SEANCE DU 30 NOVEMBRE 2002


M. le président. La séance est reprise.
Nous poursuivons l'examen des dispositions du projet de loi de finances pour 2003 concernant la communication.
J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
Groupe du Rassemblement pour la République, 18 minutes ;
Groupe socialiste, 15 minutes ;
Groupe de l'Union centriste, 10 minutes ;
Groupe des Républicains et Indépendants, 10 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 5 minutes ;
Groupe du Rassemblement démocratique et social européen, 5 minutes.
Je vous rappelle que, en application des décisions de la conférence des présidents, aucune intervention des orateurs des groupes ne doit dépasser dix minutes.
Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Louis Duvernois.
M. Louis Duvernois. Monsieur le ministre, je me permets, d'abord, de vous féliciter de nous présenter un projet de budget pour la communication fort encourageant, et ce dans de nombreux secteurs.
En effet, la distribution des crédits telle qu'elle est prévue dans ce projet de budget devrait permettre de répondre aux besoins divers de la communication française. Il est d'ailleurs indispensable, voire primordial, que la France conserve une capacité de communication riche, variée, à la fois singulière et ouverte sur le monde extérieur.
Votre projet de budget, monsieur le ministre, va dans ce sens en s'axant autour de grandes priorités qui devraient permettre à la France, grâce à la fois à la volonté du Gouvernement et à la dynamique culturelle internationale, d'améliorer et de faire progresser résolument le paysage de la communication française. Ces progrès, monsieur le ministre, se déclinent autour de plusieurs secteurs.
J'aborderai, tout d'abord, le secteur de l'audiovisuel public.
Je ne manquerai pas de noter que votre projet de budget respecte expressément les engagements pris par le Président de la République à l'égard du secteur de l'audiovisuel public. En effet, le Président Chirac avait déclaré, en avril dernier, qu'il souhaitait « un service public fort, au financement garanti et moins tributaire de la publicité, un service respectueux de ses engagements et de ses missions ».
Aussi, quelle n'est pas notre satisfaction de constater que vous n'avez pas oublié cette promesse dont votre projet de budget s'est immédiatement fait l'écho ! En effet, les chiffres sont très clairs et annoncent, d'emblée, que les crédits accordés pour 2003 au secteur de l'audiovisuel public - France Télévisions, Arte, l'Institut national de l'audiovisuel, Radio France, RFO et RFI - enregistreront une hausse de 2%, soit plus de 49 millions d'euros, et ce sans aucune augmentation de la redevance, qui restera, je le rappelle, de 116,50 euros pour un poste en couleurs et de 74,31 euros pour un poste en noir et blanc.
Cette hausse est un véritable progrès et une bonne étape pour l'évolution du secteur public audiovisuel, qui devait se sentir particulièrement oublié, délaissé depuis plusieurs années. Une telle augmentation des crédits devenait en effet plus qu'urgente. Pour appuyer mon propos, je citerai un rapport de Claude Belot, paru en 2000, qui signalait déjà « une lente asphyxie financière » du secteur public, qui avait « longtemps souffert de restrictions financières exogènes imposées au nom de la maîtrise des dépenses de l'Etat. »
Par ailleurs, cette hausse des crédits dont pourra bénéficier l'audiovisuel public provient de l'utilisation des crédits non consommés en 2002, mais également, comme vous l'avez expliqué, monsieur le ministre, du retard pris dans la mise en place de la télévision numérique terrestre, la TNT. Ce report devrait permettre au groupe France Télévisions de faire moins de dépenses. Ainsi, le rapport Boyon prévoit qu'environ 40 % de la population devraient bénéficier de la TNT en décembre 2004 et 80 % en 2008. N'oublions pas non plus que votre ministère dispose d'une réserve de crédits de paiement et d'investissement non consommés. Il faut, bien sûr, ajouter à ces chiffres celui des ressources propres des entreprises publiques, qui augmenteront de 0,7 %, soit 5 millions d'euros, par rapport à la loi de finances initiale de 2002.
Mais je n'irai pas plus loin, monsieur le ministre, sans répondre à l'avance aux accusations qui risquent de fuser rapidement des travées de l'opposition. En effet, je tiens à souligner que la majorité est totalement consciente du fait que la TNT reste l'une des grandes priorités du Gouvernement. En tout état de cause, il faut bien reconnaître que le retard de son installation est bel et bien dû à un manque de lucidité et d'objectivité du gouvernement précédent.
M. Jean-Philippe Lachenaud. Très juste !
M. Michel Pelchat. Bravo !
M. Louis Duvernois. Quant au temps nécessaire à la mise au point d'un tel programme. Dominique Baudis, président du Conseil supérieur de l'audiovisuel, le CSA qui a été auditionné en juillet dernier par la commission des affaires culturelles, expliquait que le retard pris par rapport au calendrier initial était dû « d'une part, au délai de parution des décrets relatifs aux futures chaînes et, d'autre part, au nombre beaucoup plus important que prévu des dossiers soumis au CSA en réponse à l'appel à candidatures ».
A ce stade de mon intervention, je me permettrai monsieur le ministre, de vous poser quelques questions concernant l'utilisation que le secteur audiovisuel public devra faire de ces nouveaux crédits.
En effet, cette hausse de moyens devrait permettre à la télévision publique de respecter les missions et les objectifs qu'elle s'était fixés par les contrats d'ojectifs et de moyens. Je rappelle que ces contrats doivent en particulier permettre aux administrateurs de tutelle et au Parlement de pouvoir contrôler la pertinence de l'utilisation des ressources publiques de l'audiovisuel.
Je ferai référence aux propos tenus par le président du Sénat, M. Christian Poncelet, lors de la clôture d'une table ronde sur l'avenir de la télévision numérique. Le président évoquait alors la manière dont il concevait un bon service public et déclarait : « Un consensus se dégage en France, comme chez nos voisins d'ailleurs, pour réaffirmer notre attachement à un service public fort, à vocation généraliste, réalisant des audiences importantes, mais avec un contenu de qualité. »
Aussi, ma question est la suivante, monsieur le ministre : Comment souhaitez-vous que le service public utilise les crédits que vous lui allouez pour qu'il dispense, justement, ce « contenu de qualité » et qu'il puisse tenir tête au secteur privé ? Comment ce budget devra-t-il se répartir pour entraîner une amélioration des programmes, pour que les différents groupes revoient leurs règles de concurrence, pour qu'ils se préparent à l'ère de la TNT ?
Par ailleurs, il faut prendre en considération le fait que les Français ont beaucoup d'exigences à l'égard de la qualité des programmes tant au niveau de l'information, de la culture, que du divertissement, mais également en ce qui concerne de grands sujets d'actualité tels que la violence et la morale à la télévision. Il semble donc dès à présent nécessaire de redéfinir les véritables objectifs de la télévision publique et ce projet de budget semble en être la meilleure occasion.
Cependant, il est beaucoup question de faire disparaître les taxes parafiscales, ce qui suscite quelques interrogations sur la manière dont sera financé l'audiovisuel public dans les prochaines années.
Je reviens, à présent, sur la question de la télévision numérique terrestre. Monsieur le ministre, pouvez-vous nous préciser quelle part de vos crédits va aider à mettre véritablement en place cette nouvelle structure ? Quel sera concrètement le coût de son installation ? Notre rapporteur spécial de la commission des finances, M. Claude Belot, préconise en effet, en matière de numérique, de faire preuve « de réalisme économique » : plutôt que de s'épuiser financièrement à couvrir la totalité du territoire national, il conviendrait dès maintenant d'envisager une couverture satellite pour toutes les zones trop difficiles à desservir. Pourriez-vous nous en dire plus, monsieur le ministre, sur la manière dont la France compte procéder pour prévoir la meilleure manière d'installer la TNT ?
Par ailleurs, pourriez-vous nous parler du projet de lancement d'une chaîne internationale, laquelle est souhaitée par le Président de la République, et qui viendrait compléter cette volonté d'ouverture de la communication française sur l'extérieur ?
Si votre budget permet de commencer à répondre à certaines attentes du secteur audiovisuel - attentes des professionnels, mais aussi des spectateurs - il consacre également une large part au secteur de la presse.
Certes, nous avons noté une stabilité dans les crédits consacrés à la presse : stabilité des moyens attribués à la diffusion, à la distribution de la presse, à la défense de son pluralisme. Mais, en réalité, votre projet de budget, monsieur le ministre, se démarque par la priorité qu'il accorde à la modernisation de ce secteur, notamment grâce au développement du multimédia.
L'un des points les plus importants demeure cependant la large place que vous faites à la modernisation de l'Agence France-Presse, l'AFP, qui se voit allouée, pour 2003, 100,2 millions d'euros, contre 95,9 millions d'euros en 2001, soit une augmentation de 4,49 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2002.
Aussi, monsieur le ministre, pourriez-vous nous préciser la raison pour laquelle vous avez choisi une telle priorité ?
Je finirai en posant deux brèves questions sur la presse. La première part du constat de la très large place que prend la presse gratuite dans notre pays. Est-ce un sujet d'inquiétude pour votre ministère ?
Ensuite, vous avez déclaré, lors de la discussion du projet de loi de finances à l'Assemblée nationale, qu'il fallait réorienter les jeunes vers la lecture de la presse. Quelles mesures comptez-vous prendre pour ce faire ?
Je conclurai, monsieur le ministre, en vous exprimant ma satisfaction d'avoir observé qu'au travers de ce projet de budget vous avez ébauché un avenir plus prometteur pour des secteurs de la communication qui en avaient largement besoin. Bien sûr, certains efforts restent à accomplir. Mais, grâce à votre politique, la France se dirige vers une véritable et encourageante modernisation de notre communication. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Georges Othily.
M. Georges Othily. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'examen des crédits consacrés à la communication dans le projet de loi de finances pour 2003 me donne l'occasion de vous exposer la situation de l'entreprise Radio France Outre-mer, plus connue sous le nom de RFO.
Seule entreprise du secteur public de l'audiovisuel à être présente outre-mer, RFO souffre d'un certain nombre de handicaps, dont certains nuisent à ses nombreuses potentialités.
Cette entreprise est implantée dans neuf départements et territoires d'outre-mer, qui sont eux-mêmes répartis sur huit fuseaux horaires différents. Quelle dimension extraordinaire pour la francophonie et pour la présence de la France à travers le monde !
Avec un chiffre d'affaires de 217,4 millions d'euros, et malgré une augmentation des produits d'exploitation de 6 millions d'euros, RFO ne parvient pas à trouver un équilibre budgétaire.
L'entreprise souffre également d'un manque de cohérence de l'Etat actionnaire et d'une perception souvent exclusivement technocratique, faute d'une prise en compte des particularismes insularo-ultramarins de huit de ces neuf établissements régionaux.
Au total, 84 % des ressources budgétaires de l'entreprise sont consacrées à son fonctionnement.
Cette vision, certes sommaire et globalisante, de la situation de l'entreprise au cours des quatre dernières années ne doit pas masquer les errements budgétaires dont celle-ci a été victime dans la période récente, notamment dans la loi de finances de 2002. Si ses crédits ont été réévalués, d'une manière parfaitement irréaliste d'ailleurs, concrètement, cela s'est traduit par une réduction corrélative des ressources issues de la redevance, qui ne s'étaient du reste accrues que de 6,5 %. Compte tenu de tout ce qui a été dit, cela représente le plus faible taux de progression de toutes les entreprises du secteur public.
Les errements dont a été victime RFO se sont automatiquement répercutés sur l'établissement du budget de 2002, lequel n'a pas été approuvé d'ailleurs, à l'époque, par le conseil d'administration de RFO, à la suite de divergences qui opposaient l'autorité de tutelle et la direction de l'entreprise.
Pour bien comprendre le fonctionnement de l'audiovisuel public outre-mer, il faut concevoir que, malgré son implantation au coeur de chacun des départements et territoires d'outre-mer, RFO n'échappe pas à une certaine vision parisianiste d'un outre-mer générique, même s'il y a, de fait, l'information mise à part, autant de RFO que de stations régionales : les grilles de programmes et la durée des journaux sont souvent décidées depuis le siège parisien. Pour maintenir ses parts d'audience dans des marchés ultramarins que l'évolution technologique rend de plus en plus concurrentiels, RFO se doit de jouer son rôle d'opérateur de télévision et de radio de proximité soucieux des attentes de ses publics, tout en leur assurant une nécessaire et indispensable ouverture sur l'Europe et sur le monde.
RFO doit également, plus qu'ailleurs, veiller au contenu éducatif et culturel que véhiculent ses programmes, sans chercher à privilégier à tout prix une audience à bon compte, en intervertissant, par exemple, comme c'est le cas depuis septembre 2002 dans le bassin Caraïbe, Questions pour un champion et une telenovela mexicaine, mal doublée en français, dont les téléspectateurs eux-mêmes ne sont pas les derniers à se plaindre.
Les contenus éducatifs de la télévision et de la radio, monsieur le ministre, revêtent, aux yeux des Ultramarins, un intérêt d'autant plus important que RFO ne peut pas participer sérieusement à la conception des différents programmes.
Seule une véritable télévision de proximité - parfaitement définie par le concept de « télé-pays » - et de réelles « radio-pays » peuvent, à mon sens, parvenir à jouer ce rôle en prenant en compte les situations qu'elles ont à décrire, à combattre ou à contribuer à faire évoluer.
La situation budgétaire de l'entreprise avait conduit, il y a quelque temps, à ne concevoir ces magazines télévisés - aujourd'hui d'ailleurs abandonnés par suite de l'aggravation de la situation financière de RFO - que comme des produits de réseau pouvant être indifféremment diffusés par toutes les stations régionales de l'entreprise, en quelque sorte, des produits génériques ultramarins ne répondant pas toujours aux attentes des publics auxquels ils s'adressent.
Le rêve, puisque le nécessaire ne peut se nommer qu'ainsi s'agissant d'une entreprise empêtrée dans ses difficultés budgétaires, aurait consisté à faire voisiner, dans la même grille, magazines de réseau et magazines d'intérêt local, la nécessaire ouverture sur l'univers ultramarin et l'indispensable approche locale.
Pour résoudre les différents problèmes que connaît l'entreprise, il est urgent de diligenter une mission d'information et d'évaluation afin de mieux définir et réorienter la politique audiovisuelle des régions ultramarines.
Cependant, la réponse ne saurait être uniquement conceptuelle : elle est aussi et surtout budgétaire. L'analyse qu'a faite, de la dotation budgétaire allouée à RFO notre excellent collègue rapporteur spécial est suffisamment explicite : les citoyens de la France du large n'auront pas satisfaction avec le budget pour 2003 ! Il y a le souhaitable ; contentons-nous du possible. C'est ce que nous faisons en approuvant ce budget.
M. le président. La parole est à M. Michel Pelchat.
M. Michel Pelchat. Dès votre prise de fonctions, monsieur le ministre, vous avez clairement annoncé votre attachement au service public de l'audiovisuel et vos nombreuses ambitions pour ce secteur.
Le projet de budget que vous nous présentez aujourd'hui en est l'illustration comme il est le témoignage de votre sens élevé de vos responsabilités.
Le budget de la communication audiovisuelle pour 2003 est en augmentation de 2 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2002 alors qu'est reportée la mise en oeuvre de la télévision numérique de terre, la TNT. Le Gouvernement a donc veillé à ce que les engagements contractuels pris par l'Etat envers les entreprises audiovisuelles publiques en termes d'objectifs et de moyens soient respectés.
Au reste, quoi qu'en disent certains, 2 % sans la TNT, c'est incontestablement mieux que les 3,1 % prévus dans le contrat d'objectifs et de moyens avec lancement d'une TNT coûteuse.
M. Louis de Broissia, rapporteur pour avis. Absolument !
M. Michel Pelchat. Ce propos m'amène à vous faire part, monsieur le ministre, de trois réflexions.
Premièrement, le Gouvernement a décidé d'affecter aux programmes et à la création audiovisuelle l'économie de 45 millions d'euros, que le report de la TNT représente.
En conséquence, le budget consacré aux programmes sera en hausse de 2 % pour France 2 et France 3, de près de 4 % pour France 5, et d'environ 6 % pour Arte. Les moyens de ces chaînes devraient donc croître plus rapidement que prévu.
Compte tenu du retard accumulé par la France en la matière par rapport à ses voisins européens, notamment dans la production de fictions, on ne peut qu'applaudir cette décision. Rappelons que, malgré cet effort, la France produit toujours trois fois moins de fictions que l'Allemagne, deux fois moins que la Grande-Bretagne et que l'Espagne.
Certes, la croissance des ressources n'est pas la garantie d'une meilleure programmation et de la réalisation de fictions de qualité. Mais avouez qu'elle peut tout de même y contribuer fortement, monsieur le ministre.
En outre, cette priorité accordée par le Gouvernement à l'amélioration des programmes et à la création audiovisuelle s'accompagne de réflexions de fond plus générales sur les trois missions du service public audiovisuel : informer, éduquer et distraire.
C'est dans cet esprit que vous avez confié deux mission, l'une à Mme Clément, sur les missions de la télévision à l'égard des politiques de diffusion culturelle, l'autre à Mme Kriegel - elle vient d'ailleurs tout récemment de vous remettre ses conclusions - sur la violence à la télévision.
Votre politique va donc clairement dans le bon sens, celui du renforcement du pôle public audiovisuel, et j'espère que l'ensemble des démarches que vous entreprenez à cet effet, monsieur le ministre, permettra d'y parvenir. Tel ne saurait être le cas, toutefois, sans un financement propre et pérenne.
Cela me conduit à ma deuxième réflexion sur le financement du secteur public de l'audiovisuel.
En application de l'article 63 de la loi organique d'août 2001 relative aux lois de finances, les taxes parafiscales seront supprimées. La redevance audiovisuelle, dans son statut actuel, va donc normalement disparaître à compter de la fin de l'année 2003.
Enfin ! Voilà l'occasion, ou plutôt, devrais-je dire, l'obligation de réformer la redevance. Nous serons amenés à travailler dans les mois qui viennent sur ce sujet. Cependant, je tiens, dès à présent, à mettre en garde contre toute velléité de substituer à la redevance une subvention budgétaire.
Une telle décision ferait courir le risque au budget de l'audiovisuel public d'être soumis aux aléas budgétaires, avec toutes les conséquences néfastes que cela pourrait avoir sur ce secteur pour lequel la visibilité budgétaire et le maintien des niveaux de crédits sont tout à fait primordiaux.
Par conséquent, maintenons, quel que soit l'avenir de la redevance d'aujourd'hui, des recettes affectées spécifiquement au secteur public de l'audiovisuel.
Cela dit, l'aspect indubitablement positif de la future réforme du statut juridique de la redevance sera l'opportunité de réfléchir à l'assiette et au mode de recouvrement de la redevance.
Je suis d'accord avec vous, monsieur le ministre, quand vous dites que le coût de la perception de la redevance n'est pas aussi exorbitant que certains le prétendent, mais je ne suis pas d'accord avec vous sur la fraude : je pense que la perception de la redevance donne lieu actuellement à une fraude très importante.
J'en veux pour preuve ces quelques chiffres : au 31 mars 2002, le nombre de comptes gérés par le service de la redevance était de près de 22,6 millions, exonérations comprises. Or le nombre de foyers en France est évalué par l'INSEE à plus de 29 millions.Tous les foyers étant quasiment équipés d'un poste de télévision, ce sont, par conséquent, près de cinq à six millions de foyers qui ne paient pas une redevance normalement due. Voilà un demi-milliard d'euros pour l'audiovisuel public qui n'est pas perçu, monsieur le ministre.
La réforme que nous entreprendrons devra remédier à cet état de fait.
La troisième réflexion que je souhaite formuler concerne la télévision numérique de terre.
Lors des discussions budgétaires de ces dernières années, j'avais exprimé mes craintes à votre prédécesseur quant à sa gestion du dossier du numérique terrestre, d'un point de vue tant juridique que technique, financier et économique. J'avais d'ailleurs eu maille à partir avec elle lorsque je lui soutenais, ici même, que jamais la TNT ne verrait le jour à la fin de l'année 2002.
Je ne peux donc que me réjouir que le Gouvernement et vous-même, monsieur le ministre, apportiez sans ambiguïté votre soutien à la TNT, tout en abordant ce dossier avec plus de réalisme.
Le remarquable rapport de la mission présidée par M. Michel Boyon sur la TNT à la demande du Premier ministre va en ce sens, il met en lumière les conditions nécessaires à un lancement réussi de la TNT afin d'en garantir le développement.
Plusieurs de ses conclusions mérite d'être relevées ici : l'attrait de l'offre de programmes, la mise en place d'une distribution efficace, la résolution des problèmes techniques, l'engagement des fournisseurs d'équipements de réception.
Outre ces considérations, l'auteur du rapport suggère trois degrès d'implication pour l'Etat, mais prône surtout un rôle d'accompagnateur du projet sans pour autant fausser les mécanismes du marché. Je souscris pleinement à son analyse.
L'auteur du rapport considère que 40 % de la population pourraient avoir accès à la TNT à la fin de l'année 2004 50 % dans les douze mois qui suivront et que le taux de couverture serait de l'ordre de 80 % en 2008.
Si ce calendrier me paraît cohérent - je crois que le Gouvernement partage cet avis - il me conduit à vous poser plusieurs questions, monsieur le ministre.
Premièrement, l'échéance de fin 2004 pour le lancement effectif de la TNT est avancée. Afin que cette date soit respectée, le réaménagement des fréquences est l'action à financer en tout premier lieu. Pour cela, il faut un maître d'oeuvre auquel les moyens seront donnés pour accomplir cette mission. Quelle décision le Gouvernement compte-t-il prendre sur cette question urgente ?
Deuxièmement, pour réussir le lancement de la TNT, il faut que les industriels jouent également le jeu en commercialisant, dès à présent, des postes de télévision susceptibles de recevoir à la fois l'analogique et le numérique.
Un tel matériel est disponible aux Etats-Unis, et en Angleterre, mais pas en France, où l'on continue de vendre des téléviseurs analogiques, ce qui obligera les téléspectateurs, le jour venu, à acquérir un modem pour recevoir la TNT.
N'oublions pas qu'un sondage récent a révélé que 69 % des Français n'envisageaient pas d'investir dans l'achat de nouveaux équipements nécessaires pour recevoir la TNT.
Chaque année, trois millions de téléspectateurs renouvellent leur téléviseur ; d'ici à 2005, neuf millions de téléviseurs seront donc vendus sur le marché français. Les foyers français renouvelant leur téléviseur une fois tous les sept ans, en moyenne, c'est bien au moment de l'achat d'un nouveau téléviseur que le choix s'opère.
Si les industriels mettaient sur le marché ce que j'appellerai « les téléviseurs de l'avenir », c'est-à-dire les matériels suscceptibles de recevoir le numérique, je suis convaincu que, dès la première initialisation, au minimum 4 ou 5 millions de téléspectateurs seraient équipés pour recevoir la TNT.
Par conséquent, les industriels, comme ils le font, je le rappelle, aux Etats-Unis et au Royaume-Uni, doivent s'impliquer. C'est la force de pénétration du numérique qui se joue ici.
Troisièmement, et bien que la question ne se pose pas immédiatement, il faut engager la réflexion sur la substitution intégrale de l'analogique par le numérique, et ce sur l'ensemble du réseau, c'est-à-dire à l'initialisation au numérique des 20 % des territoires restant à couvrir et qui semblent très difficiles à résorber. C'est dans la recherce d'une utilisation commerciale du réseau analogique concerné que la réflexion doit s'engager. Les fonds qui pourraient ainsi être obtenus serviraient à financer les installations nécessaires à l'initialisation des 20 % du territoire concernés.
Le spectre du secteur analogique a une valeur commerciale considérable ; il peut être exploité, notamment, pour les liaisons à haut débit du téléphone ou toute autre utilisation. C'est la réflexion d'ailleurs déjà engagée aux Etats-Unis.
Par conséquent, on doit faire l'effort d'engager cette réflexion dès à présent si l'on veut être au rendez-vous de 2004. Plusieurs départements ministériels, plusieurs entreprises publiques et plusieurs autorités administratives étant concernés, il me semble que la mise en place d'une mission de concertation s'impose, monsieur le ministre, pour assurer la maîtrise d'oeuvre.
Telles sont, les quelques réflextions que je souhaitais livrer au débat. Comme je vous l'ai déjà indiqué, votre budget traduit votre attachement au service public de l'audiovisuel et votre volonté de le renforcer dans ses missions. Le groupe des Républicains et Indépendants, très favorable à cette politique, votera ce budget. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme Danièle Pourtaud.
Mme Danièle Pourtaud. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, « Il n'y a pas d'amour heureux » comme disait Aragon. Quel dommage, monsieur le ministre, que vous aimiez tellement le service public de l'audiovisuel ! En effet, si, au début de l'été, vous lui déclariez votre flamme sur une double page d'un grand quotidien du soir, peu de temps après, il perdait les 3 % d'augmentation de redevance que vous lui aviez promis !
Vous récidivez devant notre commission, et ce sont les trois chaînes numériques supplémentaires que le rapport Boyon balaye comme des feuilles d'automne.
Je suis donc tentée de vous dire : aimez-le moins, ce service public, donnez-lui les moyens de défendre sa place dans notre paysage audiovisuel !
Revenons à ce mauvais budget avant de parler de vos projets, si vous en avez un, pour la télévision numérique terrestre et plus particulièrement pour le service public et les télévisions locales.
Je vous en donne acte, monsieur le ministre, vous nous proposez un budget de rupture - et non de reconduction, comme le disait M. le rapporteur spécial - avec la politique de consolidation du service public menée pendant cinq ans par le gouvernement de M. Lionel Jospin.
En 2003, l'audiovisuel public devrait disposer, en incluant les ressources propres du secteur, de quelque 3,304 milliards d'euros, soit une augmentation de 1,9 %.
Les ressources publiques augmentent également de 2 % en euros constants, c'est-à-dire, inflation déduite, de 0,4 %, alors qu'en cinq ans elles avaient augmenté de 38 %.
Hormis le cas d'Arte, qui bénéficie d'une augmentation de redevance de 3 %, tous les autres organismes de l'audiovisuel public voient leurs ressources publiques stagner.
Autre rupture malheureuse, monsieur le ministre, vous qui exhortez sans cesse le service public à prouver sa spécificité, non seulement vous stoppez la décroissance des ressources publicitaires sur France Télévisions, mais vous amenez Radio France à les augmenter de 17 % !
Monsieur le rapporteur pour avis rappelait, en le saluant, que Mme Catherine Tasca avait réussi à faire descendre la part des recettes publicitaires à 30 %, alors que, sous le gouvernement Juppé, elles dépassaient les 50 %. Merci !
L'audiovisuel public n'a donc plus les moyens de mener une politique à la hauteur de ses ambitions et de ses capacités.
Pourtant - vous le savez bien, monsieur le ministre - quand on demande aux Français pourquoi ils écoutent ou regardent le service public, ils donnent comme première raison l'absence de publicité sur Radio France et l'absence de coupure des programmes sur France Télévisions. D'ailleurs, Marc Tessier le rappelait encore devant notre commission en début de semaine.
De la redevance, je ne dirai qu'un mot, puisque nous y reviendrons à l'occasion de l'examen d'un amendement pour réaffirmer la nécessité de disposer pour l'audiovisuel public d'une ressource pérenne, indépendante et à forte potentialité de croissance.
Troisième rupture, enfin, que je veux souligner pour la déplorer : vous ne respectez pas la parole de l'État en rompant unilatéralement le contrat d'objectifs et de moyens signé avec France Télévisions, qui garantissait au groupe public une progression de ses moyens d'au moins 3,1 %.
M. Michel Pelchat. Oui, mais avec la TNT !
Mme Danièle Pourtaud. Ecoutez-moi, mon cher collègue !
Ce contrat introduisait, entre les entreprises publiques et l'État, un nouveau mode de relation leur permettant d'entreprendre des réformes de structures et de rechercher des gains de productivité, tout en menant des projets de développement.
Les grèves en cours montrent bien que cette dynamique est remise en cause.
J'en viens aux incertitudes concernant le développement de la télévision numérique terrestre car, hélas ! alors que nous devrions voir les premiers programmes sur nos écrans, nous n'en sommes qu'aux rapports et aux réflexions.
M. Jean-Philippe Lachenaud. C'est de l'illusion !
M. Michel Pelchat. N'importe quoi !
M. le président. Je vous en prie, mes chers collègues.
Mme Danièle Pourtaud. Je voudrais réaffirmer avec force que la TNT n'a rien d'un gadget technologique.
M. Michel Pelchat. Monsieur le président, on ne peut pas laisser dire tout et n'importe quoi !
M. le président. Veuillez laisser s'exprimer l'orateur !
M. Michel Pelchat. Que l'on puisse être contre, je puis comprendre, mais pas en avançant des inepties !
M. le président. Mme Pourtaud a la parole, et elle seule ! Par ailleurs, nous avons des contraintes de temps, mes chers collègues.
M. Ivan Renar. Voilà.
M. Henri Weber. Un peu de courtoisie, tout de même !
M. Michel Pelchat. Dans une enceinte politique, il faut dire des choses exactes !
M. le président. Veuillez maintenant poursuivre, madame Pourtaud.
Mme Danièle Pourtaud. Je veux donc réaffirmer avec force que la TNT n'a rien d'un gadget technologique. C'est une évolution technique inéluctable, et le gouvernement de Lionel Jospin en avait fait un projet démocratique.
M. Philippe Nogrix. La démocratie numérique !
Mme Danièle Pourtaud. Offrir à l'ensemble des Français, principalement aux 75 % de nos concitoyens qui n'en ont que six, quinze ou seize chaînes gratuites est bel et bien un enjeu démocratique.
Alors, monsieur le ministre, comme beaucoup de Français, je me demande si votre décision de repousser au mieux d'un an le démarrage de ce beau projet n'a pas de lien avec l'opposition déterminée des chaînes privées dominantes, surtout de celle qui, en 2001, s'est accaparée 54,9 % du marché publicitaire : vous aurez reconnu TF 1.
Monsieur le ministre, la TNT est-elle repoussée ou enterrée ? Le CSA et le rapport Boyon ont clairement posé deux conditions de réussite de la TNT en France, après les échecs espagnol, anglais et suédois.
Première condition : la nécessité d'un signe clair et d'un calendrier fixé par les pouvoirs publics. Seconde condition : un engagement de montée en charge très rapide des programmes en clair pour que les Français acceptent de s'équiper d'un décodeur numérique.
Le moins que l'on puisse dire est que les signes envoyés par le Gouvernement sont loin d'être encourageants et volontaristes. Mais, là encore, je souhaite revenir sur votre politique pour le service public.
France Télévisions avait, dois-je vous le rappeler, un projet ambitieux et réalisable pour le lancement de la télévision numérique de terre gratuite : une chaîne d'information en continu, une chaîne régionale - en réalité, huit chaînes régionales - et une chaîne reprenant les meilleurs moments du service public.
Une dotation spéciale de quelque 150 millions d'euros avait été promise par le gouvernement de Lionel Jospin à France Télévisions pour financer ces projets.
M. Michel Pelchat. Ah, les promesses !
Mme Danièle Pourtaud. C'est là que nous divergeons, mes chers collègues !
Malheureusement, reprenant les conclusions hâtives - une page et demie - du rapport Boyon, vous remettez en cause les projets de développement auxquels des équipes travaillaient depuis un an, sans ouvrir de nouvelles perspectives.
Faut-il rappeler, monsieur le ministre, que si le service public ne se déploie pas il régresse par rapport aux chaînes privées ? Vous voulez un service public « concis et visible » ; nous, nous craignons qu'il ne soit confiné et marginalisé.
Nous sortirons alors du modèle français, où prévaut un équilibre entre secteur public et secteur privé, pour aller vers le modèle américain d'un service public alibi culturel, dans une niche de 3 % à 4 % d'audience.
Personne, je l'espère, ne le souhaite ici. Mais pourquoi dès lors écarter le projet de chaîne d'information de France Télévisions, alors que l'information est une des premières missions du service public, sinon pour ne pas gêner LCI, chaîne payante et filiale du groupe TF 1 ?
Pourquoi dès lors refuser la chaîne Régions, qui, grâce aux possibilités du numérique, allait enfin permettre de répondre mieux que ne le fait actuellement France 3 à la très forte demande d'informations et de services de proximité des Français, pourquoi, sinon parce que le marché de la télévision régionale intéresserait les groupes privés si la publicité pour la grande distribution était autorisée, ouverture que redoute évidemment, par ailleurs, la presse quotidienne régionale et les radios généralistes ?
Monsieur le ministre, la télévision de proximité, ce n'est pas l'ouverture de décrochages locaux dans quelques grandes agglomérations, c'est un maillage réel du territoire, y compris et surtout des zones rurales et peu denses, qui n'ont aucun intérêt pour les publicitaires.
Seuls le service public et les télévisions associatives sont capables de réaliser ce maillage au plus près des Français. Monsieur le ministre, allez-vous créer le fonds de soutien aux télévisions associatives, fonds indispensable pour qu'elles puissent développer des projets et concourir à égalité de chances lorsque le CSA lancera les appels d'offres sur les fréquences locales ?
Je présenterai, lors de l'examen des articles non rattachés, un amendement vous incitant à le faire, et j'espère que vous voudrez bien y être favorable ! (M. Michel Pelchat s'exclame.)
Monsieur le ministre, François Mitterand écrivait, dans Mémoire à deux voix : « L'homme politique s'exprime d'abord par ses actes ; c'est d'eux dont il est comptable ; discours et écrits ne sont que des pièces d'appui au service d'une oeuvre d'action. »
MM. Philippe Nogrix et Michel Pelchat. Il savait de quoi il parlait !
Mme Danièle Pourtaud. Votre projet de budget comme vos premières décisions en matière de numérique terrestre révèlent une politique de marginalisation du service public. Vous ne serez donc pas surpris que le groupe socialiste vote contre. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. Michel Pelchat. C'est dommage !
M. le président. La parole est à M. Philippe Nogrix.
M. Philippe Nogrix. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de budget de la communication audiovisuelle prévoit une augmentation de 2 % des recettes publiques.
Cette augmentation ayant pour principal objet de renforcer les programmes de France 2, France 3 et France 5, ces trois chaînes verront en conséquence leur taux d'obligations de résultat relevé en matière de production audiovisuelle. Les télespectateurs, j'en suis sûr, l'apprécieront. La priorité que vous avez affichée, monsieur le ministre, de défendre le secteur public de l'audiovisuel est une démarche qu'il faut saluer et à laquelle je souscris entièrement.
Deux points particuliers seront au coeur de mon intervention, le premier étant RFO.
En tant que membre du conseil d'administration de RFO, je tenais à vous faire part de mes inquiétudes au sujet de cette société audiovisuelle que ma participation aux différentes assemblées générales m'a permis de mieux connaître et qui concourt pleinement au développement et à la défense du secteur public audiovisuel français, sur l'ensemble de la planète et, en particulier, dans les territoires les plus lointains.
On entend très souvent dire que RFO coûte cher, que RFO est toujours en déficit, que l'audience de RFO est en baisse et qu'il faut donc intégrer RFO dans France Télévisions.
Qu'en est-il réellement et, s'il est vrai que RFO coûte cher, pourquoi ?
C'est un choix politique : RFO fait vivre dix établissements, dont neuf stations régionales, qui produisent chacune un volume bien supérieur à n'importe quelle station régionale de France 3. Cela a un coût.
Les établissements de RFO sont éparpillés aux quatre coins du monde. Cela aussi a un coût.
Tous les personnels, à l'image de ce qui se fait dans l'administration, bénéficient d'une indexation indiciaire, autre coût incontournable.
Le marché publicitaire s'appuie sur une population peu nombreuse, ce qui explique la faiblesse des rentrées d'argent.
La présence de la France dans tous ces départements et territoires ultramarins est à ce coût. Peut-on le regretter ?
RFO est toujours en déficit, c'est vrai depuis 1998.
Ce déficit résulte essentiellement de l'accroissement mal contrôlé de la production mise en oeuvre par l'ancienne présidence. La sanction fut une stagnation de la dotation de la redevance, ce qui n'a rien arrangé à l'équilibre des comptes, puis des baisses de recettes publicitaires sont intervenues à la suite des événements internationaux.
Malgré tout cela, et sans doute dès 2002, RFO va, après une période catastrophique, retrouver un certain équilibre financier.
L'audience de RFO est en baisse : c'est encore vrai.
Le monopole est terminé depuis 1993, mais RFO reste tout de même la principale télévision d'outre-mer. Tempo souffre de son absence de programme spécifique, mais les télés de pays sont leaders du marché et le service radio RFO a regagné des positions.
Enfin, le rôle de RFO dans le maintien et la diffusion du français aux Caraïbes et dans le Pacifique est de plus en plus important. Il serait insupportable d'en limiter la diffusion, monsieur le ministre.
L'intégration de RFO dans la holding France Télévisions est-elle une bonne solution ou une fausse bonne idée ?
RFO s'adresse à un public différent de celui de France Télévisions. Il faudrait donc maintenir des programmes spécifiques. A défaut, le président de France Télévisions serait progressivement conduit à trancher en faveur des programmes métropolitains. Si France Télévisions absorbe RFO, il faudra prévoir des alignements de salaires dus à l'harmonisation des statuts.
On peut douter de la possibilité de réaliser des économies de structure si l'on examine ce qui s'est passé lors du rapprochement de France 2, France 3 et France 5.
Pour toutes ces raisons, je pense, monsieur le ministre, qu'il est indispensable de rester très vigilant sur les moyens budgétaires et sur le statut de RFO.
Second point que je souhaite aborder : la violence à la télévision ou, plutôt, la violence telle qu'elle est traitée à la télévision.
A la suite du rapport de Mme Kriegel, rendu public le jeudi 14 novembre, vous semblez d'accord, monsieur le ministre, pour créer une commission d'évaluation de la dérive violente sur les chaînes télévisées et du respect des règles.
C'est bien, mais il faut sans doute aller plus loin et renforcer le rôle du CSA, notamment dans sa capacité à infliger des amendes importantes à ceux qui n'auraient pas compris que les enfants doivent être protégés.
Je sais que vous y pensez, mais j'aimerais savoir où en sont les décisions de révisions des pouvoirs de sanctions du CSA ? Quand pensez-vous proposer l'aménagement de l'article L. 227-24 du code pénal ?
Des évolutions sont nécessaires, nous les attendons avec impatience, car nous avons un fort devoir de protection de notre jeunesse.
En qualité de président du « 119 - enfance maltraitée », je connais les ravages causés par les programmes diffuseurs de violence et les traumatismes provoqués par certaines images pornographiques, qui peuvent, pour toute une vie, détruire l'équilibre sexuel de certains enfants fragiles en manque d'éducation familiale.
Votre collègue Christian Jacob va même jusqu'à demander un rééquilibrage de la commission de classification des films, la jugeant trop laxiste puisque, pour 100 films présentés, 80 ne font l'objet d'aucune signalisation, alors qu'en Grande-Bretagne, ce rapport est inversé puisque 80 films sont contrôlés.
Il faudra, monsieur le ministre, prendre position, et je compte sur vous pour nous informer dès que possible de vos intentions sur ce sujet.
Tant le rapporteur spécial que le rapporteur pour avis ont bien fait, chacun à sa façon, le « tour » des souhaits du Sénat pour faire face aux enjeux de l'audiovisuel. Comme eux, le groupe de l'Union centriste soutiendra votre projet de budget, monsieur le ministre. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR, des Républicains et Indépendants ainsi que sur certaines travées du RDSE.). M. le président. La parole est à M. Ivan Renar.
M. Ivan Renar. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je commencerai par les faits.
Les moyens alloués à France Télévisions augmentent de 2 %, c'est-à-dire que, compte tenu de l'inflation, ils n'augmentent presque pas. Outre le fait que le Gouvernement ne respecte pas les engagements de l'Etat - il devait assurer une croissance de 3,4 % -, c'est la preuve du désintéressement que les pouvoirs publics professent envers l'intelligence des Français.
J'évoquerai quatre points.
Premièrement, la situation de France Télévisions ne saurait échapper à notre examen.
Le contrat d'objectifs et de moyens vise à trouver une voie ambitieuse pour que notre pays dispose enfin d'un service public réellement au service du public, et non pas à celui des annonceurs. Il fallait pour cela se dégager de la ressource publicitaire et reconnaître la responsabilité publique, donner des moyens au service public mais aussi de la liberté.
Mais les choix politiques du Gouvernement concernant le service public dans son ensemble mettent à mal le service public de l'audiovisuel aussi.
Le projet de budget tend à réduire les moyens et les ambitions de France Télévisions : l'effort engagé à son égard devait s'intensifier pour développer trois projets de chaînes cohérents pour la TNT. Ces projets, comme les crédits correspondants, ont été annulés. France Télévisions sera donc le parent pauvre de l'audiovisuel français. Aux trois canaux qui lui étaient réservés sur la TNT, on ne propose que l'indigence.
Vous-même avez mis en cause les chaînes de France Télévisions à plusieurs reprises au cours de l'été, monsieur le ministre, leur reprochant, à juste titre, me semble-t-il, de ne pas toujours bien s'acquitter de leurs missions. Vous n'en présentez pas moins un projet de budget qui n'offre pas aux chaînes publiques la moindre chance de s'améliorer.
Vous avez déclaré vouloir réexaminer le périmètre de la télévision publique, ce qui, dans le contexte, ne peut que me désoler, à moins que le Gouvernement ne se souvienne soudainement que la culture et l'éducation sont les meilleurs obstacles au désamour de soi et des autres. Mais je crains que le vent majoritaire ne souffle cependant pas dans ce sens à voir, depuis jeudi, fonctionner la tronçonneuse de la commission des finances.
Deuxièmement, la colère et la désespérance qu'expriment dans leur grève les personnels de la télévision publique se comprennent aisément : oui, la valeur du point d'indice est gelée depuis 1997 ; oui, les effectifs sont en diminution au profit des emplois précaires et extérieurs ; oui, il y a à redire sur les conditions de travail.
Il s'agit cependant aussi d'un mouvement réfléchi des personnels, qui sont attachés à l'idée même de service public, service public qu'ils défendent parce qu'ils connaissent bien leur outil de travail et qu'ils ont l'ambition d'un service public bien pensé.
Au-delà de la question récurrente des salaires, cette grève exprime la volonté des personnels, journalistes, réalisateurs, techniciens, de voir revaloriser leurs chaînes sur le plan des contenus comme de la fabrication : leur savoir-faire est en jeu. Pensons au gâchis que constitue la casse de la SFP !
Troisièmement, ce gâchis n'a d'égal que l'avenir piétiné de l'audiovisuel français.
Le dispositif imaginé pour que la TNT profite au moins autant à l'intelligence qu'à la finance est mort-né : alors que les projets publics sont interrompus de force, le processus du côté du secteur privé suit benoîtement son cours. On voit pourtant bien à longueur de journée ce que l'audiovisuel privé apporte culturellement.
Je ne suis pas contre l'initiative privée, monsieur le rapporteur pour avis, et l'expérience Canal Plus a été salvatrice à divers égards.
M. Jack Ralite. Sauf sous Messier !
M. Michel Pelchat. TF 1 est une chaîne privée, et elle marche bien !
M. Ivan Renar. En réalité, les « nouveaux entrants » de la TNT n'en sont pas ; on retrouve de vieilles connaissances qui prospèrent au gré de la multiplication des supports. Les dossiers retenus par le CSA sont des émanations de Pathé, Lagardère, Bouygues, Vivendi, bref ce sont les multinationales des industries culturelles qui complètent leur suprématie, avec la bénédiction et l'encouragement du Gouvernement.
M. Louis de Broissia, rapporteur pour avis. C'est quand même mieux que Berlusconi à une époque !
M. Ivan Renar. Il n'était pas suffisant que Lagardère contrôle 80 % de la distribution de nos lectures, il lui fallait un débouché audiovisuel !
Une fois encore, le messianisme technologique aveugle les décideurs ; on fait comme si la multiplication des canaux de diffusion signifiait mécaniquement une diversification des contenus proposés et accroissait de ce fait le pluralisme. Mais, du fait de la politique menée, la télévision numérique terrestre n'apportera rien d'autre qu'une répétition à l'identique.
Le Gouvernement prépare un paysage audiovisuel français dans lequel le service public ne jouera plus qu'un rôle minoritaire. Vous vous orientez vers un repli des ambitions publiques accompagné de la tentation d'un retour à l'ordre moral.
M. Louis de Broissia, rapporteur pour avis. Non !
M. Ivan Renar. Je me dois enfin de faire quelques remarques sur le rapport de la commission Kriegel.
L'extension de la plage horaire protégée et la fin des exceptions mettraient en danger le financement de la production cinématographique. De fait, les chaînes, qui financent le cinéma à 25 %, doivent rentabiliser leurs investissements. Mais les chaînes sont obligées d'investir dans le cinéma : « un pied dans l'art, un pied dans l'argent », comme dit Jean-Luc Godard.
C'est donc surtout d'un point de vue qualitatif que le cinéma risque de souffrir. Le propos des cinéastes se verrait, en effet, systématiquement édulcoré par un renforcement de la réglementation. De fait, le cinéma deviendrait le bouc émissaire du système.
Cela pose la question des rapports qu'entretiennent l'art et la société. Il est étonnant qu'une philosophe ne se soit pas penchée sur cette question : l'art reflète la société dont il est issu. Interdire la représentation de la violence empêcherait les auteurs et, par conséquent, les spectateurs, de réfléchir sur la violence, qu'elle soit inhérente à notre société ou le produit de l'histoire.
Si cette recommandation était appliquée, La Reine Margot de Patrice Chéreau ou Il faut sauver le soldat Ryan de Steven Spielberg ne pourraient plus, par exemple, être diffusés aux heures de grande diffusion.
Cela soulève donc une autre question, qui est intimement liée à la précédente : le rôle de l'art dans un pays démocratique. Interdire la représentation de la violence alors que, de fait, la société connaît la violence réveille la vision cauchemardesque d'un public endormi, gavé de mièvreries sucrées encadrées par la puissance publique.
Fort heureusement - et c'est à votre honneur, monsieur le ministre - vous n'avez pas suivi la partie liberticide des recommandations de la commission Kriegel, mais, déjà, plusieurs députés de la majorité la reprennent à leur compte.
Manifestement, le Gouvernement ne prend pas la mesure des enjeux de la politique de l'audiovisuel. Le service public devrait être le socle d'une réelle responsabilité publique de la culture, garantissant les droits de la culture et le droit à la culture. La diversité de la création et l'accès du public le plus large à celle-ci sont les conditions de la démocratie réelle, et, à ce titre, elles doivent sans cesse être encouragées.
Au contraire, les choix faits par le Gouvernement bafouent ces droits sans vergogne : en livrant les médias à la marchandisation, et donc les programmes à l'uniformisation, il autorise et encourage même dans les faits une perte de sens qui ne peut qu'être profondément dommageable.
Je n'ai plus le temps, monsieur le ministre, de vous dire tout le bien que je pense de Radio France, je vous le dirai un autre jour, mais, vous l'aurez deviné, le groupe CRC ne pourra voter les crédits qui nous sont proposés. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Henri Weber.
M. Henri Weber. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je ne reviendrai pas ici sur ce qu'a excellemment exposé ma collègue et amie Danièle Pourtaud, qui a regagné sa place en dépit des agressions dont elle a été victime de la part du sénateur Pelchat, d'habitude plus courtois et mieux inspiré. (Rires.)
M. Ivan Renar. C'était du harcèlement textuel !
M. Henri Weber. Exactement !
M. Michel Pelchat. J'accepte la critique quand elle est fondée !
M. Henri Weber. Je me bornerai à faire quelques remarques complémentaires.
Monsieur le ministre, vous vous êtes prononcé, tout comme nous, en faveur d'un service public de l'audiovisuel fort et assumant pleinement ses missions. Vous avez clairement récusé la privatisation de France 2...
M. Michel Pelchat. Très bien !
M. Henri Weber. ... que notre collègue M. Karoutchi et beaucoup de ses amis de la majorité sénatoriale...
M. Louis de Broissia, rapporteur pour avis. Pas beaucoup !
M. Henri Weber. ... réclamaient avec insistance l'an passé à cette tribune. Nous en sommes tout à fait satisfaits et nous vous en donnons acte.
Mais vous n'avez pas obtenu les moyens de soutenir cette ambition. Vos prédécesseurs ont augmenté de 35 % en cinq ans le budget de l'audiovisuel public ; ils ont réduit de douze à huit minutes par heure la durée des écrans publicitaires, et ils ont substitué des contrats d'objectifs et de moyens à la tutelle administrative de l'Etat sur les entreprises de l'audiovisuel.
Votre projet de budget, quant à lui, marque une progression à peine supérieure au taux de l'inflation, alors que les coûts de production et de personnel des chaînes se sont accrus très fortement ; l'effort de réduction des écrans publicitaires a été interrompu ; le contrat d'objectifs et de moyens conclu entre France Télévisions et l'Etat, à peine signé, a été rompu unilatéralement.
On connaissait la méthode Raffarin ; on apprend à connaître la méthode Aillagon : des objectifs ambitieux, souvent proclamés avec panache, beaucoup d'injustice et d'exagération aussi dans la critique que vous faites de vos prédécesseurs, mais une intendance qui ne suit pas.
Mme Danièle Pourtaud. Exact !
M. Henri Weber. Loin de moi l'idée de réduire tous les problèmes de l'audiovisuel public à la question de son financement. L'un des mérites du contrat d'objectifs et de moyens signé par France Télévisions est d'engager la rationalisation de la gestion des chaînes, au profit de la qualité des programmes.
Mais puisque nous débattons aujourd'hui du projet de budget, comment nier qu'il y ait, en France, un problème de financement de l'audiovisuel public ?
Notre secteur audiovisuel public réalise la performance de réunir à peu près la même audience que ses homologues anglais et allemand - environ 40 % de parts de marchés - avec des ressources une fois et demie, voire deux fois inférieures : 2 milliards d'euros pour France Télévisions, 3 milliards d'euros pour la BBC, 4 milliards d'euros pour la ZDF-ARD allemande.
Mme Danièle Pourtaud. Très bien !
M. Henri Weber. Il fait jeu égal avec les chaînes commerciales TF 1 et M 6, alors que le chiffre d'affaires de celles-ci augmente de 10 % par an. Combien de temps cela pourra-t-il durer ?
Un chiffre que vient d'évoquer notre collègue Michel Pelchat me paraît symptomatique et alarmant : celui des heures de fiction produites. Dans tous les pays d'Europe, l'engouement pour les séries de fiction nationales ne se dément pas. L'audience de ces programmes dépasse souvent, et de beaucoup, celle des séries américaines, et le volume de la production ne cesse d'augmenter : il atteint 2 000 heures par an en Allemagne, 1 300 heures en Grande-Bretagne, mais il est tombé à moins de 600 heures en France cette année, soit moins qu'en Espagne, et désormais moins qu'en Italie.
Mme Danièle Pourtaud. Hélas !
M. Henri Weber. J'observe que, depuis cinq ans, dans tous les pays dont l'industrie des programmes audiovisuels est dynamique, des mécanismes de financement massifs, régionaux et nationaux, ne sollicitant pas les diffuseurs, ont été mis en place. Il en est ainsi pour les Länder allemands, la Grande-Bretagne, les provinces canadiennes, l'Etat de Californie. Que comptez-vous faire, monsieur le ministre, pour remédier au sous-financement chronique de l'audiovisuel public français, télévision numérique de terre ou pas ?
Mme Danièle Pourtaud. Très bien !
M. Henri Weber. Que comptez-vous faire pour favoriser le développement d'une industrie des programmes digne de notre pays ?
S'agissant de la télévision numérique de terre, à laquelle M. Boyon vient de consacrer un huitième rapport,...
M. Michel Pelchat. ... excellent, d'ailleurs !
M. Henri Weber. ... vous récusez « toute fuite en avant » du service public, « toute extension automatique de son offre de programmes ». Je regrette, pour ma part, le renoncement à la création de la chaîne culturelle et familiale de rediffusion, qui permettrait de présenter à des heures de grande audience les meilleures émissions du service public, trop souvent reléguées en ultime fin de soirée. Elle permettrait, en outre, de créer un second marché de la rediffusion.
Raymond Courrière. Très bien !
M. Henri Weber. Je regrette également le « gel » de la chaîne d'information continue, dont vient de parler Danièle Pourtaud, ainsi que la suspension des chaînes régionales. Ces choix ne constituaient pas une « fuite en avant », mais, au contraire, une démultiplication intelligente de ce que fait déjà le service public et une meilleure exploitation de ses ressources humaines.
Mme Danièle Pourtaud. Exactement !
M. Henri Weber. Ils procédaient de l'effort de rénovation de l'entreprise France Télévision et de rationalisation des moyens et des ressources. J'espère que les trois canaux que vous avez réservés seront affectés finalement à ces projets initiaux, et je forme le voeu que vous consacriez un quatrième canal à une chaîne « enfance et jeunesse », qui fait aujourd'hui défaut.
Mme Danièle Pourtaud. Très bien !
M. Henri Weber. Je crois que le succès de la télévision numérique de terre dépendra, pour beaucoup, du rôle moteur qu'y jouera le service public, et que ce serait une grave erreur que de chercher à réduire son poids pour des raisons d'économies, ou d'idéologie. S'agissant des missions de service public de l'audiovisuel, j'ai lu avec intérêt que vous faites figurer, à leur nombre, à côté de l'éducation, de la promotion de la culture et de l'information, ce que vous appelez la distraction. Je crois, comme vous, que les chaînes publiques doivent assumer pleinement la fonction de divertissement de la télévision, sinon elles seraient rapidement condamnées à la marginalisation !
Mme Danièle Pourtaud. Très bien !
M. Henri Weber. Je crois qu'il existe un « divertissement de service public », distinct des émissions de divertissement que l'on diffuse sur les chaînes commerciales en ce qu'il s'efforce, même dans la distraction, de tirer sans cesse le téléspectateur vers le haut, par respect pour lui.
J'entends beaucoup de bons esprits, au sein de la majorité, affirmer au contraire que la « distraction » - l' entertainment, comme on dit en bon cauchois - doit être réservée aux chaînes privées, et que le service public doit se consacrer exclusivement à l'édification des esprits et à l'élévation des âmes. Ceux-là crient au dérapage dès qu'ils débusquent sur France Télévisions des émissions de divertissement. Pour ceux-là, et aussi pour nous tous, monsieur le ministre, il serait utile que vous définissiez, mieux que vous ne le faites, ce qu'est, à vos yeux, la mission du service public en matière de divertissement.
Elle est plus facile à définir dans les autres domaines, notamment ceux de l'information, de l'éducation ou de la promotion de la culture. Mais s'il est vrai que divertir est l'une des fonctions essentielles de la télévision, que nos concitoyens regardent plus de trois heures par jour, qu'est-ce que le divertissement de service public, et en quoi diffère-t-il d'autres types de divertissements ? Je crois que l'on échapperait à nombre de faux débats si vous pouviez préciser vos conceptions dans ce domaine, monsieur le ministre.
Le 7 novembre dernier, à l'Assemblée nationale, vous avez tenu les propos suivants, en réponse à mon ami Didier Mathus : « Le service public doit disposer d'un navire amiral, d'une grande chaîne généraliste. La privatisation de France 2 n'est donc pas à l'ordre du jour ! » Voilà qui a dû rassurer les salariés de France 3, monsieur le ministre !
Vous savez que l'inquiétude qu'ils éprouvent quant à l'avenir de leur entreprise, nourrie par des déclarations et des rumeurs récurrentes sur le choix de la réduction du périmètre du service public comme moyen de régler une fois pour toutes le problème de son financement, est pour beaucoup dans le déclenchement du mouvement de grève qui se poursuit depuis quinze jours à France 3.
Votre protestation sélective a amené de l'eau au moulin de ceux qui croient à une privatisation de France 3 par filialisation de ses antennes régionales et ouverture du capital de ces dernières aux investisseurs locaux. Vous avez aujourd'hui l'occasion, devant le Sénat, de rassurer complètement les uns et de décevoir les autres.
Monsieur le ministre, votre projet de budget de l'audiovisuel rompt les deux courbes vertueuses tracées par vos prédécesseurs : la courbe ascendante du financement et celle, descendante, de la dépendance à l'égard des publicitaires. En outre, il crée l'incertitude sur la place et le rôle du service public dans l'avènement de la télévision numérique de terre. Pour ces raisons, en particulier, le groupe socialiste votera contre ce projet de budget. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Jacques Aillagon, ministre de la culture et de la communication. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, le projet de budget que je vous présente aujourd'hui est réaliste, sincère, et ménage des moyens suffisants pour financer l'ensemble des actions de l'Etat en faveur de l'audiovisuel et de la presse.
Mme Danièle Pourtaud. C'est vous qui le dites !
M. Jean-Jacques Aillagon, ministre. Il faut, me semble-t-il, que nous mesurions tous le poids de notre responsabilité, sans être tentés de travestir la vérité. Quand j'entends Mme Pourtaud dire que nous aurions ouvert les vannes de la publicité, je me demande à quoi elle fait allusion ! En effet, aucun des dispositifs d'organisation ou de contingentement de la publicité existants, tant à la télévision qu'à la radio, n'a été remis en cause ou altéré. Si la recette publicitaire de Radio France augmente, c'est, tout simplement, du fait du relèvement des tarifs, et non pas parce que l'on aurait donné à cette société nationale licence de diffuser davantage de publicité. Par conséquent, il ne faut pas raconter n'importe quoi ! (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. Louis de Broissia, rapporteur pour avis. Très bien !
M. Jean-Jacques Aillagon, ministre. Par ailleurs, je tiens à vous préciser, madame Pourtaud, que je n'ai jamais considéré qu'une politique de développement des moyens constituait une politique de qualité pour l'audiovisuel public.
Il se trouve que, aujourd'hui même, se déroule la journée nationale de protestation des sourds et malentendants contre le mauvais traitement que leur réserve la télévision. Or a-t-on vu, au cours des deux dernières décennies, plus particulièrement ces cinq dernières années, la situation s'améliorer à cet égard, malgré l'accroissement des moyens publics mis à la disposition des télévisions ? A-t-on vu le service public prendre, de façon responsable, des dispositions visant à un meilleur traitement de cette catégorie de téléspectateurs ? Non, et c'est déplorable ! Vous le voyez bien, le développement des moyens ne signifie donc pas forcément la qualité du service public ni la qualité de l'engagement. (Nouveaux applaudissements sur les mêmes travées.)
M. Henri Weber. Mais il y contribue !
M. Louis de Broissia, rapporteur pour avis. Pas forcément !
M. Jean-Jacques Aillagon, ministre. Je vous signale également, madame Pourtaud, monsieur Weber, que certaines chaînes privées que vous vous plaisez à stigmatiser font, en la matière, mieux que les chaînes de service public.
M. Louis de Broissia, rapporteur pour avis. Absolument !
M. Michel Pelchat. C'est un comble !
M. Jean-Jacques Aillagon, ministre. Je le regrette, compte tenu de mon attachement très profond au service public dans notre pays.
M. Raymond Courrière. Ça m'étonnerait que vous y soyez si attaché que cela !
M. Jean-Jacques Aillagon, ministre. Cela vaut également pour la qualité des programmes.
Si, dès mon arrivée rue de Valois, j'ai souhaité commander à un certain nombre de personnalités - nous reviendrons sur le rapport de M. Boyon, mais, en l'occurrence, je pense à Mmes Kriegel et Clément - des rapports sur la question de la violence, envisagée d'ailleurs de façon générale, pour l'ensemble des chaînes de télévision au-delà du seul service public, et sur la question de la qualité culturelle des programmes de ce dernier, c'est que je sentais bien monter de la population des acteurs culturels de notre pays, ainsi que d'un certain nombre d'associations représentatives des téléspectacteurs, une protestation contre la dégradation de la qualité et de la singularité desdits programmes.
Aujourd'hui, nous sommes donc tous placés devant nos responsabilités. Il ne s'agit pas de tenter de « noyer le poisson » en étalant le service public, mais bien de chercher à approfondir celui-ci. Je suis attaché à un service public singulier, à un service public fort, à un service public respectueux de ses missions, à un service public qui ne se fixe pas de vains objectifs de développement - pour reprendre d'ailleurs un terme propre à l'industrie privée - à un service public qui se consacre, avec inventivité, avec passion, à réellement servir nos concitoyens.
Vous avez été un certain nombre, mesdames, messieurs les sénateurs, à évoquer la grève qui a perturbé, au cours des dernières semaines, l'audiovisuel public. J'ai noté avec beaucoup de satisfaction que les dirigeants de nos entreprises nationales avaient su régler la question à Radio France et à RFI. S'agissant de France 2, le problème a été traité à la satisfaction à la fois de la direction et du personnel. Le mouvement a persévéré sur France 3, parce que l'on a tenté de faire croire au personnel que le Gouvernement souhaitait remettre en cause la situation de cette société et que l'on cherchait à privatiser la chaîne.
A cet égard, j'ai clairement indiqué que le Gouvernement était attaché à maintenir le périmètre actuel du service public, qui comprend une chaîne généraliste - je crois, en effet, à la vertu de la généralité en matière de télévision -, une chaîne ancrée dans la réalité de la société française, plus particulièrement dans la réalité de nos régions, ainsi qu'une chaîne du savoir. Sur ce point, je tiens à saluer, après nombre d'entre vous, le travail réalisé dans le cadre de la programmation de France 5.
On a cru ou voulu faire croire que le « recalage » du calendrier de la TNT privait France Télévisions de perspectives. Il n'en est rien ! Le service public a pour perspective d'accomplir avec loyauté, avec intelligence, avec brio les missions qui lui incombent. Il n'est nul besoin d'inventer chaque matin une nouvelle chaîne, un nouveau programme, un nouveau projet pour être fidèle à ces missions de service public : leur approfondissement tient réellement lieu de grand projet pour l'audiovisuel public, et je souhaiterais que nous en soyons tous convaincus.
S'agissant de la télévision numérique terrestre, mettons un terme, sur ce sujet aussi, à certaines légendes ou fariboles : je n'ai pas décalé la mise en oeuvre du projet de télévision numérique terrestre. Croyez bien, madame Pourtaud, monsieur Weber, que, si nos concitoyens n'avaient pas décidé de changer la majorité politique de ce pays, l'un des vôtres se trouverait aujourd'hui à ma place et devrait vous avouer que la télévision numérique terrestre ne sera pas en mesure de fonctionner à la fin de cette année. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Louis de Broissia, rapporteur pour avis. Absolument !
M. Jean-Jacques Aillagon, ministre. Comme je le disais à M. Michel Françaix lors du débat à l'Assemblée nationale, madame Pourtaud, même si vos amis se trouvaient aujourd'hui au pouvoir, vous n'auriez pas pu voir la messe de minuit en numérique cette année ! C'était totalement impossible ! (Rires et nouveaux applaudissements sur les mêmes travées.)
M. Louis de Broissia, rapporteur pour avis. Très bien !
M. Jean-Jacques Aillagon, ministre. En effet, la préparation de ce dossier se caractérisait par un certain nombre de lacunes.
M. Michel Pelchat. Absolument !
M. Jean-Jacques Aillagon, ministre. Ainsi, on avait fait l'impasse sur le traitement de questions juridiques, techniques et économiques. Il nous appartient aujourd'hui de reprendre en main le dossier de façon responsable et volontaire. C'est la raison pour laquelle le Gouvernement, à la suite de la remise du rapport de M. Boyon, a pris des mesures pour mettre un crédit spécial à la disposition de l'Agence nationale des fréquences, de manière que le dossier puisse progresser.
Les choses n'iront toutefois pas aussi vite que certains l'ont prétendu : au prix d'un travail intensif, 40 % du territoire sera couvert en 2004, et 80 % en 2008. Pour répondre à vos voeux, je m'attacherai, quant à moi, à ce que soit traitée la question des 20 % résiduels.
Comment, en effet, pourrions-nous estimer avoir accompli notre devoir et respecté les obligations qui s'imposent à la fois à la représentation nationale et au Gouvernement au regard du principe d'égalité, si nous nous résignions à ce que la population de 20 % du territoire reste privée d'un tel service ?
La deuxième légende que je veux combattre est celle selon laquelle le contrat d'objectifs et de moyens de France Télévisions aurait été dénoncé par le Gouvernement : ce dernier a simplement pris en compte les conditions nouvelles que crée le « recalage » du calendrier de la télévision numérique terrestre. Je l'affirme avec force : une augmentation des moyens de 2 % sans la TNT est de loin préférable à une augmentation de 3,1 % avec la TNT.
M. Michel Pelchat. Absolument !
M. Jean-Jacques Aillagon, ministre. Ce sont vos amis, mesdames, messieurs les sénateurs de l'opposition, qui allaient engager l'audiovisuel public dans une impasse,...
Mme Danièle Pourtaud. Vous savez bien que c'est faux !
M. Jean-Jacques Aillagon, ministre. ... en lui ouvrant pour seule perspective une fuite en avant, ce que je juge, pour ma part, irresponsable.
La troisième légende que je souhaite détruire veut que l'avenir du service public de la télévision serait forcément lié, et même chevillé, à la TNT. Le président de France Télévisions a lui-même reconnu qu'il n'en était rien et que l'on pouvait tout à fait envisager que le service public existe, prospère et se développe sans la TNT. On avait voulu se convaincre que le seul horizon du service public, c'était la TNT ; or cet horizon, je le répète, c'est l'accomplissement du service public.
Je souhaite que ce dernier soit caractérisé par une totale exemplarité, dans les domaines de l'information, du débat, de l'ouverture au monde, de la production, non seulement cinématographique, mais aussi documentaire. Pour ma part, je ne me suis jamais consolé d'un certain retrait opéré, au cours de la dernière décennie, par le service public au regard de ses engagements sur ce plan, bien que je tienne à relever qu'il y a eu néanmoins d'excellentes réalisations.
Pour ce qui concerne la TNT, personne ne peut s'opposer au développement d'une technologie. L'avenir du cinéma, de l'audiovisuel passe incontestablement par le numérique.
M. Jacques Valade, président de la commission des affaires culturelles. Eh oui !
M. Jean-Jacques Aillagon, ministre. Il nous revient de prendre en charge ce dossier de façon à mettre en place les moyens et les dispositifs qui permettront de le mener à bien. M. Michel Boyon a fait, à ce sujet, un travail que chacun a jugé remarquable, qui sera d'ailleurs complété, au cours des prochaines semaines, par la remise au Premier ministre d'un certain nombre de propositions complémentaires.
Je le répète : le budget pour 2003 permettra à l'audiovisuel d'aborder ses problèmes, ses projets et ses missions dans de bonnes conditions. Le taux de croissance moyen de la ressource publique s'élève à 2 %, soit une masse de crédits supplémentaire de 49 millions d'euros, ce qui permettra à chacune des sociétés qui composent le paysage de l'audiovisuel public - radio et télévision - de prendre en charge son destin de façon claire et positive.
Je voudrais revenir sur un certain nombre de questions particulières qui ont été posées, et tout d'abord sur les questions relatives à la situation de RFO. Ce dossier a été évoqué par MM. Othily et Nogrix. J'ai bien entendu vos préoccupations. Je partage pleinement votre appréciation sur le rôle culturel, social et civique que joue Radio France Internationale dans les départements d'outre-mer. Cependant, je ne partage pas entièrement votre pessimisme : en 2003, la ressource de RFO évoluera de la même façon que celle des autres sociétés publiques de télévision.
Le volume de la production propre n'est pas négligeable, même si chacun convient qu'elle devrait se développer de façon encore plus marquée : elle représente aujourd'hui, dans la grille de Télépays, le premier canal de Radio France Outre-mer, 18 % de la programmation, ce qui est tout à fait important pour une chaîne nationale comprenant des décrochages locaux. La démarche éditoriale de RFO permet donc d'alterner des programmes repris des chaînes métropolitaines et de réelles émissions de proximité, les innovations variant bien sûr d'une antenne spécifique à l'autre.
Pour ma part, je suis bien conscient de l'importance de cette chaîne. On peut en effet se demander si son efficacité maximale est atteinte dans le cadre d'une singularité de la chaîne ou serait atteinte dans le cadre d'un amarrage à France Télévisions. C'est une question dont nous débattrons sans doute.
De façon générale, je vous en ai déjà fait la confidence, il m'est arrivé de penser que nous avions, en France, tant pour la radio que pour la télévision, un trop grand nombre de sociétés opératrices et que nous aurions peut-être intérêt à rationaliser le paysage des opérateurs de la télévision et de la radio publiques. C'est une vaste question sur laquelle les opinions divergent. M. Nogrix faisait remarquer que l'on n'avait peut-être pas retiré de l'association, au sein de France Télévisions, de France 2, de France 3 et de France 5...
M. Philippe Nogrix. De synergie !
M. Jean-Jacques Aillagon, ministre. ... le maximum d'effets synergiques. Je crois qu'il faut aborder cette question sans aucun a priori et de façon très pragmatique.
Vous avez ensuite évoqué la question de la ressource qui alimente le financement de l'audiovisuel public, dont la question de la redevance. Vous le savez, toutes les taxes parafiscales, dont la redevance, seront supprimées à compter de la fin de 2003, conformément aux dispositions de la loi organique relative aux lois de finances. Cette réalité nous impose de faire juridiquement évoluer la redevance. Mes services, en l'occurrence la direction du développement des médias, ont travaillé au cours des dernières semaines au recensement de toutes les solutions alternatives envisagées au cours des dernières années, car le débat est ancien. La question est complexe. On a souvent entendu critiquer la redevance. Il lui est notamment reproché d'être impopulaire. Je remarquerai simplement que peu de taxes sont populaires ! (Sourires.)
J'ai noté avec beaucoup de satisfaction que, finalement, il y avait, à ce sujet, dans cette assemblée, une très large convergence de vues. Je suis attaché à ce que cette affaire ne soit pas traitée de façon trop superficielle, trop expéditive et trop légère. Nous devons garantir à notre audiovisuel public une ressource stable et pérenne, qui ne soit pas soumise aux aléas budgétaires. En tout cas, la réflexion sera amplifiée au début de l'année prochaine. Je veillerai notamment à ce que le Parlement, et en particulier votre assemblée qui attache une grande importance à cette question, y soit associé.
La question de la violence à la télévision, dont la presse s'est largement fait l'écho, a également été évoquée. Le rapport que j'avais demandé à Mme Kriegel m'a récemment été remis. J'ai tenu très rapidement à l'examiner et à en tirer des conclusions. Celles-ci conduiront le Gouvernement à vous proposer divers aménagements législatifs renforçant, notamment, la capacité de sanction du CSA.
S'agissant de la violence dans les programmes eux-mêmes, j'observe que l'on s'est beaucoup focalisé sur le cinéma, qui ne représente pourtant que 7 % du temps d'antenne. Il faut, concernant la violence, avoir une vision globale et s'intéresser également à la publicité, aux programmes, aux émissions de plateau, étant entendu que les images violentes que nous livre, hélas ! l'actualité du monde sont, quant à elles, encadrées par la responsabilité rédactionnelle des journalistes et leurs commentaires. Il ne s'agit pas de violence délibérément et quasi voluptueusement proposée aux téléspectateurs. Nous avons pris acte des recommandations de Mme Kriegel. Celles-ci trouveront très rapidement une traduction législative.
S'agissant des films pornographiques, le débat ayant été engagé par le CSA puis relayé par la mission Kriegel, les éditeurs de programmes pornographiques, qui avaient senti passer le vent du boulet, ont pris spontanément des mesures de contingentement de l'accès à ces programmes, notamment par la mise en oeuvre des procédés de double cryptage, afin de permettre aux parents d'organiser l'interdiction faite à leurs enfants d'accéder de manière fortuite à ces programmes. J'ai également recommandé que, pour l'avenir, soit dissocié de l'abonnement aux chaînes cryptées l'accès spécifique aux programmes pornographiques. Canal Plus et les autres éditeurs de tels programmes ont mis cette proposition à l'étude.
Monsieur Nogrix, vous avez également évoqué la classification des films cinématographiques.
D'abord, je ne crois pas que notre commission de classification soit plus laxiste que la commission britannique, par exemple, car les critères ne sont pas tout à fait les mêmes. Songez qu'en Grande-Bretagne on contingente la diffusion des films dans lesquels il est fait usage de gros mots. C'est ainsi que, dans ce pays, Le fabuleux destin d'Amélie Poulain a été interdit aux moins de seize ans, ce qui, de notre point de vue et de l'usage quasi historique que nous avons fait de certains mots, notamment du mot de Cambronne, est presque inenvisageable ! (Sourires.)
Ensuite, je souligne que la commission de classification des films, celle qui est « amarrée » au CNC, visionne seulement les films qui sont destinés à la diffusion en salles. Comme il n'y a pratiquement plus de cinémas pornographiques, la diffusion des films pornographiques étant réservée à d'autres circuits, notamment à ceux de la vidéo cassette et du DVD, les films pornographiques ne sont plus traités par la commission de classification des films ; cette situation nouvelle a donc fait baisser la statistique.
Je tiens aussi à vous dire que, avec mon collègue Christian Jacob, nous avons travaillé à mieux nous coordonner et, très prochainement, je ferai des propositions non pas dans le sens d'une réorganisation radicale de la commission de classification des films, parce que nous sommes, les uns et les autres, très attachés à la formule actuelle, mais pour améliorer la configuration de sa composition et les règles qui président à la prise de certaines décisions, notamment l'interdiction aux moins de dix-huit ans.
M. Philippe Nogrix. Je vous en remercie.
M. Jean-Jacques Aillagon, ministre. A également été évoqué le développement des télévisions locales, monsieur le sénateur. Il est vrai que, à cet égard, notre pays est caractérisé par un réel archaïsme. La raison en est très simple et vous l'avez d'ailleurs soulignée : aucune de ces télévisions n'atteint le moindre équilibre économique du fait, notamment, des dispositions particulières qui président au contingentement de l'accès à la publicité d'un certain nombre de secteurs.
La question est très délicate - M. de Broissia le sait bien - puisque certains de nos partenaires, notamment la presse, et je pense plus particulièrement à la presse quotidienne régionale, sont très attachés à la pérennité des dispositions actuelles, qui sont par ailleurs mises en cause par Bruxelles. Il nous faudra travailler sur ce dossier et tenter, parce que nous sommes, les uns et les autres, partisans de la concorde, de tendre vers une solution qui donnerait satisfaction à la fois aux intérêts d'une presse quotidienne, dont j'évoquerai tout à l'heure, comme vous l'avez fait, la très grande fragilité, et au nécessaire développement des télévisions locales, étant entendu qu'il faudra aussi sans doute aménager le cadre juridique qui permettrait aux collectivités locales de prendre une part plus significative dans leur développement. Les télévisions locales sont également des instruments possibles de la vie civique, de la vie culturelle locale et de la civilité.
Mme Danièle Pourtaud. Vous pouvez développer les télévisions associatives sans nuire à la santé de la presse !
M. Jean-Jacques Aillagon, ministre. Les retards accumulés dans ces domaines doivent être rattrapés et nous y travaillons.
Vous avez également évoqué la création d'une chaîne d'information internationale. C'est une question très complexe, d'abord en termes institutionnels, puisque, comme pour un autre sujet que nous évoquions hier dans cette enceinte, elle relève de la responsabilité conjointe du ministère de la culture et de la communication et du ministère des affaires étrangères qui exerce traditionnellement la tutelle de l'audiovisuel extérieur.
Mais, les uns et les autres, nous nous rangeons au souhait du Président de la République de voir la France mieux représentée dans la bataille internationale des images et de l'information. Je pense que nous saurons, dans les prochaines semaines, décanter l'ensemble des propositions et des analyses qui ont été émises à ce sujet et vous proposer une perspective qui permettrait sans doute, au cours des années à venir, de faire en sorte - mais le sujet est très complexe - que la voix de la France soit mieux entendue dans le monde. En tout cas, le ministère de la culture et de la communication apporte sa contribution à cette réflexion.
Je regrette, moi aussi, que le service public n'ait pas pris, en son temps, l'initiative de créer une chaîne d'information.
Mme Danièle Pourtaud. Il n'est jamais trop tard pour bien faire !
M. Jean-Jacques Aillagon, ministre. Le service public a créé des chaînes sur le câble et le satellite, notamment la chaîne Gourmet TV et la chaîne Régions, dont vous connaissez d'ailleurs les difficultés. Mais peut-être aurait-on dû, alors que l'initiative privée prospérait dans ce secteur et avant même qu'elle agisse, créer une chaîne d'information continue.
M. Louis de Broissia, rapporteur pour avis. Effectivement !
M. Henri Weber. C'est un peu plus cher !
M. Jean-Jacques Aillagon, ministre. Une initiative de ce type aurait été à l'honneur du service public et de ceux qui en ont assuré la tutelle pendant si longtemps.
Mme Danièle Pourtaud. Il n'est pas trop tard !
M. Jean-Jacques Aillagon, ministre. Aujourd'hui, madame la sénatrice, j'observe que nous sommes dans un paysage qui est déjà très fortement saturé, avec LCI et iTelevision,...
Mme Danièle Pourtaud. Chaînes payantes !
M. Jean-Jacques Aillagon, ministre. ... chaînes de très bonne qualité, qui accéderont, grâce à la TNT, à une diffusion nationale élargie.
Mme Danièle Pourtaud. Le CSA les a placées dans le bouquet payant !
M. Jean-Jacques Aillagon, ministre. Toutes les hypothèses relatives à la télévision d'information internationale sont à l'étude et j'aurai l'occasion de vous en reparler très prochainement.
En conclusion de cette partie consacrée à l'audiovisuel, je vous dirai que, aujourd'hui, nous sommes véritablement à la croisée des chemins et qu'il nous appartient à la fois de confirmer notre attachement au service public, d'en contenir les développements inutiles et d'inviter le service public à se renforcer dans l'expression de ses missions propres car, dans un paysage audiovisuel terriblement banalisé, il appartient en effet au service public de la télévision de marquer la différence.
On a très peu parlé de la radio. La radio de service public est de très grande qualité. Voilà quelques années, une campagne de publicité de France Inter nous invitait à « écouter la différence ». Je souhaiterais que notre télévision nous permette tout simplement de voir la différence.
S'agissant des aides à la presse écrite, vous le savez et M. de Broissia l'a rappelé, le dispositif budgétaire pour 2003 reconduit très largement tous les dispositifs qui caractérisent la politique de l'Etat dans ce domaine et qui s'orientent autour d'un certain nombre de grands axes : le soutien à la diffusion et à la distribution, la défense du pluralisme et l'encouragement à la modernisation. Là aussi, mesdames, messieurs les sénateurs, nous sommes à la croisée des chemins car, comme vous l'avez rappelé, en France, la presse est soutenue, mais, paradoxalement, la presse quotidienne est dans une très mauvaise situation. Son volume de publicité a certes diminué, ce qui est conjoncturel. Mais, surtout, on voit le lectorat s'effondrer, ce qui est très préoccupant. C'est pourquoi, en 2003, j'engagerai une grande action nationale de sensibilisation, des jeunes notamment, à la presse écrite, bien sûr dans le respect du pluralisme, initiative à laquelle j'associerai le ministère de l'éducation nationale.
Quant à l'Agence France-Presse, conscients de son importance sur la scène internationale, nous avons pris le parti d'en soutenir l'activité et le développement de façon très marquée, puisque l'ensemble des abonnements souscrits par l'Etat dépassera pour la première fois 100 millions d'euros.
Voilà, monsieur le président, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, les éléments de réponse que je souhaitais vous apporter. Certes, ils n'épuisent pas toutes les questions que vous avez évoquées ni la totalité du sujet, mais il n'aurait pas pu en être autrement compte tenu du cadre horaire de notre débat. (Applaudissements sur les travées du RPR, de l'Union centriste et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Nous allons maintenant examiner l'article 52 et la ligne 35 de l'état E annexé à l'article 48.

Article 52