SEANCE DU 6 DECEMBRE 2002


M. le président. Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi de finances concernant le ministère de l'écologie et du développement durable.
J'indique au Sénat que, pour cette discussion, la conférence des présidents a opté pour la formule expérimentée ces deux dernières années et fondée sur le principe d'une réponse immédiate du Gouvernement aux différents intervenants, rapporteurs ou orateurs des groupes.
Ainsi, Mme la ministre répondra immédiatement et successivement au rapporteur spécial, aux deux rapporteurs pour avis et à chaque orateur des groupes.
Ces réponses successives se substitueront à la réponse unique en fin de discussion.
Pour chaque question, les orateurs des groupes interviendront pendant cinq minutes maximum. La durée de la réponse du Gouvernement sera fixée à trois minutes, chaque orateur disposant d'un droit de réplique de deux minutes maximum.
J'invite chaque intervenant à respecter l'esprit de la procédure, qui repose sur des questions précises et en nombre limité, et les temps de parole impartis.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Philippe Adnot, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, les crédits qui sont demandés pour l'écologie et le développement durable en 2003 s'élèvent à 768,16 millions d'euros, ce qui représente une légère diminution apparente de 0,16 % par rapport à 2002. Toutefois, si l'on prend en compte les modifications de périmètre, portant sur 6,19 millions d'euros, et les crédits du fonds national de solidarité pour l'eau, le FNSE, soit 61,37 millions d'euros après le vote du Sénat intervenu lors de l'examen de la première partie du projet de loi de finances pour 2003, les moyens du ministère s'établissent à 835,72 millions d'euros, soit une baisse de 2 %.
Les dépenses ordinaires, qui représentent 617,47 millions d'euros, reculent de 2,15 % en 2003, après avoir marqué une augmentation de 18 % en 2002. Elles représentent ainsi 80,4 % de l'ensemble du budget, contre 82 % l'année dernière et seulement 42 % en 2000. Il faut cependant noter que ces évolutions tenaient surtout à d'incessants changements de périmètre.
Au contraire, les dépenses en capital croissent de 8,90 %, alors qu'elles avaient diminué de 27 % en 2002 : elles atteignent ainsi 150,69 millions d'euros, soit 19,6 % du budget, contre 18 % l'année dernière.
J'en viens dès à présent aux quatre principales observations que m'inspire le budget de l'écologie et du développement durable pour 2003.
« Budget en régression inquiétante, ministère inaudible et impuissant » : tels sont les qualificatifs qu'a employés votre prédécesseur, madame la ministre, dans un article de presse récent. Le rapporteur spécial que je suis depuis quelques années n'en revient pas : ayant consacré une partie de mon rapport au bilan de Mme Voynet et de M. Cochet en 2001, je vous laisse le soin d'apprécier, mes chers collègues, si ces anciens ministres sont bien placés pour donner des leçons !
En effet, ma première observation concerne l'exécution du budget pour 2001, qui se révèle extrêmement critiquable et confirme les analyses que j'avais développées à l'époque.
D'une part, certains crédits ont été imputés de manière irrégulière, notamment au titre du plan POLMAR, sur le titre V, alors qu'il s'agissait pour l'essentiel de dépenses de fonctionnement.
D'autre part, et surtout, la Cour des comptes a une nouvelle fois souligné la sous-consommation des crédits de ce qui était alors le budget de l'environnement, sous-consommation qu'elle qualifie de « chronique ». Elle relève ainsi que la forte progression de ces crédits en 2001 s'est accompagnée d'un taux de consommation extrêmement faible, de l'ordre de 50 %, voire de 25 % pour ce qui concerne les seuls crédits de paiement, ce qui l'amène à « s'interroger sur la sincérité du budget de l'environnement » d'alors.
Or, les informations concernant la consommation des crédits au premier semestre de 2002 ne sont guère plus encourageantes. Ainsi, seuls 37,5 % des crédits d'intervention, au titre IV, ont été consommés, et la situation est plus médiocre encore pour les dépenses en capital : 14,2 % pour le titre V et 12,5 % pour le titre VI, soit un taux de consommation global de 12,6 % pour les crédits de paiement, qui tombe à 11,6 % hors Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie, l'ADEME.
Ma première question, madame la ministre, portera donc sur la manière dont vous envisagez de corriger les errements de vos prédécesseurs. Nous ne vous demandons pas d'expliquer leurs fautes à leur place - ils n'ont aucune excuse -, mais simplement de nous dire comment, à l'avenir, vous pourrez faire mieux.
Cette observation me permet également de poser ma deuxième question, qui concerne l'ADEME : cette agence, après avoir été artificiellement surdotée au début de la législature précédente, a ensuite été privée de ressources puisqu'elle n'a reçu que le quart de ce que lui apportait l'ancienne TGAP, la taxe générale sur les activités polluantes, qui a été ultérieurement affectée au financement des 35 heures. De ce fait, l'Agence rencontre aujourd'hui des difficultés pour assurer certaines de ses missions, si bien qu'elle ne traite quasiment plus de dossiers nouveaux. Je souhaiterais donc connaître les orientations que le Gouvernement entend donner à l'ADEME, dont j'avais par ailleurs, l'année dernière, critiqué le fonctionnement dans un rapport d'information. Madame la ministre, quelles suites entendez-vous donner à ces critiques ? Comment ferez-vous pour revenir à une dotation qui, en régime de croisière, devrait atteindre environ 3 millions d'euros ?
Enfin, eu égard à ses modalités de financement et de fonctionnement, je m'interroge sur l'utilité du fonds national de solidarité pour l'eau. J'ai auditionné l'ancien contrôleur financier central du ministère, qui m'a indiqué qu'il était « difficile de définir l'activité du fonds ». Son fonctionnement, effectif depuis 2001, ne paraît guère optimal, le comité consultatif du fonds chargé d'assister le ministre ne s'étant pas réuni une seule fois en 2002. Sa gestion financière n'est guère meilleure : le taux de consommation de ses crédits ne s'est établi, selon la Cour des comptes, qu'à 28 % en 2001, soit un niveau identique à celui de l'année précédente, tandis que d'importants reports de crédits ont eu lieu, atteignant près de 95 millions d'euros en 2001 et plus de 91 millions d'euros en 2002. La Cour des comptes a d'ailleurs estimé que « l'affectation de ces ressources au budget général [en] aurait sans doute permis une meilleure utilisation ».
Le FNSE fait donc l'objet de ma troisième question : vous savez, madame la ministre, que le Sénat a relevé de 40 millions à 60 millions d'euros la part affectée au FNSE, sur un prélèvement total de 80 millions d'euros effectué sur les agences de l'eau.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de l'écologie et du développement durable. Ce n'est pas suffisant !
M. Philippe Adnot, rapporteur spécial. Toutefois, eu égard au fonctionnement critiquable de ce fonds, je souhaiterais savoir pourquoi ses missions ne sont pas financées tout simplement sur le budget général et s'il ne conviendrait pas de s'orienter vers la budgétisation intégrale du FNSE dans les années qui viennent.
Ma deuxième observation sera pour relever que le budget de l'écologie et du développement durable est globalement peu lisible.
Les documents budgétaires afférents au budget de l'écologie sont d'un accès objectivement peu aisé. En effet, la nomenclature retenue ne permet pas, ou permet mal, d'identifier la plupart des mesures qu'il finance. L'intitulé de la plupart des chapitres et articles budgétaires reste extrêmement général, voire ambigu, et il est rare que l'intégralité d'un chapitre soit consacrée au financement d'une seule action. De surcroît, de nombreux chapitres, qu'il s'agisse de dépenses ordinaires ou de dépenses en capital, portent le même intitulé, notamment : « Protection de la nature et de l'environnement », ou : « Prévention des pollutions et des risques » - soit le même intitulé que celui de l'agrégat 23 lui-même ! -, ce qui, s'agissant de ce budget, n'apporte que peu d'éclaircissements sur l'objet et le champ des politiques publiques mises en oeuvre.
Pourtant, le « bleu » comporte lui aussi des informations écrites relatives aux politiques conduites, qu'il est très difficile de rapprocher des informations chiffrées fournies par la nomenclature budgétaire. Il est dès lors quasiment impossible d'identifier le coût de chacun des nombreux dispositifs financés. Dans ces conditions, notamment dans la perspective tant de l'entrée en vigueur définitive de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances que de l'établissement de programmes, je ne peux qu'encourager le ministère à améliorer la lisibilité de la nomenclature budgétaire.
En outre, les indicateurs de résultats fournis dans l'annexe bleue sont peu significatifs. Leur qualité est très inégale, mais globalement médiocre, voire franchement mauvaise. Surtout, ils ne permettent pas d'apprécier les résultats des politiques publiques environnementales ni, a fortiori, leur performances. L'ancien contrôleur financier central du ministère m'a confirmé cette analyse et m'a indiqué « ne pas avoir eu l'impression que les efforts financiers [réalisés en faveur de l'environnement] aboutissaient à des résultats tangibles ». Il a ajouté que « les objectifs quantitatifs n'étaient pas la traduction de véritables besoins » et a déploré l'absence de tableaux de bord et d'indicateurs de résultats socio-économiques pertinents.
Le bleu budgétaire fournit de très nombreuses illustrations de ce manque de pertinence des indicateurs, voire des objectifs eux-mêmes : certains objectifs et résultats suscitent le scepticisme ; quelques-uns des résultats affichés peuvent ne pas paraître crédibles, eu égard aux évolutions passées ; l'aspect purement quantitatif de certains objectifs ne laisse pas de susciter des interrogations sur leur pertinence ; l'affichage d'objectifs peut ne tirer aucune conséquence du fait que plusieurs d'entre eux ne sont purement et simplement pas atteints ; enfin, certains autres indicateurs de résultats sont renseignés avec une évidente fantaisie.
Ces critiques, vous l'aurez compris, madame la ministre, portent essentiellement sur les gestions passées, dont l'actuel gouvernement doit aujourd'hui assumer les conséquences.
Aussi vous poserai-je, madame la ministre, la question suivante : comment votre ministère s'implique-t-il dans la mise en oeuvre de la loi organique du 1er août 2001 et quand pourrez-vous nous présenter vos projets de programmes ? Ne craignez-vous pas que le ministère de l'écologie ne soit en retard dans la mise en oeuvre de cette profonde réforme, en particulier dans la définition des indicateurs de résultats et de performances ?
Troisième observation : le projet de budget pour 2003 comporte des orientations nouvelles qu'il convient de saluer.
D'abord, le changement de dénomination du ministère de l'environnement en ministère « de l'écologie et du développement durable » ainsi que la création d'un secrétariat d'Etat au développement durable traduisent bien les priorités de la politique de la France en la matière : la solidarité entre les générations ; la réconciliation entre protection de l'environnement et développement économique, social et culturel, à travers une gestion responsable des ressources naturelles ; l'information, l'éducation et la formation portant sur les enjeux liés au développement durable. Ces grandes orientations sont inscrites dans le document-cadre pour l'élaboration d'une stratégie nationale de développement durable qui avait été adopté en vue du sommet de Johannesburg. Un travail interministériel débutera prochainement afin de traduire rapidement sur le terrain cette politique de promotion du développement durable.
Ensuite, conformément à un engagement du Président de la République, une charte de l'environnement dans laquelle seront inscrits les principes essentiels de la protection de l'environnement devrait voir le jour afin d'être adossée à la Constitution. Le conseil des ministres du 5 juin dernier a engagé la procédure en vue de son élaboration. Sur la base des propositions de la commission présidée par M. Yves Coppens, et après une concertation interministérielle, vous présenterez, madame la ministre, un projet de charte en conseil des ministres avant le 5 juin 2003, date de la prochaine journée mondiale de l'environnement.
Enfin, vous avez demandé à l'inspection générale des finances et à l'inspection générale de l'environnement d'effectuer un audit du ministère portant notamment sur deux points : le versement de subventions aux associations et la mise au point d'une méthodologie permettant au ministère d'appliquer la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances.
Quatrième observation : le projet de budget pour 2003 renoue, enfin ! avec la sincérité budgétaire.
D'une part, les changements de périmètre sont limités, ce qui est plutôt positif. Je rappelle en effet que, dans la loi de finances initiale pour 2002, sur les 761 millions d'euros inscrits au budget, 381 millions, soit plus de 50 %, résultaient de simples modifications du périmètre budgétaire, ce qui permettait de mettre en avant des progressions du budget de l'environnement certes considérables, mais tout à fait factices.
Le projet de budget pour 2003 connaît donc une assez grande stabilité de son périmètre, puisque les transferts sont limités à 6,20 millions d'euros, soit seulement 0,8 % des dotations du ministère. De ce point de vue, je ne peux que me féliciter de la fin de l'utilisation politique de l'environnement : en effet, Mme Voynet avait systématiquement sacrifié les crédits de l'environnement au profit de l'extension de son périmètre politique.
D'autre part, l'investissement est privilégié. Les efforts budgétaires considérables - quoique en partie virtuels - en faveur du budget de l'environnement au cours des années récentes avaient pour l'essentiel consisté non pas à conduire des politiques publiques environnementales, mais à renforcer les moyens du ministère et à créer des emplois publics.
Au contraire, le projet de budget pour 2003 tend à rompre avec cette augmentation constante du nombre de fonctionnaires et avec la croissance ininterrompue des dépenses de fonctionnement ; au contraire, l'accent est mis sur les dépenses d'investissement : les crédits du titre V progressent de 19,4 % et ceux du titre VI de 6,1 %.
Pour l'ensemble de ces raisons, la commission des finances vous invite, mes chers collègues, à adopter le projet de budget de l'écologie et du développement durable pour 2003. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de l'écologie et du développement durable. Vous avez procédé, monsieur le rapporteur spécial - et je vous en remercie -, à une analyse très approfondie du projet de budget de l'écologie et du développement durable, avec la détermination et la précision qui vous caractérisent. Je vais répondre à vos questions sur le même mode.
Auparavant, permettez-moi quelques rappels sur les principes de mon action, dont le budget n'est que le moyen.
Le 7 mai 2002, j'ai pris en charge une politique que le Président de la République a désignée comme l'un des axes prioritaires de son quinquennat et que le Premier ministre a voulu inscrire dans le cadre du développement durable. Le Président de la République a remarquablement donné, à Johannesburg, sa dimension humaniste et internationale à ce ministère.
M. Jacques Oudin. Très bien !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. J'ai voulu fonder notre action sur trois principes : la sécurité, la transparence et la participation.
Sécurité d'abord, sécurité surtout : c'est une exigence forte de nos concitoyens, et une grande partie du projet de budget lui est consacrée, avec 61 % des autorisations de programme et 63 % des crédits de paiement, hors salaires. Sécurité industrielle, nucléaire et sanitaire, prévention des risques naturels, sont des domaines auxquels les Français sont très attentifs.
Transparence ensuite, grâce à des débats apaisés, fondés sur l'expertise. C'est le moyen le plus sûr de responsabiliser les décideurs et tous nos concitoyens.
Participation enfin, car les Français ne s'intéressent à la politique que s'ils sont associés aux décisions qui les concernent.
Le ministère dont j'ai la charge, m'avez-vous dit, a la réputation de ne savoir que faire de ses crédits. On en trouverait la preuve dans les reports importants, que vous stigmatisez, monsieur le rapporteur spécial. Vous m'avez d'ailleurs posé une question très directe sur les initiatives que j'ai prises pour corriger les « errements antérieurs ». Ma réponse tiendra en quelques points.
La loi de finances initiale pour 2002 s'est établie à 769 millions d'euros et les crédits ouverts, compte tenu des reports, notamment ceux de l'ADEME, s'établissent à 1 175 millions d'euros.
Au 26 novembre 2002, le montant réel restant disponible à ordonnancer au niveau central s'établit à 43 millions d'euros, soit 5,6 % des crédits de la loi de finances initiale et 3,6 % des crédits ouverts après prise en compte des mesures de régulation, dont les reports obligatoires, qui ont beaucoup porté sur l'ADEME.
A ce stade de l'exercice, les montants en voie de consommation apparaissent donc plutôt satisfaisants. Une limitation des engagements a d'ailleurs dû être opérée sur certains chapitres, faute d'avoir la certitude de conserver, après gel et reports obligatoires, les crédits nécessaires au paiement des engagements actés.
Pour mémoire, les crédits gelés se sont élevés à 66 millions d'euros et les reports obligatoires sur 2003 à 302 millions d'euros. Plus de 250 millions d'euros des crédits gelés ou reportés, soit environ 70 %, ont concerné l'ADEME et environ 10 % d'autres établissements publics.
Je considère donc que les premiers résultats du travail d'ascèse budgétaire que j'ai entamé à mon arrivée sont obtenus.
Ce projet de budget est marqué par une stabilité des moyens, l'objectif étant de mieux dépenser. Dès mon arrivée, j'ai effectué une analyse du budget qui m'a démontré que mes prédécesseurs les plus directs avaient abusé des effets d'annonce, d'où un grand écart entre les moyens d'engagement et les moyens de paiement. Pardonnez-moi cette image, mais les autorisations de programme non couvertes jonchaient le sol de mon bureau.
Certain ont affirmé que le budget du ministère diminuait. La partie « dure » du budget - les crédits de paiement et de fonctionnement, le total des dépenses ordinaires et des crédits de paiement - ne diminue pas. Dans la mesure où je n'ai pas négocié et construit ce budget comme un instrument d'affichage, je n'ai pas cherché à le faire paraître en augmentation.
Il est vrai que les autorisations de programme diminuent. Mais elles n'étaient pas entièrement couvertes. Donc la sincérité augmente. Les maintenir aurait consisté à continuer de signer trop de chèques sans provision ; ce n'est pas ma méthode.
Les dépenses ordinaires diminuent également, ce qui répond à l'objectif du Gouvernement et du Parlement de mieux maîtriser les dépenses de fonctionnement. L'effort, hors salaires, atteint près de 3 %.
Les moyens de travail du ministère augmentent. Les crédits de paiement s'accroissent de 8,9 %. L'écart avec les autorisations de programme, qui a diminué, reste important. Mais il sera compensé en 2003 par les reports - imposés, je vous le rappelle ; on ne pourra donc pas me les reprocher - qui seront consommés. Le total des dépenses ordinaires et des crédits de paiement reste constant.
Quant aux emplois, ils sont stables. Quelques échanges entre services et ministères sont réalisés. Mais cette stabilité recouvre des redéploiements. J'ai, en effet, décidé d'« autofinancer » en emplois mes priorités. C'est une chose à laquelle mon ministère n'était plus habitué depuis fort longtemps.
Le centre hydrométéorologique de Toulouse, par exemple, qui jouera un rôle crucial dans la surveillance des orages cévenols et dont la création avait été annoncée par mes prédécesseurs mais non préparée, reçoit dix emplois de haut niveau, créés par redéploiement. J'ai, par le même moyen, décidé de déconcentrer certains emplois des administrations centrales vers les services régionaux, notamment pour renforcer les capacités de gestion et de concertation du système Natura 2000.
Au-delà de cet effort, je veux, dans le cadre du travail de simplification et de décentralisation entrepris par le Gouvernement, réformer le ministère qui m'a été confié. Il me faudra du temps pour concevoir cette réforme et l'expliquer aux agents placés sous mon autorité, dont je constate chaque jour le dévouement et le sens de l'intérêt général. Il me faudra des moyens ; il me faudra votre aide.
Vous me posez une deuxième question, monsieur le rapporteur spécial, sur l'ADEME. Certains points de votre analyse méritent des commentaires techniques.
L'ADEME a connu dernièrement un changement de sa source de financement, qui a consisté en une budgétisation de la TGAP - taxe générale sur les activités polluantes. L'ADEME, à partir de 1999, a donc reçu non plus de taxe affectée, mais une dotation de l'Etat par le budget général.
Cette dotation a consisté en l'inscription, l'année zéro, sur le budget du ministère de l'écologie et du développement durable, des autorisations de programme et des crédits de paiement correspondant à la TGAP, le compte spécial alimenté par la TGAP étant, comme le FNSE, le fonds national de solidarité pour l'eau, alimenté en autorisations de programme et en crédits de paiement à niveau égal.
La surdotation que vous évoquez résulte donc de l'attribution de crédits de paiement à la hauteur des autorisations de programme dès le démarrage des actions sur les déchets sans qu'il ait été tenu compte du temps nécessaire pour mettre en place les actions et donc engager les autorisations de programme. Il ne faudrait pas que cette technique d'alimentation en crédits de paiement soit à l'origine d'une confusion en accréditant l'image d'une mauvaise gestion.
A la fin de l'année prochaine, ces crédits de paiement devraient être entièrement consommés d'après l'ADEME, d'après mes services et d'après ceux du ministère chargé du budget. Ces trois sources concordantes me rassurent.
J'ajoute que ces reports de crédits de paiement sont représentatifs de « dettes » exigibles à court terme par les collectivités locales.
J'ai déjà engagé, avec mon collègue Alain Lambert, des discussions particulières pour prendre en compte les besoins réels de l'ADEME en 2004.
Mais vous noterez, mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, vous qui êtes légitimement attachés à l'activation et à la sincérité des comptes publics, que le débat s'est déplacé. Pour ce qui concerne l'ADEME, on parlera en effet bientôt non plus de reports, mais de besoins de crédits de paiement.
L'autre volet de la question sur l'ADEME porte sur les difficultés qu'elle rencontrerait pour assurer ses missions et traiter des dossiers nouveaux concernant la gestion des déchets, en particulier des déchets ultimes.
D'une part, la notion de « déchets ultime », vous le savez, est juridiquement floue et loin d'être opérationnelle. Il était important cependant de ne pas s'arrêter à ce constat et de faire en sorte que l'échéance du 1er juillet 2002 soit matérialisée, sinon les acteurs se seraient démobilisés. Poursuivre la mise en oeuvre du système d'aide tel qu'il était conçu aurait consisté à donner une prime aux retardataires. J'ai donc confirmé la suspension, pour redéfinition, des aides de l'ADEME et ai engagé une réflexion sur une fiscalité récompensant les « bons élèves ».
D'autre part, de nouveaux objectifs de progrès doivent être fixés. Une réflexion est en cours, qui aboutira à une nouvelle politique au printemps 2003. Je peux vous citer quelques pistes.
Il s'agit de s'attaquer concrètement à la réduction du volume des déchets, pour laquelle rien n'a été fait sérieusement jusqu'alors.
Il faudra aussi prendre en compte les émissions de gaz à effet de serre des différents systèmes de gestion de déchets.
Enfin, il faut avoir bien présent à l'esprit la carence en capacités de traitement en France. D'après l'ADEME, notre pays ne dispose pas plus de six ans de capacité. Il y a donc une nécessité impérieuse pour les élus de se mobiliser sur ce sujet.
Je voudrais maintenant aborder la question du FNSE.
J'ai fait tout à l'heure un parallèle entre la TGAP et le FNSE. Pourquoi ? Parce que le système étant le même - alimentation en autorisations de programme et en crédits de paiement à montant égal -, les critiques sont les mêmes, faible taux de consommation des crédits de paiement en début de vie ou de programme, et le type de réponse est le même : il est difficile de reprocher à un compte d'affectation spéciale de ne pas se comporter comme un chapitre du budget de l'Etat, puisque ce n'en est précisément pas un. Je dois vous avouer que les difficultés de compréhension du système et donc de sa programmation et de sa gestion en 2003 m'ont parfois fait regretter qu'il ne soit pas budgétisé.
Mais le FNSE n'est qu'un segment des financements de la politique de l'eau. Au moment où je renoue la concertation au sujet de la loi sur l'eau ; où nous devons transcrire la directive-cadre européenne, où il devient urgent de stabiliser les ressources des agences de l'eau, il m'a semblé que travailler sur les moyens financiers n'était pas la première chose à faire. Lorsque la politique sera définie, après une concertation appuyée, lorsque la structure des interventions sera précisée, viendra le moment des réflexions sur le FNSE.
Pour l'instant, la diminution de 20 millions d'euros que vous avez fait porter sur ce fonds rend encore plus difficile l'exercice de redéploiement que j'ai entrepris.
J'ajoute qu'à votre demande, monsieur le rapporteur spécial, j'ai fait effectuer par mes services un test rapide sur quelques ordonnateurs secondaires quant au taux de passage des autorisations de programme déléguées en conférence administrative régionale qui, si l'on retire les incidents de fin de gestion, dus au manque de vigilance des maîtres d'ouvrage ; donne une idée assez fidèle du taux d'engagement en clôture de gestion.
Le résultat est intéressant : sur quatre ordonnateurs secondaires testés, deux atteignent un taux de 100 %. La montée en puissance des programmes du fonds européen de développement régional, le FEDER, dont les crédits du FESE sont souvent la contrepartie, est l'une des raisons de ce résultat en net progrès. Cela veut dire que les reports de crédits de paiement que vous avez constatés correspondent à des autorisations de programme qui seront bien engagées. Ils ne sont donc pas disponibles.
Enfin, pour clore cette question du FNSE, je voulais vous dire que j'en avais, pour 2003, changé la donne.
En faisant notamment en sorte que le FNSE finance, plus que les années précédentes, les initiatives des collectivités locales tendant à créer ou restaurer des champs d'expansion des crues afin de réguler les débits en tête de bassin et prévenir les inondations, j'ai fait en sorte de revenir à l'esprit initial du FNSE, qui avait été oublié par mes prédécesseurs.
Vous avez abordé enfin la question de la loi organique sur les lois de finances.
Le ministère de l'écologie et du développement durable a entrepris de s'organiser, depuis plusieurs mois, pour préparer la mise en oeuvre de cette loi.
J'ai mis en place un comité de pilotage, présidé par le directeur de mon cabinet et réunissant l'ensemble des directeurs d'administration centrale. Un comité de suivi, regroupant les responsables de chacune des directions, est chargé, par ailleurs, de mettre en place les orientations décidées.
La nature, le nombre et le contenu des programmes ministériels seront directement déterminés d'après les travaux de ce comité.
La bonne information du Parlement, et du Sénat en particulier, sur une politique donnée rend nécessaire l'inclusion, dans un même programme, de l'ensemble des moyens dévolus à chaque politique.
Or ces moyens peuvent être actuellement, sur un plan budgétaire, dispersés entre plusieurs ministères et établissements publics. Il conviendra donc, pour répondre à la lettre comme à l'esprit de la loi organique relative aux lois de finances, de définir les voies permettant au Parlement de voter, au sein d'un même document, l'intégralité des moyens consacrés à ces politiques.
La même réflexion est en cours sur des catégories d'indicateurs de résultats qui seront nécessaires et qui vous tiennent tant à coeur.
Ces réflexions sont naturellement conduites en liaison avec le ministère en charge de la réforme budgétaire.
Vous avez souligné, à juste titre, monsieur le rapporteur spécial, les regrettables errances de mes prédécesseurs. Vous constaterez aujourd'hui, mesdames, messieurs les sénateurs, que notre ministère s'est livré à un travail d'optimisation, de régularisation et de transparence nécessaire, voire indispensable. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Jean Bizet, rapporteur pour avis.
M. Jean Bizet, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, les crédits inscrits au titre de l'environnement sont stabilisés à hauteur de 768,16 millions d'euros pour 2003.
Aux dotations budgétaires, il convient d'ajouter les crédits du fonds national de solidarité pour l'eau, qui s'élèvent à 83 millions d'euros, et sur lesquels je reviendrai plus en détail dans un instant.
En préambule, il convient de souligner - pour s'en réjouir - les nouvelles orientations impulsées par Mme la ministre s'agissant de la conduite de son ministère.
Ainsi, la nouvelle dénomination retenue pour le ministère, à savoir l'écologie et le développement durable, traduit un changement d'attitude et incarne la volonté de privilégier une approche pragmatique des problèmes de l'environnement ainsi que le travail d'équipe avec des ministères comme celui de l'industrie, de l'équipement, de l'agriculture ou encore de l'intérieur. Cette orientation s'inscrit totalement dans la vision que nous avons toujours eue pour le ministère en charge de l'environnement, qui devait être, pour nous, une administration de mission capable de lancer et de faire appliquer des réglementations et des politiques respectueuses de l'environnement par les administrations de l'Etat, et cela en étroite coopération avec les collectivités territoriales et les différents acteurs économiques de terrain.
Aussi, le projet de budget pour 2003 rompt-il avec la progression, constatée les années précédentes, des dépenses de fonctionnement et des augmentations d'effectifs, pour mettre l'accent sur les dépenses d'investissement.
La seconde orientation de ce budget tourne le dos aux effets d'affichage, que j'avais dénoncés les années précédentes, et met en avant la volonté de dépenser mieux. C'est une première réponse aux critiques émises par la Cour des comptes sur la très insuffisante consommation des crédits de l'environnement, critiques réitérées sur l'application du budget 2001.
A propos des crédits consacrés à la nature et aux paysages, je prends bonne note, madame la ministre, de votre volonté de faire progresser la mise en oeuvre du réseau Natura 2000 en relançant une véritable politique de concertation ; les deux lettres circulaires envoyées aux préfets en juillet et en août 2002 vont dans le bon sens.
Pour 2003, l'objectif affiché est de signer et d'honorer financièrement un nombre important de contrats de gestion sur les sites Natura 2000 avec l'ensemble des propriétaires et des gestionnaires.
Toutefois, pour que la France se mette effectivement en conformité avec ses obligations communautaires, encore faut-il lever un certain nombre d'ambiguïtés fondamentales, tout particulièrement en ce qui concerne le maintien des activités économiques et le développement local sur les territoires concernés.
Ainsi reste la question de l'interprétation à donner à la notion de perturbation, qui suscite, à juste titre, beaucoup d'interrogations parmi les élus locaux, les gestionnaires et les usagers de la nature. Une interprétation extensive de ce concept fait craindre la sanctuarisation de certains sites. Il sera nécessaire d'ailleurs d'actualiser les inventaires scientifiques qui sont à l'origine des propositions de sites, car certains ne sont plus à jour.
Les concertations en cours sur des sites complémentaires à notifier à la Commission européenne vont-elles permettre d'actualiser certaines des données scientifiques initiales sur la base desquelles des périmètres ont été proposés ?
S'agissant du financement des engagements de gestion, que se passera-t-il en cas de disparition du contrat territorial d'exploitation ?
Sans qu'il s'agisse spécifiquement des sites Natura 2000, je note aussi les difficultés que nous rencontrons sur le plan local pour faire évoluer la réglementation concernant l'implantation de bâtiments agricoles sur des terrains proches du rivage afin de permettre l'existence d'une activité agricole compatible avec la protection de l'environnement et la qualité des paysages.
La réglementation actuelle n'autoriserait que des superficies de vingt mètres carrés, hors oeuvre brute : vous admettrez avec moi, madame la ministre, que c'est absolument dérisoire.
Que proposez-vous, madame la ministre, pour autoriser effectivement le maintien d'activités agricoles, pour lesquelles la proximité du rivage est nécessaire en raison de leur nature même ou d'une dénomination géographique reconnue ?
En ce qui concerne la politique de l'eau, les crédits budgétaires qui y sont consacrés diminuent de 13,2 %, et je note que les moyens du FNSE sont réorientés vers la mise en oeuvre de votre plan de lutte contre les inondations, par le soutien aux collectivités locales dans leurs actions de création ou de restauration des zones d'expansion des crues.
Sans revenir sur les excellents développements qu'a consacrés mon collègue M. Philippe Adnot au FNSE, je m'associerai à son souhait de voir évoluer profondément cet outil, qui est totalement inadapté. La réflexion sur l'éventuelle budgétisation du prélèvement sur les agences doit être menée dès 2003 afin que soient déconnectées les autorisations de programme des crédits de paiement et que ne soient prélevées que les sommes effectivement nécessaires à la réalisation de besoins dûment identifiés.
A propos de la lutte contre les pollutions dans le secteur de l'eau, plus particulièrement de la directive nitrates, qui impose la désignation des zones en excédent structurel, je relève que l'évaluation forfaitaire des rejets d'azote estimés et l'évaluation des surfaces épandables interdisent de prendre en compte les efforts des éleveurs pour réduire les productions d'azote organique ou encore pour optimiser les surfaces d'épandage.
Que peut-on envisager pour prendre en compte les efforts réels de la profession et autoriser ainsi un canton classé en ZES - zone économique spéciale - à sortir de cette désignation dès lors que la résorption des excédents d'azote est constatée ?
Enfin, ma dernière question portera sur un aspect de la fiscalité écologique mise en place par le précédent gouvernement, à savoir l'application de la taxe générale sur les activités polluantes aux produits phytosanitaires.
On peut constater que, conformément à l'engagement de la profession de diminuer le volume des lessives dans le cadre de son code de bonne pratique environnementale, le tonnage de lessives commercialisé en France a régulièrement baissé depuis 1997 ainsi que le tonnage de phosphates qu'elles contiennent. La proportion de phosphates dans les lessives est ainsi passée de 25 %, voilà quinze ans, à 9,7 % en 2001.
Dans ces conditions, l'application de la TGAP aux lessives sans phosphate ne peut s'inscrire dans une fiscalité incitative de nature à encourager la profession à poursuivre dans cette voie.
Madame la ministre, comptez-vous proposer un réaménagement de ce compartiment de la TGAP afin de prendre en compte les efforts de protection de l'environnement ?
En outre, je souhaiterais obtenir des éclaircissements sur l'intitulé de la rubrique « substances classées dangereuses qui entrent dans la composition des produits antiparasitaires à usage agricole et produits assimilés ».
Cette dénomination concerne-t-elle les produits utilisés par la filière agroalimentaire, en particulier les produits désinfectants pour les surfaces en contact avec des denrées alimentaires ?
Si tel était le cas, l'impact sur les prix pourrait être tel que les utilisateurs n'emploieraient plus de produits homologués et fabriqueraient leurs propres dosages. Cela aurait certainement des conséquences négatives en matière de santé publique alors même que ces produits désinfectants utilisés pour des usages et selon des conditions d'emploi bien définis ne peuvent être considérés comme polluants.
Madame la ministre, la commission des affaires économiques a émis un avis favorable sur l'adoption des crédits consacrés à l'environnement et au développement durable pour 2003. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants, de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Ambroise Dupont, rapporteur pour avis.
M. Ambroise Dupont, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles. Madame la ministre, les crédits de votre ministère se stabilisent à 768 millions d'euros.
Cette pause ne constitue pas, nous le savons, le signe d'un relâchement de l'attention vigilante que le Gouvernement entend porter à l'écologie et à la promotion d'un développement durable.
Elle répond plutôt à la volonté de revenir à un effort de sincérité budgétaire, car la très forte progression des dotations de votre département ministériel, au cours des années passées, s'était accompagnée d'une dégradation concomitante du taux de consommation des crédits, dénoncée par le Sénat et par la Cour des comptes, et avait entraîné l'accumulation de reports de crédits qu'il convient maintenant d'apurer. Vous nous l'avez très bien dit avec force, clarté et conviction.
Je ne reviendrai pas en détail sur l'analyse des crédits de votre ministère qu'ont parfaitement présentés mes collègues de la commission des finances et de la commission des affaires économiques. Je concentrerai mon analyse sur quelques points particuliers en relation avec le champ de compétence de notre commission.
J'évoquerai tout d'abord la protection de la nature, des sites et des paysages, dont les crédits devraient s'élever à 120,7 millions d'euros en 2003.
Les crédits consacrés aux sept parcs nationaux enregistrent une hausse modérée de 2,3 % et je souhaiterais plus particulièrement vous interroger, madame la ministre, sur les trois nouveaux parcs dont la création est envisagée pour 2004 en Guyane, à la Réunion et en mer d'Iroise.
Où en est la préfiguration de ces trois projets ? Sont-ils bien reçus des collectivités territoriales concernées ? Leur création respectera-t-elle le calendrier prévu ? Quel en sera le coût budgétaire ?
J'ai noté que le Conservatoire du littoral devrait bénéficier, en 2003, de la création de trois emplois budgétaires et d'un emploi dit de déprécarisation. Je souhaiterais, à cette occasion, connaître votre point de vue sur les propositions qui avaient été formulées par notre collègue Louis Le Pensec.
Certaines d'entre elles ont trouvé une traduction législative dans la loi sur la démocratie de proximité. Tirez-vous un bilan positif des premiers mois d'application de ces nouvelles dispositions ? Quelles suites envisagez-vous de donner, par ailleurs, aux recommandations selon lesquelles une augmentation des moyens du Conservatoire était souhaitable pour lui permettre de faire face à l'extension de son patrimoine ?
J'aborderai également la protection de l'eau et des milieux aquatiques dont les crédits s'élèvent à 28,35 millions d'euros dans le projet de budget pour 2003. Leur diminution de 13 % par rapport à 2002 est à rapprocher de la sous-consommation de ces mêmes crédits au cours des exercices précédents.
Nous approuvons le souci de sincérité budgétaire qui inspire ces réajustements, mais, compte tenu de la gravité des catastrophes naturelles auxquelles nous sommes confrontés depuis quelques mois, nous souhaitons inciter le Gouvernement à tirer pleinement parti des moyens budgétaires dont il dispose pour renforcer des efforts indispensables.
Les plans de prévention des risques constituent un outil essentiel de lutte contre les inondations ; les 5 000 communes les plus exposées doivent en être dotées d'ici à 2005. Vous avez annoncé votre intention d'accélérer la mise en oeuvre des mesures prescrites dans le cadre de ces plans de prévention, en recourant, le cas échéant, au « fonds Barnier ». Pourriez-vous, madame la ministre, nous donner quelques précisions sur les modalités de cette réforme et, d'une façon générale, sur le nouveau système de prévention des crues que vous souhaitez mettre en place ?
Je souhaite également évoquer le naufrage du pétrolier Prestige et les menaces de pollution qu'il fait peser sur nos côtes.
J'avais projeté de vous interroger sur le financement d'un éventuel plan de lutte contre les pollutions marines - POLMAR -, mais vous avez, par avance, répondu à mon interrogation au cours de la séance des questions d'actualité, hier après-midi. Je n'y reviendrai donc pas, mais j'évoquerai, en revanche, le Fonds international d'indemnisation pour les dommages dus à la pollution par les hydrocarbures, le FIPOL.
Le plafond du FIPOL a fait l'objet d'un premier relèvement à la suite du naufrage de l' Erika. Mais nous sommes encore loin du montant de 1 milliard d'euros qui a été proposé par la France dans son mémorandum de février 2000. Pourrons-nous espérer l'atteindre par un relèvement des cotisations des Etats membres, ou faut-il plutôt que nous envisagions la création d'un nouveau fonds indépendant ? Quelles positions la France envisage-t-elle de défendre lors de la prochaine conférence diplomatique du FIPOL qui se tiendra en mai prochain ?
Dans le domaine de la prévention des pollutions et des risques, je souhaitais vous faire part de la préoccupation que constitue pour de nombreux élus l'arrivée à échéance, en juillet 2002, du délai fixé par la loi n° 92-646 du 13 juillet 1992 pour la mise aux normes des installations de traitement et d'élimination des déchets. Celle-ci se traduit, dans votre projet de budget pour 2003, par une diminution - sur laquelle vous vous êtes expliquée tout en attirant notre attention sur la nécessité de ne pas en abuser - des autorisations de programme de l'Agence de l'environnement de la maîtrise de l'énergie consacrées à cette action. Beaucoup reste cependant à faire en ce domaine - vous en êtes convaincu, je crois - et il serait utile que votre ministère prenne contact avec les collectivités locales pour envisager de donner une suite à ce programme d'amélioration des installations.
Enfin, j'en viens, madame la ministre, au projet de charte de l'environnement. Son élaboration et son adoption constitueront une des actions phares de votre ministère et du Gouvernement pour l'année 2003.
Nous apporterons, bien entendu, notre plein soutien à ce projet qui donnera une consécration constitutionnelle à la défense de l'environnement que compte mener notre pays en matière de promotion du développement durable.
Nous nous interrogeons sur la traduction juridique qu'il convient d'apporter à l'expression, utilisée par le Président de la République, de « charte adossée à la Constitution ».
Les dispositions de la charte seront-elles insérées dans le texte même de la Constitution ou dans son préambule, dont elles constitueront un article ou un alinéa nouveau ? La charte constituera-t-elle un texte distinct de la Constitution mais inséré dans l'ordre constitutionnel par le jeu d'une simple mention dans le préambule de la Constitution ?
Nous souhaiterions également en savoir davantage sur la procédure d'élaboration de ce texte.
Certes, nous savons qu'une commission d'experts, présidée par le professeur Yves Coppens, est chargée d'éclairer les enjeux scientifiques et techniques de cette charte, et qu'elle doit présenter les conclusions de ses travaux, assorties d'une proposition de texte, le 31 mars prochain.
Nous savons également que le Gouvernement a entamé une large concertation nationale qui sera complétée, en début d'année 2003, par l'organisation d'assises territoriales en métropole et outre-mer, pour mieux saisir les attentes de notre société.
Toutefois, nous nous interrogeons sur la contribution que le Parlement sera invité à y apporter.
Le Parlement sera-t-il saisi du texte même de la charte, qu'il pourra alors, par voie d'amendement, modifier, infléchir ou compléter ? Ou bien son rôle se limitera-t-il à insérer dans le préambule de la Constitution de 1958 la mention d'une charte de l'environnement déjà rédigée, et qui, la faisant figurer aux côtés de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 et du préambule de la Constitution de 1946, l'intégrerait telle quelle dans le « bloc de constitutionnalité » ?
Cette seconde procédure serait-elle acceptable au regard des exigences qui sont habituellement imposées à toute autorité constituante ? Je rappelle, à titre de comparaison, que le préambule de la Constitution de 1946 avait été rédigé par l'assemblée élue le 2 juin 1946, dont la compétence constitutionnelle avait été définie, au préalable, par la loi du 2 novembre 1945.
Bien entendu, par-delà ces interrogations plus juridiques qu'environnementales, nous souhaiterions également connaître, madame la ministre, le contenu et la portée des principes que vous souhaitez voir consacrer dans cette charte.
Ce projet répond aux attentes environnementales de nos concitoyens, préoccupés par l'avenir de notre planète. L'intérêt que nous portons à ce projet et la volonté que nous avons de soutenir les actions que vous avez engagées ont incité notre commission à recommander au Sénat d'émettre un avis favorable à l'adoption des crédits de l'écologie et du développement durable pour 2003. (Applaudissements sur les travées des Républicains Indépendants, du RPR et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Je vous remercie, messieurs les rapporteurs, d'avoir exposé les orientations qui ressortent du projet de budget qui vous est présenté, tout en ne cherchant pas à minimiser les problèmes qui pourront se poser. Vos questions vont d'ailleurs me permettre de poursuivre cette clarification.
Vous avez, en particulier, bien saisi la difficulté de travailler à une ascèse budgétaire indispensable pour réduire le déficit de l'Etat, alors que l'opinion publique est depuis quelque temps régulièrement traumatisée par des catastrophes technologiques - AZF, le Prestige, si mal nommé - ou par des catastrophes naturelles - les inondations dans le Gard et dans le grand Sud-Est qui ont encore touché des personnes déjà sinistrées voilà quelques jours.
Je procéderai à des redéploiements pour optimiser les moyens du ministère ; la stabilité des crédits et des emplois que je vous propose ne doit pas cacher de profondes évolutions. Les réponses que je vais tenter d'apporter à vos nombreuses questions, messieurs les rapporteurs, devraient me permettre d'illustrer ce point.
Je commencerai par traiter quelques-uns des sujets très techniques et précis évoqués par M. Bizet.
La « directive nitrates » prévoit en effet une limitation, pour chaque exploitation, des apports d'azote issus des effluents d'élevage à 170 kilogrammes par hectare et par an à partir du 20 décembre 2002. Dans les zones à forte concentration d'élevages, ont été définies des zones en excédent structurel, les ZES : dans ces cantons, la quantité totale d'effluent d'élevage produite annuellement conduirait, si elle était épandue en totalité sur leur territoire, à un apport annuel d'azote supérieur à 170 kilogrammes par hectare de surface susceptible de recevoir ces effluents.
La désignation de ces zones se fait sur la base d'une évaluation forfaitaire des quantités d'azote produites et des surfaces épandables. Le classement d'un canton en ZES signifie que le risque de pollution de l'eau par les nitrates issus des effluents d'élevage est plus important qu'ailleurs ; en conséquence, l'action y est prioritaire.
La résorption pérenne de cet excédent structurel ne peut être atteinte que par une baisse des effectifs animaux qui traduit une diminution structurelle de la pression organique, ou la mise en oeuvre de moyens de traitement des effluents, qui traduit une diminution des apports effectifs d'azote. Il en résulte que cette voie est la seule qui permette de sortir de cette situation.
La détermination des actions à mettre en oeuvre tient compte des efforts déjà entrepris par les éleveurs, par exemple à la source, par réduction des quantités d'azote produites par animal, par l'augmentation des surfaces épandables, par transfert ou traitement des effluents produits. Ainsi, l'objectif de résorption qui est déterminé pour chaque canton en ZES est d'autant plus faible que les efforts déjà engagés par les éleveurs sont importants. Par ailleurs, lorsque les excédents d'azote sont résorbés, c'est-à-dire que l'azote organique épandu passe sous le niveau de 170 kilogrammes par hectare et par an, la principale contrainte liée aux ZES, à savoir l'interdiction d'augmenter les effectifs animaux, est supprimée.
En conclusion, les textes permettent heureusement d'ores et déjà de prendre en compte les efforts réels entrepris par la profession agricole.
Vous me demandez ensuite un réaménagement de la TGAP pour les lessives.
Les lessives comprennent systématiquement des agents de surface, tensio-actifs, et, pour certaines d'entre elles, des phosphates. Ces composants rejetés dans les eaux usées ne sont que partiellement éliminés par les chaînes de traitement, avant d'être rejetés dans le milieu naturel. Leurs effets sur l'environnement sont potentiellement toxiques, car ils nuisent à la flore et à la faune aquatiques et marines.
La décision d'intégrer les lessives dans l'assiette de la TGAP vise donc à réduire à la source les pollutions engendrées par ces produits qui ne peuvent pas être complètement éliminés par les systèmes classiques d'épuration. Les lessives avec phosphates font l'objet d'un taux de taxe plus élevé pour inciter à la mise sur le marché de lessives sans phosphates. Ces dernières restent taxées dans la mesure où elles contribuent à apporter des agents tensio-actifs. Il y a donc lieu de maintenir dans le champ de la TGAP les lessives sans phosphates, sachant que leur niveau de taxation est inférieur.
Vous souhaitez enfin quelques éclaircissements sur « les substances classées dangereuses qui entrent dans la composition des produits antiparasitaires à usage agricole ».
La TGAP s'applique aux produits antiparasitaires à usage agricole et produits assimilés, dont la mise sur le marché est autorisée en application de la loi n° 525 du 2 novembre 1943, et contenant des substances classées dangereuses. Cette taxe concerne à la fois les produits utilisés en zones agricoles et en zones non agricoles. Son assiette, pour chaque produit commercialisé, dépend du poids de chaque substance dangereuse entrant dans sa composition.
A partir des données disponibles et après évaluation par un comité d'experts ou, à défaut, par le fabricant, la procédure de classement d'une substance active peut aboutir à lui attribuer des symboles de danger et des phrases de risques que vous connaissez, destinés à caractériser les dangers qu'elle présente pour l'homme et l'environnement. Dans ce cas, cette substance entre dans la catégorie des substances classées dangereuses. A chaque substance active classée dangereuse est affectée une taxe au kilogramme dont le montant est fonction de son classement toxicologique et écotoxicologique.
La directive 98/8 de la Communauté européenne concernant la mise sur le marché des biocides, actuellement en cours de transposition, concernera à terme les produits désinfectants pour les surfaces au contact des denrées alimentaires. Le point 7 de l'article 253-1 du code rural, qui définit « les produits destinés à l'assainissement et au traitement antiparasitaire des locaux, matériels, véhicules, emplacements et dépendances utilisés pour la récolte, le transport, le stockage, la transformation industrielle et la commercialisation des produits d'origine animale ou végétale » comme antiparasitaires à usage agricole a été abrogé en avril 2001. Néanmoins, il reste en vigueur jusqu'à ce qu'une décision soit prise dans le cadre de la directive « biocides » concernant les substances actives qui composent ces produits. Les produits désinfectants utilisés par la filière agroalimentaire entrent donc bien, à l'heure actuelle, dans le champ de la TGAP.
J'espère avoir répondu le plus précisément possible à votre question, monsieur le rapporteur pour avis.
Je reviendrai sur les autres points que vous avez évoqués dans quelques instants, mais passer de la TGAP au FIPOL, sujet qu'a soulevé M. Ambroise Dupont, me paraît finalement être une bonne transition.
J'ai eu l'occasion de répondre sur ce sujet à une question orale à l'Assemblée nationale voilà quelques jours, et je profite de l'opportunité qui m'est offerte aujourd'hui pour apporter une information complète à la Haute Assemblée.
Le FIPOL est d'actualité pour deux raisons : d'une part, la date du 12 décembre a été retenue pour la présentation des créances de l' Erika ; d'autre part, son avenir fait l'objet de débats européens.
Oui, l'Etat compte bien assigner le FIPOL avant le 12 décembre et lui présenter sa créance pour les quelque 150 millions d'euros qu'il a dû dépenser dans les opérations de nettoyage de nos côtes après le naufrage de l' Erika.
Le contraire serait profondément choquant : c'est bien au pollueur et à son système d'assurances qu'il incombe de payer, et non aux contribuables. Je vous confirme, monsieur Dupont, que cette assignation est d'ores et déjà effectuée.
Je confirme également le maintien de l'Etat en situation volontaire de créancier de second rang. Alors que, déjà, les victimes de la pollution de l' Erika seront sans doute loin de percevoir une indemnisation à la hauteur des préjudices réellement subis, il est en effet de notre devoir de solidarité nationale de ne pas alourdir encore le poids qui pèse sur leurs épaules.
Il faut en revanche rechercher les solutions qui permettraient de mieux aider les victimes de ces pollutions.
Notre choix est, aujourd'hui, plutôt que de dénoncer la convention de 1992, ce qui nous isolerait, de militer pour que le FIPOL évolue.
En clair, je demande principalement deux améliorations sensibles. Premièrement, je souhaite le relèvement du plafond d'indemnisation du FIPOL à hauteur de un milliard d'euros, alors qu'il était inférieur à 200 millions d'euros lors de la catastrophe de l' Erika .
M. Jacques Oudin. Très bien !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Nous devrons compter sur une mobilisation ferme de l'Union européenne pour faire aboutir cette demande. En cas d'échec, mais dans ce cas seulement, il faudra alors étudier la création d'un fonds complémentaire d'indemnisation à l'échelle communautaire. Car, si nous rentrons dans cette logique, monsieur le sénateur, nous payons deux fois. Nous sommes les plus menacés et nous allons constituer un fonds qui nous permettra de répondre aux besoins d'indemnisation.
Deuxièmement, il convient que le FIPOL prenne enfin convenablement en compte les dommages écologiques. Ceux qui prétendent aujourd'hui que les dommages écologiques ne sont ni tangibles ni mesurables se trompent. Les dommages écologiques d'aujourd'hui auront un impact économique indiscutable demain, et des moyens existent pour les quantifier.
Sur ces deux points, il faut que la France parvienne à mobiliser un front commun, notamment au sein de l'Union européenne, afin de faire aboutir sa demande. Je m'y suis déjà attelée.
M. Bizet, rapporteur pour avis, a abordé une question délicate, celle du maintien d'activités agricoles pour lesquelles non seulement la proximité du rivage mais aussi l'implantation de bâtiments proches de celui-ci sont nécessaires.
L'article L. 146-6 du code de l'urbanisme, article issu de la loi du 2 mars 1986, dite loi littoral, dispose que, dans les espaces identifiés comme remarquables en raison de leur qualité environnementale, notamment paysagère, ne sont possibles que des aménagements légers, lorsqu'ils sont nécessaires à leur gestion, à leur mise en valeur, notamment économique ou, le cas échéant, à leur ouverture au public.
Plus précisément, les notions « d'espace remarquable » et « d'aménagement léger » sont définies dans les articles R. 146-1 et R. 146-2 du même code.
Le précédent gouvernement avait modifié l'article R. 146-2 d'une manière qui, si elle répond à une certaine logique environnementale, pose aujourd'hui de sérieux problèmes de survie à des activités littorales, telles que l'ostréiculture dans certaines zones de la Charente- Maritime et l'élevage du mouton de pré-salé en baie du mont Saint-Michel, alors même que ces activités jouent souvent un rôle déterminant dans l'entretien de la qualité des milieux naturels alentour.
Le Gouvernement a bien pris conscience de cette difficulté. Comme M. Bussereau, secrétaire d'Etat aux transports et à la mer, a eu l'occasion de le dire récemment à l'Assemblée nationale, il est urgent de rechercher les moyens d'y remédier, et les services des ministères concernés sont au travail pour apporter rapidement des réponses.
Ces questions très complexes de protection du littoral m'amènent à l'interrogation de M. Ambroise Dupont sur l'évolution du Conservatoire du littoral et des rivages lacustres.
La stratégie à long terme du Conservatoire a été fixée en 1995 et présentée au Président de la République ainsi qu' aux plus hautes instances nationales. Cette stratégie, qui précise l'objectif de la maîtrise foncière d'un tiers du littoral d'ici à 2050, est mise en oeuvre par le Conservatoire en concertation étroite avec les collectivités locales.
Je salue l'adoption du titre VII de la loi relative à la démocratie de proximité, qui concerne le Conservatoire du littoral. Ces dispositions consacrent le partenariat avec les collectivités, précisent les différents modes de gestion, identifient la garderie du littoral, donnent au Conservatoire un pouvoir de police ainsi qu'un droit de préemption propre, en complément de celui des conseils généraux. De plus, cette loi permet l'affectation au Conservatoire de terrains du domaine public, en particulier du domaine public maritime, favorisant ainsi la gestion intégrée des zones côtières que recommande la Commission européenne. Le projet de décret d'application est en cours d'examen au Conseil d'Etat.
Vous vous étonnez, monsieur Dupont, de la baisse des crédits de paiement sur la politique de l'eau alors que j'explique partout que c'est l'une de mes priorités majeures.
En 2001 et 2002, les crédits de paiement avaient été volontairement diminués pour tenir compte d'un volume important de reports dû à des fonds de concours massifs en autorisations de programme et crédits de paiement versés par les agences de l'eau avant la création du FNSE. A la fin de l'année 2001, le montant de ces reports s'élevait par exemple à plus de 51 millions d'euros.
Le chiffre de 28 millions d'euros de crédits de paiement est ajusté selon nos prévisions de consommation en 2003. Un ajustement fin est toujours possible en cours de gestion grâce au fait que les crédits de paiement sont définis par chapitre et non par article de dépense.
En ce qui concerne le volet inondations, qui est évidemment une priorité pour le ministère, le montant des autorisations de programme demeure stable, soit, pour le titre V, près de 14,8 millions d'euros en 2003, contre 16,3 millions en 2002. Sur le titre VI, le montant de 2003 est identique à celui de 2002, soit 19,97 millions d'euros. Je tiens à préciser que l'impact budgétaire du plan de prévention des inondations que j'ai lancé en septembre 2002 sera surtout visible en 2004, 2005 et 2006.
Les parc nationaux, qui vous tiennent tant à coeur, monsieur Dupont, constituent à mes yeux un élément essentiel pour la protection de milieux exceptionnels ; l'année 2003 verra d'ailleurs le quarantième anniversaire de leur naissance. Ces parcs nationaux, au-delà de leur vocation première, sont aussi pour moi la démonstration de la capacité de l'Etat à définir une politique de protection complète, qui associe développement économique, maintien des populations locales, gestion et protection du milieu naturel. Les parcs nationaux ont su s'adapter pour porter l'innovation et accompagner le développement durable des territoires, Je crois à ce concept très solide.
Soutenir ces parcs et leur budget est pour moi une nécessité d'évidence.
Les trois parcs en création - les Hauts de la Réunion, la mer d'Iroise et le parc de Guyane - font l'objet de missions de préfiguration, dont les crédits sont inscrits dans le projet de budget. Les crédits de lancement proprement dits de ces trois parcs seront inscrits au plus tôt en 2004. M. Bizet m'a interrogée sur Natura 2000 et sur la sanctuarisation des sites, qui fait peur à tout le monde. Non, je le répète devant le Sénat, Natura 2000 n'est pas une sanctuarisation ni une zone de protection, c'est un label.
J'ai pu constater, au cours de mes déplacements, que ce label, quand il était bien compris, était extrêmement porteur. Nous avons la chance de posséder, en France, une biodiversité tout à fait remarquable. Il nous faut la protéger.
C'est, certes, le fruit du patrimoine que nous avons reçu mais aussi des modes de gestion favorables de l'espace que nous avons su mettre en oeuvre sur la durée et dans lesquels nous avons su impliquer les propriétaires et les usagers.
Le rôle des documents d'objectifs est bien, à partir de l'inventaire des composantes naturalistes des sites et de l'analyse des activités humaines et des usages, de fixer pour la gestion un cadre de références concertées avec tous les acteurs qui sont au plus près du terrain.
Je suis convaincue que la vie économique et sociale a toute sa légitimité dans les sites Natura 2000. Nous allons donc passer des contrats de gestion avec les personnes qui ont un lien avec le site : les agriculteurs, les pêcheurs, les chasseurs, les forestiers, les professionnels du tourisme ou ceux qui font du tourisme, les randonneurs par exemple, afin que leurs activités et le maintien des espèces puissent se concilier.
J'ai donc augmenté les crédits affectés à Natura 2000 et demandé à mon collègue M. Gaymard, que les préoccupations environnementales soient au coeur de la poursuite des politiques contractuelles qu'il mène ; je pense évidemment plus particulièrement aux CTE.
M. le président. Madame la ministre, je vous prie de conclure.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Je vais m'y employer, monsieur le président.
Je remercie enfin M. Ambroise Dupont d'avoir consacré une partie de sa présentation à la préparation de la charte de l'environnement, qui est ma grande priorité.
Le travail réalisé par la commission de préparation de la charte de l'environnement, qui compte parmi ses dix-huit membres deux parlementaires, dont la députée des Deux-Sèvres Mme Geneviève Perrin-Gaillard et le député-maire de Lons-le-Saunier, M. Jacques Pélissard, et par le comité juridique, auquel participe le sénateur de la Haute-Marne M. Bruno Sido, a permis d'identifier trois formes juridiques possibles pour « adosser » la charte à la Constitution.
J'avais prévu de vous détailler ces trois « scénarios », mais nous aurons l'occasion d'y revenir dans nos travaux approfondis sur la charte.
Les principes qui pourraient être inscrits dans la charte sont ceux que comporte déjà le code de l'environnement ainsi que des principes comme ceux de responsabilité, d'intégration de l'environnement dans les actions publiques, d'éducation et d'information sur l'environnement.
Bien sûr, si vous souhaitez organiser, au sein de votre assemblée, des réunions ou des colloques, le travail que vous ferez sera pris en compte dans l'élaboration de la charte. Mais c'est surtout à partir du moment où nous aurons remis le fruit du travail préparatoire à M. le Président de la République, le 5 juin 2003, que votre rôle sera déterminant, car c'est alors que, sur la base de l'option de forme et de contenu qui sera privilégiée par le Président de la République, s'engagera le débat parlementaire en tant que tel, qui aboutira à la réforme constitutionnelle inscrivant l'environnement dans notre loi fondamentale.
Je vous invite donc à participer activement à la consultation nationale préparatoire en répondant au questionnaire et en vous associant étroitement aux assises territoriales qui vont se tenir à partir de la fin du mois de janvier 2003.
C'est bien, mesdames, messieurs les sénateurs, le pacte social que nous sommes en train de modifier, en déplaçant le point d'équilibre entre l'économie, le social et l'environnement en faveur de ce dernier. Nous replaçons l'homme et son bien-être au centre de tout projet. Il faut donc que toute la société participe à ce débat : c'est un enjeu pour la démocratie participative et représentative. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Je souhaitais, madame la ministre, que vous puissiez apporter les réponses les plus complètes à MM. les rapporteurs, mais j'ai été étrangement généreux concernant votre temps de parole. (Sourires.).
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Je vous remercie de votre mansuétude, monsieur le président !
M. le président. Nous passons aux questions.
Je rappelle que chaque intervenant dispose de cinq minutes au maximum pour poser sa question, que le ministre dispose de trois minutes pour répondre et que l'orateur dispose d'un droit de réplique de deux minutes au maximum.
La parole est à M. Jacques Oudin.
M. Jacques Oudin. Madame la ministre, je formulerai deux observations et vous poserai trois questions.
Ma première observation concerne la charte de l'environnement, dont vous avez beaucoup parlé.
Cette initiative nous réjouit et nous intéresse à la fois. Le Président de la République a légitimement placé l'environnement parmi les priorités nationales de la France. Cette charte de l'environnement sera adossée à notre Constitution, et c'est une initiative unique au sein des démocraties occidentales.
Le vaste débat public qui va s'instaurer avant le débat parlementaire est également une initiative qui mérite d'être saluée. Nous participerons tous à ce débat en tant que parlementaires, mais aussi en tant que présidents d'associations qui s'intéressent à l'environnement. Nous serons donc avec vous jusqu'au 5 juin 2003 pour préparer le texte de cette charte et, ensuite, pour la faire adopter.
J'en viens à ma deuxième observation.
Madame la ministre, quand nous prenons des engagements vis-à-vis des instances européennes, il nous faut nous donner les moyens - et des moyens adaptés - de les respecter. L'eau est le principal vecteur de pollution. C'est donc sur la politique de l'eau que nous devons asseoir largement nos préoccupations. Nous disposons dans ce domaine d'un arsenal juridique considérable. Nous avons des institutions qui nous permettent de l'appliquer. Vous voulez une meilleure administration. Ce que nous demandons, c'est que les moyens financiers soient adaptés à nos ambitions.
Or la situation actuelle n'est pas à la hauteur de ces ambitions. Mes trois questions sont précisément fondées sur cette constatation.
Premièrement, nous avons pris des engagements européens ambitieux et contraignants, que nous ne sommes pas aujourd'hui, en mesure d'honorer. Soyons clairs : le quart des stations d'épuration des collectivités et la moitié des réseaux de collecte des eaux usées ne sont pas conformes à l'échéance du 31 décembre 1998 fixée par la directive « eaux résiduaires urbaines ».
Ces retards ont été sanctionnés à maintes reprises par la Cour de justice des Communautés européennes : condamnations des 8 et du 15 mars 2001, trois avis motivés - seconde lettre d'avertissement - du 24 juillet 2001, mise en demeure du 2 juillet 2002.
A ce stade, nous sommes confrontés au dilemme suivant : soit nous refusons de souscrire à des normes de plus en plus sévères, car nous ne pouvons pas les respecter, soit nous donnons réellement les moyens d'atteindre les objectifs que nous nous sommes fixés, sur lesquels nous nous sommes engagés au niveau communautaire, et nous ajustons nos moyens.
Quelle branche de l'alternative allez-vous choisir ? C'est ma première question.
Deuxièmement, la politique de l'eau a été, au cours des dernières années, « polluée » par des débats idéologiques qui vous laissent un héritage contesté et lourd à gérer. Chacun se souvient ici des débats sur la taxe générale sur les activités polluantes, la TGAP ; notre excellent collègue Philippe Adnot l'a amplement rappelé : les crédits qui auraient dû être affectés à l'environnement ont été utilisés pour les 35 heures. J'ai le plus grand respect pour les 35 heures, mais j'ai également un très grand intérêt pour l'environnement ! (Sourires.)
La première version du projet de loi portant réforme de la politique de l'eau a également suscité des polémiques. Vous avez manifesté le souhait d'abandonner ce projet pour engager une nouvelle réflexion. Je vous en félicite. Pour autant, nous devons demeurer vigilants.
Voici donc mes questions sur la nouvelle loi sur l'eau. Quels délais pour quelles ambitions ? Quelles ambitions pour quels moyens ? Quelles expertises pour quelles ambitions ?
Troisièmement, vous avez dit que vous souhaitiez des débats apaisés, fondés sur l'expertise. Bravo ! C'est exactement ce que nous souhaitons ! Mais les modalités de mise en oeuvre du huitième programme des agences de l'eau sont en cours d'adoption au sein des comités de bassin. Leur financement soulève une importante contradiction. J'ai déjà signalé le retard que nous accusons s'agissant de la directive « eaux résiduaires urbaines ». Mais nous avons également du retard en ce qui concerne les directives « eau potable » et « nitrates ». En outre, nous devons mettre en oeuvre de nouvelles exigences européennes : la directive-cadre, le plomb, etc.
Dans ce contexte, les recettes des agences vont connaître une baisse sans précédent : cinquième programme, 40 milliards d'euros de travaux ; sixième programme, 80 milliards de travaux ; septième programme, 105 milliards de travaux. Quel sera le montant des travaux pour le huitième programme ?
Permettez-moi de citer les chiffres intéressant mon comité de bassin : montant des investissements prévus pour les années 2003 à 2006, 1,3 milliard d'euros ; recettes prévisionnelles, 1,056 milliard. Qui paie la différence ? Le fonds de roulement. Il passe de huit mois à deux mois. Parfait !
Mais, une fois que nous n'aurons plus de fonds de roulement et que le produit des redevances aura baissé, que ferons-nous ? On me rétorquera que celui-ci ne va pas baisser. Mais si ! Il va passer de 235 millions d'euros en 2003, à 222 millions en 2004, à 212 millions en 2005, à 206 millions en 2006. Et les recettes totales vont baisser aussi ! Respectivement, pour les mêmes années, elles atteignent les montants suivants : 282,5 millions d'euros, 269 millions, 256,5 millions, 247,4 millions. Une fois qu'on aura atteint le point bas mais que les obligations auront, elles, atteint leur point haut, que se passera-t-il ?
La situation est-elle analogue dans les cinq autres bassins ? Cette situation est-elle pérenne ? S'inscrit-elle réellement dans la perspective d'une politique de l'eau durable, notamment après épuisement des fonds de roulement ?
Madame la ministre, vous avez dit : « Il est urgent de stabiliser les ressources des agences de l'eau. » J'apporterai une nuance : je crois qu'il faut donner aux agences les moyens financiers de respecter nos engagements.
Sur le financement de la politique de l'eau, je suis naturellement prêt, avec les associations que j'ai l'honneur d'animer ou de présider, à participer à cette réflexion et à vous aider.
Bien sûr, il faut stabiliser les prélèvements publics. C'est une politique que j'approuve. Mais il faut tout de même vous donner, madame la ministre, les moyens de votre politique et de vos ambitions, que nous soutenons. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants, de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Monsieur le sénateur, je voudrais d'abord vous remercier de l'appréciation que vous portez sur l'initiative qui a été prise concernant la charte de l'environnement, et de votre décision de participer activement à son élaboration. Nous avons d'ailleurs eu l'occasion d'en discuter de façon approfondie lors de mon dernier déplacement sur le littoral vendéen, que vous aviez particulièrement bien organisé. Je connais donc votre implication dans tout ce qui concerne les programmes de l'eau.
Pour les raisons que vous avez rappelées, je n'ai effectivement pas laissé se poursuivre l'examen du projet de loi sur l'eau qui avait été préparé par mes prédécesseurs. Pour autant, je n'ai évidemment pas abandonné ce chantier et j'ai divisé le travail en quatre parties.
La première partie concerne le réexamen de l'architecture des responsabilités pour tout ce qui touche à l'eau. Cet aspect est renvoyé - comment pourrait-il en être autrement ? - à notre grand débat sur la décentralisation.
La deuxième partie concerne les risques, en particulier le risque inondations : dans le projet de loi sur les risques que je vous présenterai dès le début de l'année prochaine, le titre II sera entièrement dédié aux risques naturels, au premier rang desquels figurent les inondations.
La troisième partie est constituée par la transposition de la directive-cadre européenne sur l'eau, à laquelle vous êtes particulièrement attaché. Nous y travaillerons au cours du premier semestre de 2003.
Quant à la quatrième partie, c'est la préparation et l'examen, qui devrait intervenir au début de l'année 2004, d'une nouvelle loi sur l'eau. La concertation approfondie qui est le préalable nécessaire à l'élaboration de ce texte est entamée, vous le savez, monsieur Oudin, puisque je me suis rendue à votre invitation, ici même, il y a deux mois, pour participer aux travaux du Cercle français de l'eau - que vous animez - consacrés au thème de l'évaluation de la politique de l'eau à l'aube du huitième programme.
Je partage votre analyse sur le déficit d'évaluation préalable des moyens nécessaires pour atteindre les objectifs environnementaux, sur les retards dans l'application des normes européennes, sur la nécessité d'optimiser l'utilisation des crédits dans un contexte de maîtrise des prélèvements obligatoires, sans parler du retard que nous avons pris dans la tranposition des innombrables directives européennes. Je signale que l'ancien ministère de l'environnement figurait, en la matière, parmi les trois derniers de la classe européenne !
Vous souhaitez une accélération de procédures de police de l'eau avec un soutien aux moyens des services, une meilleure évaluation des objectifs, un meilleur suivi des politiques publiques de l'eau, un développement de la planification concertée : ces objectifs sont également les miens.
Je maintiendrai en 2003 l'effort de soutien aux moyens techniques de la police de l'eau en privilégiant les actions de contrôle du respect des autorisations et une amélioration permanente du fonctionnement des guichets uniques que représentent les missions interservices de l'eau, dans l'intérêt des usagers.
Je suis particulièrement attachée à ce que les effectifs de la police de l'eau soient préservés dans les services départementaux de l'Etat, comme le sont les effectifs des gardes-pêche relevant de ma responsabilité.
La nécessité d'améliorer l'évaluation et le suivi de l'efficacité des politiques publiques de l'eau m'a conduite à donner plus de lisibilité à moyen terme aux agences de l'eau en remplaçant le programme de transition de deux ans par un huitième programme de quatre ans dont la durée est identique à celle des contrats de plan Etat-région.
Elle m'a également conduite à demander aux agences de l'eau d'organiser, dans ce programme, un effort convergent des acteurs de l'eau pour progresser vers l'objectif d'un bon état écologique de l'eau à l'horizon 2015, qui est au coeur de la directive-cadre. Dans un contexte d'aggravation des contentieux communautaires, je leur ai assigné comme priorité politique d'inciter les communes et les éleveurs à mieux investir, à mieux gérer, de manière que nous rattrapions nos retards en matière de résorption des excédents de nitrates et de respect des normes de pollution urbaine dans les agglomérations.
Les conseils d'administration des agences de l'eau ont retenu un montant global d'aides de plus de 8 milliards d'euros pour les années 2003 à 2006, en tenant compte à la fois des besoins de financement de la politique de l'eau, de la stabilisation de la pression fiscale en matière de redevance et du niveau de trésorerie disponible.
Le Gouvernement prévoit des contrats d'objectifs avec les agences de l'eau afin de se doter d'indicateurs précis capables de suivre l'efficacité des actions engagées, autant pour l'application des directives communautaires que pour la mise en oeuvre de politiques territoriales permettant de sélectionner les actions les plus pertinentes pour le développement durable de la ressource en eau et des milieux aquatiques.
Monsieur le sénateur, je peux vous confirmer mon total engagement sur un sujet qui, je le sais, vous tient particulièrement à coeur. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants, de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Jacques Oudin.
M. Jacques Oudin. Madame la ministre, vous avez parfaitement répondu à mes questions. Cette réflexion doit cependant être poursuivie, puisque les agences de l'eau, les comités de bassin devront se prononcer sur le huitième programme de quatre ans et qu'il faut, bien entendu, faire des projections au-delà.
Une fois que les ressources auront baissé et que les fonds de roulement auront été utilisés, nous nous retrouverons dans la situation que nous avons connue il y a dix ans, c'est-à-dire à un moment où il a fallu faire un effort d'investissement considérable. Que s'est-il passé ? Le prix de l'eau a augmenté et nos populations se sont émues.
Pour ma part, je pense qu'un ajustement annuel progressif est meilleur qu'un grand saut pour rattraper les retards. Certains d'entre nous sommes prêts à étudier le problème du prix de l'eau, car, contrairement à ce qu'on croit, nos concitoyens ne refusent pas que le prix de l'eau soit ajusté en fonction des investissements et du respect de nos obligations ; 59 % des Français sont prêts à payer l'eau un peu plus cher si elle est de meilleure qualité et si nous respectons davantage nos obligations.
Cela dit, le problème est toujours le même : nous devons respecter nos engagements. Nous sommes les plus mauvais élèves de la classe pour la transposition des directives dans notre droit et pour les résultats effectifs constatés.
Madame la ministre, je suis sûr qu'avec l'aide du Parlement vous saurez réagir.
M. le président. La parole est à M. Jacques Pelletier.
M. Jacques Pelletier. Madame la ministre, dans le contexte économique et financier que nous connaissons aujourd'hui, votre budget est très correct. Par ailleurs, vous avez une façon pragmatique et intelligente d'aborder les problèmes très importants qui relèvent de votre autorité. Je vous en félicite et, bien évidemment, avec beaucoup de mes collègues, je voterai avec plaisir votre budget.
Je voudrais vous interroger sur l'absence de crédits en faveur de l'Office national de la chasse et de la faune sauvage, l'ONCFS, dans ce projet de budget.
L'office national, établissement public à caractère administratif placé sous votre tutelle, a vu son champ d'activités considérablement élargi ces deux dernières années, notamment en application de la loi relative à la chasse de juillet 2000.
L'office national assure désormais trois missions essentielles.
Il s'agit, premièrement, de la réalisation d'études, de recherches et d'expérimentations. Conduite par les ingénieurs, chercheurs et techniciens des cinq centres nationaux d'études et de recherche appliquée, cette mission vise à améliorer les connaissances des espèces, de leurs populations et de leurs habitats, ainsi qu'à proposer des mesures de gestion concertées et validées permettant le maintien d'une faune abondante et compatible avec les divers usages de l'espace rural.
La compétence et l'expérience de l'Office dans ces domaines sont aujourd'hui reconnues par la communauté scientifique et les responsables de la chasse.
Deuxièmement, l'Office apporte un appui technique. Cette mission répond à une demande forte de l'administration, notamment des directions régionales de l'environnement, les DIREN, ainsi que des établissements publics ou des collectivités territoriales porteurs de projets d'aménagements susceptibles d'avoir un impact sur la faune. Elle recouvre l'expertise, la vulgarisation, l'information et la formation des acteurs.
Troisièmement, l'Office assure enfin la surveillance de la faune sauvage et la police de la chasse.
Exécutée par 1 430 agents de l'établissement, cette mission, qui participe aujourd'hui à la police de l'environnement, est considérée depuis toujours comme un domaine d'excellence de l'office.
Mobilisant l'essentiel du temps de travail des agents - près de 67 % en 2001 - elle consiste en la surveillance, la prévention, l'information et la constatation des infractions.
Afin de répondre aux nouvelles ambitions qui lui ont été confiées par la loi chasse, l'Office a mis en oeuvre un projet d'établissement, approuvé en décembre 2000 : ouverture de son conseil d'administration aux représentants des agriculteurs, des forestiers, des gestionnaires d'espaces protégés et des associations de protection de la nature, restructuration de l'échelon central, création de quinze délégations régionales, renforcement de la technicité par recrutement d'ingénieurs et de techniciens.
Le ministère de tutelle a soutenu ces évolutions. Il vient notamment de fonctionnariser les 1 400 agents de l'Office. Ces derniers ont été intégrés dans le corps d'agents techniques et de techniciens de l'environnement nouvellement créé, mais salaires et charges continuent à être assurés par l'ONCFS.
Cette situation m'amène au coeur de ma question, madame la ministre.
Ces évolutions nécessaires ont considérablement alourdi le budget de l'établissement, notamment la masse salariale, qui est passée de 56,9 millions d'euros en 1998 à 66,3 millions d'euros en 2002, soit une augmentation de 16,5 %. De plus, pour 2003, les dépenses prévisionnelles marquent une forte hausse.
Depuis la suppression, en 1998, des services départementaux de garderie dont le financement par les fédérations de chasseurs bénéficiait à l'Office à hauteur de 12 millions d'euros par an, les ressources de celui-ci se limitent aux seules redevances cynégétiques.
L'équilibre budgétaire a néanmoins pu être assuré en recourant à des mesures à caractère exceptionnel, telles que l'augmentation de ces redevances ou en prélevant sur les réserves de l'office. Mais la baisse continue des effectifs de chasseurs cotisants de 3 % par an en moyenne, et le tarissement des réserves, évaluées à 2,5 millions d'euros à la fin de l'exercice 2003, ne permettront pas de « construire » le budget de l'Office pour l'année 2004.
Vous remarquerez, madame la ministre, que j'attire votre attention sur ce point bien en avance.
A plusieurs reprises, le conseil d'administration de l'Office s'est ému de cette situation auprès de votre ministère, en souhaitant la définition de moyens financiers nouveaux et pérennes.
A l'évidence, madame la ministre, l'Etat devra se saisir de ce problème au moment de l'élaboration du projet du budget pour 2004 car, l'année prochaine, l'Office n'aura plus de réserves. Les missions qui lui ont été confiées progressivement par le ministère et par la loi chasse, particulièrement la police de l'environnement, exigent une participation financière de l'Etat.
Je vous serais très obligé de bien vouloir m'indiquer quelles sont vos intentions sur ce sujet.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Monsieur Pelletier, votre question me permet de tracer très rapidement devant vous les principes qui conduisent mon action pour ce dossier très difficile de la chasse.
Le premier principe est celui de la réconciliation. Sur ce dossier complètement « miné », je veux entendre dans un esprit apaisé tous ceux qui, au même titre, sont les garants de la protection de nos espaces et de nos espèces, les chasseurs, d'une part, et les associations de protection de la nature, d'autre part.
Le deuxième principe, c'est celui de l'expertise scientifique. Dans un dossier particulièrement difficile, on ne peut s'entendre qu'autour de données parfaitement incontestables. C'est dans cet esprit qu'a été décidée la création d'un observatoire de la faune sauvage qui permettra une gestion fine des espèces.
Le troisième principe, c'est celui de la décentralisation. La chasse est la gestion des espaces et des espèces. Il existe de grandes différences sur l'ensemble de notre territoire et l'on ne peut gérer de la même façon ces espaces et ces espèces dans le Nord, le Sud, l'Est et l'Ouest. C'est pour ce motif, par exemple, qu'a été pris, il y a quelques jours, un arrêté sur les mustélidés qui renvoie au niveau départemental la gestion de cette famille de mammifères.
J'en viens au coeur de votre question. L'Office national de la chasse et de la faune sauvage, l'ONCFS, dispose de ressources propres, il n'y a donc aucune raison qu'il ait une inscription budgétaire.
Il est vrai, toutefois, que la loi de juillet 2000 a imposé une nouvelle répartition entre ses missions et celles des fédérations de chasseurs.
Le budget pour 2003, qui sera présenté au prochain conseil d'administration, le 16 décembre prochain, tient compte à la fois des engagements de plein emploi et des priorités gouvernementales, notamment pour la préparation des orientations régionales de gestion de la faune sauvage et le lancement de l'observatoire dont je vous parlais à l'instant.
Il implique un effort important de redéploiements internes. Il sera difficile de maintenir, dans les années suivantes, les conditions d'équilibre de 2003, le montant de la redevance cynégétique baissant chaque année de près de 4 millions d'euros. J'ai coutume de dire qu'une des principales espèces menacées, dans ce pays, est celle des chasseurs eux-mêmes.
M. Gérard Braun. Exactement.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Il s'agit donc d'un budget de transition.
A l'avenir, compte tenu de l'élargissement des missions confiées à l'ONCFS, notamment en matière de police de la nature par l'Etat, il faudrait envisatger une budgétisation d'une partie de ses missions.
Pour préparer cette évolution et, parallèlement, celles du conseil supérieur de la pêche, qui a, finalement, les mêmes problèmes de structure, j'ai, à mon arrivée, confié à M. Pierre Roussel, inspecteur général de l'environnement, une mission de prospective et de consultation très large. Je disposerai dans quelques jours de ce rapport et j'entamerai la concertation générale nécessaire pour que les missions de police et de recueil scientifique de ces deux établissements puissent être maintenues avec la conscience professionnelle et la qualité qui leur sont reconnues. Bien entenu, mesdames, messieurs les sénateurs, j'associerai pleinement le Sénat à ce travail de réflexion et de concertation.
M. Gérard Braun. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Jacques Pelletier.
M. Jacques Pelletier. Je vous remercie, madame la ministre, de nous avoir rappelé vos vues en matière de chasse, notamment de votre souci d'une concertation permanente.
J'ai bien compris que tout ce qui concerne l'ONCFS sera revu avant la préparation du budget pour 2004. Je vous donne donc rendez-vous dans un an.
M. le président. La parole est à M. François Trucy.
M. François Trucy. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, les années passées, le précédent gouvernement n'avait pas hésité à recourir aux effets d'annonce et d'affichage pour se donner « une bonne conscience écologique » : les crédits connaissaient certes une augmentation, mais le périmètre budgétaire du ministère était considérablement élargi. Ils étaient aussi l'objet d'une sous-consommation chronique. Et, pendant ce temps, la législation n'a pas beaucoup évolué : le projet de loi relatif à l'eau n'a pas dépassé le stade de la première lecture ; le projet de loi relatif à la transparence nucléaire n'a pas été présenté au Parlement, pas plus que celui qui est relatif aux risques industriels ; enfin, le plan de lutte contre l'effet de serre est quasiment resté lettre morte.
Votre budget, madame la ministre, est en rupture avec ces pratiques. Il se veut, à juste titre, un budget de stabilisation et de vérité. Vous l'affirmez et nous le pensons. Dans cette démarche, vous trouverez notre entier soutien.
Je souhaiterais vous interroger plus particulièrement sur le Conservatoire du littoral.
Les principes qui ont présidé à sa mise en place en 1975 gardent aujourd'hui encore toute leur pertinence. Il existe bien un patrimoine littoral digne de préservation par la collectivité pour les générations futures.
Nous devons notamment protéger les zones écologiquement fragiles, comme les zones humides et les marais ; nous devons aussi protéger nos côtes des dangers de certains projets, par exemple immobiliers, par trop envahissants ; nous devons enfin promouvoir, avec toujours plus d'efficacité, le respect des sites naturels et des équilibres écologiques.
A titre d'illustration, dans mon département, le Var, l'intervention du Conservatoire sur la presqu'île de Giens a été très opportune : elle a permis de sauvegarder un écosystème et de préserver nature et paysages. L'acquisition des anciens salins d'Hyères désaffectés, par le recours exceptionnel à la procédure d'expropriation, a permis de sauver un site d'un grand intérêt en termes de diversité biologique. Restent devant nous des années de travail.
Pour toutes ces raisons, le Conservatoire a vu progressivement son domaine de compétences et d'interventions s'élargir et se renforcer. Et le partenariat avec les collectivités locales a été amélioré.
Constitué d'une équipe relativement modeste mais dynamique - une centaine de personnes travaillent au Conservatoire ; on dénombre cent cinquante gardes du littoral et une douzaine d'emplois-jeunes dans l'établissement - le Conservatoire assurait, au 1er juillet 2002, la protection de près de 66 600 hectares sur 490 sites et celle de 861 kilomètres de rivages, dont 737 kilomètres de rivages maritimes.
La stratégie à long terme de l'établissement - j'espère que vous nous le confirmerez - est d'arriver à la maîtrise foncière de 200 000 hectares en bord de mer afin de protéger définitivement un tiers du littoral français. En 2002, un tiers de cette mission est assuré.
En somme, aujourd'hui, un constat s'impose : la mission confiée au Conservatoire du littoral est l'objet d'un remarquable consensus.
C'est pourquoi il faut lui donner les moyens non seulement de la continuer avec succès, mais encore de s'adapter à des situations nouvelles, car ses responsabilités sont de plus en plus lourdes.
Ainsi, le Conservatoire doit désormais mener des opérations plus complexes et plus coûteuses qu'à ses débuts du fait, notamment, du renchérissement du prix des terrains. Par ailleurs, dans la mesure où son patrimoine augmente de façon régulière, le volume des travaux - terrains, bâtiments - à accomplir par les propriétaires, le nombre des conventions de gestion à négocier, le suivi de la gestion prennent une importance croissante.
Dans le budget pour 2003, la dotation de fonctionnement progresse de 3 %, ce qui est bien et permettra la création de trois postes budgétaires, ce qui est peu. En revanche, les crédits d'investissement enregistrent une baisse relativement importante de 6 % qui nous préoccupe et qui risque d'affecter la capacité d'intervention de l'établissement.
Madame la ministre, nous vous saurions gré de bien vouloir nous éclairer sur ces choix en faveur du fonctionnement par rapport à l'investissement et de nous rassurer sur la pérennité des moyens accordés au Conservatoire du littoral. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR, de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Monsieur Trucy, je vous remercie des remarques positives que vous avez émises sur le travail d'ascèse budgétaire auquel je me suis livrée.
Vous m'interrogez plus précisément sur les crédits du Conservatoire du littoral, organisme qui vous tient particulièrement à coeur, en vous inquiétant d'une baisse des crédits, en particulier des crédits d'investissement.
La dotation de fonctionnement que j'ai prévue pour 2003 s'élève à 7,5 millions d'euros et correspond à une augmentation de 3,7 %. Elle permettra la création de quatre postes budgétaires, dont un poste pour la déprécarisation. Dans un contexte particulièrement difficile, cela montre notre intérêt pour le Conservatoire du littoral et des rivages lacustres.
La dotation d'investissement, soit 18,07 millions d'euros en autorisations de programme et 17,1 millions en crédits de paiement, correspond à un ajustement aux projets en cours d'acquisition. C'est sur l'analyse des projets en cours d'acquisition que nous avons bâti cette ligne. Vous remarquerez que le très fort taux de couverture en crédits de paiement correspond bien à la réalité des dépenses : acheter un terrain exige de disposer immédiatement des crédits de paiement.
Par ailleurs, l'expérience montre que, lorsqu'une importante acquisition se présente - vous avez rappelé le cas des salins d'Hyères, en 2001 -, des moyens spécifiques peuvent être trouvés. Mais l'expérience nous montre aussi, en ce qui concerne le Conservatoire du littoral, que les acquisitions éventuelles sont en général très longues à mettre en oeuvre. Certaines procédures d'acquisition ont duré plus de vingt ans.
L'accent sera mis, en 2003, sur la consolidation de l'équipe technique et administrative pour mettre en oeuvre, d'une part, la refondation prévue par la loi relative à la démocratie de proximité et, d'autre part, le partenariat actif et reconnu avec les collectivités territoriales.
Le Conservatoire du littoral a donc reçu les moyens d'un bon fonctionnement. Si, par hasard, ce dont je doute, la possibilité d'une acquisition foncière particulièrement importante et significative se présentait, nous veillerions à ce qu'il puisse l'effectuer. (M. Jean Bizet, rapporteur pour avis, et M. Gérard Braun applaudissent.)
M. le président. La parole est à M. François Trucy.
M. François Trucy. Je voudrais simplement remercier Mme la ministre qui, comme toujours, s'est exprimée avec clarté et vigueur.
M. le président. La parole est à Mme Odette Herviaux.
Mme Odette Herviaux. « Economies, économies » ! « Héritage, héritage ». Quel autre prétexte trouverez-vous l'an prochain ! Combien de fois avons-nous entendu ces notes depuis le début de la session budgétaire.
M. Max Marest. Quelle mauvaise foi !
Mme Odette Herviaux. En tout cas, les chiffres sont là. Le budget de l'écologie et du développement durable enregistre une baisse de 0,2 %. En outre, le Gouvernement a fait des coupes sévères dans celui de l'ADEME, qui baisse de 34,5 %. En résumé, madame la ministre, je dirai pour ma part : plutôt régressions, restrictions et transferts de charges déguisés aux collectivités territoriales.
Je ne rappellerai pas les termes du discours de M. le Président de la République, à Johannesburg le 2 septembre dernier. Mais avouez qu'entre le ton véhément, le fond alarmiste de ce discours et la réalité de votre budget, il y a plus qu'un fossé, il y a une faille.
Cette baisse des crédits consacrés à l'environnement constitue à notre avis un véritable coup d'arrêt à la politique volontariste qui avait été mise en place les années précédentes et qui avait conduit à multiplier par 2,7 ces crédits, mais en intégrant la budgétisation de l'ADEME.
Madame la ministre, les diminutions de crédits visent presque tous les secteurs de l'environnement, sans que l'on sache toujours très bien quelles activités seront plus particulièrement pénalisées.
Je comprends d'ailleurs difficilement que l'on puisse à la fois annoncer des priorités - dont, d'ailleurs, je partage totalement l'analyse - et, en même temps, baisser les crédits nécessaires à la mise en oeuvre de ces actions prioritaires que vous avez tout à l'heure citées.
On remarque, pour la lutte contre la pollution de l'air, une baisse de presque 10 % du budget. La recherche sur la réduction des émissions polluantes dans l'industrie, les transports et l'agriculture est également touchée, avec une baisse de 12 %. Pour la lutte contre le bruit, la baisse est supérieure à 52 %, alors que 54 % des Français considèrent que c'est une priorité dans la lutte contre les nuisances. Le budget du Conservatoire du littoral et des rivages lacustres est amputé de 5 %. Ce recul est incompréhensible et préjudiciable à la protection du littoral, dont la défense, nécessaire et urgente, avait été enclenchée par le budget de 2002 dans la lignée du rapport de notre collègue Louis Le Pensec, qui demandait un rattrapage nécessaire des moyens du Conservatoire pour mener à bien sa mission.
L'Institut français de l'environnement, l'IFEN, subit, lui aussi, une forte baisse de plus de 20 %, alors que vous prévoyez le renforcement de ses missions.
Le budget de l'Agence française de sécurité sanitaire environnementale, l'AFSSE, baisse d'un tiers ; pourtant vous affirmez que la sécurité est une priorité dans le domaine de l'environnement.
Enfin, permettez-moi d'ajouter, en tant qu'élue du Morbihan, que j'ai été très sensible à la réforme de la politique de l'eau que vous présentez comme un enjeu vital - c'est vraiment le cas de ma région ! Malheureusement, avec la baisse de 5 %, je me demande comment vous parviendrez à la mettre en oeuvre.
J'en viens enfin à l'objet de ma question, à laquelle vous avez déjà en partie répondu : la forte diminution des crédits de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie, l'ADEME.
Je rappelle simplement que les actions de l'ADEME s'inscrivent dans un contrat de plan défini conjointement avec les ministères de l'environnement, de la recherche et le secrétariat d'Etat à l'industrie. Fixées à 218 millions d'euros pour 2003, les autorisations de programme baissent de 13 %, sous le prétexte de la date butoir du 1er juillet 2002.
Pourtant, le nombre de demandes d'interventions financières en matière d'équipements de traitement des déchets a explosé en 2002 - toutes ont été déposées avant le 30 juin - entraînant pour l'ADEME l'impossibilité peut-être d'honorer 85 millions d'euros d'aides.
Par ailleurs, vous n'hésitez pas à dire que ce projet de budget lui permettra de poursuivre ses programmes opérationnels « en les ajustant aux priorités effectives des pouvoirs publics pour l'année 2003 ». Quelles sont donc ces priorités, madame la ministre ?
La baisse des crédits subie par l'ADEME concerne également la maîtrise de l'énergie, qui voit sa dotation baisser de 42 %.
Je souhaite aussi attirer votre attention sur le mauvais coup porté encore une fois aux collectivités territoriales si l'ADEME limitait ses interventions dans le secteur des déchets.
Pour les déchets ménagers, il reste à développer la collecte sélective dans l'habitat vertical et le traitement de ces déchets, ainsi que ceux des entreprises, notamment les plus petites, et des artisans.
A travers cet exemple de l'ADEME, on pourrait faire une longue énumération des distorsions qui existent entre les préoccupations des Français et vos réponses budgétaires.
Madame la ministre, avec le projet de budget que vous nous présentez, comment pensez-vous pouvoir maintenir deux des grandes priorités de l'ADEME développer une économie de déchets à haute qualité environnementale et amplifier un effort durable de maîtrise de l'énergie ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Madame la sénatrice, je centrerai ma réponse principalement sur l'ADEME et l'AFSSE, les questions précédentes qui m'ont été adressées m'ayant permis de répondre par avance à vos autres questions.
S'agissant de l'ADEME, nous étions confrontés à une échéance importante, celle du 1er juillet 2002. La loi de 1992 imposait en effet aux opérateurs de ne recevoir et donc de n'entreposer que des déchets ultimes. Outre le fait que la définition de ces déchets est juridiquement inopérante, proroger le financement revenait à aider des mauvais élèves et à ne pas récompenser les bons. J'ai donc donné les instructions nécessaires pour que les opérateurs se mettent aux normes, et les crédits de paiement de l'ADEME, qui sont passés de 61 millions à 71 millions d'euros, permettront de traiter les dossiers que mes services ont reçus avant le 1er juillet 2002.
Voilà le travail de sincérité budgétaire que j'ai fait pour l'ADEME. Le reste, ce sont des effets d'annonce !
En outre, nous profiterons du premier semestre 2003 pour mettre en place sur l'ensemble des filières la nouvelle politique de déchets qui est tout à fait indispensable en raison des difficultés auxquelles nous nous heurtions et que j'ai signalées dans mon propos liminaire.
Pour les autres missions de l'ADEME, celles qui concernent la qualité de l'air ou le traitement de la pollution des sols, les crédits sont largement suffisants.
J'en viens à l'Agence française de sécurité sanitaire environnementale, qui illustre vraiment ce qu'est un effet d'annonce ! On décide sa création, mais on n'embauche pas de personnel et on n'accorde aucun crédit budgétaire. J'ai décidé de faire de cette coquille vide un outil opérationnel.
A cet effet, j'ai donc versé au budget de l'AFSSE 1,52 million d'euros parallèlement au 1,52 millions d'euros de M. Mattei. J'ai également ouvert douze emplois au titre du ministère de l'écologie et du développement durable, associés aux douze emplois ouverts par M. Mattei au titre du ministère de la santé, de la famille et des personnes âgées.
Voilà qui va nous permettre de faire de cette coquille vide que vous nous avez laissée l'outil opérationnel qui est absolument indispensable à la santé environnementale. C'est, madame la sénatrice, toute la différence entre la gestion précédente et celle que je souhaite mener ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme Odette Herviaux.
Mme Odette Herviaux. Madame la ministre, j'ai bien entendu votre volonté de réaffirmer les priorités de l'ADEME mais, en l'amputant aussi fortement, avouez que votre Gouvernement ne vous aide pas beaucoup !
Malgré votre bonne foi, dont je n'ai pas à douter, malgré une certaine solidarité féminine, je le reconnais, et malgré vos convictions souvent fortes que j'ai pu apprécier dans d'autres circonstances, je reste sceptique et inquiète, car ce qui se passe pour l'ADEME, notamment en matière de soutien à la recherche, limitera forcément les chercheurs dans la poursuite de leurs travaux, tout comme ceux du CNRS et de l'INRA.
Je désire également vous informer d'un problème spécifique à ma région.
Ces dernières années, l'ADEME a permis des avancées significatives dans le domaine des économies d'énergie, l'énergie éolienne par exemple, malgré une campagne plus ou moins sournoise de dénigrement, mais de sérieux efforts restent à faire. C'est le cas du soutien aux chauffe-eau solaires, au chauffage solaire et aux pompes à chaleur.
Dans une région comme la mienne, madame la ministre, peu réputée, à tort d'ailleurs, pour son ensoleillement, l'idée a pris du temps et, même si ces aides existent depuis trois ans, le manque d'artisans formés ou agréés a reporté à 2002 une véritable explosion de la demande. Il y a maintenant plus de 100 artisans agréés « solaire », autant pour le chauffage par pompe à chaleur. Le nombre d'installations pourrait passer à plusieurs centaines en 2003 pour peu que l'on maintienne le soutien au niveau actuel jusqu'à la fin des accords-cadres en 2006.
Je vous laisse imaginer l'impact économique désastreux pour notre région, comme pour beaucoup d'autres, si l'implication et les objectifs de l'ADEME étaient revus à la baisse d'une manière inconsidérée, entraînant ainsi un recul des activités de ces artisans qui se sont beaucoup investis.
M. le président. La parole est à Mme Evelyne Didier.
Mme Evelyne Didier. En préambule à mon propos, je voudrais dire, madame la ministre, que je ne doute pas de votre intérêt personnel pour l'écologie et le développement durable, et que je vous sais animée d'une réelle volonté de faire avancer la cause de l'environnement.
L'entretien que vous avez bien voulu accorder à certains de nos collègues et amis en septembre dernier a conforté ce sentiment.
Toutefois, l'intérêt soudain du Gouvernement pour le développement durable m'apparaît davantage, en tout cas pour l'instant, comme une nouvelle marotte, un affichage qui - permettez-moi cette expression - « ne mange pas de pain ». Nous verrons, dans l'ensemble des mesures, ce qui pourra être fait.
J'en viens maintenant à notre sujet d'aujourd'hui.
La formule expérimentale de questions et de réponses avec droit de réplique instantanée pour certains budgets, dont celui de l'écologie et du développement durable, ne me permet pas d'exprimer comme je le souhaiterais, l'avis du groupe communiste républicain et citoyen sur de nombreux sujets essentiels comme les espaces naturels, la politique de prévention des pollutions et des risques, celle des déchets ménagers, la lutte contre les nuisances sonores ou encore la pollution atmosphérique. Je ne peux que le déplorer.
Je me bornerai donc à intervenir sur la politique de l'eau, un domaine sensible à bien des égards.
Tout d'abord, je tiens à dire que cette politique, malgré ce qui est affirmé, n'apparaît pas comme le volet prioritaire de ce budget.
En effet, pour la deuxième année consécutive, d'ailleurs, celui-ci diminue de façon importante, de 23 % en 2002 et de 13,2 % en 2003.
De plus, l'agrégat 22 ne représente que 3,7 % du budget de l'écologie et du développement durable. C'est d'ailleurs celui-ci qui subit l'essentiel de la diminution des crédits.
A ce propos, je citerai la remarque très juste de M. le rapporteur spécial de la commission des finances : « Il convient de souligner la réduction des crédits destinés à la lutte contre les inondations, alors que la prévention des inondations d'origine fluviale constitue l'une des priorités du ministère. »
Rappelons encore la volonté de certains parlementaires en mal d'économies de réduire les recettes du Fonds national de solidarité pour l'eau, sous prétexte de non-consommation, alors que, dans le même temps, dans les départements, on manque de crédits pour financer les investissements.
Comment, dès lors, peut-on parler de priorité ?
Par ailleurs, ce budget, comme d'autres, est marqué par la volonté de mettre la France en conformité avec les directives européennes. J'en citerai trois : la directive-cadre du 23 octobre 2000, qui fixe l'obligation d'atteindre un bon état pour les milieux aquatiques, la directive « nitrates », destinée à lutter contre les pollutions agricoles diffuses liées à l'azote, et la directive concernant les eaux résiduaires urbaines.
La mise en oeuvre de ces nouvelles règles a nécessité et nécessitera encore, de la part tant des collectivités que des agriculteurs et des particuliers, des efforts financiers considérables dans les années à venir.
Pouvez-vous nous indiquer comment et avec quels moyens l'Etat envisage d'aider ceux-ci à faire face à ces obligations, qui s'ajouteront aux autres dépenses déjà engagées, notamment pour la collecte et le traitement des déchets ?
Ne serait-il pas intéressant, dans un souci de transparence, d'étudier l'évolution des coûts, pour les collectivités et les particuliers, de la mise en place des politiques environnementales et plus particulièrement du principe pollueur-payeur, qui pointe, à mon sens, trop souvent du doigt les consommateurs plutôt que les véritables pollueurs ?
Je pense bien entendu, entre autres, au Prestige .
Enfin, n'est-il pas temps de poser la question d'un véritable service public de l'eau, décentralisé et au service de tous, afin de faire de cette richesse naturelle un bien patrimoniale de notre pays, un bien qui ne soit pas transformé en simple marchandise par des groupes avides de profit ?
Voilà, madame la ministre, trop rapidement sans doute, quelques questions que je soumets à votre réflexion.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Madame la sénatrice, je vous remercie du ton de votre question. Je veux vous rassurer : l'implication du Président de la République et du Gouvernement est totale en ce qui concerne la politique environnementale, qui n'est pas une marotte !
Le chantier ouvert sur la charte de l'environnement est particulièrement important. S'il est difficile d'en ressentir les implications, c'est parce que nous sommes au début du travail de réflexion.
D'abord, une démarche pédagogique aura lieu à travers les assises territoriales, le questionnement, la saisine par les associations, les syndicats, les partis politiques et les assemblées. Chacun apportera sa pierre à cette réflexion.
Est également prévue la transposition au niveau constitutionnel de principes importants. Vous avez évoqué très justement celui de « pollueur-payeur ». Si, demain, ce principe de responsabilité est porté au plus haut niveau de notre arsenal législatif, à savoir au niveau constitutionnel, à côté des principes de prévention et de précaution, les implications de ce chantier seront plus fortes encore. Je peux vous garantir que le Président de la République n'a pas l'intention de faire de ce travail d'adossement de ces principes à la Constitution un exercice en demi-teinte.
Ensuite, vous me demandez pourquoi les crédits de paiement consacrés à la politique de l'eau baissent alors qu'il s'agit d'une priorité majeure de notre ministère. Je vous ferai un peu la même réponse celle que j'ai faite tout à l'heure à M. Ambroise Dupont.
En 2001-2002, les crédits de paiement avaient été volontairement réduits pour tenir compte du volume important des reports dus à des fonds de concours massifs en autorisations de programme et en crédits de paiement versés par les agences de l'eau avant la création du FNSE. A la fin de l'année 2001, le montant de ces reports s'élevait, par exemple, à plus de 51 millions d'euros. Le chiffre de 28 millions d'euros de crédits de paiement est ajusté selon nos prévisions de consommation pour 2003. Un ajustement, madame la sénatrice, est toujours possible en cours de gestion dans la mesure où les crédits de paiement sont définis par chapitre, comme je le disais à M. Ambroise Dupont, et non par article de dépense. Si une difficulté surgissait, nous aurions donc tous les moyens d'ajustement nécessaires.
En ce qui concerne le volet inondation, le montant des autorisations de programme reste stable pour le titre V. Il s'élève à 14,8 millions d'euros en 2003 alors qu'il était de 16,3 millions en 2002. Sur le titre VI, le montant de 2003 est identique à celui de 2002, soit 19,97 millions d'euros. Ce volet inondation de la loi sur les risques, et donc le plan de prévention des inondations que j'ai lancé en septembre 2002 et qui vient en écho, n'auront un impact qu'en 2004, 2005, 2006. Une inscription budgétaire substantielle pour la loi de finances de 2003 n'était par conséquent pas nécessaire.
Enfin, vous m'avez demandé comment nous aiderons les agriculteurs à surmonter les difficultés considérables qu'ils vont rencontrer pour mettre aux normes leur exploitation dans le cadre du programme de maîtrise des pollutions d'origine agricole, le PMPOA.
Avec mon collègue Hervé Gaymard, je me suis rendue en Bretagne pour rappeler aux agriculteurs les échéances de fin 2002 et de fin 2006, qui sont très difficiles pour eux, mais sur lesquelles, je leur ai dit, le Gouvernement ne peut transiger. En revanche, nous allons tout faire pour aider les agriculteurs à y faire face grâce, d'une part, à un appui méthodologique extrêmement important - un travail technique est, en effet, nécessaire pour appliquer ces directives - et, d'autre part, à un effort financier qui sera porté par le FNSE.
C'est la raison pour laquelle, mesdames et messieurs les sénateurs, il est indispensable que les moyens du FNSE atteignent un niveau suffisant pour aider les agriculteurs à mettre leur exploitation aux normes. Je vous remercie particulièrement, madame la sénatrice, de m'avoir permis de répéter ce point fondamental.
M. le président. La parole est à Mme Evelyne Didier.
Mme Evelyne Didier. Madame la ministre, nous resterons vigilants et, puisque le développement durable est pour vous une véritable préoccupation, avez-vous dit, nous jugerons sur pièces !
Permettez-moi de revenir sur les consommateurs, qui sont, eux aussi, trop souvent les payeurs. Il n'y a pas que les agriculteurs, il y a aussi de simples citoyens ! Nous ferons des propositions sur ce sujet. Nous vous en avions déjà fait lors de l'examen du projet de loi sur l'eau.
M. le président. La parole est à M. Christian Demuynck.
M. Christian Demuynck. Madame la ministre, il est toujours extrêmement délicat d'aborder une discussion budgétaire, censée définir les grandes orientations politiques de la nation, lorsque le sujet concerné se trouve sous le feu d'une dramatique actualité. Je pense notamment au naufrage du pétrolier Prestige , au large des côtes de Gallice, qui mobilise les opinions publiques européennes, en particulier espagnoles et françaises, autour des graves périls que la recherche de profits toujours plus importants fait peser sur nos milieux naturels.
Même si de très nombreux champs de compétence entrent en ligne de compte dans cette affaire, de l'énergie aux transports, en passant par la politique maritime et les douanes, il faut noter que c'est bien la politique de la France en matière d'environnement qui est au coeur de tous les débats.
A cet égard, le budget 2003 du ministère de l'écologie et du développement durable est révélateur de plusieurs évolutions majeures que je crois utile de rappeler.
La première est la prise en compte tout à fait essentielle de la notion de développement durable. Entendue comme une voie médiane entre la croissance économique et le respect des ressources naturelles, elle est réaffirmée comme l'axe stratégique majeur de ce budget.
La deuxième est l'indispensable et très attendue rationalisation des mécanismes comptables et budgétaires du ministère. L'augmentation constante du nombre de fonctionnaires et la croissance ininterrompue des dépenses de fonctionnement observée depuis plusieurs années ont été résolument endiguées au profit des dépenses d'investissement qui connaissent une hausse de 19,4 %.
De même, c'est avec intérêt et vigilance que nous nous pencherons sur les conclusions de l'audit commandité à l'inspection générale des finances ainsi qu'à l'inspection générale de l'environnement, illustration de la nouvelle politique de transparence voulue par le Gouvernement.
La troisième est l'ouverture de grands chantiers environnementaux, tels que la création d'un réseau d'espaces protégés doté de 75,5 millions d'euros, dont 19,8 millions d'euros pour le seul programme Natura 2000, ainsi que la promotion d'une charte de l'environnement et son intégration dans l'ordre constitutionnel, conformément à la volonté du Président de la République, qui témoignent chacun du caractère prioritaire de la politique écologique pour le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin.
Cependant, madame la ministre, je souhaite attirer votre attention sur le risque que peut être amenée à courir une politique publique qui, manquant de visibilité, ne serait pas soutenue par l'opinion.
En effet, la très grande technicité de votre projet de budget pour 2003, l'écart entre une apparente diminution de 0,16 % des crédits par rapport à 2002, mais une réelle progression de 0,5 %, ainsi qu'une vaste redistribution des lignes budgétaires rendue nécessaire par la sous-consommation des crédits ne présentent-ils pas le risque de diluer la détermination de l'Etat et de masquer ses actions concrètes ?
Ma question, madame la ministre, porte sur les moyens et les méthodes dont le ministère de l'écologie et du développement durable entend se doter pour communiquer efficacement ses ambitions et ses programmes auprès des citoyens, pour qui ce sujet est d'autant plus sensible qu'il concerne un nombre toujours plus important d'aspects de leur vie quotidienne.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Monsieur le sénateur, je vous remercie de votre question, qui expose, en particulier, les difficultés de communication du ministère. C'est un ministère qui manie des sujets très techniques demandant un haut niveau d'expertise et qui, en même temps, s'adresse à un public souvent manipulé par des peurs, des craintes, des fantasmes. C'est sans doute cet écart qu'il nous faut gérer. Je crois que c'est possible. Tout à l'heure, M. Pelletier parlait du dossier de la chasse. Nous sommes dans le même type de problématique.
La semaine dernière, je me suis rendue en Galice. Je serai ce week-end sur les côtes aquitaines pour assister à la préparation du plan Polmar si, par malheur, nos côtes étaient polluées. Nous sommes, là aussi, au coeur d'une problématique complexe qu'il faut traiter sur le plan technique en prenant les mesures politiques concrètes qui nous permettent d'affronter ces échéances. Mais nous ne pouvons pas oublier les larmes des pêcheurs de Galice, que j'ai rencontrés mardi dernier. On ne peut pas répondre à leur colère, uniquement par des dispositions techniques !
Vos préoccupations ne peuvent être ignorées, monsieur le sénateur. Je crois que la clé de la gestion de ce grand écart, c'est l'information, l'éducation des plus jeunes, la sensibilisation de nos concitoyens. La transparence, l'écoute, le dialogue constituent des aspects essentiels de notre méthode pour progresser sur ces dossiers.
L'une de nos priorités, en 2003, sera donc de faire oeuvre de pédagogie, par exemple, en matière de conscience du risque, d'exprimer les enjeux de l'écologie et du développement durable, notion qui est largement ignorée de nos concitoyens. Comment gérer le dossier des inondations, par exemple, en ayant simplement une approche technique, alors que l'on sait bien que la plupart des morts déplorés lors des dernières inondations du Gard auraient pu être évités grâce une meilleure conscience du risque ?
C'est une ambition que le Président de la République a clairement exprimée à Johannesburg et qui suppose un engagement politique explicite et fort. Le signal qui a été donné avec l'entrée du développement durable au Gouvernement et la tenue du dernier séminaire gouvernemental qui a lancé la stratégie nationale du développement durable illustrent cette priorité.
Je vous donne un exemple précis : le Premier ministre a décidé, lors de ce séminaire gouvernemental, de l'organisation d'une semaine sur le thème du développement durable au début du mois de juin prochain. Cette opération permettra de mobiliser les différents ministères et les nombreux partenaires qui voudront bien s'y associer.
L'information de nos concitoyens doit également viser, de manière spécifique, les plus jeunes - nos enfants, nos petits-enfants -, qui sont les citoyens de demain, producteurs et consommateurs.
Nous avons relancé, avec nos collègues chargés de l'éducation nationale, Luc Ferry, et de l'enseignementr scolaire, Xavier Darcos, les actions en faveur de l'éducation environnementale en les orientant vers le développement durable.
Au cours du premier semestre 2003, plusieurs événements seront organisés autour de projets concrets, dans le cadre, par exemple, de l'opération « Mille défis pour ma planète ».
C'est par l'éducation, par la sensibilisation des plus jeunes - parce que les plus jeunes nous éduquent, nous, leurs parents ou leurs grands-parents - que nous sortirons de cette dialectique, parfois meurtrière, qui a trop longtemps oblitéré l'action du ministère, anciennement dénommé « de l'environnement » et devenu « de l'écologie et du développement durable ». (Applaudissements sur les travées du RPR, de l'Union centriste et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. Christian Demuynck.
M. Christian Demuynck. Madame la ministre, vous avez tout à fait raison de vouloir commencer par l'information des plus jeunes. Ce sont eux qu'il faut effectivement essayer de convaincre. En tout cas, j'étais inquiet sur les moyens de communication que vous alliez mettre en place. Vous m'avez vraiment rassuré et je vous remercie de cette réponse.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Christine Blandin.
Mme Marie-Christine Blandin. Madame la ministre, ni la planète, ni le Sud, ni nos quartiers ne supporteront encore longtemps un urbanisme, une économie, des modes de transports et de production industrielle, agricole, énergétique qui ne prendraient pas en compte la justice sociale, les écosystèmes et les aspirations des habitants.
Ce fut, hélas ! le développement non durable des trente glorieuses. Si le PIB a grossi, les pollutions et les écarts de richesse aussi.
Chez nous, ce sont des enfants atteints de saturnisme au pied de Metaleurop.
En Inde, ce furent des milliers d'aveugles à Bhopal, pour fabriquer le Temik, pesticide de nos betteraves.
Hier, ce fut la démocratie française bafouée par les mensonges d'un organisme d'Etat affirmant que le nuage de Tchernobyl n'avait pas franchi la frontière.
N'oublions pas que toutes ces erreurs ont d'énormes coûts en termes de santé et de réparation : désamiantage, dépollution, décontamination.
La péréquation annoncée dans la loi constitutionnelle relative à l'organisation décentralisée de la République devra d'ailleurs tenir compte de ces inégalités.
C'est l'ensemble des choix en matière d'agriculture, d'aménagement du territoire et de process industriels qui doit pouvoir bénéficier de nouveaux critères et de nouveaux savoirs.
Votre tâche est donc immense, madame la ministre, et rien ne se fera sans la concertation et l'expertise partagée. Or, dans votre budget, on ne trouve, à ce sujet, presque rien. Les dix emplois en prévision des orages et inondations ne remplaceront pas les centaines d'écologues qui seraient nécessaires à la restauration des zones humides, aux agendas 21 et à la pédagogie d'un bon aménagement du territoire.
Il y a la transversalité, me direz-vous. Mais lorsqu'on regarde le budget du développement durable de la recherche, malgré de bonnes intentions comme la biodiversité ou la coopération Nord-Sud, ce sont 236 millions d'euros, sur les 249 millions d'euros affichés, qui sont détournés pour le nucléaire. Il est vrai que l'activité des déchets du même nom est très « durable » !
Le séminaire du Gouvernement énonce soixante mesures. Je passerai sur l'incongruité pour un monde vivable des préoccupations environnementales dans le cahier des charges du programme d'armement. Mais je m'étonne surtout qu'aucune évaluation budgétaire n'accompagne ces soixante mesures.
Pour venir d'une région, le Nord - Pas-de-Calais, qui, depuis dix ans, s'attelle à la tâche, je peux vous dire que cela a un coût, et que la concertation, l'élaboration commune, la transversalité méritent des budgets.
Madame la ministre, votre délégation s'appelle « écologie et développement durable » et c'est fort bien. L'enjeu est de taille !
Le Président de la République ne disait-il pas à Johannesburg : « Les pays développés doivent engager la révolution écologique, la révolution de leurs modes de production et de consommation. »
Madame la ministre, ma question est simple : quels crédits avez-vous inscrits, hors écologie classique, dans votre budget pour cette révolution du développement durable ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Madame Blandin, je partage nombre de vos analyses, en particulier celle qui porte sur l'évaluation des moyens de production et de consommation. Vous avez parlé d'urbanisme, de transport, de la préservation des écosystèmes. La prise de conscience concerne l'ensemble de notre société. A l'évidence, il est des appréciations politiques que je ne peux partager avec vous. Nous aurons d'ailleurs ce débat à propos d'autres budgets.
Finalement, je ne peux que regretter l'approche terriblement datée qui est la vôtre : pour vous, faire du développement durable, c'est mettre encore un peu plus d'argent dans la machine. Ce n'est pas cela, le développement durable ! Ce n'est pas une question de budget, c'est un problème de méthode. Mon ambition est même de faire en sorte que le développement durable coûte moins cher. Car ce développement non durable que nous avons mené pendant des années entraîne des coûts en matière de santé, d'équipement : d'organisations induites.
Excusez-moi de vous le dire, mais le propos que vous tenez est terriblement démodé, madame la sénatrice !
Mon ambition, c'est de favoriser le développement durable en pressurant moins les contribuables, pour permettre de concilier développement économique et développement écologique. (M. Jean Bizet, rapporteur pour avis, applaudit.)
M. Philippe Adnot, rapporteur spécial. Très juste !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. C'est la raison pour laquelle j'ai placé l'action de mon ministère sous le signe de la sécurité, de la transparence et de la participation. Voilà au moins trois points sur lesquels nous allons pouvoir nous rejoindre, car c'est cela le développement durable : la sécurité de nos concitoyens - ils y sont attachés, et c'est le sens de ce que je fais, par exemple, avec le plan de prévention des inondations ; la transparence - les Français veulent savoir pourquoi nous prenons telle ou telle décision, et c'est l'objet de la création de l'Observatoire de la faune sauvage, pour la gestion fine des espaces et des espèces ; enfin, la participation, parce que les décisions ne valent que si les citoyens y participent. Tel est le sens de l'action que je mène aux côtés de la secrétaire d'Etat au développement durable Tokia Saïfi sur l'information.
Voilà, madame la sénatrice, ce qu'est le développement durable ! Il faut non pas écraser un peu plus les contribuables, mais, au contraire, moins les pressurer pour leur permettre de mieux se développer sur le plan économique et écologique. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.) M. le président. La parole est à Mme Marie-Christine Blandin.
Mme Marie-Christine Blandin. Madame la ministre, hélas ! votre manque de pratique se révèle dans les propos que vous venez de tenir ! Je le répète : la démocratie a un coût réel et les économies de demain ne pourront être réalisées que grâce aux dépenses d'aujourd'hui. Je déplore qu'une secrétaire d'Etat symbolique venue de notre région, se voit doter d'un budget zéro.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin ministre. Non !
Mme Marie-Christine Blandin. Vous nous avez habitués à une audace de parole ; je regrette la façon dont vous l'utilisez. Il est plus facile, effectivement, de fustiger le Parlement pour la gestion passée que de penser à demain. Vous avez dit avoir trouvé votre ministère le sol jonché d'autorisations de programme. Gardez-vous, madame la ministre, qu'à votre départ nous ne le retrouvions jonché d'erreurs et de renoncements ! Demain, des comptes vous seront demandés tant sur votre comportement face aux peuples du Sud que sur l'urbanisme, l'autoroute ferroviaire ou les applications de la recherche. Vous devez vous engager sur ces points !
Quand la maison brûle, je ne pense pas que l'urgence soit de critiquer les pompiers d'hier et d'aujourd'hui ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. - Mme la ministre s'exclame.)
M. le président. Nous en avons terminé avec les questions.
Nous allons procéder à l'examen et au vote des crédits figurant aux états B et C concernant le ministère de l'écologie et du développement durable.

ÉTAT B

M. le président. « Titre III : moins 5 052 625 euros. »