solliciter le report sine die.
En réalité, la problématique réside dans des aspirations antinomiques entre les zones rurales et les zones urbaines.
Les zones rurales sont attachées à la redevance en raison de l'inclination à la responsabilisation des citoyens, qui permet une prise en compte du volume des ordures ménagères et du nombre des usagers, éléments qui peuvent être maîtrisés en zones de faible densité démographique.
Les zones urbaines, quant à elles, ne pouvant maîtriser cette gestion, s'en remettent à la taxe qui procure, par ailleurs, des facilités de recouvrement par la cible du foncier bâti, payeur docile, si j'ose dire. Force est cependant de constater que le foncier bâti n'a pas de lien avec le service concerné.
La solution d'accord des tenants de la taxe et de la redevance pourrait donc résider dans la création d'un système alternatif, c'est-à-dire, si vous me permettez cette facétie, une TEOM au goût de REOM, qui réunirait non seulement la facilité de recouvrement de la taxe, une part de solidarité par un plafonnement, mais aussi une responsabilisation par la prise en compte de l'usage. Ce dispositif exclurait, par ailleurs, le bénéfice des abattements liés à une fiscalité qui n'est pas celle des ordures ménagères.
Dès lors, cet amendement a pour objet de proposer la mise en place d'une TEOM assise sur la taxe d'habitation assortie des dispositions suivantes : d'abord, la prise en compte d'une majoration du taux en fonction des personnes à charge, ce qui est aisé à mettre en oeuvre puisque ces renseignements figurent sur l'avis d'imposition de la taxe d'habitation ; ensuite, le plafonnement de la taxe possible - égale au produit d'une valeur locative déterminée par le nombre de personnes à charge maximum - décidée par la collectivité ; enfin, la suppression des exonérations liées à la taxe d'habitation pour la taxe ainsi définie, puisqu'il ne serait pas souhaitable - nous le savons - de faire porter sur cette TEOM nouvellement définie les exonérations dont bénéficie actuellement la taxe d'habitation.
Cette nouvelle taxe permettrait aux territoires possédant des structures de pouvoir se rapprocher, tout en garantissant le recours à la REOM chaque fois que cela serait jugé nécessaire par les collectivités concernées.
Pour essayer de vous séduire encore un peu plus, monsieur le ministre, je dirai que cela devrait provoquer un engouement pour cette TEOM, qui, chacun le sait, entraîne des frais de rôle de 7 %. Corrélativement, cette mesure devrait diminuer la charge de travail des trésoreries et de nos collectivités, ce qui ne serait pas négligeable.
M. le président. L'amendement n° II-115 n'est pas soutenu.
Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° II-140 rectifié ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. Notre collègue Charles Guené s'inscrit, par avance, dans le débat qui ne manquera pas de s'ouvrir sur ces sujets, et nous invite à une clarification. Il s'interroge : quelle assiette retenir pour la taxe d'enlèvement des ordures ménagères, celle de la taxe d'habitation ou celle du foncier bâti ? La solution de la taxe d'habitation est déjà ancienne, mais permettrait une certaine personnalisation du financement de l'enlèvement des ordures ménagères, sujet sensible s'il en est, et de plus en plus, compte tenu de l'alourdissement de la charge qu'il représente. D'ailleurs, qu'il s'agisse de mener à bien les plans départementaux de traitement des déchets ou d'attendre que ces plans soient en vigueur, en passant sous les fourches caudines des sociétés qui détiennent le monopole des décharges contrôlées, dans un cas ou dans l'autre, la question est bien souvent cruciale pour le contribuable redevable. Comment faire pour que le financement soit plus équitable ? Il faut une assiette qui tienne compte des comportements de la famille et de la qualité de déchets produits.
Notre collègue Charles Guené évoque d'autres aspects du problème, à savoir le vote du taux de la taxe et non plus du produit, sans doute dans le souci de limiter la progression que nos concitoyens contribuables perçoivent comme étant inflationniste. Il imagine ainsi un système assez complexe de modulation et de plafonnement des cotisations. Ces éléments doivent certainement être versés au débat dans le délai de trois ans dont nous disposons jusqu'à l'entrée en vigueur de la réforme prévue par la loi du 12 juillet 1999.
Monsieur le ministre, les ordures ménagères comme l'eau sont des dossiers cruciaux pour nos concitoyens. Il ne faudrait pas que les efforts de l'Etat visant à abaisser les prélèvements obligatoires - efforts conjugués à ceux des collectivités territoriales pour calculer au plus juste leur budget - et à limiter ainsi l'évolution du taux d'imposition soient contrariés par des systèmes de financement des ordures ménagères ou de l'eau qui se traduiraient par des ponctions de plus en plus importantes sur les budgets des ménages.
Nous mettrons à profit les trois années qui nous sont laissées pour mettre en oeuvre la loi de 1999 et élaborer un système clair pour tous.
Cela étant, la commission des finances souhaiterait connaître l'avis du Gouvernement sur cet amendement qui, jalon utile dans ce débat, ne lui semble cependant pas susceptible d'être adopté dans l'immédiat.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Alain Lambert, ministre délégué. La contribution au débat de M. Guené mérite quelques commentaires.
Si la modification proposée était retenue, le champ d'application de la taxe en serait réduit et, partant, le rendement attendu par les collectivités locales. En effet, les entreprises n'acquittent pas la taxe d'habitation, alors qu'elles acquittent la taxe foncière et, donc, la taxe d'enlèvement des ordures ménagères.
Par ailleurs, l'assiette de la taxe foncière, à ce stade en tout cas, me semble mieux appropriée aux services rendus et plus équitable que celle de la taxe d'habitation, cette dernière étant calculée en fonction d'éléments tirés de la situation personnelle du redevable qui ne correspondent pas nécessairement à l'importance du logement. Ainsi, plus la famille est nombreuse, plus l'impôt est faible, alors que le volume de déchets croît normalement en fonction du nombre de personnes qui vivent au foyer. Ces considérations sont bien connues de ceux qui travaillent sur le sujet, mais je les rappelle pour montrer la complexité du problème.
En définitive, retenir l'assiette de la taxe d'habitation présenterait vraisemblablement des inconvénients majeurs, notamment pour les six millions de contribuables qui, actuellement exonérés de taxe d'habitation, ne comprendraient pas pourquoi ils seraient désormais imposés au titre de cette taxe, même s'ils l'acquittent déjà, au fond, dans les charges quand ils sont locataires.
Quant à permettre aux communes et aux établissements publics de coopération intercommunale de déterminer le taux de la taxe et, sur délibération, de la plafonner, ce volet de l'amendement demande à être expertisé de manière plus approfondie. Le Gouvernement se garde bien, en effet, de prétendre avoir la science infuse. Il entend mettre à profit la prolongation du régime transitoire - quelle que soit la durée que la commission mixte paritaire retiendra - pour dégager des solutions qui doivent aller dans le sens d'une plus grande simplicité des dispositions applicables et d'une répartition plus équitable de la charge fiscale entre les contribuables locaux.
Sous le bénéfice de ces observations, monsieur le sénateur, je vous demande de bien vouloir retirer votre amendement, que je considère comme une contribution au débat. Toutes les solutions comportent des inconvénients et le groupe de travail chargé de réfléchir sur le sujet va devoir échanger beaucoup pour trouver la solution la plus appropriée et la plus équitable.
M. le président. Monsieur Guené, l'amendement est-il maintenu ?
M. Charles Guené. Chacun ici avait compris qu'il s'agissait d'un amendement d'appel. D'ailleurs, j'avais pris soin de préciser que ses dispositions ne seraient applicables qu'au 1er janvier 2004, de façon que chacun puisse s'assurer de leur pertinence. Reste qu'il était essentiel que le Gouvernement puisse nous confirmer aujourd'hui que la réflexion était engagée et que nous allions commencer à travailler. J'ai proposé une piste. Les fiscalistes ont l'imagination féconde. (Sourires.) Il fallait bien commencer par quelque chose. Mais c'est bien volontiers que je retire mon amendement.
M. le président. L'amendement n° II-140 rectifié est retiré.
L'amendement n° II-1 rectifié, présenté par MM. Joly, Mouly, de Montesquiou, Othily et Pelletier, est ainsi libellé :
« Après l'article 58, insérer un article additionnel rédigé comme suit :
« I. - Au 3° du IV de l'article 30 de la loi de finances pour 1985 (n° 84-1308) du 29 décembre 1984, les mots : « dans la limite de 35 % » sont remplacés par les mots : « dans la limite de 50 % ».
« II. - Après le 3° du IV de l'article 30 de ladite loi, sont insérés les 4° et 5° ainsi rédigés :
« 4° A la prise en charge de dépenses exposées pour des actions d'évaluation avant entrée en formation et en certification ;
« 5° A la prise en charge des dépenses exposées pour des expérimentations en matière de premières formations professionnelles, sous réserve d'un accord, au niveau de la branche, entre les organisations professionnelles et syndicales représentatives, prévoyant la part et les conditions d'affectation de ces fonds. »
La parole est à M. Georges Othily.
M. Georges Othily. La loi de finances pour 1985 détermine les conditions dans lesquelles les entreprises s'acquittent de leur contribution relative au financement des contrats d'insertion en alternance, y compris pour ce qui concerne les transferts autorisés de l'alternance à l'apprentissage, à hauteur aujourd'hui de 35 % du produit de la contribution d'alternance.
Au moment où la croissance ralentit, l'emploi des jeunes devient plus difficile. Nous nous proposons donc d'inciter l'industrie non seulement à maintenir mais encore à renforcer l'effort fait en faveur de l'apprentissage industriel, qui nous paraît être un gage pour l'avenir.
Pour ce faire, il est important d'accroître le nombre de jeunes préparant un baccalauréat professionnel en trois ans, filière confirmée en conseil des ministres par M. Luc Ferry, plus particulièrement pour les jeunes filles, afin de rééquilibrer leur présence dans les métiers intermédiaires de la technologie.
Cette ambition nécessite des moyens supplémentaires. C'est l'objet de l'amendement, qui tend à porter les possibilités de transfert de 35 %, taux applicable aujourd'hui, à 50 %.
Cet amendement est d'autant plus utile à l'apprentissage, spécialement à l'apprentissage industriel, qui coûte très cher, que la croissance ralentit, comme je l'ai dit.
Contrairement à une idée reçue, cette possibilité de financement supplémentaire de l'apprentissage industriel n'empêchera pas l'Association de gestion du fonds des formations en alternance, l'AGEFAL, d'apporter des concours aux branches qui bénéficient de la mutualisation des fonds de l'alternance.
En effet, même si les branches industrielles passaient toutes des accords avec leurs partenaires sociaux afin d'augmenter les moyens financiers de l'apprentissage, les excédents de leurs organismes collecteurs, et donc leurs transferts à l'AGEFAL, ne seraient amputés que d'une quarantaine de millions d'euros, alors que les comptes prévisionnels de l'AGEFAL font déjà apparaître un excédent de trésorerie de près de 221 millions d'euros. Cet excédent ne serait donc diminué que d'une quarantaine de millions d'euros, la fongibilité des fonds étant portée de 35 % à 50 %.
J'ajoute que, afin d'obtenir plus facilement l'agrément du Gouvernement sur cet amendement, l'on pourrait envisager de limiter cette majoration de transfert à la seule année 2003.
Cette augmentation du pourcentage des fonds de l'alternance susceptibles d'être transférés vers l'apprentissage suppose, une fois la loi votée, un accord de branche étendu, c'est-à-dire un accord avec les partenaires sociaux. La procédure d'extension permet donc au ministre, s'il le faut, de vérifier cet accord et de s'assurer au préalable de l'accord de l'AGEFAL.
C'est une des raisons pour lesquelles nous souhaitons voir cet amendement adopté par notre assemblée.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. Cet amendement pose opportunément la question des encouragements qu'il faut apporter à l'apprentissage, au sein des différents dispositifs d'enseignement en alternance. Vous désirez, monsieur Othily, porter de 35 % à 50 % la part de la contribution des entreprises au financement de l'alternance susceptible d'être transférée à l'apprentissage.
Par ailleurs, vous souhaitez élargir l'affectation des cotisations normalement destinées au financement de l'alternance à des actions d'évaluation et d'expérimentation en matière de formation professionnelle. Il y a donc bien deux volets dans le dispositif proposé.
Je rappelle que les taux des cotisations destinées à l'alternance sont fixés à 0,3 % ou à 0,4 % de la masse salariale des entreprises de plus de dix salariés. En général, ces cotisations sont collectées par les organismes paritaires collecteurs agréés, les OPCA, qui assurent le financement de la formation continue et qui sont, selon les caractéristiques économiques des branches, soit excédentaires, soit déficitaires. L'AGEFAL a précisément été créée pour alimenter les OPCA déficitaires afin d'épargner une contribution aux OPCA excédentaires.
En proposant de prélever une fraction modeste de la trésorerie disponible de l'AGEFAL, nos collègues souhaitent envoyer un signal politique en matière de priorité des formations initiales en apprentissage. En agissant ainsi, ils ne font d'ailleurs que reprendre, monsieur le ministre, des idées qui ont déjà été largement exprimées les années précédentes au sujet de la trésorerie globalement très excédentaire de l'AGEFAL. Par ailleurs, la possibilité d'élargir l'affectation des cotisations destinées au financement de l'alternance à d'autres actions aurait pour effet de diminuer les contributions des entreprises à certains OPCA. Dès lors, on alimenterait un peu moins le surfinancement global de l'AGEFAL.
On ne peut pas se cacher, quels que soient les intérêts des structures et de leurs défenseurs, que le mécanisme actuel fait converger sur l'AGEFAL une trésorerie structurellement excédentaire sur le plan central, alors que l'on aurait besoin de financer de nombreuses actions d'évaluation mais aussi, et surtout, me semble-t-il, de donner une forte impulsion financière aux formations en apprentissage.
Il est compréhensible que l'amendement de nos collègues suscite quelques mouvements divers, selon que l'on s'adresse à des branches plus ou moins consommatrices de formation en alternance, mais la question n'en demeure pas moins opportune. Quel que soit l'intérêt des structures, monsieur le ministre, il convient d'éclaircir la situation, de fixer le cap de la politique à suivre et de faire en sorte que l'argent des contributions obligatoires des entreprises soit bien mobilisé, selon les objectifs nationaux, dans l'intérêt des entreprises, mais aussi dans l'intérêt du système éducatif, du système de formation et d'une bonne insertion par l'emploi au sein des entreprises.
La commission des finances attend avec intérêt l'avis du Gouvernement sur cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Alain Lambert, ministre délégué. D'un mot, je rappelle les principes.
Le système de financement de l'alternance repose sur une mutualisation interprofessionnelle des excédents résultant de la collecte des fonds de l'alternance. Cette mutualisation et l'affectation des excédents aux branches qui collectent le moins sont assurées par les partenaires sociaux au sein de l'AGEFAL.
La proposition de M. Othily appelle les remarques suivantes.
Décider, avant de saisir les partenaires sociaux de cette question, d'accroître la part des fonds de l'alternance susceptibles d'être affectés au financement de l'apprentissage n'ira pas sans difficulté, à l'heure où s'engagent des négociations sur la réorganisation de la formation professionnelle. La proposition serait, en outre, préjudiciable à celles des branches qui collectent peu de fonds au titre de l'alternance et introduirait donc une inégalité. Enfin, elle aurait pour conséquence de réduire le financement de la formation des jeunes embauchés en contrat d'insertion en alternance - je pense aux contrats de qualification - ce qui, par voie de conséquence, risquerait de se traduire par une réduction du nombre d'embauches de jeunes en contrat de qualification.
Monsieur le rapporteur général, l'orientation du Gouvernement - et c'est d'ailleurs celle du projet de loi de finances pour 2003 - consiste à ouvrir sur le budget du ministère des affaires sociales des crédits d'exonération de charges sociales pour permettre l'accroissement du nombre des entrées en contrat de qualification : 135 000 en 2003, par rapport à 125 000 en 2002.
Voilà pourquoi, après avoir, pris acte de cette suggestion, je demande à M. Georges Othily de bien vouloir retirer son amendement. A défaut, je serai contraint d'émettre un avis défavorable. Je pense, en effet, que ce ne serait pas de bonne méthode que de l'adopter à l'ouverture de négociations sur la réorganisation de la formation professionnelle.
M. le président. Monsieur Othily, l'amendement est-il maintenu ?
M. Georges Othily. Monsieur le ministre, je vous remercie de ces explications.
Le problème de l'apprentissage en alternance risque de se poser avec de plus en plus d'acuité. C'est vrai qu'il ne serait pas de bon ton, au moment où des négociations s'ouvrent, d'adopter un amendement qui pourrait peut-être gêner les partenaires employeurs.
Aussi, fort des explications que vous nous avez fournies et en attendant que cet amendement aboutisse ou que des négociations permettent une meilleure politique de l'apprentissage en alternance, je retire cet amendement.
M. le président. L'amendement n° II-1 rectifié est retiré.

Article 58 bis