SEANCE DU 18 NOVEMBRE 2002


M. le président. L'amendement n° 8, présenté par M. Vasselle, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
« Après l'article 4, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - L'article L. 131-9 du code de la sécurité sociale est complété par l'alinéa suivant :
« 3° par le versement à l'Etat des produits non consommés à la clôture de l'exercice. »
« II. - L'article L. 131-10 dudit code est ainsi modifié :
« 1° Les 2°, 3°, 5°, 5° quater et 6° sont supprimés.
« 2° Le 5° bis de l'article L. 131-10 du code de la sécurité sociale est ainsi rédigé :
« 5° bis Le produit de la taxe spéciale sur les conventions d'assurances visée à l'article 991 du code général des impôts. »
« III. - Au quatrième alinéa de l'article L. 135-3 du code de la sécurité sociale, le 3° est rétabli dans la rédaction suivante :
« 3° Le produit de la taxe instituée à l'article L. 137-1. »
« IV. - A l'article L. 137-1 du code de la sécurité sociale, la référence "L. 131-8" est remplacée par la référence "L. 135-1".
« V. - Les dispositions du présent article sont applicables au 1er janvier 2003. »
La parole est à M. Alain Vasselle, rapporteur.
M. Alain Vasselle, rapporteur. Nous en arrivons à l'un des principaux amendements que je suis chargé de défendre au nom de la commission des affaires sociales, puisqu'il est déterminant au regard des équilibres financiers.
Cet amendement a pour objet de conforter le Gouvernement dans son action de clarification et dans son entrepise de démontage de cette « usine à gaz » que nous avons tant de fois dénoncée au Sénat.
Il convient en effet d'apporter plus de lisibilité, de transparence et de crédibilité à la gestion des comptes de la sécurité sociale et de mettre un terme définitif à ces méthodes qui consistaient à piller certains comptes pour financer des politiques qui n'avaient rien à voir avec lesdits comptes.
Il s'agit, plus précisément, de simplifier les comptes du FOREC, d'une part, en resserrant ses recettes autour de quatre taxes - au lieu de huit aujourd'hui - et, d'autre part, en garantissant l'équilibre financier du FOREC sous la forme d'une dotation budgétaire ajustée chaque année, à l'euro près : c'est le seul moyen d'assurer un équilibre véritable des comptes du FOREC.
Cette simplification des comptes s'inscrit également dans un cadre général qu'il me paraît nécessaire d'évoquer ici. En effet, notre commission propose également au Sénat de remettre de l'ordre dans les relations entre la CNAF, l'Etat et le fonds solidarité vieillesse, afin d'effacer les effets les plus négatifs des manipulations financières imaginées par le précédent gouvernement.
Cet amendement vise donc à soulager la branche famille de la charge indue des majorations de pension pour enfants, qui correspondent à un avantage vieillesse.
En contrepartie, la commission propose de basculer 0,1 point de CSG de la branche famille vers le fonds de solidarité vieillesse et de réattribuer à ce dernier la taxe sur le contrat de prévoyance, c'est-à-dire l'une de ses recettes historiques, qui lui a été confisquée au profit du FOREC.
En d'autres termes, cet amendement est la clé de voûte du dispositif financier que propose notre commission, grâce à une répartition plus rationnelle des dépenses et des recettes entre l'Etat, la CNAF, le FOREC et le FSV.
Je vous rappelle que nous soulageons en outre le FSV de la dépense correspondant aux organismes complémentaires de retraite AGIRC et ARRCO et que nous soulageons l'Etat de la dépense concernant l'allocation pour parent isolé pour la redonner à la branche famille.
Ainsi que je l'ai dit tout à l'heure en réponse à M. Fourcade, la situation financière de la branche famille se trouvera ainsi améliorée à la fois dans l'immédiat mais également dans le futur, car elle bénéficiera de 182 millions d'euros supplémentaires, qui viendront s'ajouter au milliard d'euros qui sera constaté à la fin de l'exercice 2002.
Elle se trouvera en outre, à moyen et long terme, allégée de l'essentiel de la charge qu'elle aurait supportée du fait du transfert total du FSV vers la branche famille de la majoration de pension pour enfants, soit pour elle une charge de 3 milliards d'euros !
Grâce à la réorganisation des comptes que nous proposons, la branche famille bénéficiera à terme d'un excédent accru de 1,3 milliard d'euros par rapport à celui qui est constaté aujourd'hui. La situation de la branche famille sera donc améliorée, ce qui lui permettra - M. Christian Jacob et M. Jean-François Mattei ne pourront que s'en réjouir - de conduire, dans les années à venir, une politique dynamique en faveur de la famille.
Ce que nous attendons du Gouvernement, c'est l'assurance que cet engagement sera respecté sur cinq ans.
Le Gouvernement s'est déjà engagé devant la représentation nationale à compenser intégralement les allégements de charges. En outre, il est favorable à ce que, petit à petit, nous allions vers une véritable autonomie des branches.
La représentation nationale - en particulier le Sénat - ne comprendrait pas que le Gouvernement lui soumette un projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2004 ou pour 2005 prévoyant que la branche famille soit une nouvelle fois privée de 0,1 ou 0,2 point de CSG, pour financer une autre branche de la sécurité sociale, voire telle ou telle dépense de l'Etat, afin que, par exemple, soit assuré le respect du pacte de stabilité.
Mais je fais confiance au Gouvernement. S'il prend des engagements, je ne doute pas qu'ils seront tenus, au moins pour cinq ans. Nul ne peut dire, en effet, ce qu'il en sera si une nouvelle majorité vient à succéder à la majorité actuelle, ce dont je serais très déçu, étant persuadé que, le moment venu, l'action de ce gouvernement sera reconnue par les Français.
M. le ministre délégué à la famille nous a tout à l'heure fait part d'une de ses préoccupations, qui est partagée par un certain nombre d'entre nous et qui tient aux tentations susceptibles de naître un jour à Bercy. Mais je compte, monsieur le ministre délégué, sur votre action à l'intérieur du Gouvernement pour affirmer que le ministère des finances ne doit pas avoir le dernier mot sur tout !
MM. Jean-Pierre Schosteck et Francis Giraud. Très bien ! M. Alain Vasselle, rapporteur. Je souhaite aussi que ce qui a été dit par notre collègue M. Charasse, puis repris par M. Jean-François Mattei, devienne réalité, de manière qu'il y ait nettement, d'un côté, une loi de financement de la sécurité sociale et, de l'autre côté, la loi de finances, la première ne devant plus servir de variable d'ajustement à la seconde.
Il faut en finir avec cette présentation fallacieuse qui pare la loi de finances de vertu et qui fait de la loi de financement de la sécurité sociale la mauvaise élève de la classe !
MM. Francis Giraud et Robert Del Picchia. Très bien !
M. Alain Vasselle, rapporteur. Or cela ne sera possible que si nous sommes, les uns et les autres, parfaitement convaincus de la nécessité d'établir cette nette distinction et si nous défendons l'autonomie des branches. Ce que nous proposons ce soir est une avancée dans cette direction.
Je ne doute pas que ces propositions, après avoir recueilli l'approbation quasi unanime de la commission,...
M. Guy Fischer. Ne nous faites pas dire ce que nous n'avons pas dit !
M. Alain Vasselle, rapporteur ... même si elle n'a pas toujours été formulée explicitement, seront également approuvées par le Sénat tout entier. (Très bien ! sur les travées du RPR.)
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-François Mattei, ministre. C'est un sujet que nous avons abordé à différentes reprises, notamment avec M. Vasselle. L'ensemble des amendements qu'il présente, et tout particulièrement cet amendement n° 8, qui est un amendement clé, ont pour objet de clarifier les relations financières entre l'Etat et la sécurité sociale.
Je confirme à la Haute Assemblée que cette clarification est également mon objectif. C'est si vrai que j'ai tout fait pour mener à bien les propositions que M. Vasselle présente, tout au moins dans leurs grandes lignes.
Monsieur le rapporteur, les propositions que vous formulez sont d'un grand intérêt, et je vous en remercie. Elles témoignent, s'il en était besoin, de la maîtrise parfaite que vous avez du sujet.
J'ai l'intention d'agir dans ce domaine, vous le savez. Ainsi, j'ai déjà fait figurer dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2003 un certain nombre de mesures qui montrent le cap : réaffectation des droits de consommation sur les tabacs à la CNAM ; apurement d'une partie de la dette du FOREC ; engagement de l'Etat de compenser intégralement les allégements de charge.
Toutefois, il me paraît nécessaire d'attendre le prochain projet de loi de financement de la sécurité sociale pour présenter une réforme d'envergure. On ne peut pas, compte tenu de la complexité des « tuyauteries » qui ont été mises en place, compte tenu des sommes en jeu et compte tenu du peu de temps dont nous avons disposé pour organiser de manière cohérente la concertation avec les partenaires sociaux, aller plus loin cette année. Car il ne faut pas confondre vitesse et précipitation.
On aurait pu, certes, supprimer le FOREC dès cette année, mais je n'aurais alors eu aucune garantie quant aux recettes à venir de la sécurité sociale. En simplifiant trop vite les circuits financiers, je ne pouvais pas être certain de ne pas perdre des ressources pour l'un ou l'autre des acteurs.
Il faut que le nouveau système soit pérenne et puisse s'adapter aux besoins de financement futurs des organismes concernés.
Ces exigences me paraissent d'autant plus fondamentales que le sujet est très sensible pour les partenaires sociaux. J'ai évoqué tout à l'heure le groupe animé par Mme Ruellan à la commission des comptes de la sécurité sociale ; nous avons besoin de nous concerter les uns et les autres avant d'envisager une remise à plat.
Il me semble que le dialogue social que nous avons annoncé doit être mis en oeuvre. Il est donc nécessaire de se donner le temps de consulter les partenaires, quitte, le moment venu, à prendre nos responsabilités.
Pour préparer cette réforme dans les meilleures conditions possibles, j'ai proposé qu'un groupe de travail associant le Sénat, l'Assemblée nationale et les départements ministériels concernés - santé, famille, travail - se réunisse : les propositions que vous avez formulées à travers vos amendements pourront ainsi être intégrées à la réflexion.
Je me suis en outre engagé à présenter au Parlement, au printemps prochain, un rapport établi sous l'autorité du secrétaire général de la commission des comptes de la sécurité sociale et présentant un état des relations financières entre l'Etat et la sécurité sociale.
Pour toutes ces raisons, monsieur Vasselle, je vous demande de bien vouloir reporter l'adoption de la grande réforme que, comme moi et comme beaucoup d'autres, vous appelez de vos voeux. Je suis convaincu du bien-fondé de vos objectifs. Je vous demande de comprendre ce qu'est aujourd'hui le mien : il m'apparaît nécessaire de prendre quelque mois pour mener, dans la concertation, une réflexion propre à asseoir une grande réforme afin que l'on ne puisse pas nous reprocher de nous être précipités sans prendre le soin d'entendre les uns et d'écouter les autres. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. Monsieur le rapporteur, l'amendement n° 8 est-il maintenu ?
M. Alain Vasselle, rapporteur. J'ai bien entendu l'appel que vient de m'adresser Jean-François Mattei et je ne peux qu'être satisfait des deux éléments essentiels qu'il a exposés. Ils correspondent à l'état d'esprit de ce gouvernement et de sa majorité qui soutient ses objectifs et accepte sa méthode.
Il s'agit, en premier lieu, de privilégier le dialogue social avant de prendre toute initiative prévoyant des réformes structurelles pour l'avenir.
Ce n'est certainement pas sur le coin d'une table que l'on peut prendre des décisions aussi importantes et dont il est difficile de déceler les effets pervers. Nous considérons que nous avons bien réfléchi au dispositif que nous proposons et nous sommes convaincus que celui-ci ne pourrait que conforter la position du Gouvernement.
Je n'ai donc rien à retirer aux propositions que j'ai présentées au nom de la commission des affaires sociales, d'autant que M. le ministre considère qu'il s'agit d'une base solide sur laquelle le Gouvernement va pouvoir s'appuyer.
Le deuxième élément important, c'est la constitution d'un groupe de travail auquel participeront des représentants du Sénat et de l'Assemblée nationale. J'ajoute que M. le ministre demandera à ce groupe de travail d'intégrer les propositions de la commission des affaires sociales du Sénat dans ses réflexions dans ses propositions.
Mes chers collègues, ces deux éléments m'apparaissent suffisamment tangibles pour que nous puissions accéder à la demande du Gouvernement, et ce d'autant plus que celui-ci a démontré qu'il répondait à l'attente du pays et à l'attente de la représentation nationale.
La loi de financemnt comporte au moins trois ou quatre mesures qui vont dans le sens de nos propositions. Nous souhaitions aller plus loin immédiatement, mais M. le ministre préfère que nous profitions des mois qui viennent pour développer le dialogue social.
Ne doutez pas un seul instant, mes chers collègues, que nous saurons, le moment venu, si besoin est, reprendre l'initiative. Nous aurons en effet la faculté, grâce au collectif dont nous discuterons au mois de mai, d'apprécier, de juger le travail accompli.
Nous avons engagé le dialogue en amont avec Mme Prud'homme, présidente de la CNAF ; s'il s'agit d'un élément incontournable de la discussion, ce n'est pas le seul. Sans doute faut-il aller beaucoup plus loin dans la négociation et dans le dialogue social. Nous aurions tort de mettre le Gouvernement dans une situation délicate devant l'Assemblée nationale.
Dieu sait si vous, mes chers collègues de l'opposition, vous n'avez pas manqué, chaque fois que l'occasion vous a été donnée, de dénoncer l'absence de dialogue social lorsque vous avez eu le sentiment que certaines initiatives prises sur le plan réglementaire ou législatif donnaient à penser que le Gouvernement agissait sans avoir développé le dialogue social qu'il s'était vanté d'instaurer au moment où il prenait ses responsabilités.
Mais on ne peut pas faire ce procès à Jean-François Mattei, qui a été le premier à démontrer son souci du dialogue social, auprès des professionnels de santé notamment.
Mes chers collègues, je ne doute pas un seul instant que vous soutiendrez la proposition que je défends au nom de la commission des affaires sociales,...
M. Francis Giraud. Tout à fait !
M. Alain Vasselle, rapporteur. ... c'est-à-dire le retrait de cet amendement n° 8. Nous pourrons toujours rebondir plus tard, du fait des assurances qui m'ont été données.
Je suis persuadé que M. Mattei saura convaincre nos collègues de l'Assemblée nationale du bien-fondé de notre initiative et de nos propositions. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du RPR.)
M. le président. L'amendement n° 8 est retiré.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-François Mattei, ministre. Je veux dire combien j'ai été sensible à l'attitude de M. Vasselle. Je veux également redire au Sénat à quel point j'apprécie cette réflexion sérieuse qui permet d'aller très loin dans la réforme envisagée. Je réitère par ailleurs mon engagement de faire avancer les choses pour sortir d'une situation qui est intenable dans la durée.
Monsieur Vasselle, je vous remercie d'avoir retiré cet amendement. Je crois que le dialogue social va pouvoir se développer.
Mais vous ne perdez rien pour attendre, car je pense que vous allez occuper une place dans ce groupe de réflexion réunissant des représentants du Sénat, de l'Assemblée nationale et des ministères concernés.
M. le président. La parole est à M. le président des affaires sociales.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le retrait, à l'instant, par le rapporteur, de l'amendement n° 8 entraîne, bien entendu, le retrait de l'amendement n° 11 à l'article 8, de l'amendement n° 32 à l'article 41 et de l'amendement n° 33 à l'article 42.
Le caractère très complet de nos débats qui ont commencé par des réponses elles-mêmes très complexes de la part du Gouvernement lors de la discussion générale nous a fait prendre, mes chers collègues, un peu de de retard.
Nous avions l'ambition d'organiser un débat thématique demain, à seize heures, sur l'assurance maladie. Depuis lors, ce point fixe est devenu très glissant, d'autant plus que nous avons noté l'inscription à l'ordre du jour des explications de vote et du vote sur l'ensemble du projet de loi pour la sécurité intérieure.
Il ne nous reste plus qu'à jouer à la « poussette », c'est-à-dire à continuer demain, à la suite du vote du projet de loi pour la sécurité intérieure, l'examen des articles que nous n'avons pu aborder cette nuit. Ce n'est qu'ensuite, malheureusement, que viendra le débat thématique que nous avions prévu au sujet de l'assurance maladie.

Demande de priorité