SEANCE DU 18 NOVEMBRE 2002


FINANCEMENT DE LA SÉCURITÉ
SOCIALE POUR 2003

Discussion d'un projet de loi

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi (n° 47, 2002-2003) de financement de la sécurité sociale pour 2003, adopté par l'Assemblée nationale. [Rapport n° 58 (2002-2003) et avis n° 53 (2002-2003).]
Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre.
M. Jean-François Mattei, ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, j'ai l'honneur, pour la première fois, de vous présenter aujourd'hui, avec François Fillon, Christian Jacob et Hubert Falco, le projet de loi de financement de la sécurité sociale, qui a été adopté par l'Assemblée nationale à une large majorité, voilà deux semaines.
Ce projet de loi de financement de la sécurité sociale est le premier du gouvernement de Jean-Pierre Raffarin. Il montre la voie des réformes indispensables pour garantir la solidité et la qualité de notre système de protection sociale et de santé.
Il porte toutefois encore la marque du passé. La réforme exige un vrai dialogue. Ce dialogue a été entamé avec les différents partenaires, mais il nécessite du temps. Nous n'avons pas voulu confondre vitesse et précipitation.
Ce projet de loi de financement de la sécurité sociale reste donc un texte de transition. Je ne détaillerai pas aujourd'hui la politique de l'assurance maladie et de la santé. Je vous la présenterai demain, lors du débat spécifique organisé sur cette partie du projet de loi.
A ce sujet, je voudrais d'ailleurs féliciter l'excellente initiative de la commission des affaires sociales : l'organisation d'un tel débat nous permettra de discuter de notre politique de santé et d'assurance maladie plus longuement et donc plus profondément.
Je me limiterai donc à la présentation de la philosophie d'ensemble du projet de loi et à sa déclinaison dans le titre des recettes.
M. Fillon vous présentera la politique du Gouvernement en matière d'accidents du travail et de retraites.
Enfin, M. Jacob vous présentera notre politique familiale.
Après avoir dressé un rapide constat de la situation, je vous présenterai le projet de loi en suivant les deux lignes directrices de la réforme proposée par le Gouvernement : d'une part, l'exigence de la vérité et, d'autre part, celle de la responsabilité partagée.
Au chapitre du constat, tout d'abord, je voudrais rappeler la situation actuelle, alors même que la sécurité sociale est au coeur de la vie de nos concitoyens.
La sécurité sociale assure nos concitoyens contre les principaux aléas de l'existence. Elle contribue au dynamisme économique de notre pays en soutenant l'activité et en permettant aux Français de créer, dans la sécurité, davantage de richesses.
La sécurité sociale utilise de ce fait une part importante des ressources de notre pays : plus d'un cinquième de la richesse produite est consacré aux différentes branches. L'objectif de recettes que vous allez voter, comme la somme des objectifs de dépenses, est proche de 330 milliards d'euros, soit 2 150 milliards de francs. C'est nettement plus que le budget de l'Etat. Les pensions versées par les régimes de retraite constituent ainsi la principale ressource d'un cinquième de notre population.
La santé représente l'un des principaux postes de consommation des Français. Chacun d'entre nous, mesdames, messieurs les sénateurs, consomme en moyenne 2 000 euros par an en biens et services de santé, dont trois quarts sont financés par la sécurité sociale. C'est plus que ce que nous consommons pour nous nourrir.
Les prestations familiales forment une part très significative du revenu des familles françaises, notamment les plus nombreuses, les plus fragiles.
L'effort de la collectivité nationale en faveur des familles est l'un des plus élevés d'Europe.
Ce caractère central de la sécurité sociale dans la vie des Français nous oblige vis-à-vis de nos concitoyens. Ils sont en droit de nous demander une sécurité sociale de qualité. Ils sont en droit de nous demander une véritable transparence : notre système doit être lisible. Ils sont en droit de nous demander une bonne utilisation des ressources et la suppression des gaspillages.
Mais c'est un système fragilisé et menacé par bien des aspects. L'assurance maladie, notamment, souffre des conflits de compétences liés à l'imbrication et à la confusion des rôles entre les acteurs.
Le départ du MEDEF des conseils d'administration des caisses d'assurance maladie remet en cause le paritarisme de toujours.
Enfin, l'enchevêtrement des circuits financiers a rendu incompréhensible le financement de la sécurité sociale, et je sais que ce constat est admis par tous.
Les professionnels de santé sont désenchantés, les médecins, notamment, sont en proie à une crise matérielle et morale profonde, les établissements de santé sont découragés par les contraintes administratives, qui sont devenues un véritable carcan. La réduction du temps de travail, dont l'application et le financement ont été réalisés à l'hôpital en dépit du bon sens, constitue une ultime épreuve ; elle met à mal l'ensemble de notre système de soin, son coût est largement supérieur aux besoins d'investissement de nos hôpitaux.
Une loi de financement de la sécurité sociale est, j'en suis sûr, une bonne idée, mais elle a perdu beaucoup de sa crédibilité au fil des années passées.
Les objectifs, notamment l'objectif national de dépenses d'assurance maladie, l'ONDAM, sont considérés comme arbitraires et irréalistes, c'est-à-dire comme une variable d'ajustement budgétaire, alors qu'ils devaient être l'expression des choix politiques effectués par le Parlement dans le domaine de la sécurité sociale, notamment dans le domaine de la santé.
Enfin, la situation financière est sérieuse. Alors que les régimes de retraite sont encore en bonne santé - pour peu d'années d'ailleurs - le déficit du régime général devrait dépasser 3 milliards d'euros en 2002 ; en 2003, il devrait atteindre 4 milliards d'euros. Sans réforme, mesdames messieurs les sénateurs, les besoins de financement vont croître considérablement, et ce principalement dans quatre ans avec le papy-boom.
Une réforme véritable est indispensable. Nous ne devons plus attendre si nous souhaitons préserver notre système de sécurité sociale. Cela suppose d'engager un véritable dialogue avec tous. Seul ce dialogue fondé sur la confiance permettra de construire un véritable partenariat.
Mais les mots ne sont pas suffisants, il faut encore des actes. L'accord du 5 juin avec les généralistes en est l'illustration : les caisses d'assurance maladie et les professionnels se sont engagés ensemble en faisant le pari de la confiance.
Les premiers résultats sont prometteurs, comme le montre l'envolée des prescriptions des médicaments génériques.
La première ligne directrice du présent projet de loi de financement de la sécurité sociale est centrée sur l'exigence de vérité. En effet, pour redonner une crédibilité à nos lois de financement, il faut les fonder sur la vérité.
Le premier signe de vérité est la proposition d'un collectif sanitaire et social. Les objectifs de la loi de financement ont perdu toute crédibilité. L'objectif national des dépenses d'assurance maladie a été dépassé systématiquement ces dernières années : en quatre ans, le dépassement cumulé a atteint 9 milliards d'euros. Les autres objectifs de dépenses et de recettes n'apparaissent pas beaucoup plus crédibles. Il faut donc redonner à ces objectifs toute leur signification, car ils sont au coeur de la loi de financement.
Vous connaissez, bien sûr, les contraintes politiques et financières. Les prévisions économiques et financières sur lesquelles le Gouvernement se fonde pour préparer un projet peuvent changer. Or, pour la sécurité sociale, 0,1 point de chômage représente une perte de 20 000 emplois, soit 150 millions d'euros de recettes en moins.
Ainsi, le Gouvernement s'engage à présenter au printemps un projet de loi de financement de la sécurité sociale rectificatif, c'est-à-dire un collectif sanitaire et social, en cas d'écart significatif entre l'évolution réelle des différents agrégats de dépenses et de recettes, d'une part, et les objectifs fixés, d'autre part.
Il faut toujours garder le contact avec la réalité et se fonder sur la vérité, même si elle est parfois désagréable.
Le deuxième signe de vérité est le taux de l'ONDAM, qui a été fixé à 5,3 %. La fixation de ce taux est, bien évidemment, liée à la crédibilité de cet objectif. Je reviendrai sur le sujet demain, lors de l'examen de la partie du débat consacrée à l'assurance maladie.
Le troisième signe de vérité est la clarification des comptes. Les circuits financiers entre l'Etat et la sécurité sociale sont complexes. La sécurité sociale a trop longtemps financé des politiques éloignées de son objet, comme la réduction du temps de travail. Cette dérive est encore dénoncée dans le dernier rapport de la Cour des comptes.
Le financement de la sécurité sociale n'est donc pas intelligible par nos concitoyens. Or, sa compréhension devrait être un élément clé de la responsabilisation des acteurs. Une remise à plat de l'ensemble des circuits financiers, notamment la remise en question de l'existence de différents fonds, est devenue nécessaire. Mais la multiplicité des circuits, les contraintes qui pèsent sur nos finances publiques - tous les comptes sont au rouge, ceux de l'Etat comme ceux de la sécurité sociale - rendent cette opération impossible à réaliser en un an. Cette nécessaire clarification ne pourra être que progressive.
C'est la raison pour laquelle une suppression pure et simple du fonds de financement de la réforme des cotisations patronales de sécurité sociale, le FOREC, a dû être écartée dans l'immédiat. Compte tenu de l'ancienneté du dispositif, des sommes engagées, des transferts complexes, du contexte économique et du court délai, cette mesure, pourtant souhaitable, ne pouvait, dans la précipitation, garantir l'autonomie de la sécurité sociale.
Néanmoins, le Gouvernement souhaite réaliser, dès 2003, une première étape de clarification sur les recettes.
Tout d'abord, l'Etat s'engage à compenser intégralement les nouveaux allégements de charges. Cela représentera 1 milliard d'euros environ en 2003.
Ensuite, une partie des recettes utilisées pour le financement du FOREC va être rendue à l'assurance maladie. La modification de la répartition des droits de consommation sur les tabacs entre le FOREC et la Caisse nationale de l'assurance maladie des travailleurs salariés, la CNAMTS, apportera à l'assurance maladie 700 millions d'euros et permettra de revenir à la clé de partage prévalant avant la création du FOREC, c'est-à-dire entre 15 % et 16 % contre 8,9 % en 2002.
Enfin, la caisse d'amortissement de la dette sociale, la CADES, remboursera au régime général la moitié de la dette liée à l'insuffisance de la compensation des allégements de charges en 2000 sans allonger ni sa durée ni augmenter les prélèvements.
Cette clarification ne se limitera pas aux recettes mais concernera aussi les dépenses, notamment dans le domaine de l'assurance maladie.
A la suite de l'ensemble de ces mesures, le déficit du régime général devrait tout de même être un peu inférieur à 4 milliards d'euros en 2003 et celui de la branche maladie dépasser le seuil de 7 milliards d'euros.
Néanmoins, ces estimations traduisent une amélioration sensible de la situation par rapport à celle que j'ai trouvée au départ. Sans action du Gouvernement, le déficit de l'assurance maladie dépasserait les 10 milliards d'euros l'année prochaine.
Je le sais, la situation reste imparfaite. Le redressement devra se poursuivre au cours des prochaines années. Je l'ai déjà dit et je le répète, il ne s'agit pas de fanfaronner ; restons modestes, car d'autres avant moi n'ont pas réussi à corriger durablement les dérives. C'est pourtant une nécessité qui s'impose. C'est donc un défi qu'il faut relever à partir de nouveaux choix et avec une volonté renouvelée.
La deuxième ligne directrice du projet de loi de financement de la sécurité sociale est donc orientée sur la responsabilité partagée.
Ainsi, la réforme que le Gouvernement propose est fondée et sur la confiance et sur la responsabilité partagée entre les acteurs du système. C'est un pari indispensable puisque toutes les autres tentatives ont globalement échoué quelles qu'aient été leurs orientations dominantes.
L'ensemble des partenaires est concerné : l'Etat, les gestionnaires, les professionnels de santé, mais aussi, il ne faut pas les oublier, les patients. Je me limiterai aujourd'hui aux deux premiers partenaires.
La première responsabilité de l'Etat est d'organiser le financement et la gestion de la politique de santé. C'est le sens de ce projet de loi, c'est aussi le sens des réformes que le Gouvernement souhaite mener, notamment sur la gouvernance et les relations financières entre l'Etat et la sécurité sociale. Mais la responsabilité de l'Etat se mesure aussi - on a tendance à l'oublier - à la priorité accordée à la santé publique. A quoi sert un système de soins curatifs performant si l'on ne développe pas une véritable prévention ?
Notre système de soins est l'un des meilleurs du monde, mais la mortalité précoce demeure élevée en France. Ce n'est pas admissible !
La santé publique sera, par conséquent, l'objectif premier de mon action. Chacun comprend qu'il vaut mieux prévenir que guérir, et qu'une prévention adaptée est moins coûteuse, en argent certes, mais aussi en souffrances et en vies humaines.
Le Gouvernement déposera donc en 2003 un projet de loi quinquennale relatif à la santé publique, qui mettra la prévention au coeur du système de soins.
Dans cette perspective, le Gouvernement a souhaité agir dès l'élaboration de ce projet de loi sur la consommation du tabac. Cette dernière est le premier facteur de mortalité en France : 65 000 personnes décèdent chaque année à cause du tabac, dont 3 000 du fait du tabagisme passif. Si rien n'est fait, ces chiffres devraient croître fortement au cours des prochaines décennies. Il faut donc diminuer sensiblement la consommation de tabac en France. La hausse des droits sur le tabac qui est proposée, et qui représente 1 milliard d'euros, répond à cet objectif de prévention.
Les gestionnaires de l'assurance maladie comme les partenaires sociaux se plaignent de l'enchevêtrement des compétences et des responsabilités. Ils ont raison.
Il convient donc de clarifier les missions des gestionnaires. C'est ce à quoi doit aboutir la recherche d'une nouvelle gouvernance de l'assurance maladie. Un groupe de travail présidé par Mme Ruellan, qui réunit l'ensemble des acteurs, est chargé d'établir un état des lieux partagé. Sur cette base, chacun sera invité à faire des propositions, à partir desquelles le Gouvernement élaborera un projet de réforme. Un projet de loi vous sera présenté en 2003 sur cette question essentielle mais également délicate.
Il convient d'abord de clarifier les rôles entre les nombreux acteurs, ensuite d'appeler aux responsabilités d'autres acteurs, parmi lesquels les associations de malades et les professionnels de santé eux-mêmes. Plus d'acteurs et plus de clarté : reconnaissons que le défi ne sera pas facile à relever. Et pourtant, il nous faudra répondre à ces aspirations.
De même, nous aurons à mieux satisfaire le voeu d'autonomie des acteurs. C'est pourquoi le Gouvernement a une forte ambition en matière de décentralisation. Mais le souci, compréhensible, d'égalité de traitement pour tous les Français peut contrarier une trop forte délégation de pouvoirs. C'est là un autre écueil que devra contourner la réforme à venir. En tout cas, il importe qu'un pilotage plus cohérent assure un emploi optimal des ressources publiques.
Les professionnels et les patients doivent être aussi responsabilisés ; nous aurons le temps d'en reparler demain.
Le Gouvernement a engagé résolument la réforme. L'objectif est clair : garantir l'avenir et la qualité de nos systèmes de sécurité sociale. Le projet de loi que vous discutez à partir d'aujourd'hui constitue un pas dans cette direction, mais ce n'est que le premier. En 2003, à la suite des concertations que nous menons, nous devrons poursuivre ensemble cette réforme que nous avons engagée avec détermination pour maintenir le système de sécurité sociale solidaire et juste qui est le nôtre. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, M. Jean-François Mattei vous a indiqué avec clarté les grands axes de ce projet de loi de financement de la sécurité sociale. Pour ma part, j'évoquerai successivement la branche accidents du travail et la branche vieillesse.
Ces deux branches ont pour trait commun de nécessiter une réforme. C'est pour cette raison que nous n'avons pas souhaité prendre des décisions qui auraient présumé de l'avenir. Là encore, le projet de loi de financement qui vous est soumis est un « texte de transition », comprenant un nombre très limité de dispositions.
Tout le monde en sera d'accord : la législation qui régit la branche accidents du travail mérite un examen approfondi compte tenu du développement de systèmes de réparation de « droit commun » et de l'évolution de la jurisprudence. Pour autant, nous ne souhaitons pas nous engager dans le sens de la réparation intégrale sans un examen approfondi de ses conséquences juridiques, financières et structurelles. C'est pourquoi le Gouvernement a souhaité qu'un comité de pilotage soit chargé d'approfondir l'expertise. Une fois cette évaluation connue, le Gouvernement sera fondé à mener une large concertation, pouvant éventuellement déboucher sur une mise à plat des dispositifs et mécanismes actuels.
Dans cette attente, il nous a semblé qu'une mesure urgente, réclamée tant par la Cour des comptes que par la commission accidents du travail-maladies professionnelles, s'imposait. Il s'agit d'adopter une convention d'objectifs et de gestion propre à la branche. Un tel outil permettra d'en améliorer significativement la gestion. La mise en place d'un conseil de surveillance, chargé, comme pour les autres branches, de veiller à la mise en oeuvre de la convention, nous a conduits également à revoir le mode de désignation des membres de la commission chargée de sa gestion.
Enfin, le Gouvernement a souhaité que le fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante, le FIVA, ne soit pas seulement une création virtuelle. Dès cet été, des acomptes ont pu être versés aux victimes.
La construction du barème définitif est une tâche complexe. J'ai souhaité qu'elle soit précédée d'un travail technique approfondi, mené avec l'ensemble des acteurs. Cette méthode a d'ailleurs été saluée par les associations de victimes de l'amiante.
Notre volonté est de parvenir, dans la mesure du possible, à une solution consensuelle. Pour l'instant, les propositions qui ont été faites par les associations de victimes ne permettent pas d'envisager un accord. Je souhaite cependant que le FIVA soit prochainement en mesure d'adopter un barème définitif.
S'agissant de la branche vieillesse, je voudrais éclairer le Sénat sur les points suivants.
D'abord, ce projet de loi ne comprend, en matière d'assurance vieillesse, qu'une mesure relative à la revalorisation des pensions.
En l'absence d'un mécanisme pérenne, cette mesure est obligatoire, sauf à imposer aux retraités une dévalorisation de leurs pensions.
Cette revalorisation est strictement calquée sur l'inflation : elle est fixée à 1,5 %. Elle assure aux retraités le maintien de leur pouvoir d'achat. Tout effort supplémentaire présumerait de l'équilibre actuel et futur de la branche.
S'agissant, ensuite, de la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales, la CNRACL, compte tenu de l'urgence de la situation, le Gouvernement a décidé d'arrêter un plan pluriannuel de rééquilibrage.
Ce caractère pluriannuel contraste avec les mesures de replâtrage décidées lors de la législature précédente. Il permet d'assurer une transparence et une lisibilité bien supérieures.
Ce plan prévoit d'abord une économie à travers la modification des transferts de compensation, qui est acquise dès 2003 ; j'y reviendrai dans un instant.
Il prévoit ensuite une économie des transferts de surcompensation. Pour les spécialistes - mais tous les sénateurs sont des spécialistes de ce sujet (Sourires) - le taux de surcompensation, qui limite, d'ores et déjà, l'effet brut de la compensation spécifique pour les régimes spéciaux, passera en trois ans de 30 % à 21 %. Au-delà, la suppression de la surcompensation doit désormais être clairement envisagée. Cette demande, je le sais, a été portée avec force par le Sénat.
Il prévoit enfin une augmentation modérée et régulière des taux de cotisation de 0,4 point par an entre 2003 et 2005. Cet effort concerne tant les collectivités locales que les hôpitaux.
L'ensemble de ces mesures permet à la CNRACL d'assurer le financement des pensions de retraite des fonctionnaires territoriaux et hospitaliers jusqu'en 2007. Bien entendu, comme pour les autres régimes de retraite, des mesures devront être prises afin d'assurer son équilibre à plus long terme.
Quant à la modification du mode de calcul des transferts de compensation généralisée, elle est une mesure légitime.
La controverse du début du mois a eu un mérite essentiel : celui d'apprendre ou de rappeler à l'opinion publique l'existence de ces transferts de compensation. Ces transferts obéissent à une mécanique complexe. Il nous faudra, au cours de cette législature, les clarifier et les simplifier ; c'est là un engagement que je prends.
La compensation généralisée, destinée à assurer la solidarité entre les régimes de retraite, a été créée en 1974. Les régimes dits « jeunes » financent par ce biais des régimes dont l'équilibre démographique n'est plus assuré. En résumé, la Caisse nationale d'assurance vieillesse, la CNAV, l'Etat et la CNRACL participent au financement du régime des exploitants agricoles, des commerçants et des artisans. La réalité est bien celle-ci et non ce qu'on lit tous les jours dans la presse, à savoir que c'est la CNAV qui contribuerait à l'équilibre des caisses de retraite des agents de l'Etat et de la CNRACL.
Le régime général bénéficie depuis 1994, date de création du FSV, le fonds de solidarité vieillesse, de transferts, puisque ce fonds prend en charge les cotisations de retraite des chômeurs. Son rapport démographique, sa capacité contributive et donc ses charges de compensation ont été dégradés de manière quelque peu artificielle.
En tenant compte de l'existence du FSV, la modification que nous avons apportée consiste ainsi à être le plus proche possible de la situation démographique et financière réelle des régimes.
Cette modification conduit à alourdir les charges de compensation de la CNAV de 825 millions d'euros, à augmenter les transferts de compensation au bénéfice des régimes des non-salariés non agricoles ORGANIC - Organisation autonome nationale d'assurance vieillesse de l'industrie et du commerce - et CANCAVA - Caisse autonome nationale de compensation de l'assurance vieillesse artisanale -, régimes dont les règles sont alignées sur le régime général. Ce sont eux les véritables « bénéficiaires » de cette modification. Celle-ci tend également à diminuer les charges de compensation des régimes de fonctionnaires et des professions libérales puisque le nombre relatif de leurs ressortissants diminue mécaniquement. Mais je tiens à souligner encore une fois avec force que ces régimes continuent de contribuer à la compensation.
Cette réforme est compatible avec l'équilibre financier de la CNAV. En tenant compte de la mesure, l'excédent sera de 1,9 milliard d'euros en 2003, soit un montant supérieur à celui qui est attendu pour 2002, environ 1,6 milliard d'euros. Cet excédent sera intégralement versé au fonds de réserve des retraites.
La modification du mode de calcul des transferts de compensation devrait faire l'objet d'un décret dans le courant de l'année 2003. Le premier acompte de compensation sera naturellement calculé sur la base de l'ancienne réglementation.
J'en viens maintenant à une échéance proche : celle de la réforme des retraites. Nous avons considéré que le temps des rapports et des reports était terminé.
M. Alain Vasselle, rapporteur de la commission des affaires sociales pour les équilibres financiers généraux et l'assurance maladie. Très bien !
M. François Fillon, ministre. L'avenir des retraites doit maintenant être dessiné et décidé. Il y va du sort de notre pacte social.
Je souhaite que ce dossier difficile puisse faire l'objet d'un consensus national aussi large que possible ; je crois qu'il a vocation à transcender les clivages partisans ou catégoriels. C'est sans dogmatisme, avec le souci d'écouter et de rassembler toutes celles et ceux qui sont animés par une volonté sincère et responsable, que je veux m'employer à élaborer un projet pour nos retraites. Ce projet vaut mieux que quelques dispositions prises à la hâte. Il nécessite au contraire un véritable dialogue social et, au-delà, un large débat démocratique dans notre pays.
Le Premier ministre a d'ores et déjà indiqué sur quels grands principes devait reposer cette réforme : sûreté, liberté, équité.
Sûreté, parce que nous devons assurer le financement des retraites de demain et rassurer les Français quant à l'avenir de nos régimes de retraite par répartition.
Liberté, parce que nous devons apporter de la souplesse à un système qui en manque, tout en garantissant le maintien de la retraite à soixante ans pour tout salarié qui dispose d'une durée de cotisation suffisante.
Equité, parce que les Français ne comprendraient pas que la multiplicité des régimes de retraite, résultante de notre histoire sociale, signifie que seul évolue le régime des salariés du secteur privé, le régime dit « général », et pas les autres.
Comme l'a indiqué le Premier ministre, cette réforme reposera sur un effort partagé. C'est dans ce cadre que nous préciserons le financement du fonds de réserve pour les retraites. Celui-ci disposera de 16,6 milliards d'euros à la fin de l'année 2003, mais le rythme de son abondement paraît aujourd'hui insuffisant pour tenir l'objectif de 152 milliards d'euros annoncé pour 2020 par le précédent gouvernement. La Haute Assemblée, grâce aux travaux de son rapporteur Alain Vasselle, sait pertinemment que le plan de financement annoncé en mars 2000, compte tenu de la nécessité du financement des 35 heures et de l'allocation personnalisée d'autonomie, l'APA, n'a pas été respecté.
Nous avons souhaité maintenir le fonds de réserve. J'installerai personnellement le conseil de surveillance, qui devrait se réunir le 27 novembre prochain.
Pour autant, le fonds de réserve ne répondra que de manière mineure au défi du financement des régimes de retraite.
Les principes communs de la réforme que nous voulons conduire devront être précisés. Ce sera fait à la fin du mois de janvier ou au début du mois de février. Puis des négociations s'engageront. M. Delevoye conduira une négociation avec les organisations syndicales du secteur public, tandis que j'engagerai, pour ma part, la négociation relative au régime général.
Nous avons fixé une borne, celle de la fin du mois de juin 2003. Mais j'attire tout de suite votre attention sur le fait que la réforme sera nécessairement longue et qu'il faudra plusieurs étapes pour assurer le financement des régimes de retraite à l'horizon 2040. En réalité, c'est un processus de changement que nous devons engager.
Dans cette perspective, le rôle des parlementaires sera essentiel. Il s'agira de donner à cette réforme tout son sens et toute sa légitimité, celle de la souveraineté nationale, dans l'intérêt des générations successives qui, sur la base des principes réaffirmés de solidarité, d'égalité et de responsabilité, font la cohésion de la France. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Christian Jacob, ministre délégué à la famille. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, les chiffres sont là pour le montrer, la famille, hier décriée, est aujourd'hui plébiscitée.
Notre pays connaît un fort taux de natalité et un regain de mariages républicains. Nous sommes aussi l'un des pays européens où les femmes sont le plus actives. C'est à la fois un signe de confiance et un signe de vitalité.
Notre politique familiale doit donc s'attacher à accompagner le projet familial de chacun et, pour cela, reposer que ce que j'appellerai un « trépied ».
Le premier élément sur lequel doit s'appuyer la politique de la famille est un cadre stable et lisible, s'inscrivant dans la durée : d'où la nécessité d'une simplification.
Deuxième élément : l'universalité, parce que la politique familiale s'adresse à toutes les familles.
Troisième élément : la liberté. C'est la liberté pour les parents de continuer ou non leur activité professionnelle. C'est la liberté du nombre d'enfants souhaité. C'est aussi la liberté du mode de garde, qui relève non de l'Etat, mais de la responsabilité de chaque famille.
Pour bâtir cette politique familiale, nous avons mis en place, il y a maintenant un peu plus d'un mois, trois groupes de travail. C'est dire que nous ne nous contenterons pas, pour mettre au point cette politique familiale, d'une simple consultation avec les partenaires sociaux ou les mouvements familiaux. Nous allons mener un vrai travail de fond, ce qui ne se faisait pas auparavant.
C'est ce travail de fond que nous avons lancé près de six mois à l'avance avec les partenaires sociaux, les mouvements familiaux et les élus, car j'ai tenu à y associer non seulement des parlementaires mais aussi des maires.
L'objectif du premier groupe de travail est de définir les contours de la prestation d'accueil du jeune enfant, dans le respect du principe de liberté que j'évoquais tout à l'heure, sans oublier notre volonté de simplification.
Le deuxième groupe de travail est chargé de réfléchir à l'amélioration de la conciliation entre vie professionnelle et vie familiale. Ce sera probablement l'occasion de mettre en place un crédit-impôt spécifique pour les entreprises qui investissent en direction de la politique familiale.
La tâche du troisième groupe de travail porte sur tous les services mis à la disposition des familles. Son objectif est d'abord de trouver des solutions en vue de la simplification des documents et des procédures, en s'appuyant sur le travail important qui a déjà été réalisé par la Caisse nationale et les caisses départementales d'allocations familiales. Ce groupe de travail devra aussi imaginer de nouveaux services susceptibles de répondre aux attentes des familles.
Il convient également de s'interroger sur l'offre de garde. Rien ne sert, en effet, de parler de liberté si on ne travaille pas sur l'offre de garde.
J'ai donc également installé deux groupes de travail chargés d'étudier ce dossier. L'un, présidé par Marie-Claude Petit, présidente de Familles rurales, doit réfléchir sur les métiers de la petite enfance et sur les moyens de développer leur attractivité. On constate en effet aujourd'hui, qu'il s'agisse des crèches, des assistantes maternelles ou des autres structures de garde, des difficultés de recrutement.
Une soixantaine de propositions, regroupées dans un rapport sur la réforme du statut des assistantes maternelles, ont d'ores et déjà été formulées. Il est maintenant nécessaire de procéder à l'évaluation de ces propositions. Ainsi, au printemps prochain, lorsque se tiendra la Conférence de la famille, présidée par le Premier ministre, au-delà des trois premiers points que j'ai évoqués, nous pourrons également progresser sur cette question du statut des assistantes maternelles et, plus largement, sur les questions concernant l'ensemble des métiers de la petite enfance.
Ce projet de loi de financement de la sécurité sociale est donc l'occasion, tout comme le sera le projet de loi de finances dont je dirai quelques mots, d'indiquer une ligne directrice. Cette ligne est claire : il s'agit à la fois de préparer les projets dont l'idée sera exposée à l'occasion de la Conférence de la famille et de mettre en oeuvre un certain nombre de décisions, notamment la prolongation pendant un an du montant forfaitaire des allocations familiales.
Aujourd'hui, les jeunes entrent dans la vie active en moyenne à l'âge de vingt et un ans. Les allocations familiales étant versées jusqu'à l'âge de vingt ans, nous avons donc mis en place une allocation forfaitaire de 70 euros par mois pour toutes les familles de trois enfants et plus dont l'aîné arrive à son vingtième anniversaire.
Je souhaite brièvement évoquer deux mesures importantes qui figurent dans le projet de loi de finances : le doublement du plafond de la donation défiscalisée accordée par les grands-parents, plafond qui passe de 15 000 euros à 30 000 euros, ainsi que l'augmentation du plafond de défiscalisation pour l'emploi d'un salarié à domicile, qui passe de 6 900 euros à 10 000 euros, les emplois familiaux ayant une incidence directe sur la politique familiale.
Comme Jean-François Mattei vient de l'indiquer et conformément aux souhaits de la commission des affaires sociales, nous avons également l'intention pour l'année à venir de travailler dans le sens d'une plus grande simplification, d'une plus grande transparence et d'une clarification des financements de la sécurité sociale ; mais nous aurons l'occasion d'évoquer tous ces points au cours du débat.
En conclusion, j'ajouterai que nos débats vont nous permettre de poser quelques jalons pour la Conférence de la famille, qui se tiendra au printemps prochain ; et c'est d'ailleurs ainsi que l'a compris le conseil d'administration de la CNAF, la Caisse nationale des allocations familiales, qui avait approuvé le projet de loi de financement de la sécurité sociale. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Alain Vasselle, rapporteur. (Applaudissements sur diverses travées.)
M. Alain Vasselle, rapporteur de la commission des affaires sociales pour les équilibres financiers généraux et l'assurance maladie. Je remercie mes collègues, surtout MM. Chabroux et Fischer, d'approuver par avance les propos que je vais tenir !
M. Guy Fischer. Ne vous avancez pas trop vite, monsieur Vasselle !
M. Alain Vasselle, rapporteur. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, à l'occasion de l'examen devant le Sénat du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2002, Mme Elisabeth Guigou, alors ministre de l'emploi et de la solidarité, avait affirmé : ...
M. Adrien Gouteyron, rapporteur pour avis de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Très bonne référence !
M. Alain Vasselle, rapporteur. ... « Le redressement des comptes sociaux est assuré. »
M. Gilbert Chabroux. Eh oui !
M. Alain Vasselle, rapporteur. Circulez, il n'y a rien à voir !
M. Gilbert Chabroux. Il y a même eu des excédents en 1999, en 2000 et en 2001 !
M. Alain Vasselle, rapporteur. Oui, mais cela n'a pas duré longtemps, monsieur Chabroux !
M. Gilbert Chabroux. Trois ans !
M. Alain Vasselle, rapporteur. Grâce au FOREC !
M. Gilbert Chabroux. Avec vous, moins d'un an !
M. Alain Vasselle, rapporteur. Contestant le pessimisme de notre commission à ce sujet, que nous n'avions pas manqué bien entendu de souligner, elle nous avait même accusé d'avoir « volontairement et grossièrement travesti la réalité ».
M. Adrien Gouteyron, rapporteur pour avis. Oh !
M. Alain Vasselle, rapporteur. Or la situation financière de la sécurité sociale, telle que nous la constatons aujourd'hui, mes chers collègues, démontre malheureusement que le pessimisme du Sénat était justifié.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Eh oui !
M. Alain Vasselle, rapporteur. En effet, après trois années d'excédents, monsieur Chabroux, dus à une conjoncture économique exceptionnelle,...
M. Gilbert Chabroux. Il fallait la créer !
M. Alain Vasselle, rapporteur. ... la détérioration des comptes de la sécurité sociale, plus particulièrement du régime général, se confirme. Son déficit, estimé à 3,3 milliards d'euros en 2002, s'aggravera en 2003 pour atteindre 4,6 milliards d'euros, avant mesures nouvelles du projet de loi de financement de la sécurité sociale.
M. Gilbert Chabroux. A qui la faute ?
M. Alain Vasselle, rapporteur. Les perspectives « spontanées » du FSV et du FOREC sont également négatives pour 2003. Bel héritage que vous nous laissez !
A l'origine de cette détérioration générale des comptes sociaux figurent le ralentissement des recettes et une vive croissance des dépenses de la sécurité sociale. Les recettes du régime ont bénéficié pendant trois ans, et surtout de 2000 à 2001, d'une très forte progression de la masse salariale. Cette période exceptionnelle a pris fin en 2002, et la masse salariale, sans s'effondrer, n'augmentera plus qu'au même rythme que le produit intérieur brut.
Parallèlement, les dépenses de la sécurité sociale augmentent plus vite : en 2000, leur croissance était de 3,9 %, en 2001 de 5,1 % et, cette année, elle s'établit à 5,7 %. Nous savons tous que cette accélération est essentiellement due à la branche maladie.
Ainsi la croissance des dépenses du champ de l'ONDAM est estimée à 7,2 % en 2002,...
M. Gilbert Chabroux. Supprimez-le !
M. Alain Vasselle, rapporteur. ... alors que le précédent gouvernement s'était fixé un ONDAM de 3,9 % dans le cadre de la loi de financement de l'année dernière. Ce taux traduit, dans toute sa brutalité, le coût, pour la sécurité sociale et la collectivité nationale, de l'inertie de la majorité précédente qui, plutôt que d'employer les recettes de la croissance à la définition de nouveaux mécanismes de régulation, a préféré laisser filer les comptes et consacrer toutes les ressources disponibles au financement du FOREC.
Le déficit du régime se concentre ainsi sur celui de la branche maladie qui, avant mesures nouvelles, s'élèvera à 6 milliards d'euros en 2002 et à 8 milliards d'euros en 2003. En revanche, les branches vieillesse et famille, comme cela a été confirmé, devraient rester excédentaires d'environ 1 milliard d'euros. Aujourd'hui, le retour à l'équilibre suppose donc de régler le problème de l'assurance maladie.
Ce bilan financier confirme ainsi l'analyse que votre commission avait présentée au Sénat l'année dernière. Nous pouvons qualifier les comptes sociaux légués par le précédent gouvernement à son successeur de « sinistrés ».
Dans ce contexte difficile, le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2003 ne peut, bien évidemment, résoudre d'emblée tous les problèmes.
Il fait néanmoins apparaître quelques éléments salutaires de rupture avec les errements précédents, qui marquent la mise en oeuvre d'une autre politique. Tout d'abord, le Gouvernement, en annonçant le dépôt d'un projet de loi de programmation quinquennale de santé publique et, en tant que de besoin - M. Mattei vient de le confirmer -, d'un « collectif social » destiné à ajuster les prévisions des dépenses et des recettes au regard des évolutions effectivement constatées, redonne enfin du sens et de la crédibilité au débat sur les finances sociales. En effet, la majorité précédente s'est toujours opposée à un collectif, malgré nos nombreuses demandes, et Dieu sait si les chiffres, dans leur dérapage, montraient pourtant la nécessité d'en prévoir un. Evidemment (L'orateur se tourne vers la gauche de l'hémicycle), vous seuls aviez raison, et vous ne vouliez pas entendre les propos du Sénat.
M. Adrien Gouteyron, rapporteur pour avis. Très bien !
M. Alain Vasselle, rapporteur. Et maintenant, nous sommes obligés de faire ce que vous n'avez pas eu le courage d'entreprendre !
M. Gilbert Chabroux. Avec quels moyens, ce collectif ?
M. Alain Vasselle, rapporteur. Par ailleurs, le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2003 comporte d'autres dispositions visant à engager la clarification, indispensable, du circuit financier de la sécurité sociale.
Il s'agit, en premier lieu - M. Jean-François Mattei l'a rappelé tout à l'heure -, du début du remboursement aux régimes de sécurité sociale de la dette de l'Etat au titre du déficit du FOREC pour l'année 2000. En effet, cette année-là, mes chers collègues, les recettes affectées au FOREC s'étaient révélées insuffisantes pour compenser intégralement à la sécurité sociale les pertes de recettes résultant des exonérations de cotisations.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Eh oui !
M. Alain Vasselle, rapporteur. En dépit des dispositions du code de la sécurité sociale selon lesquelles cette dette du FOREC était en fait une dette de l'Etat à l'égard de la sécurité sociale, le précédent gouvernement avait annoncé, dès le mois de juin 2001, son intention de ne pas l'honorer. Il essaya même dans la loi de financement de la sécurité sociale de 2002 de l'annuler purement et simplement.
C'est grâce à la vigilance du Sénat, et plus particulièrement de la commission des affaires sociales, que le Conseil constitutionnel censura la disposition concernée.
M. Hubert Falco, secrétaire d'Etat aux personnes âgées. Bravo !
M. Alain Vasselle, rapporteur. Cette dette dut finalement être provisionnée dans les comptes 2001 des régimes sociaux, et, pour la première fois peut-être dans l'histoire de notre République, une créance sur l'Etat était ainsi assimilée à une créance douteuse.
M. Adrien Gouteyron, rapporteur pour avis. C'est incroyable !
M. Alain Vasselle, rapporteur. Comment les Français pouvaient-ils continuer à accorder leur confiance à un gouvernement qui se comportait d'une telle façon ? (M. le président de la commission des affaires sociales et M. le rapporteur pour avis acquiescent.)
En revanche, dès son entrée en fonction, le nouveau gouvernement fit part de sa volonté d'honorer, en ce domaine comme dans d'autres, les engagements de l'Etat.
Toutefois, il faut bien admettre que, compte tenu de la situation dont le Gouvernement a héritée, de l'état des finances publiques qui lui ont été léguées par son prédécesseur, ce remboursement ne pouvait pas être réalisé en une seule fois. Vous avez donc prévu, dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2003, messieurs les ministres, un premier versement équivalent à la moitié de la dette, soit 1,2 milliard d'euros.
Un autre élément de clarification important contenu dans ce texte est la compensation intégrale au régime de sécurité sociale, via le FOREC, des pertes de cotisations qui vont résulter de l'entrée en vigueur au 1er juillet 2003 du nouvel allégement des charges sociales prévu par la loi Fillon, ce qui n'avait pas été le cas précédemment avec le FOREC.
M. Adrien Gouteyron, rapporteur pour avis. Très bien !
M. Alain Vasselle, rapporteur. La commission des affaires sociales, comme certainement le Sénat tout entier, ne peut que se féliciter du fait que cette compensation intégrale soit assurée, à la différence des années précédentes, non par le détournement préalable des recettes de la sécurité sociale, mais par la définition de véritables ressources nouvelles.
Le Gouvernement confirme donc sa volonté, qui était d'ailleurs celle du Sénat puisque c'était sur son initiative que ces dispositions avaient été introduites dans la loi, de respecter les dispositions de loi Veil de 1994 selon lesquelles toute exonération de cotisations sociales décidée par l'Etat doit être intégralement compensée par ce dernier à la sécurité sociale.
Mme Aubry, à l'époque, n'en n'avait cure, et la commission des affaires sociales avait beau lui en faire la remarque, elle a continué son chemin comme si de rien n'était ; nous voyons aujourd'hui le résultat !
Ces mesures nouvelles contribueront donc à réduire, à due concurrence, le déficit du régime général en 2002 et en 2003.
Tels sont, mes chers collègues, les principaux éléments salutaires qui marquent la rupture que comporte ce texte en ce qui concerne les équilibres financiers.
Toutefois, et comme je l'ai déjà indiqué, la conjoncture et les contraintes financières actuelles n'ont pas permis au Gouvernement, dès la première année, d'opérer une clarification complète.
Le projet de loi que nous allons examiner contient donc également des dispositions qui doivent, selon la commission des affaires sociales, relever d'une transition aussi brève que possible.
Je mentionnerai tout d'abord, à l'attention de MM. les ministres, que le remboursement de la moitié de la dette de l'Etat à la sécurité sociale au titre du FOREC est assuré non par le budget général de l'Etat, comme cela a été dit tout à l'heure, mais par la CADES.
MM. Guy Fischer et Gilbert Chabroux. Et voilà ! C'est un détournement de fonds !
M. Alain Vasselle, rapporteur. Or cette dette, messieurs les ministres, est bien une dette de l'Etat.
Certes, le dynamisme du prélèvement social affecté à la CADES, c'est-à-dire la contribution pour le remboursement de la dette sociale, ou CRDS, permet à cette dernière d'effectuer le versement sans qu'il soit besoin d'allonger sa durée de vie au-delà du terme prévu, à savoir le 1er février 2014. Les Français peuvent être rassurés de ce point de vue : il ne devrait pas y avoir, à ce titre, une demande de contribution supplémentaire. Cette solution a, au moins, le mérite de la franchise.
Vous auriez fort bien pu en retenir une autre, un peu plus hypocrite, mais qui aurait abouti au même résultat, comme l'avait fait le précédent gouvernement : vous auriez pu augmenter le montant du versement de la CADES à l'Etat, avant de rétrocéder les fonds ainsi récupérés à la sécurité sociale, et présenter ce versement comme une dotation de l'Etat pour assurer le financement de la sécurité sociale.
La solution que vous nous proposez, messieurs les ministres, est plus franche, plus transparente. Nous estimons qu'elle est parfaitement acceptable, et nous vous en félicitons.
M. Gilbert Chabroux. Un tuyau de plus !
M. Jean Chérioux. Ce gouvernement est vraiment très honnête !
M. Alain Vasselle, rapporteur. Je vous remercie de le souligner, monsieur Chérioux.
M. Guy Fischer. On en reparlera !
M. Alain Vasselle, rapporteur. Mais il n'en demeure pas moins vrai, messieurs les ministres, que l'Etat, en l'occurrence Bercy - excusez-moi de le citer -, dont les réflexes transcendent les alternances politiques, fait encore payer ses dettes par quelqu'un d'autre.
Permettez-moi de répondre par avance aux observations que ne manqueront pas de formuler nos collègues qui siègent à gauche de la Haute Assemblée, sinon dans la discussion générale, du moins lors de la discussion des articles. Je tiens à leur dire que la commission des affaires sociales estime que la majorité n'a, sur ce point particulier de la CADES, que vient de relever M. Fischer, semble-t-il, avec satisfaction, aucune leçon à recevoir de la part de ceux qui, lorsqu'ils étaient au gouvernement, ont, d'une part, essayé d'annuler purement et simplement la dette due à la sécurité sociale au titre du FOREC...
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. C'est vrai !
M. Alain Vasselle, rapporteur. ... et, d'autre part, augmenté le montant du versement de la CADES à l'Etat uniquement pour réduire, en affichage, le déficit budgétaire. Il est facile ensuite de se prévaloir d'un comportement vertueux à l'égard de l'opinion publique et de l'Europe !
Un autre élément de transition qu'il m'apparaît important de souligner dans ce texte, et qui n'est pas des plus enthousiasmants aux yeux de votre rapporteur, c'est la poursuite du transfert à la CNAF des majorations de pension pour enfant.
Ce transfert, mes chers collègues, a été initié par le gouvernement précédent, en 2001.
M. Guy Fischer. Mais vous, vous faites mieux !
M. Alain Vasselle, rapporteur. Cette mesure, qui avait été justifiée à l'époque par Mme Guigou comme une mesure de solidarité intergénérationnelle, avait pour seul objectif d'alléger les charges du fonds de solidarité vieillesse dont l'équilibre était alors gravement compromis...
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Bien sûr !
M. Alain Vasselle, rapporteur. ... une nouvelle fois à cause du FOREC.
Pour sa part, la commission des affaires sociales estime que ces majorations de pension sont, sans conteste, des avantages vieillesse et que leur prise en charge par la branche famille reste critiquable dans son principe.
M. Guy Fischer. C'est un mauvais point !
M. Jean Chérioux. Eh oui !
M. Alain Vasselle, rapporteur. Telles sont, monsieur le président, messieurs les ministres, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, les principales observations de la commission des affaires sociales.
Quant à la branche accidents du travail, nous l'évoquerons, si M. le ministre de la santé le veut bien, à l'occasion de la discussion des articles. On nous a en effet demandé de prononcer des interventions liminaires brèves.
Nous entamons la discussion de ce texte, ce lundi, et il nous faudra terminer au plus tard jeudi soir parce que le projet de loi de finances frappe à la porte. C'est regrettable, d'autant que la session unique devait nous permettre de disposer de nos lundis et de nos vendredis et de ne pas tenir de séances de nuit. Nous consacrons bien peu de temps à l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale dont le montant, comme l'a souligné M. le ministre de la santé, est bien plus important que celui de la loi de finances !
Mais je suppose que M. le président de la commission insistera sur ce point tout à l'heure.
Saluant l'effort de clarification ainsi entrepris, la commission propose, dans le cadre d'une prudente neutralité financière, de franchir dès maintenant une étape supplémentaire dans la simplification des circuits financiers de la sécurité sociale. Nous voulons vous aider, messieurs les ministres, à regagner en crédibilité auprès de l'opinion publique, à aller vers plus de transparence, vers plus de lisibilité en ce qui concerne les comptes de la sécurité sociale.
Cette simplification a deux objectifs principaux : d'une part, remettre de l'ordre dans les comptes du FOREC - je crois que c'est nécessaire - et, d'autre part, aller vers une meilleure clarification de la répartition des compétences entre la CNAF, le FSV et l'Etat.
S'agissant du FOREC, je ne vais pas rappeler ici les nombreux griefs que nous avons déjà exprimés à son encontre. Or, la suppression de ce fonds est annoncée par le Gouvernement.
Dès lors, si nous allons véritablement vers la suppression de ce fonds, je ne vois que deux solutions.
La première solution consiste à réaffecter les recettes et les dépenses du FOREC au budget de l'Etat.
La seconde solution sera de « ventiler » les recettes du FOREC entre les différents régimes concernés de la sécurité sociale.
Compte tenu des masses financières en jeu, la première solution nous semble difficilement réalisable dans l'immédiat. La seconde solution, quant à elle, m'apparaît dangereuse dans la mesure où elle rendrait complètement opaque la compensation à la sécurité sociale des exonérations de cotisations.
Dans l'attente de la suppression « vertueuse » du FOREC qu'elle appelle de ses voeux, la commission propose d'introduire dès à présent plus de cohérence dans les comptes.
Si vous retenez nos propositions, le FOREC ne conserverait que les recettes « historiques » de la sécurité sociale, à savoir les droits de consommation sur les alcools et sur les tabacs. Je rappelle que M. Mattei a prévu de réaffecter une partie des droits de consommation sur les tabacs à la branche maladie. Quant aux droits de consommation sur les alcools, ils avaient été affectés au FSV et ils en ont été détournés pour alimenter le FOREC. On pourrait admettre de prendre les mesures progressivement pour éviter les effets pervers que vous craignez, monsieur le ministre.
Le FOREC conserverait également la taxe sur les véhicules terrestres à moteur. Afin d'assurer son équilibre financier, il serait désormais bénéficiaire de la totalité du produit de la taxe spéciale sur les conventions d'assurances, qu'il partage actuellement avec l'Etat. En contrepartie, ce dernier récupérerait trois autres taxes qui sont actuellement affectées au FOREC.
Parallèlement, la taxe sur les contributions patronales au financement de la prévoyance complémentaire serait restituée au FSV, dont c'était une des recettes « historiques ».
Mais la clarification nécessaire des comptes du FOREC ne s'arrête pas là. En effet, il est impossible, en début d'exercice, d'établir les comptes à l'euro près. Selon la commission des affaires sociales, l'ajustement annuel des comptes du FOREC doit donc être assurée par une dotation budgétaire.
En contrepartie, les excédents éventuellement constatés après la clôture d'un exercice donné seraient restitués au budget de l'Etat - c'est le cas aujourd'hui -, le FOREC n'ayant pas du tout vocation à accumuler une « cagnotte ».
Tel est le sens d'un amendement que la commission des affaires sociales vous proposera d'adopter, mes chers collègues.
En ce qui concerne, par ailleurs, la clarification des missions respectives de la CNAF, du FSV et de l'Etat, elle paraît d'autant plus nécessaire que règne aujourd'hui, dans ce domaine, la plus grande confusion.
Après trois ans de manipulations financières, nous constatons en effet que la CNAF finance une prestation de solidarité vieillesse.
Nous constatons également que le FSV prend en charge, en lieu et place de l'Etat, la dette que celui-ci avait à l'égard des régimes complémentaires de retraite, l'AGIRC et l'ARRCO.
Nous constatons enfin que l'Etat, quant à lui, assure le financement d'une prestation familiale, l'allocation de parent isolé, l'API, que la CNAF finançait autrefois.
Vous admettrez que cette situation est quelque peu cocasse. La commission des affaires sociales vous propose donc de restituer à chacun, et moyennant bien entendu juste compensation financière, les dépenses afférentes à ses missions.
Ainsi, la CNAF serait allégée des majorations de pension pour enfants et retrouverait l'API. La neutralisation financière de cette opération serait effectuée par un transfert de 0,1 point de CSG « famille » au FSV. Le taux de la CSG « famille » serait alors « sanctuarisé » à un point.
Nous aurons l'occasion de développer ce point lors de la discussion des articles. Je me permets néanmoins d'insister avec d'autant plus de force que le président du conseil de surveillance de la CNAF, ici présent, est particulièrement préoccupé par une proposition tendant à priver la branche famille d'une partie de ses recettes et ne lui permettant plus de conduire une politique dynamique en faveur de la branche famille. J'ai tenté de le rassurer au sein de la commission des affaires sociales, mais je pense qu'il sera intéressant que nous ayons un débat ouvert sur le sujet.
La branche famille serait ainsi garantie contre une nouvelle progression de sa contribution au titre des majorations de pension pour enfants. En effet, si nous continuons au rythme qui avait été prévu initialement, c'est-à-dire 15 % par an, que vous doublez cette année puisque nous passerons de 30 % à 60 %, la branche famille se trouverait à terme avec une charge de 3 milliards d'euros.
Certes, la commission des affaires sociales mesure bien et comprend les réticences de la CNAF à voir ses recettes modifiées. Il reste que la branche famille ne pourra pas durablement continuer à accepter de prendre en charge des dépenses étrangères à sa mission, et ce sans aucun bénéfice pour les familles, au seul motif qu'on lui garantirait par ailleurs le montant nominal des recettes.
En ce qui concerne le FSV, celui-ci serait « dédommagé », comme il a été dit, par 0,1 point de CSG « famille », complété par deux mesures, à savoir, d'une part, le transfert à l'Etat de la dette contractée par ce dernier à l'égard des régimes complémentaires et, d'autre part, la récupération par le FSV de la taxe sur les contrats de prévoyance.
Quelle serait la situation financière des uns et des autres à l'issue de ces modifications ? Par cette opération vertueuse qui viendrait s'ajouter au milliard qui sera constaté à la fin de l'exercice 2002, la CNAF - je le répète à l'intention de M. Fourcade - serait bénéficiaire de 185 milliards d'euros en 2003. La CNAF ne serait pas perdante, loin s'en faut. Je démontrerai même, en présentant les amendements, que sa situation s'améliorera dans le temps.
Le FSV, quant à lui, pourrait apparaître, après une première lecture, comme le premier perdant de l'opération puisqu'il accuserait un déficit de 11 millions d'euros. Or ce déficit, si le Gouvernement en a la volonté, peut être neutralisé purement et simplement par la dotation budgétaire de l'Etat au BAPSA, le budget annexe des prestations sociales agricoles, qui libère, dans la foulée, un montant équivalent à la contribution sociale de solidarité des sociétés, la C3S, au profit du FSV. Ainsi, le fonds serait à l'équilibre et les objectifs seraient atteints.
Le FOREC, également, serait à l'équilibre.
Quant à l'Etat, il enregistrerait, il est vrai, un déficit supplémentaire de 163 millions d'euros. Mais, là encore, cette dette pourrait être compensée, sans aucune difficulté, en récupérant et l'excédent prévisionnel du FOREC pour l'exercice 2003, qui est de 52 millions d'euros, et la « cagnotte » dont ce fonds s'est doté au cours des exercices 2001 et 2002. Au final, l'Etat pourrait récupérer au total 212 millions d'euros. Lui aussi serait donc gagnant dans cette opération.
Clarifier les missions des uns et des autres afin d'appuyer la démarche engagée par le Gouvernement, introduire plus de cohérence dans les comptes du FOREC, respecter le nécessaire équilibre des finances sociales, telle est notre volonté.
Nous n'avons pas recherché autre chose à travers les amendements que nous avons déposés et que nous allons défendre présentement devant vous, mes chers collègues. Je ne doute pas que vous saurez adhérer non seulement à l'esprit, mais à la démarche. J'espère même que nous pourrons aller beaucoup plus loin grâce au soutien que vous nous apporterez les uns et les autres.
Telles sont, monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, les ambitions que la commission des affaires sociales propose au Sénat de partager à l'occasion de l'examen de ce projet de loi de financement de la sécurité sociale. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Lorrain, rapporteur.
M. Jean-Louis Lorrain, rapporteur de la commission des affaires sociales pour la famille. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, la précédente législature n'a pas mis l'accent - c'est le moins que l'on puisse dire - sur la politique familiale. Et ce ne sont pas les familles qui ont profité en priorité des fruits de la croissance, malgré le retour de la branche à l'équilibre dès 1999. Or, comme l'a souligné mon excellent collègue Alain Vasselle, elle suscite tout notre intérêt.
En 2003, la branche famille affichera encore un excédent de 1,7 milliard d'euros. Au-delà, les perspectives sont moins favorables, même si, naturellement, elles contrastent heureusement avec la situation des autres branches de la sécurité sociale, qui se dégrade fortement.
C'est une raison supplémentaire de regretter que le dynamisme des recettes de la branche ait été si mal utilisé.
Depuis trois ans, en effet, les excédents de la branche famille ont fait l'objet de multiples ponctions. D'abord, la branche famille s'est vue privée d'une partie de ses recettes, en l'espèce de la part de la taxe de 2 % sur les revenus du patrimoine qui lui revenait.
Ensuite, en juin 1999, il a été décidé qu'elle prendrait progressivement en charge la majoration de l'allocation de rentrée scolaire, jusqu'alors décidée et financée par l'Etat. En fait, cette prise en charge a été totale dès 2001.
La ponction des excédents de la branche s'est poursuivie par la prise en charge progressive, à compter de 2001, des majorations de pension pour enfants. Pour notre commission, ces majorations restent un avantage vieillesse qu'il est infondé de demander à la branche famille de financer. Elle l'estimait hier ; elle l'estime toujours aujourd'hui.
Selon la sagesse populaire, il n'y a que le premier pas qui coûte. Je ne peux que prendre acte du fait que les deux premiers pas ont été vivement franchis par le précédent gouvernement. Ce dernier est, de surcroît, responsable de la dégradation des équilibres du fonds de solidarité vieillesse, ponctionné lui-même pour financer les 35 heures et l'allocation personnalisée d'autonomie.
Or cette situation financière alarmante, sinon justifie, du moins explique la contribution qu'il est encore demandé à la branche famille d'apporter en 2003.
De fait, la complexité croissante des relations entre l'Etat et la sécurité sociale nécessite une clarification et une simplification radicales. C'est pourquoi je me félicite naturellement des propositions que vient de présenter Alain Vasselle et que nous avons élaborées de concert.
Cette clarification permettra à la branche famille d'exercer plus sereinement les missions multiples qui lui sont confiées. La première, et la plus importante, est le versement des prestations familiales légales, qui représentent 72 % des dépenses de la CNAF.
Sous la législature précédente, ces prestations ont augmenté nettement plus lentement que l'ensemble des dépenses de la branche, mais également moins vite que la richesse nationale.
Le développement des prestations soumises à condition de ressources n'est pas étranger à cette évolution. Elles représentent la moitié des prestations aujourd'hui, contre un peu plus du tiers en 1998.
A ce titre, on ne peut que se féliciter d'une mesure du présent projet de loi de financement qui met l'accent sur cette mission originelle de la branche et revient à une politique familiale plus universelle.
Il s'agit, en effet, de la mise en place d'une allocation forfaitaire versée pendant un an aux familles de trois enfants ou plus, qui perdaient brutalement le bénéfice des allocations familiales au vingtième anniversaire de l'un d'entre eux.
Cette mesure touchera environ 150 000 familles en 2003, pour un avantage estimé à 840 euros supplémentaires par an pour chacune d'entre elles.
La deuxième mission importante de la branche concerne l'action sociale. Si elle ne représente que 8 % des dépenses de la CNAF, elle voit régulièrement ses moyens renforcés et tient symboliquement une place importante, puisque c'est là que réside l'« espace de liberté » de la branche, en particulier au niveau local.
Enfin, la troisième mission de la branche famille consiste à verser des aides personnelles au logement, selon un mode de financement faisant intervenir la CNAF, mais également le fonds national de l'habitat et le fonds national d'aide au logement.
Au-delà des chiffres, il apparaît aujourd'hui indispensable au rapporteur de la commission des affaires sociales pour la famille et à la commission de renouer avec une politique familiale ambitieuse, qui réponde aux besoins croissants des familles.
Le premier de ces besoins est le nécessaire accompagnement des familles qui ont de jeunes enfants à charge.
En effet, si la France continue à connaître une nette augmentation du nombre annuel de naissances - avec un taux de fécondité de 1,9 enfant par femme, elle se situe au deuxième rang de l'Union européenne, juste derrière d'Irlande -, cette évolution, pour heureuse qu'elle soit, a un coût : la montée en charge des aides liées à la petite enfance, qui représentent désormais le quart des prestations légales. Leur montant a ainsi augmenté de 4 % depuis le début de l'année 2002.
Aujourd'hui, ces aides doivent toutefois être rééquilibrées au profit des aides à la garde à domicile qui ont été négligées au cours de la précédente législature.
Quant au fonds d'investissement pour la petite enfance, le FIPE, il semble avoir trouvé un fondement légal à son existence en tant que prestation extralégale par la signature d'un avenant à la convention d'objectifs et de gestion de la CNAF.
En réalité, ce que n'a pu faire la loi de financement qui, l'an dernier, a été annulée sur ce point par le Conseil constitutionnel, un avenant a pu le faire. Mais, aujourd'hui, pour le FIPE, comme pour le fonds de réserve pour les retraites, ou FRR, qui s'était engouffré dans la brèche de ce nouveau circuit parallèle, on ne peut plus afficher les excédents de la branche famille tout en les dépensant, ce qui, chacun en conviendra, est préférable pour la transparence de nos débats.
De fait, le présent projet de loi de financement permet de ratifier en quelque sorte cet avenant à la convention d'objectifs et de gestion à travers le vote de l'objectif de dépenses révisé pour 2002 et de l'objectif de dépenses pour 2003. Le FIPE existe toujours : nos collègues peuvent être rassurés !
L'autre grand chantier réclamé par les familles concerne la question des jeunes adultes.
Dans son rapport rendu en avril dernier, la commission nationale pour l'autonomie des jeunes a proposé la création d'une « allocation de formation » et d'un « revenu contractuel d'accès à l'autonomie et à l'activité », laissant ainsi de côté l'idée d'une allocation universelle jugée trop coûteuse et inefficace.
Quelle que soit la solution finalement choisie, elle devra être ciblée, elle devra tenir compte de l'hétérogénéité des parcours. Elle devra également être exigeante en termes de contrepartie de la part des jeunes et respectueuse des familles.
Il importe en effet, avant tout, de continuer à soutenir les familles lorsqu'elles assument la charge de jeunes adultes. C'est pourquoi l'idée d'un versement des allocations familiales jusqu'à l'âge de vingt-deux ans et jusqu'au dernier enfant paraît aller dans le bon sens.
Enfin, outre ces besoins spécifiques, c'est à la question de l'universalité de la politique familiale, telle qu'elle a été conçue dans sa vocation première, à laquelle il est nécessaire de réfléchir aujourd'hui.
Le choix d'une politique familiale en faveur de tous, et non d'une politique qui rechercherait avant tout des effets redistributifs, passe, en particulier, par une évolution favorable de la base mensuelle des allocations familiales, c'est-à-dire par un signe fort en faveur de l'ensemble des familles.
Il est regrettable que le présent projet de loi de financement ne s'inscrive pas en rupture avec les précédents en donnant un coup de pouce à la base mensuelle. Mais il est encore plus regrettable que le précédent gouvernement ne l'ait pas fait à une époque où la conjoncture économique aurait permis aux excédents de la branche de supporter aisément une telle mesure.
A l'évidence, le texte que nous examinons aujourd'hui comporte de bonnes choses. Je me suis réjoui de la mise en place de l'allocation forfaitaire de 70 euros ; je ne peux que me féliciter, après mon collègue Alain Vasselle, du remboursement à la CNAF d'une partie de la dette du FOREC. Parallèlement, le projet de loi de finances comporte deux mesures fiscales qui vont dans le bon sens.
Mais le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2003 reste, dans le domaine de la famille, un texte de transition.
La branche famille est en effet dans l'attente de la Conférence de la famille du printemps prochain qui marquera le début d'une nouvelle politique familiale dont M. Christian Jacob vient d'affirmer les ambitions à travers la création de trois groupes de travail.
Les trois axes de réflexion retenus nous semblent aller dans la bonne direction : mise en place d'une allocation de libre choix du mode de garde, conciliation de la vie familiale et de la vie professionnelle et, enfin, développement des services aux familles.
Ces groupes seront sans nul doute porteurs de nombreuses propositions qui permettront au Gouvernement, dès l'année prochaine, de renouer avec une politique familiale de grande ampleur. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Dominique Leclerc, rapporteur. (Applaudissements sur les travées du RPR et de l'Union centriste.)
M. Dominique Leclerc, rapporteur de la commission des affaires sociales pour l'assurance vieillesse. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, il est acquis que cette présentation du rapport du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour l'assurance vieillesse est le dernier d'un genre qui a conduit la commission des affaires sociales à constater, durant cinq années, l'absence de toute mesure susceptible d'assurer demain l'avenir des retraites.
M. Alain Vasselle, rapporteur. Cela, c'est bien vrai ! Ils n'ont rien fait !
M. Claude Domeizel. N'exagérez pas !
M. Dominique Leclerc, rapporteur. Il y a des propos qui sont difficiles à entendre, mon cher collègue, mais c'est ainsi !
En effet, d'ici le prochain projet de loi de financement de la sécurité sociale, les dernières étapes de la concertation auront eu lieu. Le Parlement aura été saisi des grands axes d'une réforme ambitieuse de notre système d'assurance vieillesse, et nos choix collectifs en la matière pour les années futures auront été arrêtés. Le Gouvernement, par la voix du Premier ministre lui-même, s'y est engagé. Rien ne saurait à présent différer la résolution de cet épineux dossier.
M. Guy Fischer. Attention les fonctionnaires !
M. Dominique Leclerc, rapporteur. Mais pour 2003, année de transition à bien des égards, la branche vieillesse reste à piloter, et ce pilotage se fait dans un contexte désormais dégradé.
Le petit miracle que constituait la retraite par répartition est aujourd'hui à bout de souffle.
La sensibilité du système à la démographie est bien connue. L'année dernière, le rapport du Conseil d'orientation des retraites a confirmé un diagnostic vieux de dix ans : en 2040, la population française comptera dix millions de retraités de plus qu'aujourd'hui et ceux-ci bénéficieront d'une espérance de vie après soixante ans qui aura doublé par rapport à leurs aînés de 1980.
Ces faits, dont il faut par ailleurs se réjouir, ont un coût : il s'agit d'un besoin de financement des régimes de retraite supérieur à quatre points de PIB.
Certes, la branche vieillesse brûle aujourd'hui ses derniers feux, et ses comptes, pour le régime général tout du moins, sont excédentaires. En 2003, un excédent de 1,9 milliard d'euros est même encore espéré.
Trois facteurs ont permis qu'il en soit ainsi : un creux démographique qui minore fortement le nombre de départs en retraite ; un dynamisme certain des recettes qui ont été tirées vers le haut par la croissance économique de ces dernières années, et, surtout, les effets de la réforme du régime général de 1993, qui explique à bien des égards que la CNAV connaisse cette amélioration alors que d'autres régimes, notamment publics, ne la connaissent point.
Les quelques années où des excédents sont réapparus ont constitué une chance historique d'anticiper la réforme dans un contexte plus confortable. Paradoxalement, ce surcroît momentané de moyens financiers n'a pas incité le gouvernement précédent à agir de la sorte. Ils ont, au contraire, justifié sa posture attentiste.
M. Alain Vasselle, rapporteur. C'était bien de l'attentisme !
M. Dominique Leclerc, rapporteur. Au slogan : « Nous avons bien le temps » répondait la multiplication des rapports.
M. Alain Vasselle, rapporteur. Eh oui ! Charpin et compagnie !
M. Dominique Leclerc, rapporteur. Ils ont en outre conduit l'ancienne majorité à « manger le blé en herbe » en pratiquant des coups de pouce hors de toute confrontation avec les perspectives financières futures. Ils ont surtout autorisé des ponctions sur la branche pour financer la politique sociale ou les dettes de l'Etat.
La branche vieillesse sort de la précédente législature considérablement défigurée par la multiplication des transferts financiers décidés par l'ancienne majorité pour assécher les maigres excédents des caisses de retraites.
M. Claude Domeizel. Il y a un fonds de réserve !
M. Alain Vasselle, rapporteur. Il n'y a rien dedans !
M. Dominique Leclerc, rapporteur. Ainsi, alors même que le Gouvernement aurait souhaité geler le système en l'état afin de pouvoir négocier avec les partenaires sociaux les axes de la réforme prochaine, il se trouve contraint, dès le présent projet de loi, à prendre pour 2003 une série de mesures de sauvegarde.
Il s'agit tout d'abord d'inscrire la revalorisation des retraites dans une démarche de responsabilité. Le coefficient de revalorisation des pensions pour l'année 2003 s'élève à 1,5 %. Il ne comprend pas de coup de pouce. Il ne prend pas davantage en compte le différentiel d'inflation entre la prévision et la réalisation au titre de 2002.
Ainsi rattrape-t-il - Mme Karniewicz l'a précisé devant la commission des affaires sociales - la moitié du coup de pouce décidé l'an dernier à l'horizon 2010. Ce rattrapage négatif ne pénalise pas les retraités puisque l'indexation reste, au titre de cette année, supérieure à l'inflation. Elle préserve néanmoins l'avenir de la branche.
Sans doute l'indexation sur l'indice des prix des pensions et des salaires portés aux comptes n'est-elle pas tenable à très long terme, en ce sens qu'elle pèse sur le niveau de vie des retraités. C'est néanmoins au regard des autres mesures mises en oeuvre pour assurer demain l'avenir des retraites qu'une règle pérenne et plus généreuse pourra être fixée.
En 2003, le Gouvernement se trouve en outre dans l'obligation de repartager l'effort de solidarité. En effet, la CNRACL, qui supporte une part substantielle du financement des régimes spéciaux à la place de l'Etat par le biais de la surcompensation, est aujourd'hui exsangue.
M. Alain Vasselle, rapporteur. M. Domeizel est d'accord !
M. Dominique Leclerc, rapporteur. Oh oui !
Le plan de refinancement décidé par l'Etat prévoit, outre une nouvelle augmentation des contributions des employeurs, une diminution sensible du taux de surcompensation et des sommes versées par la Caisse au titre de la compensation généralisée.
Une telle réforme diminue l'effort global de compensation et de surcompensation versé par la Caisse de 326 millions d'euros, mais suppose qu'un financement alternatif soit trouvé.
Confronté par ailleurs à des menaces de non-règlement par la Caisse nationale d'assurance vieillesse des professions libérales, la CNAVPL, ainsi qu'au besoin de financement des régimes spéciaux à la suite de la diminution du taux de surcompensation, l'Etat a dû en conséquence augmenter ses subventions d'équilibre à ces derniers et modifier les règles régissant le calcul de la compensation.
Une telle modification, qui conduit à prendre en compte les transferts de solidarité dans le calcul des sommes dues par chaque régime, est-elle légitime ?
Sans doute modifier les règles de ce mécanisme à quelques mois d'une réforme globale n'est-il pas satisfaisant. Affectant la Caisse nationale d'assurance vieillesse des travailleurs salariés, la CNAVTS, à hauteur de 825 millions d'euros, il pourrait même nourrir l'impression que les tuyauteries du passé connaissent ici une véritable renaissance !
M. Claude Domeizel. Vous en créez d'autres !
M. Dominique Leclerc, rapporteur. Ce n'est pas si simple, vous le savez bien !
Il n'est toutefois pas possible de disqualifier ainsi une telle mesure pragmatique. En effet, il était impossible de diminuer d'une autre manière les sommes dues par la CNRACL et par les libéraux au titre de ce transfert.
La compensation, de même que la surcompensation, sont des mécanismes particulièrement essoufflés. C'est donc leur économie globale qui devra, dans le cadre de la prochaine réforme, être revisitée.
Autre héritage du passé, le fonds de solidarité vieillesse a été lui aussi rendu exsangue par les ponctions au profit des 35 heures, et il est à refinancer.
La gestion des deux derniers exercices s'est révélée catastrophique : en 2002, le fonds connaît un déficit de 1,4 milliard d'euros, qui absorbe la totalité des réserves et laisse un déficit absolu de 211 millions d'euros.
Un tel abîme, que le fonds n'a jamais connu depuis sa création, appelait nécessairement des solutions extrêmes pour atteindre l'équilibre, même précaire, que prévoit le présent projet de loi.
Le transfert du financement des majorations de pension pour enfants à la CNAF, tel qu'il a été imaginé par le précédent gouvernement, poursuit cette année sa progression.
Cette situation ne saurait être considérée comme satisfaisante, d'autant qu'elle accroît le volume des « bras morts » des finances sociales : l'Etat finance une prestation familiale, la CNAF le non-contributif vieillesse et le FSV une dette de l'Etat.
M. Alain Vasselle, rapporteur. Oh oui !
M. Dominique Leclerc, rapporteur. Au regard de ce triste constat, et ainsi qu'Alain Vasselle vient de vous l'exposer, il est proposé par la commission des affaires sociales de remettre...
M. Alain Vasselle, rapporteur. De l'ordre !
M. Dominique Leclerc, rapporteur. ... les « choses à l'endroit » en retournant à chacun la charge qui lui échoit. (Très bien ! sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. Alain Vasselle, rapporteur. C'est très bien de le rappeler !
M. Dominique Leclerc, rapporteur. Les difficultés financières qui vous sont ici décrites ne permettent donc pas d'abonder le fonds de réserve à hauteur de ce qui était prévu dans le plan de marche initial.
M. Adrien Gouteyron, rapporteur pour avis. Eh oui !
M. Dominique Leclerc, rapporteur. Comment, en l'absence de recettes véritablement pérennes, cela aurait-il pu être possible ?
Nul ne pourra, et certainement pas l'ancienne majorité, reprocher au Gouvernement de n'être pas en mesure, en un an, de transformer en véritable échéance un fonds qui n'était qu'un discours.
M. Paul Blanc. Très bien !
M. Dominique Leclerc, rapporteur. Tout au plus pourra-t-on regretter que, par ricochets, la réforme de la compensation généralisée diminue sensiblement le montant des excédents de la CNAV qui sont affectés au fonds de réserve et que l'Etat, qui est gagnant dans cette réforme, n'ait pas su apporter, pour cette année seulement, une recette d'appoint.
Je ne terminerai pas cette intervention sans évoquer à nouveau les perspectives de réforme qui s'ouvrent en 2003 et sans rappeler les quelques points qui semblent acquis ou qui, au contraire, devront être résolus dans cette fenêtre.
Il semble en effet désormais acquis que la réforme rétablira une certaine justice entre les assurés. Si des avantages spécifiques doivent être pérennisés ou même créés, ils devront être justifiés par des conditions objectives.
Il n'est pas question de fondre tous les régimes en un régime unique. Il s'agit de s'assurer simplement que les assurés, à conditions de travail équivalentes, bénéficient des mêmes droits.
Sans doute les deuxième et troisième piliers de retraites seront-ils appelés à étendre le rôle de complément qu'ils jouent pour de nombreux Français aujourd'hui. A cet égard, beaucoup d'idées reçues circulent : les fonctionnaires ne sont pas les seuls, avec la Préfon, à bénéficier des fonds de pension. Mais l'accès aux compléments par capitalisation demeure erratique selon la branche, voire l'entreprise, au sein desquelles les assurés travaillent.
D'autres aspects de nos systèmes de retraite devront trouver une solution dans cette fenêtre.
Je pense notamment au minimum contributif, créé en 1983 pour garantir aux assurés bénéficiant d'une retraite à taux plein un minimum proche du SMIC. Du fait d'une revalorisation calée sur l'inflation, il ne remplit plus, loin s'en faut, ce rôle aujourd'hui.
La situation des conjoints - assurance veuvage ou réversion - ainsi que celle des pluripensionnés témoignent également qu'il ne sera possible de réformer les retraites qu'en faisant preuve d'une certaine générosité.
L'exemple de la Suède, où notre commission s'est rendue voilà maintenant deux ans, souligne qu'il n'est pas impossible de renégocier des compromis sociaux historiques et de les faire évoluer afin de mieux répondre aux aspirations de nos concitoyens.
A bien des égards, ces derniers se trouvent engoncés dans un système d'assurance vieillesse qui n'offre que très peu de souplesse : une liquidation qui tombe comme un couperet, l'impossibilité de cumuler emploi et retraite. De plus, celui qui souhaite travailler, c'est-à-dire cotiser plus longtemps, n'en tire aucun bénéfice pour lui-même.
Dans le même temps, les Français consacrent des périodes de plus en plus longues à se former, à s'occuper de leurs enfants ou à se dévouer à des activités non lucratives. Ces périodes n'ouvrent pas, ou seulement à la marge, droit à la retraite. Pour autant, nul ne nie l'utilité de ces activités pour la collectivité.
Les systèmes de validation de périodes non travaillées s'articulent peu ou prou autour de la seule notion de solidarité, le FSV les prenant en charge pour l'essentiel. D'autres avantages, notamment en faveur des familles, existent, mais, là encore, ils se caractérisent par leur rigidité et leur disparité. Un mécanisme de prise en compte de ces périodes reste donc à inventer.
Il est ainsi nécessaire d'affirmer que la future réforme des retraites dépasse de beaucoup les seuls enjeux financiers qui y sont traditionnellement associés. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Adrien Gouteyron, rapporteur pour avis de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je bornerai mon propos aujourd'hui à des considérations qui ne concernent pas l'assurance maladie, puisque nous devons en parler demain.
Le présent projet de loi de financement, nous le savons, a été délicat à élaborer. Il a fallu prendre en compte la forte dégradation des comptes sociaux, très sensible cette année, l'absence de véritables réformes structurelles au cours des dernières années - que ce soit dans le domaine des retraites, de la politique familiale, ou de la maîtrise des dépenses de santé - et, enfin, l'extrême complexité - on l'a dit et répété, mais c'est tellement vrai qu'on ne peut pas le passer sous silence - des relations financières entre l'Etat et la sécurité sociale, complexité dont le financement des 35 heures représente en quelque sorte le concentré, l'archétype !
M. Paul Blanc. C'est une usine à gaz !
M. Adrien Gouteyron, rapporteur pour avis. Le projet de loi de financement de la sécurité sociale a été élaboré dans un contexte de forte dégradation des comptes sociaux en 2002, marqué simultanément par la révision à la baisse des ressources de la sécurité sociale - vous l'avez dit, monsieur le ministre - et par le fort dynamisme des dépenses.
Il faut préciser que le dérapage des dépenses est presque entièrement imputable à la branche maladie. Ainsi l'excédent annoncé par le précédent gouvernement pour 2002 s'est transformé en déficit. Et c'est à nous d'assumer !
M. Jean-François Mattei, ministre. Comme d'habitude !
M. Adrien Gouteyron, rapporteur pour avis. Quant aux soldes des administrations de sécurité sociale, composantes des administrations publiques au sens de Maastricht, ils ont présenté de manière quasi constante depuis 1990 un besoin de financement, à l'exception de trois années : 1999, 2000 et 2001. Mais on connaît le contexte économique qui explique le résultat ces trois années-là ! Malheureusement, et faute de réformes permettant de maîtriser les dépenses, 2002 et 2003 devraient renouer avec le solde déficitaire des années antérieures, à hauteur, respectivement, de 0,1 % et de 0,2 % du PIB.
Nous avons également pu constater que ce que l'Etat avait donné d'une main, par exemple sous la forme de baisses d'impôts, il l'avait repris de l'autre, sous la forme de prélèvements sociaux. Ainsi, de 1997 à 2001, les prélèvements obligatoires affectés à la sécurité sociale n'ont cessé de progresser, passant de 256,3 milliards d'euros en 1997 à 317,5 milliards d'euros en 2001, soit 61 milliards d'euros supplémentaires sur cinq ans et 23,9 % d'augmentation ; excusez du peu !
En 1997, les prélèvements sociaux représentaient 45,5 % de l'ensemble des prélèvements obligatoires, mais 48,2 % en 2001, cette part continuant cependant de progresser en 2002 à 49,1 % et, en 2003, à 49,5 %. Les prélèvements sociaux constituent également une part croissante du PIB, soit 20,5 % en 1997 et 21,7 % en 2001 ; cette part devrait encore légèrement croître en 2002 et en 2003 pour s'établir à 21,9 %, mais la tendance serait à la stabilisation.
Enfin, il convient de constater que les impôts et taxes affectés à la sécurité sociale représentent une part grandissante des prélèvements sociaux, passant de 13 % en 1997 à 26,7 % en 2001. Cette évolution tient à la fois à la création de nouvelles impositions - dix-sept mesures sont ainsi intervenues depuis 1997 pour augmenter ou élargir un prélèvement social obligatoire - et à des transferts croissants du produit de la fiscalité de l'Etat vers les organismes de la sécurité sociale.
Les mesures nouvelles du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2003 permettront heureusement d'engager un début de redressement, seulement un début - vous l'avez vous-même souligné, monsieur le ministre - mais un début net. Le mouvement ainsi engagé est important.
Le niveau des ressources de la sécurité sociale en 2003 est fixé à 327,5 milliards d'euros, en hausse de 3,9 % par rapport aux recettes révisées de 2002. Les mesures nouvelles proposées conduisent à accroître les recettes des régimes de base et des différents fonds de 2,94 milliards d'euros. Elles résultent - d'autres intervenants l'ont souligné, mais je me dois de le répéter -, du remboursement de la moitié de la dette du FOREC aux caisses de sécurité sociale concernées, grâce à un prélèvement de près de 1,1 milliard d'euros sur la CADES, de l'augmentation des droits de consommation sur les tabacs, d'ailleurs accrue par l'Assemblée nationale, et de l'affectation d'une part supplémentaire du produit de la taxe sur les conventions d'assurances au FOREC, pour un montant de 660 millions d'euros.
Quant aux objectifs de dépenses pour 2003, ils sont prévus à hauteur de 329,70 milliards d'euros, en hausse de 4,4 % par rapport aux objectifs de dépenses révisés pour 2002. Les mesures nouvelles proposées par le projet de loi de financement de la sécurité sociale se traduisent par des dépenses supplémentaires de 2,18 milliards d'euros qui consistent essentiellement en des dotations versées à des fonds extérieurs au champ des régimes de base, comme le FSV, le FIVA, l'ONIAM, l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, ou le FMES, le fonds de modernisation des établissements de santé.
Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2003 engage également une transition vers une plus grande sincérité des comptes sociaux. Le Sénat, mais aussi la Cour des comptes, avaient toujours fortement critiqué la complexité croissante des relations financières entre l'Etat et la sécurité sociale.
Il faut se féliciter que le Gouvernement ait engagé une clarification du financement des exonérations de charges sociales.
L'équilibre des comptes du FOREC appelle beaucoup moins de transferts financiers que par le passé, même si ses dépenses sont appelées à progresser sensiblement en raison du coût - M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité pourrait le confirmer - du projet de loi en cours de discussion : elles augmenteront en effet de 6,4 % en 2003, pour s'établir à 16,56 milliards d'euros.
Je veux dire ici sans y insister, en relevant que cela ne peut pas se faire cette année, qu'il faudra du temps, que c'est complexe - le propos tenu par M. le rapporteur de la commission des affaires sociales le montre bien - que la suppression du FOREC reste pour nous un objectif, monsieur le ministre.
La moitié de la dette du FOREC, au titre de l'exercice 2000, soit 1,2 millard d'euros sur 2,4 milliards, est remboursée aux différents organismes de sécurité sociale concernés via un prélèvement sur la CADES.
Je ne vais pas revenir sur ce qui a été dit par l'excellent rapporteur de la commission des affaires sociales : ...
M. Alain Vasselle, rapporteur. Merci !
M. Adrien Gouteyron, rapporteur pour avis. ... il a fort bien expliqué qu'au moins votre attitude avait le mérite de la clarté, monsieur le ministre, que certes il y avait un petit tuyau, mais que le tuyau ne faisait pas de coude, si je puis dire. (Sourires.) Par conséquent, relevons cela ! On ne peut pas s'en réjouir, parce qu'il y a effectivement confusion entre une dette sociale et une dette d'Etat - et c'est sans doute l'un des points faibles de votre projet de loi -, mais, je le redis, vous avez le mérite de ne pas biaiser.
Le Gouvernement a réitéré son engagement de compenser intégralement à la sécurité sociale toute nouvelle mesure d'exonération des charges sociales ; cela a été relevé tout à l'heure. Après tout, il ne s'agit que de respecter la loi ; mais, comme cela n'avait pas été le cas dans le passé, saluons cet engagement. (Très bien ! sur les travées du RPR.)
M. Alain Vasselle, rapporteur. Mme Aubry s'en était affranchi !
M. Adrien Gouteyron, rapporteur pour avis. Enfin, le Gouvernement, répondant en cela au souhait du Sénat de présenter des « collectifs sociaux », a suivi ce qui avait été dit dans cette assemblée. Vous venez de rappeler, monsieur le ministre, que le « pilotage » de notre sécurité sociale exigeait, compte tenu des évolutions parfois imprévisibles, cette « mise au net », en quelque sorte, et l'information du Parlement. On ne peut que regretter que tel n'ait pas été le cas dans le passé. Mais, compte tenu des sommes en cause, félicitons-nous de cet engagement. Nous serons heureux, monsieur le ministre, de débattre avec vous pour ajuster les comptes lorsqu'il le faudra.
Les relations financières entre l'Etat et la sécurité sociale sont nombreuses et complexes. A cet égard, le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2003 réduit l'ampleur des transferts, ampleur qui a été considérable au cours des années précédentes. Mais, il faut bien le dire, les transferts de recettes deviennent importants.
La commission des finances ne peut qu'encourager le Gouvernement à faire davantage pour la clarification des comptes sociaux. C'est un objectif démocratique ! Le citoyen doit connaître le coût de son système social.
M. Paul Blanc. Eh oui !
M. Adrien Gouteyron, rapporteur pour avis. Et puis, cela répond tout simplement à l'exigence de contrôle du Parlement et de pilotage serré, qui doit commander ce genre de dépenses.
M. Paul Blanc. C'est la transparence !
M. Adrien Gouteyron, rapporteur pour avis. Je note d'ailleurs que cette position n'est pas seulement celle de la commission des finances : je me plais à souligner la concordance des positions, monsieur le président de la commission des affaires sociales, monsieur le rapporteur, entre nos deux commissions.
L'objectif de dépenses de la branche vieillesse est prévu à hauteur de 140,35 milliards d'euros, soit 42,6 % du total des dépenses, en hausse de 3,2 % par rapport aux dépenses révisées de 2002.
La branche vieillesse du régime général présenterait un excédent de 1,55 milliard d'euros en 2003, en diminution de 6,1 % par rapport à 2002. Comment ne pas relever le caractère paradoxal, car éminemment temporaire, de cet excédent ? Je n'insisterai pas sur ce point. Il est évident que l'opinion ne doit pas se laisser tromper par cet excédent, mais je sais, monsieur le ministre, que vos efforts d'explication permettront qu'elle soit bien informée.
Le fonds de solidarité vieillesse a fait l'objet, au cours de la précédente législature, de multiples transferts, pour un montant total de 4 milliards d'euros entre 2000 et 2002. Ces transferts s'assimilent à un véritable « pillage » et aboutissent aujourd'hui, logiquement - j'allais dire arithmétiquement -, à placer le fonds dans une situation financière plus que préoccupante, puisque ses réserves se sont évaporées et que son solde négatif cumulé devrait atteindre 1,12 milliard d'euros en 2003, alors qu'il était excédentaire de 1,6 milliard d'euros en 2000. Le paradoxe de cette situation, c'est que l'excédent initial du FSV, qui doit normalement être versé au fonds de réserve pour les retraites, est devenu un déficit et que, par conséquent, le versement au FRR n'a été possible qu'une seule fois, en 2001, à hauteur de 287 millions d'euros.
M. Alain Vasselle, rapporteur. Heureusement qu'on ne lui a pas repris d'argent !
M. Adrien Gouteyron, rapporteur pour avis. Il est vrai que le précédent gouvernement avait à assumer la charge du financement des 35 heures et que cela constituait sa seule préoccupation.
Du reste, l'engagement pris alors concernant l'abondement du FRR n'a pas été tenu. Le montant cumulé de ses réserves devrait s'élever à 12,6 milliards d'euros à la fin de l'année 2002 au lieu des 13,2 milliards prévus. L'actuel gouvernement considère que l'objectif initial de 152 milliards d'euros mis en réserve d'ici à 2020 reste d'actualité. Nous en prenons acte, monsieur le ministre ! Permettez-nous cependant d'être quelque peu sceptiques.
En effet, le fonds est alimenté par de nombreuses « recettes de poche » dont le produit, eu égard à l'objectif final, est modique. En fait, l'essentiel de ses recettes est constitué des excédents de la CNAVTS, qui vont disparaître dans les années à venir pour des raisons démographiques, et de recettes, d'un montant certes important, mais qui revêtent un caractère exceptionnel plutôt que pérenne, et incertain, à l'exemple des recettes issues de la vente des licences UMTS ou même de celles qui ont été engendrées par les privatisations.
S'agissant de la branche famille, il faut rappeler que, depuis 1999, ses comptes sont en excédent. Cet excédent devrait s'élever, en 2002, à 1,1 milliard d'euros, soit une diminution de 600 millions d'euros par rapport à 2001. Pour 2003, les prévisions de la commission des comptes de la sécurité sociale font apparaître un excédent de 1,7 milliard d'euros, sans toutefois tenir compte des mesures nouvelles présentes dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2003. Les dépenses de la branche devraient donc s'élever à 43,63 milliards d'euros, soit une augmentation de 5,2 % par rapport à l'objectif révisé pour 2002.
Il me faut, bien sûr, relever les dispositions de l'article 41 du présent projet de loi, qui fixe à 60 %, monsieur le ministre délégué, la fraction du montant des majorations de pensions pour enfant prise en charge par la CNAF, ce qui devrait représenter une dépense de l'ordre de 1,9 milliard d'euros pour la branche famille en 2003.
Nous avons suffisamment dénoncé ce prélèvement par le passé pour ne pas le mentionner aujourd'hui. Notre attitude est cohérente ! Nous ferons des propositions dans le cadre de la discussion des articles ; nous aurons ainsi l'occasion de nous expliquer sur ce point, même si nous savons que les miracles sont rares, monsieur le ministre.
M. Guy Fischer. Même avec M. Raffarin ?
M. Adrien Gouteyron, rapporteur pour avis. Ce n'est quand même pas M. Fischer qui dira que les miracles sont fréquents ! (Rires.)
Enfin, en ce qui concerne la branche accidents du travail et maladies professionnelles, dont le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2003 propose une plus grande autonomie de gestion, ses dépenses devraient s'élever à 9,40 milliards d'euros, soit 2,9 % de l'ensemble des agrégats de dépenses du PLFSS, en hausse de 4,2 % par rapport aux dépenses révisées de 2002, en raison de l'indemnisation des victimes de l'amiante. Cette branche versera à la branche maladie du régime général, à titre de compensation, 330 millions d'euros en raison de la sous-déclaration des accidents du travail, phénomène maintenant bien connu et tout à fait bien cerné.
La commission des finances souhaitera rappeler au Gouvernement un certain nombre de principes auxquels elle est attachée, messieurs les ministres. Elle vous présentera également - c'est son rôle ! - des amendements visant à renforcer l'information du Parlement sur l'application des lois de financement de la sécurité sociale.
Au bénéfice de ces remarques et avec l'espoir que ses propositions seront acceptées par le Gouvernement, la commission des finances a émis un avis favorable à l'adoption du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2003. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires sociales.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, en écoutant l'exposé très complet des trois rapporteurs de la commission des affaires sociales, j'ai constaté avec satisfaction la cohérence et la permanence de leurs analyses et de leurs propositions.
M. Alain Vasselle, rapporteur et M. Adrien Gouteyron, rapporteur pour avis. Merci !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Pendant trois ans, nous avons développé un petit nombre d'idées force que je rappellerai très brièvement : premièrement, l'application rigoureuse de la loi de 1994 en ce qui concerne tant la séparation des différentes branches de la sécurité sociale que la compensation intégrale des exonérations de cotisations sociales ; deuxièmement, la nécessité d'un suivi attentif de l'exécution des lois de financement et d'un retour, si besoin est, devant le Parlement, en cas de modification substantielle des conditions de l'équilibre ; troisièmement, l'indispensable pluriannualité des orientations dans le domaine de la politique de santé ou de sécurité sociale et la recherche, chaque année, de l'indispensable cohérence de la loi de financement avec les priorités ainsi définies.
Sur ces trois idées force, la commission approuve pleinement la démarche du Gouvernement qui répond, point par point, à ces trois préoccupations : d'abord, en assurant une compensation intégrale par l'Etat à la sécurité sociale des exonérations de cotisations sociales et en commençant à honorer la dette de l'Etat à ce titre ; ensuite, en s'engageant à présenter, en cours d'année, un « collectif social » si les conditions dans lesquelles s'exécute la présente loi de financement l'exigent ; enfin, en annonçant, pour le printemps 2003, une loi de programmation quinquennale de santé publique.
La commission des affaires sociales n'a donc pas à se forcer pour approuver la démarche du Gouvernement, puisque cette démarche répond pleinement aux préoccupations qu'elle exprimait.
La commission ne change pas de langage. C'est la raison pour laquelle, sur certains points, elle émet des réserves et souhaite que les éléments de transition que comporte le projet de loi aient une durée de vie la plus brève possible.
C'est également la raison pour laquelle elle vous propose d'accélérer le pas vers l'indispensable clarification des circuits financiers de la protection sociale. Aujourd'hui, nous disons donc la même chose qu'hier. Et j'aimerais que la majorité d'hier nous en donne acte, elle qui, il y a peu, trouvait « astucieux » tous ces circuits financiers, légitime la funeste théorie du « retour » pour les finances sociales de la politique de réduction du temps de travail et même naturelles les ponctions organisées sur la branche famille au titre de la « solidarité intergénérationnelle ».
M. Gilbert Chabroux. Pas à ce niveau !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Pas à ce niveau, monsieur Chabroux, mais, tout à l'heure, M. Fischer s'en expliquera !
Sans allonger notre discussion, j'aimerais développer deux perspectives pour nos débats sur les lois de financement de la sécurité sociale.
La première est relative à la « sanctuarisation ».
Il serait bon qu'à l'automne les travaux de la commission des affaires sociales soient essentiellement consacrés au projet de loi de financement de la sécurité sociale. Or les contraintes de l'ordre du jour la conduisent à examiner ce projet de loi parmi d'autres ; ainsi, cette année, elle l'a étudié conjointement avec le projet de loi relatif aux salaires, au temps de travail et au développement de l'emploi et avec le projet de loi relatif à la négociation collective sur les restructurations.
M. Alain Vasselle, rapporteur. Hélas, trois fois hélas !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. L'an dernier, comme les années précédentes, nous avons dû aborder également toute une série de textes sociaux. Cela s'est fait, bien sûr, aux dépens du temps que nous devrions consacrer, en commission, à la préparation du débat sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale. Or ce texte n'est pas un texte comme un autre ; il est de ceux qui exigent un travail considérable en amont : auditions, réflexion, analyse. Mais il est vrai que ce travail en amont doit également pouvoir s'exprimer en séance publique.
M. Alain Vasselle, rapporteur. Très bien !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Puissions-nous, monsieur le ministre - et je vous prie, sur ce point, d'insister auprès de votre collègue chargé des relations avec le Parlement - « sanctuariser » une semaine de débat au Sénat sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale, sans que celui-ci ne soit amputé, sur la fin, par l'examen du projet de loi de finances et interrompu, au milieu, par la fin de la discussion d'un autre projet de loi !
M. Alain Vasselle, rapporteur. Comme le projet de loi sur la sécurité intérieure !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. La deuxième perspective que je souhaite développer est celle de l'approfondissement.
L'an dernier, à cette tribune, j'avais évoqué le projet d'aborder plus méthodiquement l'examen des enjeux financiers de notre protection sociale. Aussi, je me réjouis que, cette année, nous puissions consacrer un débat spécifique à l'assurance maladie. Cela nous permettra, demain, d'enchaîner une brève discussion générale, l'examen des orientations du rapport annexé et des différents articles du bloc assurance maladie, avant de voter sur l'objectif de dépenses de la branche et l'objectif national de dépenses d'assurance maladie, que nous connaissons bien sous son acronyme : l'ONDAM.
Si cette expérience, que nous conduisons dans des conditions d'ordre du jour particulièrement difficiles, était néanmoins un succès, je souhaiterais, monsieur le ministre, que, l'année prochaine, nous puissons faire un pas de plus et étendre cette expérience aux autre branches de la sécurité sociale.
M. Alain Vasselle, rapporteur. Très bonne initiative !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Vous le savez tous, nous consacrons chaque année un peu de temps à débattre des budgets des monnaies et médailles, du tourisme, du secrétariat général de la défense nationale,...
M. Adrien Gouteyron, rapporteur pour avis. C'est important !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Effectivement ! Mais il ne me semble pas illégitime que nous consacrions un temps à peu près équivalent aux 136 milliards d'euros de l'assurance maladie, aux 43 milliards d'euros de la branche famille, aux 140 milliards d'euros de la branche vieillesse, ainsi qu'aux accidents de travail, dont le montant est supérieur au budget de l'Etat.
Je sais, monsieur le ministre, que vous partagez cette façon de voir. J'ai observé que vous aviez fait évoluer, cette année, la structure du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour aller dans ce sens. Je vous remercie d'avoir non seulement accepté, mais encore vivement soutenu notre projet d'organiser, cette année, ce débat thématique sur l'assurance maladie.
Lorsque j'aborde le thème de l'approfondissement, je pense également à une dérive à laquelle nous devons prendre garde : la multiplication des débats périphériques.
Certains débats étaient antérieurs aux lois de financement de la sécurité sociale, dont ils étaient, en quelque sorte, l'ersatz : je pense à la commission des comptes de la sécurité sociale ou à la Conférence de la famille. Certes, ces grandes réunions permettent à un ensemble plus vaste de s'exprimer : partenaires sociaux, organisations professionnelles ou associations. Elles doivent donc être conservées, mais peut-être en évoluant pour tenir compte du nouveau contexte institutionnel.
D'autres répondent à une préoccupation plus récente, comme le débat sur les prélèvements obligatoires, et il faudra probablement un jour en dresser le bilan, au regard, peut-être, d'un débat plus en amont qui verrait le débat d'orientation budgétaire du printemps aborder véritablement l'ensemble du périmètre des finances publiques.
Il reste encore un débat à venir, celui qui est prévu par la loi du 4 mars 2002, qui doit être consacré, au printemps de chaque année, aux « orientations de la politique de santé retracées par le Gouvernement en vue de l'examen du projet de loi de financement de l'année suivante ».
Les orientations de la politique de santé sont nécessairement pluriannuelles. C'est la raison pour laquelle vous avez annoncé, monsieur le ministre, une loi de programmation quinquennale de santé publique. Discuter chaque année, au printemps, de ces orientations risque cependant de devenir un exercice un peu rituel et répétitif, alors qu'il me semble que le véritable enjeu est de débattre, dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale, pour savoir si, oui ou non, les orientations pluriannuelles qui ont été arrêtées se traduisent effectivement par des décisions et des moyens.
Nous disposons désormais d'un instrument législatif ; consacrons-y du temps, et avec sérieux. Ne nous dispersons pas dans des déclarations ou des discussions sur l'avant, l'après, le pendant ou encore l'à-côté, comme si nous cherchions à fuir le débat proprement dit sur la loi de financement.
Réfléchissons, en revanche, au moyen de donner à cet instrument plus de rigueur, plus de cohérence et plus de contenu.
C'est dans cette perspective que la commission des affaires sociales souhaite faire avancer les propositions qu'elle a formulées, il y a deux ans déjà, en faveur d'une réforme de la loi organique relative aux lois de financement de la sécurité sociale. (Applaudissements sur les travées du RPR et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
Groupe du Rassemblement pour la République, 44 minutes ;
Groupe socialiste, 39 minutes ;
Groupe de l'Union centriste, 29 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 18 minutes ;
Groupe du Rassemblement démocratique et social européen, 18 minutes.
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Jean-Pierre Fourcade.
M. Jean-Pierre Fourcade. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, le déficit du régime général de sécurité sociale est de nouveau à l'ordre du jour. Ce débat a été parfaitement introduit par les différents rapporteurs et par M. le président de la commission des affaires sociales, dont je tiens à saluer la qualité des interventions.
Il est clair que le gouvernement que vous représentez ici, messieurs les ministres, ne pouvait, en quelques semaines, arrêter des mesures susceptibles de mettre fin à ce déficit et de nous faire revenir à l'équilibre dès 2003.
En effet, la conjoncture économique s'affaiblit ; la base salariale voit son rythme d'augmentation ralentir. En revanche, il n'y a pas de lien entre l'évolution de la conjoncture et l'évolution des dépenses, et les dépenses continuent à augmenter, notamment les dépenses de maladie, comme si la conjoncture était parfaitement florissante.
Comme l'a montré M. Vasselle, les perspectives équilibrées pour 2002 qui nous ont été présentées reposaient sur des bases économiques tout à fait insuffisantes. Aujourd'hui, le déficit est là, et il faut donner acte au Gouvernement du courage et de la lucidité avec lesquels il a prévu, pour 2003, un déficit qu'il essaie de limiter, certes, mais, qui est tout de même bien réel ; l'ensemble des mesures nécessaires pour le réduire et le supprimer sont beaucoup plus difficiles à prendre et ne peuvent avoir d'effets immédiats.
Après MM. les rapporteurs et M. le président de la commission des affaires sociales, je note, dans ce texte, des mesures nouvelles tout à fait importantes dont je crois qu'il faut vous remercier, monsieur le ministre. Il s'agit évidemment de la création de l'allocation forfaitaire de 70 euros pour les familles de plus de trois enfants et d'un remboursement de l'Etat de la moitié de la dette sociale. A cet égard, cependant, on voit que la décision est fondée sur un subterfuge, mais seul celui qui n'a jamais eu reccours à des subterfuges peut...
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Peut nous jeter la première dette ! (Rires.)
M. Jean-Pierre Fourcade. ... venir vous critiquer. Car on use de subterfuges depuis, hélas ! trente ou quarante ans, et non depuis cinq ans seulement !
Toujours au titre des mesures nouvelles, vous avez également prévu un plan pour rééquilibrer la CNRACL, mais cela va contrarier les collectivités territoriales dont les cotisations vont augmenter. Néanmoins, tout cela va dans le bon sens, parce que c'est la première fois que l'on nous présente un programme sérieux de réduction du taux de surcompensation sur trois ans. Il faut en donner acte au Gouvernement. Cela fait des années que nous réclamions un tel programme ; il permettra, jusqu'en 2007, d'avoir un régime équilibré pour les agents, pour les agents hospitaliers et pour les fonctionnaires.
Ce texte comporte, en outre, un certain nombre de mesures moins importantes concernant le FOREC et le FSV.
Bref, malgré la difficulté de la tâche qui consistait à remettre en ordre l'ensemble de nos régimes, et ce en quelques mois, les initiatives qui figurent dans ce texte nous paraissent importantes. M. Gouteyron a dit que c'était un début, mais un début net ; j'ai apprécié cette formule.
M. Adrien Gouteyron, rapporteur pour avis. Merci !
M. Jean-Pierre Fourcade. C'est, en effet, une orientation qui nous satisfait et qui va dans le sens de ce que nous réclamions depuis un certain nombre d'années.
Plus important encore me paraît être le changement d'attitude que vous manifestez, monsieur le ministre, à l'égard des professionnels de santé et de l'ensemble des partenaires sociaux, tout comme M. Fillon, d'ailleurs. Faire appel à la confiance, faire appel au sens des responsabilités des acteurs, quel que soit leur niveau, c'est finalement plus efficace que de multiplier les réglementations.
M. Guy Fischer. Il y a encore des progrès à faire !
M. Jean-Pierre Fourcade. S'agissant de la politique du médicament que vous mettez en oeuvre, monsieur le ministre, politique difficile après cinquante ans de réglementations, cet appel à la confiance me paraît marquer un changement de nature dans la politique du Gouvernement ; je tiens à vous en donner acte.
Compte tenu du temps de parole qui m'est imparti et des responsabilités que m'a confiées le Parlement concernant la surveillance de la Caisse nationale des allocations familiales, je tiens à faire état plus particulièrement de deux préoccupations.
Première préoccupation, en dépit des mesures nouvelles que vous proposez, monsieur le ministre, et du souci de clarification de la commission des affaires sociales, je constate que l'Etat et le Parlement en sont encore à considérer que la Caisse nationale d'allocations familiales doit servir ad vitam aeternam de variable d'ajustement pour l'équilibre général du régime de sécurité sociale.
M. Alain Vasselle, rapporteur. C'est vrai !
M. Jean-Pierre Fourcade. Ce constat m'inquiète.
M. Adrien Gouteyron, rapporteur pour avis. Nous aussi !
M. Jean-Pierre Fourcade. Mais ce n'est pas vous qui avez commencé, monsieur le ministre ! C'est M. Debré qui, il y a très longtemps, avait commencé le premier à transférer des points de cotisation d'un régime à l'autre.
M. Guy Fischer. Vous remontez loin !
M. Jean-Pierre Fourcade. En effet !
Cependant, considérer, sous prétexte que tous les pays de l'Union européenne n'ont pas un mécanisme analogue d'aide aux familles et divergent sur leurs politiques familiales, la branche famille doit servir de variable d'ajustement, ce n'est pas sérieux. J'aurai d'ailleurs l'occasion d'en débattre avec mon ami M. Vasselle, dont les propositions m'inquiètent.
Bien entendu, on va vous reprocher, monsieur le ministre, d'avoir, d'un côté, créé l'allocation forfaitaire, qui est tout à fait intéressante mais qui se traduira par une dépense de 130 millions d'euros en année pleine, et, de l'autre, d'avoir porté à 65 % le remboursement des majorations pour enfant du fonds de solidarité vieillesse vers la branche famille, disposition qui devra coûter un bon milliard d'euros très rapidement.
Entre ces deux mesures, l'équilibre n'est pas tout à fait satisfaisant. Comme l'a très justement relevé M. Vasselle, ce sont les relations entre l'Etat, le fonds de solidarité vieillesse et la Caisse nationale d'allocations familiales qui sont en cause, et, bien sûr, le FOREC.
Vous étiez contraint à décider ce transfert, pour des raisons tenant à l'équilibre général du budget. C'est un peu la contrepartie du remboursement par l'Etat de la moitié de la dette sociale. Vous auriez pu ne pas opérer de transfert et ne pas amorcer le remboursement ; c'était une autre solution possible, mais, courageusement, vous avez accepté celle du remboursement. Cela dit, chacun s'inquiète légitimement de cette charge pour notre branche famille, d'autant plus que, si l'on arrive à 100 % dans quelques années, elle sera considérable.
C'est la raison pour laquelle je ne suis pas complètement convaincu par le montage astucieux proposé par la commission et par son rapporteur, qui consiste à tenter de redonner à chacun ce pour quoi il est fait, l'allocation de parent isolé à la branche famille, le financement des majorations pour enfants au FSV, et ainsi de suite. On se heurte à une difficulté majeure. En effet, on ne peut pas annoncer à grand renfort de trompe que l'on relance une politique familiale sérieuse et, dans le même temps, faire comme tous les prédécesseurs depuis quarante ans, à savoir réduire la proportion du produit de la CSG affectée à la branche famille.
L'astuce de M. Vasselle me plairait si l'on trouvait des ressources et si l'on ne devait pas céder 0,1 point de CSG au détriment de la branche famille. Mais on ne peut pas le faire à équilibre budgétaire constant et il ne faut pas s'engager dans cette voie tant que l'on n'a pas suffisamment réfléchi à la manière de restructurer le FOREC.
Annoncer aujourd'hui, alors que M. Jacob prépare une grande Conférence de la famille, que l'on commence par réduire la part du produit de la CSG affectée à la branche famille pour la faire passer de 1,1 point à 1 point me paraît psychologiquement et politiquement inopportun.
C'est la raison pour laquelle je ne voterai pas cet amendement. Je ne souhaite pas, au demeurant, que le Gouvernement s'y rallie, car je crains que, par rapport aux chiffres, l'annonce ne soit d'un effet dangereusement négatif.
Seconde préoccupation, j'estime que nous aurions tort, nous, parlementaires, de considérer que la politique familiale doit se réduire à quelques prestations ou à la seule distribution d'aides, alors que la politique familiale, c'est bien plus. J'ai été intéressé tout à l'heure par les propos de M. Jacob sur ce sujet.
M. Gilbert Chabroux. Il n'a rien dit !
M. Jean-Pierre Fourcade. Premièrement, une véritable politique en faveur de la famille exige non seulement une loi de financement de la sécurité sociale comme celle dont nous parlons, mais aussi une politique plus volontariste en matière d'éducation et une politique de l'emploi plus efficace, notamment en direction des jeunes. Une véritable politique de la famille passe encore par le développement de la lutte contre la toxicomanie, l'alcoolisme et la pornographie.
Il faut avoir une vision globale de la politique familiale et ne pas se contenter de discuter avec les représentants des familles des seuls problèmes financiers.
Nous, qui gérons des quartiers difficiles, nous savons que la politique familiale n'est pas seulement une politique d'aides ou d'allocations : c'est une politique globale qui consiste à restructurer la cellule familiale, à responsabiliser davantage les parents, à s'occuper de l'insertion des jeunes, notamment des jeunes issus de l'immigration, dans les filières de l'emploi. C'est ainsi que nous pourrons mener une véritable politique familiale, plutôt qu'en augmentant telle ou telle allocation ou en modifiant tel ou tel pourcentage.
Deuxièmement, monsieur le ministre délégué, vous avez longuement évoqué les problèmes de l'allocation unique et du libre choix. Mais faites attention, monsieur le ministre, ne croyez pas que seuls l'Etat et la CNAF, aujourd'hui, s'occupent des modes de garde : ces derniers pèsent essentiellement sur les collectivités territoriales. Je serais donc un peu inquiet à l'idée que, en modifiant les allocations, en supprimant les fonds d'intervention de la CNAF, on assèche le financement de toutes les initiatives prises par les collectivités territoriales pour à la fois développer et diversifier les modes de garde.
Monsieur le ministre délégué, ce ne sont pas uniquement les prestations, ce ne sont pas uniquement les modalités générales qui comptent : il faut considérer également le partenariat avec les collectivités territoriales. Ce partenariat, notamment avec la loi de décentralisation, me paraît un élément fondamental qu'il ne faut pas perdre de vue.
Messieurs les ministres, vous nous présentez un texte de transition, tous les rapporteurs l'ont dit et je ne peux que confirmer. Pour avoir été à l'origine de la loi de 1994, qui a permis la saisine du Parlement sur les comptes sociaux, j'approuve totalement votre idée de soumettre au printemps à notre assemblée un projet de loi de finance rectificatif, car il faudra bien corriger les prévisions, voir comment évoluent la masse salariale ainsi que les différentes dépenses.
J'approuve également pleinement l'éminent président de la commission des affaires sociales quand il nous propose d'approfondir le débat sur une masse financière vraiment énorme au lieu d'examiner un texte coincé entre deux autres dans un ordre du jour chargé. Il faudra tout de même donner au Parlement le temps d'étudier et de réfléchir sur l'ensemble de ces questions, messieurs les ministres.
Je crois également que nous sommes tous ici unanimes, y compris l'opposition sénatoriale, pour envisager la suppression du FOREC, mais je comprends votre souci de ne pas la décider avant d'avoir obtenu des garanties solides sur l'autonomie des branches.
De mon point de vue, la suppression du FOREC est liée non pas à une sanctuarisation législative qui, au demeurant, n'existe pas,...
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Bien sûr !
M. Jean-Pierre Fourcade. ... une loi pouvant toujours en modifier une autre, comme nous l'avons bien vu pour ce qui est des rapports entre l'Etat et les collectivités locales, mais à l'autonomie absolue des branches. Ce n'est qu'une fois que nous serons assurés de ce retour à l'autonomie des branches que l'on pourra, je crois, supprimer le FOREC et mettre en place des dispositifs qui soient meilleurs.
M. Alain Vasselle, rapporteur. Très bien !
M. Jean-Pierre Fourcade. Compte tenu de la conjoncture actuelle, des efforts que vous avez faits, messieurs les ministres, et de l'ensemble des perspectives sur lesquelles se fonde le texte, j'apporte, au nom de la majorité du groupe du RDSE, mon soutien absolu au projet de loi que vous nous présentez. (Applaudissements sur les travées du RDSE, ainsi que sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Alain Vasselle, rapporteur.
M. Alain Vasselle, rapporteur. M. Fourcade, comme à son habitude, a fait un exposé très brillant et a développé des arguments tout à fait pertinents. Cependant, je ne voudrais pas que l'ensemble de nos collègues restent sur une fausse impression s'agissant de la proposition que j'ai faite, au nom de la commission des affaires sociales, tendant à clarifier les circuits financiers de la sécurité sociale. On pourrait craindre que cela ne se traduise par une dégradation des comptes de la branche famille par rapport à la situation qui nous est présentée aujourd'hui dans ce projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2003.
J'aimerais, à l'aide de quelques chiffres, tenter de rassurer M. Fourcade.
Sa préoccupation est tout à fait légitime et, monsieur le ministre, je suis persuadé que vous aurez noté qu'elle rejoint celle de la commission des affaires sociales. Monsieur le ministre délégué, vous qui êtes chargé de cette branche, vous savez bien que, si les dépenses pesant sur la branche famille, mais étrangères à sa mission, évoluent dans le temps, elles risquent d'ôter les marges de manoeuvre nécessaires pour continuer à mener une politique dynamique en faveur de la famille. Sur ce point, je constate une complète convergence de vues entre M. Fourcade et la commission des affaires sociales.
Voyons les chiffres. Nos propositions se traduiront par une amélioration de la situation financière de la branche famille d'un montant de 185 millions d'euros pour l'exercice 2003. Surtout, on peut compter sur une amélioration future qui permettra de conforter la situation de la branche, car, en ne privant que de 0,1 point de CSG la branche famille pour compenser l'allégement de la charge qui représente, pour le seul exercice 2003, 1,9 milliard d'euros, nous ne privons la branche famille que de 50 % de la recette correspondant à cet allégement. La marge de la branche est encore suffisante, même si nous transférons à sa charge l'allocation de parent isolé, soit 800 millions d'euros.
A terme, compte tenu de l'évolution de la charge de la majoration pour enfant - 3 milliards d'euros -, la branche famille restera excédentaire de plus de 1 milliard d'euros.
La proposition de la commission des affaires sociales devrait donc conforter la situation de la branche famille à la condition expresse de « sanctuariser » le point de CSG affecté à cette branche, comme l'a souligné à juste titre M. Fourcade et comme je l'ai moi-même indiqué dans mon propos liminaire.
Cette mesure doit faire l'objet d'un engagement clair de la part du Gouvernement. La commission souhaite en effet promouvoir une véritable autonomie des branches. Une telle autonomie sera d'autant plus tangible pour la branche famille que nous ne toucherons plus aux recettes et que nous arrêterons de créer une tuyauterie invraisemblable alimentant une véritable usine à gaz.
Le Gouvernement a déjà montré sa volonté d'aller dans cette direction et de rompre avec les habitudes du passé, comme pour le FOREC - vous l'avez dit très justement, monsieur Fourcade.
Je conclus ce propos qui avait pour objet d'atténuer les inquiétudes de M. Fourcade et celles de la Haute Assemblée en affirmant la volonté de la commission de conforter la branche famille et non pas de l'affaiblir.
M. Bernard Murat. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Gilbert Chabroux. ( Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC. )
M. Gilbert Chabroux. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, l'année dernière, les rapporteurs - nos collègues Alain Vasselle, Jean-Louis Lorrain et Dominique Leclerc - n'avaient pas eu de mots assez durs pour stigmatiser le projet de loi de financement de la sécurité sociale qui nous était présenté pour l'année 2002.
M. Alain Vasselle, rapporteur. Cela ne vous a pas étonné !
M. Gilbert Chabroux. Ils avaient accusé le gouvernement de l'époque de manipulation des comptes,...
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Oui !
M. Gilbert Chabroux. ... de détournement de recettes,...
M. Adrien Gouteyron, rapporteur pour avis. On n'a pas changé d'avis !
M. Gilbert Chabroux. ... de hold-up, de racket de l'argent de la sécurité sociale pour financer le FOREC.
M. Alain Vasselle, rapporteur. Tout à fait !
M. Gilbert Chabroux. Ils avaient dénoncé la mise à sac, le pillage des excédents de la branche famille.
M. Alain Vasselle, rapporteur. Nous confirmons !
M. Gilbert Chabroux. Il y avait un effroyable problème de tuyauterie.
M. Alain Vasselle, rapporteur. Je persiste et je signe !
M. Gilbert Chabroux. C'était une usine à gaz, la pompe à finance du père Ubu. Bref, le réquisitoire était accablant - et j'ai repris vos propres termes, messieurs les rapporteurs.
Ah, j'allais oublier : M. Vasselle voulait de surcroît supprimer l'ONDAM ! Avec la commission des affaires sociales et sa majorité, il avait procédé à la reconstruction des comptes de l'exercice 2002 et réécrit le projet de loi de financement de la sécurité sociale en débranchant les tuyaux.
M. Guy Fischer. Il l'a oublié !
M. Gilbert Chabroux. L'exercice était ambitieux, il ne restait plus qu'à le mettre en application.
M. Paul Blanc. Le malade est donc largement guéri !
M. Gilbert Chabroux. Où en sommes-nous, un an plus tard, alors que nous commençons l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2003 ?
Mme Nelly Olin. Six mois après, pas un an !
M. Jean-Louis Lorrain, rapporteur. L'usine a changé de propriétaire !
M. Gilbert Chabroux. Le ton et le vocabulaire des rapporteurs ont changé...
M. Jean-Pierre Masseret. C'est vrai !
M. Dominique Leclerc, rapporteur. Non !
M. Gilbert Chabroux. ... parce que le Gouvernement a changé. Ils se veulent aimables et compréhensifs à votre égard...
Mme Nelly Olin. Il faut bien les aider, vu l'héritage !
M. Gilbert Chabroux. ... - c'est bien naturel -, mais ils ont sans doute beaucoup de peine à cacher une profonde amertume. (Exclamations amusées sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Vous n'avez pas changé, vous !
M. Adrien Gouteyron, rapporteur pour avis. A-t-on l'air de souffrir à ce point ?
M. Gilbert Chabroux. J'éprouve beaucoup de compassion pour vous, car il n'y a rien de véritablement nouveau dans le projet de loi qui nous est présenté au regard des accusations que vous portiez.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Donc, vous le voterez !
M. Gilbert Chabroux. La bête noire - le FOREC - est toujours là.
M. Paul Blanc. Oui, on l'a dit !
M. Guy Fischer. Peut-être pour plusieurs années !
M. Gilbert Chabroux. Mieux - ou plutôt, hélas ! -, elle prospère grâce aux allégements de cotisations sociales patronales prévus par la loi Fillon. Le taux de prise en charge par la branche famille des majorations de retraite pour enfants passe de 30 à 60 % : il double !
Plus grave encore, rien ou presque n'est prévu en faveur de la politique familiale.
M. Guy Fischer. Si, 70 euros !
M. Gilbert Chabroux. Elle a failli être totalement oubliée. L'année dernière, le transfert d'une partie des excédents n'obérait nullement les mesures nouvelles en faveur des familles. Je pense à la création du congé de paternité, qui a connu un franc succès, à la dotation de 1,5 milliard de francs pour la création de 20 000 places supplémentaires de crèche,...
Mme Nelly Olin. Elections obligent !
M. Gilbert Chabroux. ... à la majoration importante de l'allocation de présence parentale, sans oublier la revalorisation de 2,1 % de la base mensuelle des allocations familiales.
Vous ne dites plus rien...
Dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2003, on cherche en vain la politique familiale. Il n'y a rien, même pas une revalorisation significative des allocations familiales, qui aurait pu constituer un signal.
M. Alain Vasselle, rapporteur. Vous pouvez en parler ! Qu'avez-vous fait ?
M. Gilbert Chabroux. Une seule mesure, laborieuse, est destinée à atténuer la baisse des ressources des familles qui comptent au moins trois enfants et dont l'aîné atteint l'âge de vingt ans. Mais elle ne s'appliquera qu'au 1er juillet 2003, faute d'argent !
M. Jean-Louis Lorrain, rapporteur. Pourquoi n'y-a-t-il plus d'argent ?
M. Gilbert Chabroux. C'est ce que nous avait dit M. le ministre délégué à la famille lors de son audition par la commision des affaires sociales.
Dans le domaine des retraites, il nous faudra attendre douze mois pour connaître vos intentions...
M. Alain Vasselle, rapporteur, et M. Adrien Gouteyron, rapporteur pour avis. On a attendu cinq ans avec vous !
M. Gilbert Chabroux. ... mais, d'ores et déjà, certaines déclarations inquiétantes, certaines petites phrases pèsent lourd !
L'augmentation de 1,5 % qui est prévue au 1er janvier prochain est inférieure à celle de la base mensuelle des allocations familiales, qui est de 1,7 %. Pourquoi cette différence ?
Pour les retraites, vous vous calez sur l'inflation prévisionnelle pour 2003, mais vous oubliez le rattrapage au titre de 2002, ainsi que le coup de pouce pour la participation aux fruits de la croissance.
L'année dernière, il est vrai, M. Dominique Leclerc avait considéré que l'augmentation de 2,2 % était excessive et que la politique des coups de pouce nuisait « profondément à la lisibilité de l'action publique ». Il avait également déclaré que la partie relative à l'assurance vieillesse du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2002 « mélangeait le vide et la gesticulation ».
M. Dominique Leclerc, rapporteur. Oui, mais nous, nous sommes responsables !
M. Gilbert Chabroux. Que pensez-vous, en toute sincérité, du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2003 ?
M. Adrien Gouteyron, rapporteur pour avis. Du bien !
M. Gilbert Chabroux. Il n'y a rien, ou presque rien, pour la famille et pour les retraites. N'est-ce pas le « vide » que vous créez ?
M. Paul Blanc. Le vide que vous avez laissé dans les caisses !
M. Dominique Leclerc, rapporteur. C'est l'héritage !
M. Gilbert Chabroux. Le fonds de réserve pour les retraites relevait, aviez-vous déclaré, de la « gesticulation », vous dites aujourd'hui du « discours ».
M. Dominique Leclerc, rapporteur. Oui !
M. Gilbert Chabroux. C'est sans doute pour cette raison qu'il sera doté d'environ 4 milliards d'euros en 2003 au lieu de 5 milliards d'euros en 2002. Le projet de budget pour 2003 prévoit pourtant 8 milliards d'euros de recettes issus de la vente d'entreprises publiques, qui n'alimenteront pas le fonds de réserve pour les retraites.
La branche accidents du travail et maladies professionnelles n'est pas beaucoup mieux traitée. Le gouvernement précédent a pris de multiples mesures en faveur des victimes de l'amiante. Il a créé le fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante, le FIVA. Il a levé la prescription des maladies professionnelles et il s'est engagé dans la voie de la réparation intégrale.
Aujourd'hui, dans le rapport annexé à la loi, il n'est plus question que d'un éventuel passage à la réparation intégrale. Nous relevons là un manque de clarté et d'engagement politique.
Les propositions que vous faites pour une nouvelle gouvernance de la branche suscitent beaucoup d'inquiétude. Il est tout à fait envisageable, et même souhaitable, de créer une branche autonome et une caisse nationale propre à la gestion des risques professionnels gérés par les partenaires sociaux et les représentants des victimes. Ce n'est pourtant pas ce que vous proposez.
Vous voulez changer la règle de désignation des membres de la commission des accidents du travail et des maladies professionnelles pour permettre le retour du MEDEF au sein de cette branche (Exclamations sur les travées du RPR),...
M. Paul Blanc. Nous y voilà !
M. Gilbert Chabroux. ... alors même qu'il continuerait d'être absent du conseil d'administration de la CNAM.
On peut imaginer sans peine les motivations du MEDEF, qui a déjà déclaré à plusieurs reprises que les assurances pouvaient fort bien se substituer à la sécurité sociale.
M. Guy Fischer. Nous y sommes !
M. Gilbert Chabroux. Le problème le plus grave - et il est de taille - que pose ce projet de loi de financement de la sécurité sociale par rapport aux années précédentes tient aux comptes de la sécurité sociale qui sont maintenant présentés en déficit, un déficit très lourd qui constitue une menace pour le régime que nous connaissons et auquel nous sommes très attachés.
M. Adrien Gouteyron, rapporteur pour avis. Grâce à qui ?
M. Gilbert Chabroux. Pas grâce à qui, mais par la faute de qui, et je vais en parler !
M. Alain Vasselle, rapporteur. A cause de qui ? Faites votre mea-culpa !
M. Jean Chérioux. Vous l'avez mis bien mal en point !
M. Dominique Leclerc, rapporteur. C'est de l'amnésie !
M. Gilbert Chabroux. Il est vrai que le déficit porte d'abord sur l'exercice 2002...
M. Jean Chérioux. Eh oui !
M. Gilbert Chabroux. ... et qu'il tient pour une large part à la conjoncture. (Ah ! sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
C'est la vérité !
M. Jean Chérioux. Ce n'est pas la conjoncture !
Mme Nelly Olin. Qu'avez-vous fait de la croissance ?
M. Gilbert Chabroux. Le chômage, même s'il marque une pause au mois de septembre, augmente de 4,5 % sur l'année.
M. Jean-François Mattei, ministre. C'est le résultat de votre politique !
M. Gilbert Chabroux. L'indice de confiance des consommateurs et des chefs d'entreprise se dégrade. Le taux de croissance est sans cesse revu à la baisse.
M. Alain Vasselle, rapporteur. Conséquence de votre politique !
M. Dominique Leclerc, rapporteur. Merci les 35 heures !
M. Gilbert Chabroux. Vous vous abritez volontiers derrière l'héritage...
M. Jean Chérioux. Eh oui !
M. Gilbert Chabroux. ... en oubliant celui, ô combien difficile à assumer, de 1997. (Protestations sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
Mme Nelly Olin. Vous avez eu cinq ans !
M. Gilbert Chabroux. Le déficit cumulé s'élevait à 265 milliards de francs. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. Alain Vasselle, rapporteur. Pourquoi ne remontez-vous pas à 1940 ?
M. Gilbert Chabroux. Vous oubliez que les comptes de la sécurité sociale ont été rééquilibrés et qu'ils ont même dégagé des excédents en 1999, en 2000 et en 2001.
M. Alain Vasselle, rapporteur. Pas dans la branche famille !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Où sont passés les excédents ?
M. Gilbert Chabroux. Vous oubliez tout ce qui a été réalisé pendant cette période, qu'il s'agisse de la couverture maladie universelle (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste) , d'une politique familiale élargie à toutes les familles, de l'augmentation du pouvoir d'achat des retraites,...
M. Alain Vasselle, rapporteur. Qu'avez-vous fait des excédents ?
M. Gilbert Chabroux. ... de la création du fonds d'aide aux victimes de l'amiante.
Vous omettez de dire, monsieur le ministre - mais vous le savez parfaitement -, que, malgré ses imperfections, notre système de santé et de protection sociale est considéré comme l'un des meilleurs au monde.
M. Adrien Gouteyron, rapporteur pour avis. Nous n'avons jamais dit le contraire !
M. Gilbert Chabroux. Puissiez-vous le maintenir à cette place aussi longtemps que vous en aurez la charge !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Dans l'état où nous avons trouvé les hôpitaux et le reste !
M. Gilbert Chabroux. Si le déficit pour l'année 2002 est lié, pour une large part, à la conjoncture,...
M. Paul Blanc. Ah !
M. Gilbert Chabroux. ... il se trouve sensiblement dégradé par les dispositions que vous avez prises.
MM. Paul Blanc et Jean Chérioux. Et les vôtres ? Les 35 heures !
M. Gilbert Chabroux. Vous avez augmenté, sans réelle contrepartie, la rémunération des médecins de ville : le niveau moyen de cette augmentation équivaut à un SMIC par mois.
M. Alain Vasselle, rapporteur. Et les 35 heures dans les hôpitaux ?
M. Claude Estier. Arrêtez avec les 35 heures !
M. Gilbert Chabroux. Le surcoût pour l'assurance maladie s'élève à 900 millions d'euros et la politique économique et sociale menée par le Gouvernement ne peut conduire qu'à des catastrophes.
Mme Nelly Olin. Pas plus que vous !
M. Gilbert Chabroux. Ce n'est pas en diminuant les impôts des plus favorisés que vous relancerez la consommation (Protestations sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants) , ce n'est pas en portant un coup d'arrêt aux 35 heures, en supprimant les emplois-jeunes, en réduisant les contrats emploi-solidarité que vous lutterez efficacement contre le chômage - et ce ne sont pas vos contrats-jeunes, dont personne ne veut, qui vont compenser !
La baisse des cotisations pèsera sur l'assurance maladie, comme sur les autres branches du régime général.
Compte tenu de ces différents facteurs, le déficit pour l'exercice 2002 devrait s'établir à 3,3 milliards d'euros. C'est beaucoup, mais cela reste néanmoins faible par rapport aux déficits des années 1995 à 1997.
En 1995, en effet, le déficit était trois fois plus important.
Le plus inquiétant, c'est la situation prévisible de l'année 2003. Le déficit risque de dépasser très largement les 3,9 milliards d'euros que vous nous annoncez, car il n'y a rien, dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale, qui soit de nature à nous rassurer, qu'il s'agisse de l'évolution des recettes ou des dépenses.
La sécurité sociale pour 2003 n'est pas financée. Elle dérive. Les objectifs de recettes que vous annoncez ne pourront être tenus. Le ministre des finances a lui-même reconnu que la prévision de 2,5 % de croissance relevait du pur volontarisme. Vous retenez une croissance de la masse salariale de 4 % alors qu'elle sera plus probablement de 3 %. La perte de recettes qui en résultera sera d'au moins 1 milliard d'euros pour le régime général.
Vous faites bénéficier l'assurance maladie d'une augmentation importante des taxes sur le tabac. Nous ne contestons pas l'intérêt d'une telle mesure en termes de santé publique, mais vous aurez de la peine à renouveler cette mesure chaque année pour réduire le déficit.
Vous prenez 1,283 million d'euros dans la Caisse d'amortissement de la dette sociale. J'apprécie ce que vous avez dit, monsieur le rapporteur pour avis, à ce sujet. Il y a un détournement d'objectif !
M. Adrien Gouteyron, rapporteur pour avis. Je n'ai pas dit cela !
M. Gilbert Chabroux. La CADES, vous l'avez dit en d'autres termes, a été créée pour couvrir la dette sociale...
M. Jean Chérioux. Qui avait été créé par vous ! Cette dette était la vôtre !
M. Gilbert Chabroux. ...et non pas une partie de la créance du FOREC. Vous devriez le savoir : la CADES a été créée en 1996 ! Elle est abondée à hauteur de 86 % par les salariés.
Vous laissez penser que ces fonds proviennent du budget de l'Etat. Vous allez à l'encontre de la mission de la CADES, qui est, je le répète, de payer les intérêts de la dette sociale. Vous faites rembourser par les assurés sociaux une dette de l'Etat à la sécurité sociale. Il s'agit d'un détournement d'objectif - je maintiens le terme - et d'un paradoxe.
M. Adrien Gouteyron, rapporteur pour avis. Après ce que vous avez fait !
M. Gilbert Chabroux. Effectivement, vous devriez savoir pourquoi la CADES a été créée en 1996. Je rappelle l'ampleur du déficit auquel nous avions à faire face.
M. Jean Chérioux. C'était le vôtre !
M. Gilbert Chabroux. La « tuyauterie » que vous avez tant décriée - j'ai entendu parler de « tuyau sans coude » ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC) - sera encore plus complexe et opaque,...
M. Alain Vasselle, rapporteur. La vôtre n'avait pas de robinets !
M. Gilbert Chabroux. ... alors que vous pouviez légitimement disposer de cet excédent pour abonder le fonds de réserve pour les retraites.
A propos de tuyauterie, il faut réserver une mention spéciale à celle qui permet de ponctionner les excédents de la CNAV de 830 millions d'euros au titre de la compensation démographique, en modifiant sans aucune concertation les règles de calcul et en comptabilisant les chômeurs dans les effectifs de cotisants.
Il fallait le faire, si j'ose dire !
J'en viens maintenant aux dépenses. Si la progression des ressources paraît très limitée, celle des dépenses de santé ne semble rencontrer aucun frein puisque pas une mesure structurelle n'est prévue pour maîtriser leur évolution, si ce n'est pour le médicament.
Nous parlerons demain du « plan médicament ». Disons simplement que la responsabilisation du patient sur laquelle il repose pour une large part est une hypocrisie, une duperie, et que c'est lui qui fera les frais d'un rapport trop inégal avec le médecin et la sécurité sociale.
M. Paul Blanc. Les Français apprécieront !
M. Gilbert Chabroux. L'ONDAM progresse de 5,3 %, la dotation de l'hôpital augmente de 5 %, celle de la médecine de ville, plus généreuse, de 5,6 %.
Ces progressions sensibles - nous le reconnaissons - sont-elles, pour autant, réalistes ? Seul le premier ONDAM, fixé en 1996 par Alain Juppé, n'a pas été dépassé.
M. Jean-Louis Lorrain, rapporteur. Et il était médicalisé, celui-là !
M. Gilbert Chabroux. Il n'était pourtant que de 1,5 %, mais on se souvient surtout des contraintes qui l'accompagnaient. C'était la politique du bâton !
L'ONDAM réalisé en 2002 s'élèvera à 7,2 %. Il sera difficile, puisque aucune réforme structurelle n'est prévue, d'atteindre un taux inférieur en 2003.
La Fédération hospitalière de France a estimé à 6,1 % le taux de progression nécessaire, calculé sur l'ONDAM 2002 rebasé, hors mesures nouvelles, pour couvrir les dépenses courantes de l'hôpital.
Le taux de 5 % que vous fixez ne suffira pas. Qu'allez-vous faire ? Avec quels moyens comptez-vous établir un collectif sanitaire complémentaire ? Doit-on comprendre qu'il s'agira de prendre acte de ce que certains appelleront la « faillite » de notre système de santé pour mieux justifier d'éventuels reculs sociaux !
M. Alain Vasselle, rapporteur. Mise en oeuvre par la gauche pendant cinq ans !
M. Gilbert Chabroux. Si les dépenses de santé progressent en 2003 au même rythme qu'en 2002, le déficit du régime général sera bien supérieur aux 3,9 milliards d'euros que vous annoncez : il approchera sans doute les 6 ou 7 milliards d'euros, ce qui portera au moins à 10 milliards d'euros le déficit cumulé.
Certains signes ne trompent pas : la version définitive du projet de loi de financement de la sécurité sociale prévoit d'autoriser au régime général un découvert plus important que la version provisoire communiquée aux caisses de sécurité sociale, soit 12,5 milliards d'euros au lieu de 11,5 milliards d'euros.
On ne saurait mieux dire que le Gouvernement s'attend au pire. N'avez-vous pas dit, monsieur le ministre, que la méthode que vous voulez employer ne donnera pas de résultat immédiat ? Quel sens faut-il donner à votre déclaration au journal Le Monde du 12 juillet dernier annonçant qu'il s'agit de « la dernière tentative pour sauver la sécu » ? Inquiétant !
M. Jean-François Mattei, ministre. Rassurant !
M. Gilbert Chabroux. En laissant filer les dépenses de santé, ne court-on pas le risque de créer une situation irréversible ?
M. Alain Vasselle, rapporteur. C'est ce que vous avez fait !
M. Gilbert Chabroux. Le candidat Jacques Chirac a déclaré qu'il voulait faciliter la systématisation des assurances complémentaires.
Le Premier ministre, M. Jean-Pierre Raffarin, à la question de savoir si, face à l'ampleur du déficit, il choisirait d'augmenter les cotisations ou de recourir à la couverture complémentaire, n'a pas caché sa préférence pour la seconde solution, soit, dit autrement, le déremboursement et sans doute, à terme, la privatisation partielle.
M. Alain Vasselle, rapporteur. Le mot est lâché !
M. Gilbert Chabroux. En proposant, le 31 octobre dernier sur France Inter, de restreindre la couverture de la sécurité sociale aux maladies graves, Jacques Barrot a relancé la polémique sur la survie du système de soins « à la française ».
M. Adrien Gouteyron, rapporteur pour avis. Il s'est expliqué !
M. Gilbert Chabroux. Le déremboursement à terme de 650 spécialités pour lesquelles le service médical rendu a été jugé insuffisant risque d'ouvrir une brèche. Les mutuelles complémentaires ont déjà fait savoir qu'elles ne suppléeraient pas la sécurité sociale. Va-t-on vers un système « à l'américaine » dans lequel les assurances sélectionnent non seulement les malades, mais aussi les médecins, qui doivent soigner selon des consignes très strictes ?
Certes, Jacques Barrot a fait machine arrière.
M. Adrien Gouteyron, rapporteur pour avis. Oui !
M. Gilbert Chabroux. Nous ne l'avons pas, paraît-il, bien compris. Monsieur le ministre, vous avez vous-même voulu rassurer les Français en affirmant qu'il n'y avait pas de « gros » et de « petits » risques. Vous nous avez dit que vous le réaffirmeriez au cours de ce débat.
M. Jean-François Mattei, ministre. Je confirme !
M. Adrien Gouteyron, rapporteur pour avis. Le ministre le sait ; il est médecin !
M. Gilbert Chabroux. Vous aurez du mal à nous convaincre, car il y a tout de même beaucoup de déclarations convergentes.
Il y a celle de M. François Fillon, qui affirmait, le 31 octobre aussi, sur LCI : « Nous sommes en train de regarder comment faire la part entre l'assurance obligatoire et l'assurance complémentaire, car il y a des choses qui doivent être prises en charge par la solidarité nationale et des actes qui devraient relever de l'assurance complémentaire. »
M. Hubert Falco, secrétaire d'Etat. Heureusement qu'il y a les assurances complémentaires !
M. Gilbert Chabroux. Il y a vos propres déclarations au Journal du dimanche, hier : « Il faut revoir le rôle respectif de la sécu et des régimes complémentaires, il faut sortir du tout gratuit et responsabiliser les patients. »
M. Alain Vasselle, rapporteur. Qu'y a-t-il de choquant à ça ?
M. Adrien Gouteyron, rapporteur pour avis. Vous avez peur de tout ce qui bouge !
M. Gilbert Chabroux. Monsieur le ministre, que doit recouvrir l'assurance complémentaire ?
M. Alain Vasselle, rapporteur. Tout ce qui dépasse !
M. Gilbert Chabroux. Les régimes complémentaires pourraient-ils proposer, comme vous l'avez dit, des couvertures variables selon la volonté de s'assurer pour tel ou tel risque ? Il va falloir nous éclairer.
M. Jean-François Mattei, ministre. Absolument !
M. Gilbert Chabroux. Ne cherchez-vous pas à remettre en cause les principes fondamentaux de la sécurité sociale, ...
M. Hubert Falco, secrétaire d'Etat et M. Adrien Gouteyron, rapporteur pour avis. On cherche à la sauver !
M. Gilbert Chabroux. ... dont l'égalité face au droit à la santé ? Je le redis, il vous sera difficile, monsieur le ministre, de dissiper nos inquiétudes...
M. Alain Vasselle, rapporteur. Il ne faut pas faire les mêmes erreurs que pour la CMU !
M. Gilbert Chabroux. ... et de nous convaincre que vous n'ouvrez pas, d'une certaine manière, la porte à la privatisation.
Certes, vous ne pouvez pas ouvertement privatiser la sécurité sociale,...
M. Alain Vasselle, rapporteur. Qu'avez-vous fait avec la CMU ?
M. Gilbert Chabroux. ... mais l'absence de maîtrise des dépenses en 2003, conjuguée à une prise en charge croissante des dépenses de santé par les assurés eux-mêmes, conduit à une privatisation insidieuse. Cela, nous ne pouvons l'accepter.
Nous restons très attachés à l'esprit des ordonnances de 1945,...
M. Adrien Gouteyron, rapporteur pour avis. Nous aussi !
M. Gilbert Chabroux. ... à un système fondé avant tout sur la solidarité...
M. Adrien Gouteyron, rapporteur pour avis. Nous aussi !
M. Gilbert Chabroux. ... et sur l'égal accès de tous aux soins de santé.
Nous voterons donc contre le projet de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. Gérard Dériot.
M. Gérard Dériot. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, après avoir entendu notre collègue Gilbert Chabroux, j'ai le sentiment que notre pays est confronté à l'apocalypse !
Je suis tenté de dire, monsieur Chabroux, que vous auriez peut-être dû être aussi soupçonneux à l'égard du gouvernement que vous souteniez que vous venez de l'être à l'égard d'un gouvernement qui n'est en définitive en place que depuis quatre mois, puisqu'il y a eu un mois de vacances. Que venez-vous de faire sinon la critique de la politique de santé qui a été menée dans notre pays pendant les cinq dernières années ? (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'Union centriste et du RPR.)
M. Adrien Gouteyron, rapporteur pour avis. Tout à fait !
M. Alain Vasselle, rapporteur. Très bien !
M. Gérard Dériot. Je ne reviendrai pas sur les analyses chiffrées du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2003 que MM. les rapporteurs ont exposées avec beaucoup de précision. Le groupe de l'Union centriste et moi-même souscrivons à leurs analyses. Comme le Gouvernement l'a indiqué à plusieurs reprises, ce projet de loi de financement de la sécurité sociale est un texte de transition, et nous le prenons comme tel.
De très importantes réformes sont prévues en 2003 : le projet de loi sur la santé publique, la réforme des régimes de retraite, notamment, et les suites de la Conférence de la famille.
Dans l'immédiat, le Gouvernement apporte une première réponse à la forte augmentation des dépenses d'assurance maladie. Je reviendrai sur ce thème lors du débat de demain.
J'insisterai dans mon propos sur deux autres aspects fondamentaux de notre politique de protection sociale : en premier lieu, sur l'indispensable réforme de notre système de retraite, et, en second lieu, sans empiéter sur les prérogatives de notre excellent rapporteur Jean-Louis Lorrain, sur la politique familiale.
S'agissant des retraites, mon groupe est particulièrement attaché au système par répartition. Ce système a fait ses preuves, dans un contexte démographique, il est vrai, plutôt favorable.
A présent, nous sommes engagés, comme la plupart de nos voisins européens, dans un processus sans précédent de vieillissement de notre population : en 2011, les plus de soixante ans représenteront un tiers des Français, contre 20 % actuellement.
La France, monsieur Chabroux, a pris du retard par rapport à la plupart des pays occidentaux dans l'indispensable adaptation de son régime de retraite. Le plus critiquable dans le système actuel, ce sont les disparités entre les différents régimes, régime général et régimes spéciaux notamment.
La récente modification des règles de compensation au détriment de la Caisse nationale d'assurance vieillesse des travailleurs salariés a suscité un émoi légitime. Les chômeurs ont été intégrés, je le rappelle, aux effectifs de la caisse vieillesse ; leurs cotisations de retraite étant prises en charge par le Fonds de solidarité vieillesse, cela a eu pour effet d'accroître le poids de la CNAV dans le mécanisme de compensation financière entre régimes, lequel fonctionne sur une base démographique. L'année prochaine, 830 millions d'euros lui seront donc demandés.
On ne peut continuer à faire ainsi appel à la solidarité entre régimes sans rapprocher les taux de cotisation et les règles de liquidation des retraites. A la veille du choc démographique prévu pour l'année 2005, une remise à plat des avantages de retraite de l'ensemble des Français est nécessaire. Il faut faire appel au sens de la justice et de la responsabilité de nos compatriotes face aux difficultés de demain. C'est la seule solution.
Saluons, à ce propos, la volonté de réforme du Gouvernement, lequel pourra compter sur le soutien de l'ensemble de la majorité sénatoriale sur ce sujet particulièrement sensible.
Un large débat renaît sur la création des fonds de pension. Monsieur le ministre, commençons par rendre viables les régimes surcomplémentaires qui existent déjà au profit de salariés restant dans leur entreprise jusqu'à la retraite, régimes que notre rapporteur appelle le « deuxième pilier » de notre système de retraite. La taxation des fonds au titre des prélèvements sociaux pose actuellement un réel problème et risque de dissuader les entreprises concernées de continuer à gérer ce genre de système.
Rappelons que le Sénat a adopté deux textes visant à créer des fonds d'épargne retraite accessibles à l'ensemble des salariés : la loi Thomas, qui a été abrogée par le précédent gouvernement, puis une proposition de loi, qui a été élaborée par le groupe de l'Union centriste et par la majorité sénatoriale.
D'après ce que l'on peut lire dans la presse, le Gouvernement envisagerait également d'instituer une incitation fiscale à la constitution d'une épargne retraite. Quelles que soient les modalités qui seront finalement retenues, l'important est de renforcer ces retraites sur-complémentaires, qui ne représentent actuellement que 4 % du financement de la retraite.
J'aborde maintenant le second point de mon propos, qui a déjà été développé par plusieurs orateurs et notamment par le rapporteur pour la famille, M. Jean-Louis Lorrain.
La politique familiale n'a pas été à la mesure des attentes des familles au cours des dernières années. Ainsi, entre 1997 et 2001, les prestations familiales sont passées de 3,9 % à 3,7 % du produit intérieur brut. L'ensemble des aides et des déductions fiscales accordées pour la garde d'enfants à domicile a fait l'objet d'une diminution importante. Parallèlement, les prévisions d'investissements en faveur des crèches ont été sans commune mesure avec les coûts de fonctionnement. De nouvelles prestations ont été créées, telle l'allocation de présence parentale, mais elles se sont avérées difficiles à gérer et ont finalement eu un impact limité.
Rompant avec la politique de son prédécesseur, le Gouvernement a souhaité agir en deux temps.
Une première mesure, qui répondra directement aux attentes des familles, est prise dans le cadre du présent projet de loi. Il s'agit de la création d'une allocation forfaitaire tendant à atténuer pour les familles nombreuses la perte des allocations familiales lorsqu'un enfant atteint son vingtième anniversaire.
Nous soutenons évidemment cette mesure qui rejoint les préoccupations exprimées voilà quelques années par notre collègue Annick Bocandé dans une proposition de loi cosignée par les membres du groupe de l'Union centriste. C'est lorsque le jeune adulte coûte le plus cher à ses parents que ces derniers se voient privés du soutien indispensable de la collectivité. L'article 40 tend très opportunément à atténuer cette anomalie.
Le Gouvernement envisage d'autres mesures, dans la continuation de la conférence de la famille. Il s'agit en particulier de la future allocation unique de libre choix. Il devient, en effet, indispensable de simplifier les prestations : vingt-cinq prestations légales, c'est, à notre avis, beaucoup trop. Les caisses d'allocations familiales doivent tenir compte de 15 000 règles de droit et gérer 70 millions de pièces justificatives. C'est invraisemblable !
Parallèlement, afin de pérenniser l'effort financier engagé en faveur des familles, il faut redonner son autonomie financière à la branche famille et mettre fin progressivement aux ponctions sur ses excédents.
Depuis de nombreuses années, le principe de la séparation des branches est remis en cause de façon systématique. Selon M. le rapporteur pour la famille, depuis 2000, près de 6 milliards d'euros d'excédents ont ainsi été utilisés pour financer des dépenses sans rapport avec la politique familiale.
L'article 41 du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2003 prévoit de transférer 945 millions supplémentaires de la CNAF vers le fonds de solidarité vieillesse au titre de la prise en charge des majorations pour enfants.
La politique familiale devrait normalement être centrée sur les familles actuelles. Or, les majorations constituent une aide à des personnes qui, par définition, ne sont plus chargées de famille. Nous soutiendrons donc l'initiative de la commission des affaires sociales en faveur d'une clarification des missions de la branche famille.
De façon plus générale, la simplification de notre système de protection sociale, plus particulièrement de son architecture générale, des compétences des différents acteurs et des flux financiers, est un impératif. C'est un débat que nous avons d'ailleurs eu voilà peu lors de l'examen du projet de loi constitutionnelle relatif à l'organisation décentralisée de la République.
Notre protection sociale, héritée de la Seconde Guerre mondiale, mérite sans doute à présent une profonde réforme. Ainsi, est-il rationnel que notre système paritaire, financé par des cotisations, gère des budgets d'action sociale aux côtés des collectivités locales ? Responsables d'établissements hébergeant des personnes âgées ou handicapées, associations gestionnaires, tous souhaiteraient avoir un interlocuteur unique.
En conclusion, ce projet de loi de financement de la sécurité sociale constitue une première étape importante dans le sens d'un véritable redressement de nos comptes sociaux. Au cours de l'année prochaine, en large concertation avec les partenaires sociaux, d'importantes réformes devraient intervenir en matière de santé, de retraites et de politique familiale. Après cinq années d'immobilisme, souhaitons que des avancées positives puissent être réalisées. Nous ne doutons pas de la résolution du Gouvernement, qui peut compter sur notre soutien.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, vous l'avez compris, l'Union centriste soutiendra le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2003 tel qu'il sera amendé par le Sénat.
Il me reste à féliciter les rapporteurs des deux commissions saisies. Je pense en particulier à mes collègues de la commission des affaires sociales, Jean-Louis Lorrain, Alain Vasselle et Dominique Leclerc, que je remercie de la qualité de leur travail, de même, bien sûr, que le président de cette commission, Nicolas About. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants).
M. le président. La parole est à Mme Marie-Claude Beaudeau.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Messieurs les ministres, votre présentation particulièrement habile de ce projet de loi de financement de la sécurité sociale ne doit pas masquer sa très grave portée.
Il traduit votre choix politique, choix lourd de conséquences pour l'avenir de tout notre système de protection sociale puisqu'il consiste à ne pas assurer son financement.
Monsieur le ministre de la santé, nous avons pris acte de vos déclarations quant à la nécessaire progression des dépenses de santé et au fait que le taux de l'ONDAM doit être plus réaliste. Vous admettez ainsi, a posteriori, l'inanité de la maîtrise comptable, même « médicalisée », que nous n'avons cessé de dénoncer.
Mais quelle démonstration tentez-vous de faire avec ce changement de ton, alors que le Gouvernement n'apporte pas de ressources réelles pour faire face au besoin de financement, lequel s'est considérablement accentué du fait de la faiblesse de la croissance ?
Dans ce projet de loi de financement de la sécurité sociale, vous faites le choix de l'imprévoyance financière délibérée ! Vous tablez sur un déficit du régime général de 3,9 milliards d'euros contre 3,3 milliards d'euros en 2002, et de 7 milliards d'euros pour la branche maladie. Ce déficit pourrait ainsi atteindre 10 milliards d'euros, celui du régime général atteignant 7 milliards d'euros, ce que confirme l'ouverture d'une autorisation de trésorerie de 12,5 milliards d'euros. Le plus frappant, c'est que vous ne prenez aucune mesure pour faire réellement face au déficit.
Ce n'est pourtant pas parce que de nouvelles dépenses destinées à mieux répondre aux besoins réels sont engagées que le déficit se creuse, puisque la logique d'austérité et de restriction est, malgré vos déclarations, maintenue.
Le taux de revalorisation des retraites, soit 1,5 %, est inférieur au taux prévisible de l'inflation.
Le constat est le même pour les allocations familiales, qui sont revalorisées de 1,7 %, et pour les allocations logement, qui augmentent de 1,2 % seulement alors que les loyers s'envolent. Les excédents de cette branche sont détournés vers le fonds de solidarité vieillesse.
Mon collègue Guy Fischer reviendra en détail sur l'assurance maladie. Pour ma part, je constate que l'ONDAM reste inférieur à l'évolution attendue des besoins.
La Fédération hospitalière de France fixe, par exemple, à 6,1 % la progression nécessaire des ressources des hôpitaux à périmètre d'activité constant. Vous ne leur accordez que 5 %.
La mise en place du remboursement sur la base des médicaments génériques établit une nouvelle discrimination puisque les médicaments « princeps » continueront d'être prescrits.
En fait, seules deux mesures ont la prétention d'augmenter les recettes mais elles ne sont destinées qu'à compenser des allégements de cotisations sociales patronales. Ces mesures sont particulièrement injustes. Avec la hausse des droits de consommation sur les tabacs, portés à 1 milliard d'euros par l'Assemblée nationale, vous faites payer aux fumeurs le nouveau cadeau que vous venez de consentir au patronat. Cette mesure de circonstance n'abaissera pas la consommation de tabac, comme en témoigne le niveau de recettes attendu.
En faisant payer par la CADES, pour 1,2 milliard d'euros, une partie des exonérations de cotisations non compensées décidées par le gouvernement précédent au nom des 35 heures, vous choisissez là aussi de ponctionner les salariés. La CADES, alimentée par la CRDS, la contribution pour le remboursement de la dette sociale, acquittée à 85 % par les salariés, a un objectif précis : le remboursement des déficits cumulés de la sécurité sociale de 1992 à 1998. La bonne tenue de sa trésorerie devrait servir à baisser le taux de la CRDS ou à accélérer les remboursements.
Dans la même veine, vous vous abstenez de supprimer le FOREC. Vous n'aviez pourtant pas, chers collègues de la majorité, de mots assez virulents pour dénoncer la « tuyauterie ». Eh bien, pour 2003, vous le maintenez et même vous l'abondez d'une fraction supplémentaire de la taxe sur les conventions d'assurance. Pour une large part, en effet, les ressources du FOREC proviennent de taxes et impôts qui lui étaient déjà affectés.
Nous défendrons quant à nous un amendement visant à supprimer le FOREC pour dénoncer le préjudice fait au budget de la sécurité sociale comme aux dépenses publiques et sociales de l'Etat.
La sécurité sociale est malade d'un manque de ressources en général, d'un manque de cotisations sociales en particulier. Les déficits sont directement le résultat de la montée du chômage, de la pression sur les salaires et de la baisse des cotisations patronales. La politique, suivie depuis bientôt dix ans, de baisse des cotisations patronales prive la sécurité sociale de ses recettes légitimes, directement mais aussi en tirant les salaires vers le bas sans créer d'emplois. En tout cas, aucun économiste n'a pu prouver qu'elle en créait, comme l'ont dit les auteurs de l'audit des finances publiques de juin.
Il faut donc y mettre un terme !
Une conviction et un choix de société justifient nos propositions et nos amendements : l'entreprise, lieu de la création de richesses, doit être au coeur de la solidarité nationale et la cotisation sociale, part socialisée de la rémunération du travail, au coeur du financement de la protection sociale.
Dans ce sens, nous demandons l'extinction progressive des multiples dispositifs de déduction des cotisations sociales.
Nous défendons aussi une refonte et un élargissement de l'assiette des cotisations. Il est anormal que des rémunérations parallèles - participation, épargne salariale, etc. -, qui viennent d'ailleurs concurrencer la retraite par répartition n'y soient pas assujetties, ce qui entraîne un manque à percevoir de plusieurs dizaines de milliards d'euros.
Nous proposons, en outre, dans un sens favorable à l'emploi, de moduler les taux de cotisations par branche d'activité en tenant compte de la valeur ajoutée moyenne créée et de l'intensité de main-d'oeuvre.
Enfin, nous considérons qu'une hausse des taux ne doit pas être exclue pour faire face à l'évolution des demandes et à l'émergence de besoins nouveaux. Je pense notamment ici à l'allocation personnalisée d'autonomie.
S'agissant en particulier du secteur hospitalier, nous demandons toujours la suppression de la taxe sur les salaires et nous serons très attentifs à la fin annoncée de la surcompensation au titre de la CNRACL.
A nos yeux, la hausse de la productivité peut et doit contribuer au maintien et à l'amélioration de la protection sociale dans notre pays. Le rapport du Conseil d'orientation des retraites a fait la démonstration que, avec une prévision de croissance basse, à hauteur de 1,6 % par an, le financement des retraites serait garanti par un prélèvement supplémentaire égal à seulement un tiers des gains de productivité réalisés d'ici à 2040.
Le financement de la protection sociale par la cotisation est un gage d'égalité et de sécurité. Vous le remettez en cause pour augmenter les marges de profit des entreprises, mais la protection sociale devra bien être financée, monsieur le ministre, sauf à exclure une partie de la population de son bénéfice.
En refusant de faire face aux déficits dès 2003, vous mettez en oeuvre des projets dangereux, porteurs de graves inégalités, projets qui tendent vers le modèle américain, dont nous connaissons tous la nature.
Vous comptez réduire le périmètre d'intervention de la sécurité sociale en livrant des pans de la protection sociale au privé. Pour cela, vous commencez, comme vous l'avez déclaré au Journal du dimanche, par « revoir le rôle respectif de la sécu et des régimes complémentaires ». Vous affirmez qu'il faut sortir du « tout gratuit ».
Le précédent déplorable que constitue la CMU en matière d'extension potentielle du champ des régimes complémentaires ne saurait vous servir de prétexte, monsieur le ministre, puisque le versement de 90 % des prestations est assumé par l'assurance maladie.
L'expression « budget de transition », que vous avez employée, prend ainsi tout son sens : alors que vous voudriez donner un cachet de modestie au présent texte, elle signifie que la déstructuration de la sécurité sociale, notamment de son financement par l'entreprise, sera poursuivie.
Mes collègues Michelle Demessine et Guy Fischer préciseront notre analyse pour les branches vieillesse, famille et santé. Je formulerai pour ma part quelques remarques concernant la branche accidents du travail et maladies professionnelles du régime général.
Que l'on me permette d'insister sur les dispositions inquiétantes que comporte le présent projet de loi pour cette branche.
Tout le monde en convient, le nombre des accidents du travail et des maladies professionnelles progresse rapidement. Les cas reconnus de maladies professionnelles sont ainsi déjà passés de 17 000 en 1998 à 30 000 en 2000. C'est le résultat direct de l'explosion de la précarité, de la flexibilité, des horaires atypiques, du travail intérimaire et, d'une manière générale, de l'intensification de l'exploitation des travailleurs, dont atteste l'enquête sur l'accroissement de la pénibilité physique et mentale du travail depuis vingt ans que l'INSEE vient de rendre publique.
Les besoins de financement de la branche accidents du travail et maladies professionnelles sont donc destinés à croître, d'autant plus que nous sommes en pleine phase de montée en charge du fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante et du fonds de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante, le FCAATA, dont la dotation, provenant de la branche accidents du travail et maladies professionnelles s'élève à 640 millions d'euros pour 2003. Le nombre des victimes de l'amiante devrait malheureusement exploser dans les années à venir.
Pourtant, malgré ces prévisions, la commission accidents du travail et maladies professionnelles prend la décision, comme l'indique le rapport annexe, de bloquer le taux des cotisations patronales, qui est déjà passé de 3,37 % en moyenne à 2,21 % depuis 1990, ce qui est aussi gravissime pour la prévention.
Ainsi, le léger excédent de la branche et ses réserves, dus au phénomène de sous-déclaration aujourd'hui reconnu, vont être rapidement épuisés, et la branche se trouvera « dans le rouge » à la veille de l'explosion probable des besoins.
Parallèlement, de façon très préoccupante, il n'est plus fait mention, dans le rapport annexé, que d'un passage « éventuel » à la réparation intégrale des accidents du travail et des maladies professionnelles, objectif qui semblait faire pourtant l'unanimité, mais il est vrai que c'était en période électorale. (M. Paul Blanc rit.) En outre, l'article 38 du projet de loi, rédigé sur mesure pour le MEDEF, organise le retour de celui-ci en position dominante dans la gestion de cette branche, indépendamment de son retour dans la gestion de l'assurance maladie.
Toutes ces évolutions et dispositions me laissent à penser que la branche accidents du travail et maladies professionnelles constitue pour le MEDEF, auquel vous apportez votre soutien, une sorte de laboratoire de la privatisation de la sécurité sociale.
De plus en plus exonéré des contributions qui lui incombent, le patronat prétend intervenir directement pour livrer des pans entiers de la sécurité sociale à l'appétit des marchés financiers, assureurs en tête.
Pour conclure, monsieur le président, messieurs les ministres, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, permettez-moi de vous lire un court extrait de l'exposé des motifs de l'ordonnance du 4 octobre 1945 instituant la sécurité sociale.
M. Paul Blanc. De Gaulle !
Mme Marie-Claude Beaudeau. Et Ambroise Croizat !
« La sécurité sociale répond à la préoccupation de débarrasser les travailleurs de l'incertitude constante qui crée chez eux un sentiment d'infériorité et qui est la base réelle de la profonde distinction des classes, entre les possédants, sûrs d'eux-mêmes et de leur avenir, et les travailleurs, sur qui pèse à tout moment la menace de la misère. »
Ces orientations données par les pères de la sécurité sociale, approuvées par un vote unanime de l'Assemblée nationale le 27 avril 1946, sans que l'on ait organisé de débat, pour mieux marquer cette unanimité, ne sont-elles pas, plus que jamais, d'actualité ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Bernard Murat. (Applaudissements sur les travées du RPR.)
M. Bernard Murat. Monsieur le président, messieurs les ministres, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, les Français ont tellement entendu, depuis des années, la classe politique s'inquiéter de la crise de notre système de protection sociale que le débat actuel ne leur semble pas beaucoup plus grave que d'habitude ni plus lourd de conséquences.
Pourtant, aujourd'hui, l'état des lieux est si préoccupant que tout l'édifice vacille. Le temps est venu de proposer, dans le cadre de la loi, une politique responsable, courageuse pour sauver un système qui, depuis plus de cinquante ans, grâce au général de Gaulle, fait partie de notre patrimoine commun.
Ainsi, la dette liée aux comptes sociaux accumulée au fil des ans démontre bien la faiblesse de la gestion de notre système de protection sociale. Les conséquences en sont très graves, puisque, année après année, il est fait un choix implicite : celui de reporter sur les générations futures la charge de la dette.
En ce qui concerne le passé, la réforme de 1996 avait assaini la situation financière de la sécurité sociale en cantonnant la dette cumulée, qui dépassait 20 milliards d'euros, dans une structure à part, la CADES, et en créant parallèlement, pour financer le remboursement de cette dette, la contribution pour le remboursement de la dette sociale, la CRDS.
En dépit de la croissance enregistrée ces dernières années, les déficits se sont de nouveau accumulés, engendrant une nouvelle dette, qu'il va bien falloir prendre en charge, d'autant que les perspectives offertes par les comptes des différentes branches sont préoccupantes.
A législation constante, les comptes de la branche famille et de la branche accidents du travail et maladies professionnelles devraient être équilibrés dans les prochaines années.
Grâce à la courageuse réforme de 1993, la branche retraite du régime général, qui, certainement, aurait déjà sombré « dans le rouge » si l'on n'avait pas agi, est, pour le moment, équilibrée. Mais nombreux sont les rapports qui démontrent à quel point les échéances prochaines vont être difficiles, avec le départ à la retraite des personnes nées après la guerre et l'installation inexorable d'un ratio démographique très défavorable. Mais je reviendrai sur cette question dans mon propos sur l'assurance vieillesse.
Ainsi que l'a parfaitement exposé notre éminent collègue Alain Vasselle, c'est la situation de la branche maladie qui est actuellement la plus préoccupante. L'évolution des charges financières de la branche, qui doublent entre 2000 et 2003, passant de 205 millions à 400 millions d'euros, impose d'agir vite et efficacement. Dans le cas contraire, nous prendrions le risque de nous retrouver, dans quelques années, dans la situation des années 1994-1995 et de devoir trouver une solution pour financer la nouvelle dette.
Lors du débat sur les prélèvements obligatoires qui s'est tenu au Sénat voilà deux semaines à peine, s'il y avait un consensus, c'était bien sur la volonté de maîtriser le niveau de ces prélèvements, sinon de les alléger pour améliorer l'attractivité économique de la France, qui en a bien besoin. Il est donc hors de propos de créer une nouvelle contribution.
Par conséquent, il est impossible de reculer et de renoncer à réformer sauf à faire preuve d'irresponsabilité. La tâche est rude et ingrate, mais nous avons confiance en vous, monsieur le ministre, et dans les autres membres du Gouvernement concernés, pour vous y atteler et respecter les promesses faites par le Président de la République pendant la campagne pour l'élection présidentielle.
Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2003 est l'occasion de poser les premiers jalons de ces réformes indispensables.
Il opère tout d'abord un début de clarification salutaire dans les relations financières entre l'Etat et la sécurité sociale.
Ainsi, l'on peut se féliciter de la compensation, pour la sécurité sociale, des pertes résultant de l'entrée en vigueur du nouvel allégement général de cotisations sociales patronales. Le Gouvernement respecte ainsi le principe posé par la loi du 24 juillet 1994.
De même, le Gouvernement a décidé d'honorer la moitié de la dette de l'Etat à l'égard du FOREC, ce que la précédente majorité s'était refusée à faire, malgré toutes les tentatives de la Haute Assemblée pour attirer l'attention du précédent gouvernement sur cette obligation.
Enfin, la suppression, annoncée pour 2004, du FOREC, source de contentieux inépuisable entre l'Etat et la sécurité sociale en raison de son financement opaque, ne peut que nous satisfaire. Notre collègue Alain Vasselle a exposé dans son rapport les griefs que la majorité sénatoriale a toujours exprimés à l'égard de ce fonds : opacité et complexité de son financement, spoliation organisée des recettes affectées initialement à d'autres branches. Il a également fait des propositions pour rétablir l'équilibre des comptes du FOREC que nous approuvons.
Une gestion saine des recettes et des dépenses liées aux allégements de charges doit être substituée au FOREC. Nous savons que cela pourrait entraîner une charge financière extrêmement lourde pour le budget de l'Etat. Pour autant, nous pensons que c'est bien ce dernier qui doit assumer le coût de sa politique de l'emploi, et non pas la sécurité sociale. L'exercice 2004 risque de se révéler délicat, sachant que l'on comprendrait difficilement que des recettes liées aux droits de consommation sur les tabacs et les alcools, qui alimentent actuellement pour une large part le FOREC, puissent avoir une autre affectation que le financement de la sécurité sociale.
Malgré cette amorce de clarification financière, malgré un projet de loi crédible, fixant des objectifs réalisables et présenté comme un texte de transition, certains défauts trop visibles subsistent, monsieur le ministre.
La commission des affaires sociales a fait un travail remarquable de remise en ordre des comptes, améliorant la clarification financière des comptes sociaux, ce qui, je l'espère, ne vous laissera pas insensible.
Dans le respect de l'autonomie financière de chaque branche du régime général, les propositions de la commission me paraissent fournir l'occasion de « débrancher » quelques « tuyaux » contre nature que le gouvernement précédent avait mis en place.
Je considère en effet que nous devons aller vers toujours plus d'autonomie pour chaque branche : les difficultés de l'une ne doivent plus être dissimulées par les bons résultats des autres. Cette clarification nécessaire présentera notamment un mérite pédagogique pour les usagers et pour les médias.
Chaque branche a d'ailleurs vocation à être réformée au regard de difficultés qui ne sont pas de même nature.
En ce qui concerne la branche famille, nous ne pouvons que nous réjouir du tournant amorcé par ce projet de loi, qui permet de se rapprocher des attentes que nous avions exprimées à plusieurs reprises et qu'a brillamment exposées M. Christian Jacob.
Plutôt que de s'approprier la politique familiale, la précédente législature n'a eu de cesse de retirer son soutien aux familles et s'est en réalité appropriée leur argent. Pendant cinq ans - j'insiste sur ce chiffre -, le gouvernement a mis en place un système de pillage organisé de la branche famille.
M. Paul Blanc. Eh oui !
M. Bernard Murat. Il a détourné des milliards pour financer les 35 heures, « détournement de fonds » qu'a d'ailleurs sanctionné le Conseil constitutionnel.
Pendant cinq ans, vos prédécesseurs, monsieur le ministre, ont réduit la politique familiale à une politique sociale. Ils ont soumis le versement des allocations familiales à des conditions de ressources et ont réduit de moitié le montant de l'AGED, l'allocation de garde d'enfant à domicile, et le plafond du quotient familial.
M. Guy Fischer. Qui touchait l'AGED ?
M. Bernard Murat. Pendant cinq ans, les associations familiales ont été considérées comme quantité négligeable.
Pendant cinq ans, il n'a été question que d'une politique étatiste et interventionniste, privilégiant les actions dans l'urgence à un investissement à long terme. Nous n'avons eu de cesse, d'ailleurs, mes collègues de la majorité sénatoriale et moi-même, de dénoncer dans cet hémicycle cette situation, telle que nous la percevions, sur le terrain, au contact des familles et de leurs associations.
Dans ces conditions, monsieur le ministre, il ne faut pas s'étonner que l'attente des familles soit grande aujourd'hui.
« La famille est au coeur du pacte républicain qui fonde l'action du Gouvernement et aucune politique économique et sociale ne pourra faire l'économie d'une politique familiale audacieuse », affirmait dernièrement le Premier ministre. Voici ce que les familles françaises attendent : une politique familiale audacieuse, respectueuse de leur liberté, incitative pour les aider à accueillir et à élever leurs enfants dans les meilleures conditions psychologiques et morales possibles.
Les familles exercent diverses fonctions, apportent le renouvellement et l'innovation nécessaires à toute société, et cela dans tous les domaines économiques, culturels, politiques et sociaux. Elles favorisent et soutiennent la socialisation de leurs membres, enfants et adultes, elles contribuent à une certaine culture du dialogue et cultivent le sens de la coresponsabilité. Elles peuvent aussi transmettre des valeurs, en partenariat avec l'éducation nationale, et conférer - si une réflexion sur le sens de la vie a lieu - plus d'humanisme à la génération de demain. Encore faut-il que les familles se sentent épaulées et accompagnées dans leurs démarches. La politique familiale doit composer avec divers concepts : la promotion de l'égalité entre les partenaires, le renforcement de la place de l'enfant, la solidarité familiale, interfamiliale et intergénérationnelle.
La famille est primordiale, puisqu'elle fonde à la fois la personnalité et la sociabilité des personnes. La cohésion sociale est dépendante de la stabilité familiale : l'évolution survenue au cours des dernières décennies montre bien cette interdépendance entre crise sociale et crise de la famille. Lorsqu'il y a démission des parents et de la famille apparaissent les difficultés scolaires, la violence et, à terme, la délinquance.
L'Etat ne doit effectivement pas se substituer aux familles, contrairement à ce qu'il a été fait dans le passé. Il doit soutenir leur développement et assurer leur stabilité, face aux risques sociaux - maladie, perte d'emploi - ainsi qu'aux contraintes professionnelles, grâce à des structures d'accueil pour les enfants, à l'aménagement du temps de travail, aux congés parentaux.
Une « politique familiale ambitieuse » pourrait être fondée sur la reconnaissance du rôle prépondérant des parents dans le développement de leurs enfants et sur le soutien de l'Etat aux familles les plus déstructurées, afin qu'elles puissent se recomposer, et à toutes les structures familiales, y compris les familles monoparentales afin qu'elles puissent s'épanouir.
Quoi qu'il en soit, et comme l'a souligné le rapporteur pour la famille, M. Jean-Louis Lorrain, le présent projet de loi de financement de la sécurité sociale marque, à ce titre, une transition, même s'il ne constitue pas encore un acte fort en direction des familles.
L'amélioration des allocations familiales pour les « grands enfants », l'augmentation de l'exonération pour les emplois familiaux et le doublement de l'abattement pour les donations des grands-parents aux petits-enfants illustrent bien la volonté du Gouvernement d'agir en la matière, et ce dans un contexte budgétaire tendu, qui ne lui laisse que peu de marges de manoeuvre.
Ces mesures d'ordre conjoncturel, comme les qualifient certains, sont les prémices, avant la conférence de la famille qui se tiendra au printemps prochain, de la mise en place de la véritable politique familiale qu'attendent les Français.
En ce qui concerne la branche retraite, monsieur le ministre, je ne peux que constater, comme le rapporteur pour l'assurance vieillesse, M. Dominique Leclerc, et le rapporteur pour avis, M. Adrien Gouteyron, que vous n'avez pu faire en six mois ce que le précédent gouvernement n'a pas fait en cinq ans. Aucune disposition du présent projet de loi de financement de la sécurité sociale n'amorce l'indispensable réforme des retraites. Mais, force est de le constater, à la différence des années précédentes, le Gouvernement s'est engagé à entreprendre une réforme de notre système de retraite au cours du premier semestre de 2003. Nous sommes sûrs qu'il tiendra ses engagements. Quelque 85 % des Français réclament d'ailleurs cette réforme.
En ce qui concerne les retraites, tout a été dit, et je serai donc bref. Le veillissement croissant de la population, avec ses conséquences sur les retraites, est un problème auquel tous les pays industrialisés sont confrontés. Alors que la réforme du système est inscrite depuis longtemps dans notre agenda politique, la volonté politique de réformer le système faisait jusqu'à présent défaut. Pourtant, le temps presse, et l'année fatidique pour les retraites approche... L'arrivée prochaine à l'âge de la retraite des générations du baby-boom provoquera, en effet, un choc brutal dès 2005. On estime que, à l'échéance de 2040, c'est un trou de l'ordre de 400 milliards de francs qu'il faudra combler. Je ne vous apprends rien, mais ces vérités doivent être dites haut et fort aux Français, qui sont désinformés par des rapports volontairement optimistes, comme celui de M. Teulade.
M. Adrien Gouteyron, rapporteur pour avis. Oui !
M. Bernard Murat. Le Gouvernement s'y est déjà employé, et s'y emploiera encore d'ici au printemps prochain, puisque, animé d'une détermination très forte, il s'est engagé à agir pour sauvegarder notre système de retraites.
La concertation, la négociation sont certes nécessaires, mais le temps est aujourd'hui à la prise de décisions, décisions qui ne seront peut-être pas faciles à arrêter et qui nécessiteront immanquablement courage et fermeté. Vous pourrez compter sur nous, monsieur le ministre, pour être vos relais, pour vous appuyer et faire bloc derrière vous, car les enjeux sociaux et financiers sont énormes.
En ce qui concerne la branche maladie, le texte présenté pose la première pierre de la réforme de l'assurance maladie en panachant actions de soutien pour financer des besoins prioritaires et mesures d'économies. L'assurance maladie fait l'objet d'un débat spécifique, aussi limiterai-je mon propos à deux remarques.
Première remarque, je me félicite, contrairement à notre éminent collègue Gilbert Chabroux, de ce que le Gouvernement ait enfin entendu les professionnels de santé et su renouer le dialogue avec eux.
M. Paul Blanc. Très bien !
M. Bernard Murat. La mesure la plus symbolique me paraît être la suppression des lettres clés flottantes, système qui révoltait les professionnels et tendait à les désigner comme des boucs émissaires. Le système, qui doit être réformé, ne pourra l'être qu'en partenariat avec eux. Notre groupe soutient la démarche que vous avez engagée avec eux afin d'établir une maîtrise médicalisée des dépenses de santé.
Ma seconde remarque est liée à la première : la maîtrise médicalisée des dépenses de santé passe également par la responsabilisation des patients. Le présent projet de loi met en place pour la première fois une mesure allant dans ce sens, et nous nous en félicitons. Aujourd'hui, nous sommes conscients de la nécessité de sortir de la logique du « tout-gratuit », pour reprendre votre expression, monsieur le ministre. La rationalisation des dépenses de santé est inévitable si l'on veut conserver un système de protection sociale solidaire tel que celui que nous avons aujourd'hui et auquel nous sommes tous attachés.
En ce qui concerne la branche accidents du travail et maladies professionnelles, les recettes sont très majoritairement fondées sur les cotisations. Les dernières années de croissance ont permis de faire face aux dépenses qui, en revanche, croissent très régulièrement.
Dès cette année, le Gouvernement agit pour améliorer la gestion de la branche et clarifier les financements.
La branche est enfin dotée d'un conseil de surveillance, premier pas vers une autonomie salutaire. Il est également mis en place un nouvel outil de gestion : une convention d'objectifs et de gestion qui aura vocation à donner une meilleure visibilité à l'équilibre financier de la branche et à l'action de cette dernière.
Quant à la nécessaire poursuite de la réparation intégrale du préjudice, à la lumière des rapports élaborés ces dernières années, nous partageons la solution de sagesse du Gouvernement qui consiste à procéder à une évaluation de l'ampleur de la réforme avant d'en négocier les modalités avec les partenaires sociaux.
Dans ce cadre, je voulais, monsieur le ministre, attirer votre attention sur le montant des allocations versées aux victimes de l'amiante bénéficiant du dispositif de cessation anticipée d'activité.
Je sais qu'en 2001 et en 2002 le nombre de dossiers transmis au fonds a doublé et que les dépenses sont en forte hausse. Cependant, le montant des allocations, qui représente 65 % du salaire brut de la dernière année d'activité, semble très faible, notamment pour ceux qui ne touchaient que des salaires modestes, proches du SMIC.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Nous avons déposé un amendement !
M. Bernard Murat. Leur situation devra être examinée avec le plus grand soin.
Monsieur le ministre, vous avez fait un héritage sans bénéfice d'inventaire. Votre statut professionnel, votre passé de parlementaire et la haute conscience que vous avez de vos responsabilités sont, à nos yeux, les meilleures garanties pour redresser une situation qui s'est détériorée au fil des ans.
En tant que gaulliste, j'affirme que, contrairement à ce que prétendent certains de nos collègues dans cet hémicycle, votre projet de loi ne porte pas atteinte aux principes fondateurs de la sécurité sociale,...
M. Guy Fischer. C'est le projet de tous les dangers !
M. Bernard Murat. ... principes de solidarité voulus par le général de Gaulle.
Tout au long de nos débats, vous pourrez en faire la démonstration. Soyez assuré du soutien du groupe du RPR, qui votera ce projet de loi de financement de la sécurité sociale tel qu'il sera amendé par notre assemblée. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à Mme Claire-Lise Campion.
Mme Claire-Lise Campion. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, le budget « de transition » que l'on nous propose de voter pour la branche famille n'a vraiment rien en communn avec les précédents budgets adoptés ces dernières années, pas le plus petit dénominateur commun ! A croire que la famille, telle que nous l'entendons, c'est-à-dire cet élément fondateur de notre vie en société, a complètement été abandonnée depuis le 17 juin dernier.
Le budget que nous présente le Gouvernement ne se réduit ainsi qu'à une seule mesure tangible en faveur des familles. De plus, cette mesure représente à peine 2 % des excédents de cette branche pour l'année 2003 ! Et encore faudra-t-il attendre juillet prochain pour que les familles en voient les effets. Il s'agit de la création d'une allocation forfaitaire de 70 euros par mois, que toucheront les familles ayant trois enfants et plus, dont l'aîné atteint vingt ans.
C'est une mesure juste, mais qui pèche par son manque d'équité. Pourquoi ne pas l'étendre aux familles de deux enfants, pour lesquelles la perte de revenus est comprises entre 108 et 163 euros par mois ?
En effet, c'est bien l'absence d'égalité, de solidarité entre les familles qui marque cette proposition de financement du budget de la branche famille, et qui tranche donc radicalement avec la politique familiale menée ces dernières années, par le gouvernement de Lionel Jospin.
Bien sûr, vous annoncez que les mesures pour les familles seront au coeur de la Conférence de la famille du printemps prochain. Personnellement, je ne crois pas que les familles doivent attendre.
Pourquoi reporter encore à 2003 ? La Conférence de la famille ne se sera pas tenue en 2002. C'est un fait ! Il est peut-être trop facile de dire qu'il n'y avait rien dans les dossiers ! Ainsi, plus de quinze mois se seront écoulés sans qu'aucune mesure spécifique n'ait été mise en place pour les familles. Que de temps perdu ! Le vote de ce projet de loi de financement de la sécurité sociale était pourtant une occasion rêvée pour adresser un signe fort aux familles. En effet, pendant ce temps, les besoins quotidiens de celles-ci s'accroissent, alors que leur pouvoir d'achat s'érode. C'est aussi un sentiment partagé et une inquiétude que l'un de nos collègues députés de la majorité a même manifestée lors des débats à l'Assemblée nationale.
Vous justifiez l'absence de mesures nouvelles, aujourd'hui, par l'installation de trois groupes de travail. Ces réflexions ayant déjà été menées par le précédent Gouvernement, vous pouvez donc gagner une année. (Exclamations sur les travées du RPR.) Certes, c'est un gain de temps pour le gouvernement actuel, mais les familles devront, elles aussi, attendre une année supplémentaire. Et, de ce point de vue, l'attente n'a rien de positif. Surtout quand on sait que ce point a été particulièrement et judicieusement mis en avant lors des campagnes électorales de cette année, par l'actuelle majorité parlementaire !
La famille est autre chose qu'un simple prétexte électoral. La famille, ou plutôt les familles dans ce qu'elles ont de différent et de particulier sont à la base même de notre vie civile. Et j'ai singulièrement l'impression que ce budget l'a occulté.
Au cours des cinq dernières années, la politique familiale, menée par le gouvernement de Lionel Jospin, a régulièrement développé des actions sociales et solidaires, en mettant en place de nouvelles mesures, de nouveaux dispositifs et des moyens plus importants pour répondre aux besoins des familles.
M. Bernard Murat. On voit où on en est !
Mme Claire-Lise Campion. Rappelons le congé de paternité, l'allocation de présence parentale pour les parents d'enfants malades, l'extension du bénéfice de l'allocation de rentrée scolaire aux familles d'un enfant et le quadruplement de son montant, la création d'une allocation différentielle pour atténuer l'effet de seuil, la création d'un fonds social pour garantir l'accès aux cantines scolaires des enfants des familles les plus modestes, la mise en place d'un fonds d'investissement de la petite enfance qui a permis le développement et le début d'un rééquilibrage des modes de garde, la réforme de l'allocation d'éducation spécialisée versée aux parents d'enfant handicapé, le renforcement de l'aide versée aux familles pour l'emploi d'une assistante maternelle, ou encore l'allocation parentale d'éducation. L'ensemble de ce dispositif fait acte de solidarité et répond indéniablement aux besoins des parents.
Aujourd'hui, force est de constater que nous sommes loin de ces enjeux. Je suis au regret de constater, en effet, que ce budget n'affiche pas la solidarité comme le premier de ses principes mais la fait plutôt reculer. A peine le projet de loi de finances propose-t-il une réduction d'impôts, dans son article 4, aux familles qui emploient un salarié à domicile. Encore faudrait-il que toutes les familles qui aspirent à faire garder leurs enfants chez elles en aient les moyens ! Ce crédit d'impôt est, de fait, une faveur de plus accordée à des familles aisées. Je le signale : il s'agit d'une réduction d'impôts sur le revenu de 1 500 euros et qui concerne les 70 000 familles les plus aisées.
Les associations familiales l'ont, d'ailleurs, elles-mêmes déplorée. Ainsi, l'Union nationale des associations familiales, l'UNAF, a publiquement regretté que « le Gouvernement fasse le choix d'une reproduction des inégalités ». La Confédération syndicale des familles évoque même « une politique familiale de droite, en faveur des familles riches ».
Or, je tiens à le rappeler, la politique de Lionel Jospin s'adressait à toutes les familles.
Paradoxalement, ce n'est pas l'absence de moyens financiers qui peut freiner les initiatives du Gouvernement en faveur des familles. Comme chacun le sait et la commission des comptes de la sécurité sociale l'a confirmé, la branche est excédentaire depuis 1999. Pour 2002, le solde positif - cela a déjà été dit à plusieurs reprises - devrait atteindre 1,1 milliard d'euros. Il me semble juste de rappeler que c'est le gouvernement de gauche qui a su ramener à l'équilibre le budget de la branche famille en 1999, après cinq années d'exercice déficitaire, de 1994 à 1998. Ainsi, pour la cinquième année consécutive, la branche devrait être excédentaire en 2003, alors qu'elle affichait un déficit de 14 milliards de francs en 1997.
Au total, ce sont plus de 438 millions d'euros qui ont profité aux familles en 2002, sous la forme des mesures nouvelles que j'ai précédemment citées.
Signalons encore que les dépenses au titre des prestations familiales ont, pour 2002, augmenté de plus de 500 millions d'euros, grâce aux choix qui ont été faits en 2000 et en 2001.
D'ailleurs la reprise de la natalité, qui a été constatée ces deux dernières années, avec un taux de fécondité de 1,9 en 2001, et qui était tant espérée ces dernières décennies, atteste que les choix politiques et économiques engagés pour les familles depuis 1997 sont bien ceux qui étaient attendus. Comme Mme Marie-Françoise Clergeau l'a indiqué dans le rapport qu'elle a élaboré à l'Assemblée nationale, une telle embellie des naissances sur deux années consécutives n'avait été observée qu'en 1981 et en 1982.
M. Bernard Murat. Si c'est grâce à vous, c'est bien ! Merci Jospin !
Mme Claire-Lise Campion. La similitude est troublante, puisqu'il s'agissait alors de l'arrivée des socialistes au pouvoir.
Mme Nelly Olin. Vous osez y croire ?
Mme Claire-Lise Campion. A croire que ce n'est que sous des gouvernements de gauche que les familles trouvent de nouvelles raisons d'espérer dans l'avenir !
M. Claude Domeizel. Très bien !
Mme Nelly Olin. Un peu de sérieux ! Un peu de décence !
M. Dominique Leclerc, rapporteur. Jospin avait quand même quelques mérites ! (Sourires sur les travées du RPR.)
Mme Claire-Lise Campion. Monsieur le ministre, vous nous avez annoncé, pour le projet de budget pour 2004, une nouvelle politique d'accueil pour les jeunes, avec la création d'une prestation d'accueil du jeune enfant. Il est alors dommage que des mesures porteuses d'avenir ne soient pas poursuivies. Je pense en particulier au fonds d'investissement pour la petite enfance qui, lancé en 2000, a favorisé l'émergence de nouvelles structures de modes de garde et a répondu ainsi aux demandes des parents.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Cela a tout de même été « cassé » par le Conseil constitutionnel !
Mme Claire-Lise Campion. En tant qu'élue locale, je peux témoigner de l'importance qu'a revêtue cette mesure pour nombre de collectivités qui avaient des projets en matière d'offres de modes de garde.
Aujourd'hui, des projets risquent de rester dans les cartons et les attentes des familles risquent de rester lettre morte. Celles-ci devront, une fois de plus, patienter et jongler avec des solutions complémentaires pour faire garder leurs enfants.
Je n'ai pas besoin de vous rappeler que seulement 9 % des enfants vont en crèche, alors que 26 % sont gardés grâce à la solidarité familiale ou de voisinage, sans qu'il soit possible de savoir si c'est vraiment par convenance personnelle ou, plutôt, par obligation ! (M. Bernard Murat s'exclame.) Comme M. Christian Jacob l'a indiqué lors de son audition devant la commission des affaires culturelles, familiales et sociales de l'Assemblée nationale, le 16 juillet dernier, « 91 % des enfants ne sont pas gardés dans des structures collectives ». Ainsi, l'accueil en structures collectives est, aujourd'hui, bien loin de répondre aux besoins et aux attentes qui sont exprimés par les parents lorsqu'on les interroge sur ce sujet.
Tout le monde s'accorde pour mettre en avant le fait que l'équilibre entre la vie professionnelle et la vie familiale constitue un plus dans l'éducation des enfants. Comment des mères mais aussi des pères vont-ils arriver à concilier ces deux impératifs s'ils ne trouvent pas pour leurs enfants des modes de garde conformes à leurs souhaits et à leurs attentes ?
A moins que la future prestation d'accueil du jeune enfant n'ait pour ambition de ramener des femmes sur le chemin de leur foyer... (M. le président de la commission des affaires sociales s'exclame.)
Il est donc urgent d'agir dans ce domaine, non seulement en créant une offre permettant de répondre aux attentes, mais aussi en s'attaquant au dossier de l'ensemble des professionnels de la petite enfance. L'accroissement de leurs effectifs et la reconnaissance d'un véritable statut restent des priorités. Pour les assistantes maternelles, soixante-deux propositions ont été faites, en avril dernier. Vous le savez, tout était prêt. Il est regrettable que ce travail de réflexion collective ne soit pas utilisé. Il serait donc tout autant regrettable que, sous le prétexte d'un changement de majorité, le groupe qui travaille actuellement sur ce dossier ne balaie ces propositions d'un revers de main.
Comment se satisfaire d'une progression annoncée de 1,7 % des prestations familiales ? En comparaison, on est loin des coups de pouce du gouvernement précédent, à savoir 1,8 % en 2001 et 2,1 % l'an dernier !
Comment justifier l'article 41 du projet de loi ? Celui-ci tend à poursuivre le transfert progressif du financement des majorations de pension pour enfant du fonds de solidarité vieillesse vers la Caisse nationale des allocations familiales, en portant de 30 % à 60 % la part que celle-ci prendra en charge. Cette mesure, due à l'initiative du gouvernement de Lionel Jospin, a toujours été contestée par la droite parlementaire, notamment ici, au Sénat. Je suis étonnée que, aujourd'hui, le Gouvernement la reprenne à son compte, et l'amplifie. C'est d'ailleurs sur ce point que la majorité s'est divisée à l'Assemblée nationale, lors de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale, en octobre dernier.
D'autant plus qu'avec le passage de 30 % à 60 % il existe, comme cela a été dit tout à l'heure, un vrai risque de déstabiliser la branche famille en 2004. C'est ce que la CNAF a confirmé lors des auditions par la commission des affaires sociales. Passer à 60 %, c'est, aujourd'hui, autant d'argent qui ne sert pas à financer des mesures nouvelles et ambitieuses pour les familles.
Elever un enfant, c'est l'éduquer à la vie, le former à devenir un citoyen actif, en ouvrant son esprit au monde qui l'entoure. Cela passe, pour les parents, par l'accessibilité aux différents modes de garde, quels qu'ils soient, afin qu'ils puissent concilier un accueil volontairement choisi pour leur enfant et leur vie professionnelle, sans que celle-ci en soit pénalisée. Mais cela passe aussi d'une part, par l'accès à l'école et, d'autre part, par une éducation aux sports, aux loisirs, à la culture...
Etre parents, c'est aussi aider son enfant à devenir adulte en lui permettant de prendre sa place dans la société grâce à l'accès aux savoirs, à la formation et à l'emploi, mais aussi à la santé, au logement et à la justice.
En conclusion, c'est le conduire sur le chemin de l'autonomie.
Cela devient difficile si la société n'aide pas les parents dans cette tâche. Et je crains que là ne soit l'impasse dans laquelle nous conduit ce budget, qui souffre d'un manque de lisibilité. Le discours semble donc bien avoir changé. On ne peut que le regretter et s'en inquiéter. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à Mme Michelle Demessine.
Mme Michelle Demessine. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, avant d'entrer dans le vif du sujet, je souhaiterais faire une remarque. Dans la tâche qui nous est confiée ici, nous avons rencontré plusieurs difficultés, au premier rang desquelles figure le caractère de transition du projet de loi qui nous est soumis. Monsieur le ministre, vous avez à maintes reprises souligné ce caractère, ajoutant qu'une réforme d'envergure de la sécurité sociale devait voir le jour à la suite des rencontres avec les partenaires sociaux. C'est une démarche à laquelle nous ne pouvons que souscrire, tant les enjeux de cette réforme dépassent de loin les stricts aspects financiers de ce projet de loi.
Toutefois, un certain nombre de mesures qui sont inscrites dans ce texte ou qui ont été formulées par le Gouvernement, jusqu'à hier encore, en matière tant de financement que de prestations, sont, semble-t-il, de nature à modifier en profondeur le fonctionnement de la sécurité sociale, avant ces échanges et les conclusions que chacun pourrait en tirer.
Je m'interroge donc, et par la même occasion je vous interpelle, monsieur le ministre, sur les raisons qui incitent le Gouvernement à agir dès à présent sur le fond d'une réforme, au lieu d'attendre les résultats de la concertation nationale. Mon collègue Guy Fischer s'exprimera plus largement sur ce point tout à l'heure.
Pour ma part, dans le temps qui m'est imparti, je concentrerai mon propos sur les dispositions du projet de loi relatives à la branche famille et à la branche vieillesse.
S'agissant des mesures qui concernent la branche famille, je tiens tout d'abord à vous dire, monsieur le ministre, que l'article 40, qui attribue une allocation forfaitaire sur une année aux familles de trois enfants au moins dont l'aîné atteint l'âge de vingt ans, a été relativement bien accueillie dans son principe. Cette mesure attendue permettra d'amortir un peu mieux la baisse brutale des allocations familiales une fois l'âge limite atteint par l'enfant bénéficiaire.
Toutefois, les partenaires sociaux n'ont pas manqué de remarquer qu'elle restait une mesure à l'effet singulièrement limité. D'abord, le montant forfaitaire de 70 euros par mois et par enfant ne couvre que la moitié de la perte d'allocations familiales subie par les familles : demi-mesure, donc, là où il eût été préférable de maintenir l'intégralité des allocations, et ce jusqu'à vingt-deux ans. Ensuite, cette mesure ne favorise pas l'émergence d'une réelle autonomie de la jeunesse.
En revanche, les décisions de n'estimer la revalorisation des objectifs de dépenses de la branche famille qu'en fonction de l'indice BMAF, la base mensuelle de calcul des allocations familiales, soit 1,7 %, d'une part, et, d'autre part, d'amputer la capacité de financement de la branche d'un montant de 945 millions d'euros, pour la seule année 2003, au titre de la prise en charge par la branche famille des majorations de pensions pour enfants rassemblent contre elles toutes les critiques.
En effet, la mesure d'augmentation obtenue sur la base de l'indice BMAF, qui indexe le montant des prestations sur le niveau des prix, ne permet pas de refléter exactement les besoins des familles. Rappelons à cet égard que, depuis 1997, les dépenses de la branche famille ont décroché du PIB : pendant que ce dernier progressait de 17 %, elles n'ont crû que de 7,2 %. Nous vous proposerons donc de combler ce retard par une revalorisation importante des prestations familiales, atteignant 2,5 % pour l'année 2003, et de modifier la base de calcul de l'indice BMAF en l'indexant non plus sur les prix, mais sur l'évolution du PIB.
Quant au transfert sur la branche famille de charges du fonds de solidarité vieillesse, le FSV, pour majoration de la pension vieillesse des parents ayant élevé trois enfants et plus, nous regrettons de constater que le Gouvernement le pérennise et l'amplifie en portant la fraction prise en charge par la CNAF en 2003 à 60 %, au lieu des 45 % prévus par le calendrier initial. Cette disposition contribue à priver la branche, aujourd'hui, mais aussi demain, de recettes précieuses particulièrement utiles aux familles ayant effectivement des enfants à charge.
Mais il nous apparaît aussi, et peut-être surtout, que cette stratégie s'inscrit dans une logique globale qui vise à déstabiliser le financement de la branche famille pour, à terme, en modifier la nature.
Bien qu'excédentaires depuis 1999, grâce au retour de la croissance et de l'emploi, les comptes de la branche famille demeurent fragiles en raison d'un double mouvement contradictoire. En premier lieu, des tendances socio-démographiques lourdes, portant sur l'évolution des moeurs et de la structure familiale, modifient et accroissent les besoins légitimes des familles. En second lieu, l'Etat continue de ponctionner une partie toujours croissante des recettes et excédents de la CNAF à des fins qui échappent aux objectifs initiaux de la branche.
A l'instar de ce qui se passe pour les autres branches, ce double mouvement construit le déséquilibre financier de la branche famille. En l'absence de politique volontaire et ambitieuse en matière d'emplois et de salaires, politique qui pourrait accroître les ressources de la branche, il contribue à justifier les orientations politiques du Gouvernement en matière d'exonération de cotisations patronales et de fiscalisation des prélèvements de la branche famille, et, bien sûr, à légitimer le choix de société qu'elles impliquent.
Or c'est bien en cela que cette orientation est lourde de dangers pour les salariés et pour les assurés sociaux. Loin de s'éloigner du programme du MEDEF, les propositions du Gouvernement s'en rapprochent au point de le calquer ! (M. Dominique Leclerc, rapporteur, rit.) Car considérer que les prestations de la branche famille relèvent de la solidarité nationale, comme l'illustrent le recours croissant à l'impôt pour les financer ou la mise sous conditions de ressources de la majeure partie d'entre elles, parce qu'elles s'inscrivent dans une politique publique redistributive de correction des inégalités de revenus, considérer cela ne signifie rien moins qu'entériner le retrait du patronat des conseils d'administration des institutions de la branche famille et encourager son désengagement financier au motif que le lien entre production et famille n'est alors plus fondé.
Cette position n'est pas la nôtre ! Pour le groupe CRC, le lien entre le travail et la famille est clair ! Il doit être largement réaffirmé, tout comme doit être réaffirmée et consolidée la contribution des entreprises au financement de la branche.
A l'évidence, la prestation familiale est une compensation de la diminution du revenu de la famille liée avant tout à la venue d'un enfant. Elle conserve dans son principe son image de « sursalaire », qui lui a d'ailleurs été donnée, à sa création, par le patronat lui-même, soucieux alors de conserver des travailleurs physiquement aptes à travailler malgré la venue d'enfants et financièrement aptes à assurer le renouvellement des générations de travailleurs.
Mais elle conserve cette image aussi dans la pratique. Comme toutes les prestations de sécurité sociale, la prestation familiale entre non pas dans un circuit de redistribution, contrairement à ce que l'on tente de faire croire, mais dans le circuit primaire de distribution des revenus issus du travail. Elle est coextensive d'un travail effectué et de richesses créées dans l'entreprise. La seule différence est que la part de revenu qu'elle distribue s'affecte non pas selon la règle d'équivalence en vigueur sur le marché du travail, mais selon la règle des besoins des hommes et des femmes face aux risques socialement prédéfinis.
C'est la raison pour laquelle la question du développement de la politique familiale ne trouvera de réponse que dans un engagement plus important de la part patronale, dans le droit-fil de ce qu'elle a représenté dans notre histoire ; je vous rappelle qu'elle a perdu, à la suite de désengagements successifs des entreprises, les deux tiers de son potentiel de financement.
C'est pourquoi, fort de ces arguments, le groupe CRC estime trop limitée - je le disais au début de mon propos - la proposition contenue dans l'article 40 du projet de loi et lui préfère l'instauration d'une allocation familiale dès le premier enfant et jusqu'au dernier. Une telle allocation constituerait une bien meilleure solution pour répondre aux besoins, car elle couvrirait effectivement le coût réel d'éducation assumé par les familles pour chaque enfant.
Dans le même ordre d'idée, à voir les besoins qui s'expriment, il est inconcevable de ne pas pérenniser au-delà des contrats en cours le fonds d'investissement pour la petite enfance et de fragiliser ce secteur en privilégiant un mode de garde privé à domicile, et ce au détriment du système des crèches et des gardes conventionnées, pour lesquelles ne sont toujours pas prévus les moyens importants qu'attendent les jeunes couples salariés. A ce titre, les parents occupant des emplois d'intérimaires et de vacataires doivent aussi pouvoir bénéficier du versement de l'allocation parentale d'éducation.
Tels sont les motifs qui m'empêchent, messieurs les ministres, d'abonder dans le sens du projet que vous nous présentez pour la famille.
S'agissant maintenant de la branche vieillesse, la situation est différente puisque le Gouvernement ne formule rien dans le projet de loi, préférant le recours à la presse pour annoncer ses intentions quant à une grande réforme de la retraite. Aussi me permettrez-vous de changer de ton devant un procédé si cavalier qui fait fi des institutions de la République.
Dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2003, donc, on ne trouve qu'une unique mesure à destination de la branche vieillesse : la revalorisation de 1,015 % des pensions de retraites, qui correspond à l'évolution prévisionnelle des prix à la consommation pour 2002. Pour la première fois depuis 1999, le mécanisme habituel de revalorisation n'est pas appliqué intégralement, ce qui place le montant de cette revalorisation bien en deçà de l'augmentation des prix, estimée pour 2003 à 2,2 %. Les effets en seront, d'une part, de diminuer d'autant le pouvoir d'achat des retraités, notamment des plus modestes, et, d'autre part, de les exclure de toute contribution à la croissance de l'économie.
Je ne développerai pas davantage mon propos sur la retraite, parce que le temps me manque. Nous aurons l'occasion d'y revenir longuement au début de l'année prochaine.
Je dirai cependant un mot des personnes handicapées. Je serai brève, car j'ai déjà amplement dépassé mon temps de parole.
Nous plaçons de grands espoirs dans la discussion, l'année prochaine, de cette réforme tant attendue. Le grand débat sur les besoins des personnes handicapées a déjà commencé dans le pays, et la presse nous en donne de très larges extraits, de manière parfois cruelle, traduisant ainsi le niveau des besoins et des attentes, mais aussi des exigences de respect et de dignité. Le Président de la République a fait des annonces à ce sujet.
Les besoins en financement, j'y insiste, sont extrêmement importants si l'on veut pouvoir répondre aux attentes, et sont de ce fait inconciliables, à l'évidence, avec la politique gouvernementale de réduction de la dépense publique.
Le groupe CRC, qui s'est engagé auprès des personnes handicapées, saura, dans le débat à venir faire des propositions marquées par l'audace nécessaire pour que la marche vers une citoyenneté pleine et entière pour les personnes handicapées puisse trouver un chemin débarrassé des embûches et des discriminations. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Claude Domeizel.
M. Claude Domeizel. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, mon intervention portera essentiellement sur les dispositions relatives à la branche vieillesse contenues dans le projet de loi, texte dont l'enjeu est important puisqu'il touche de très près la vie quotidienne de tous les Français : leur famille, leur santé et leur vieillesse.
Sur la branche vieillesse, le projet de loi est d'une extrême sobriété puisqu'il comporte seulement deux petits articles. Les retraités seraient-ils les oubliés de cette loi ? Ils en jugeront par eux-mêmes. Mais il faut reconnaître que l'un de ces articles est fondamental pour le porte-monnaie des retraités.
En effet, le projet de loi propose, en son article 43, une revalorisation des pensions de vieillesse de 1,015 %, prétendant ainsi garantir le pouvoir d'achat des retraités. Cette mesure est à nos yeux insuffisante, car elle est loin de la réalité. En prévoyant une augmentation de 1,015 %, le Gouvernement pénalise tous les retraités, et plus particulièrement les bénéficiaires du minimum vieillesse. Pour la première fois depuis cinq ans, les retraités vont voir leur pouvoir d'achat baisser. En toute sagesse, il serait plus équitable de prévoir une revalorisation de 1,7 % ; j'y reviendrai lors de l'examen des articles.
Vous nous soumettez donc, messieurs les ministres, un projet de loi dit de transition ; certes, mais transition vers quoi ? Mes collègues socialistes et moi-même craignons quelque peu pour l'avenir, au regard des pratiques actuelles du Gouvernement, qui ne laissent rien présager de bon. Certains, dans votre majorité, ont même jugé la méthode d'approche de la réforme des retraites très risquée. La presse nous donne d'ailleurs le choix des expressions : « à la sauvette », « en catimini », « sans tambours ni trompettes », « en quelques minutes »...
M. Paul Blanc. Et vous, vous n'avez rien fait !
M. Claude Domeizel. Nous, nous avons réfléchi ! (Rires sur les travées du RPR.) Vous verrez que vous vous servirez du travail que nous avons réalisé !
M. Jean-François Mattei, ministre. Ce n'est pas mal ! Je ne l'avais encore jamais entendue !
M. Paul Blanc. Bravo ! C'est la meilleure !
M. Claude Domeizel. J'évoque ici, vous l'avez deviné, l'extinction progressive du congé de fin d'activité.
Même s'il est avant tout une mesure d'emploi, le congé de fin d'activité est tout de même lié à la retraite et aurait mérité une plus grande concertation. Dans ce domaine, comme dans bien d'autres d'ailleurs, le dialogue social n'est que poudre aux yeux puisqu'il est, disons-le, inexistant. Sans concertation, une nouvelle fois, vous opérez un transfert de la Caisse nationale de l'assurance vieillesse, qui gère les retraites des salariés du secteur privé. Si mon temps de parole me le permet, je reviendrai plus en détail sur ce point. Toujours sans concertation, vous décidez d'opérer des transferts entre régimes sociaux et d'augmenter leurs cotisations pendant trois ans. Pendant trois ans ? Est-ce à dire que ces transferts sont appelés à être pérennisés ? (Mme Nelly Olin s'exclame.) Ce n'est pas le langage que vous tenez quand on vous interroge sur la compensation, qui à vous écouter, devrait être revue au moment de la prochaine réforme des retraites, que vous promettez avant la fin des six prochains mois.
Ce double langage, vous le pratiquez constamment depuis juin dernier. Selon la question que l'on vous pose au sujet des retraites, ou bien vous répondez : « Pas tout de suite, ce sera intégré dans la réforme des retraites... », ou bien, dans la précipitation et sans consulter qui que ce soit, vous agissez par petites touches, ce qui augure mal du contenu de votre réforme.
Mme Nelly Olin. Procès d'intention !
M. Claude Domeizel. Il en est de même pour la parité entre les hommes et les femmes en matière de retraite. Vous mettez ce dossier sous le coude et créez, par votre attentisme, une injustice flagrante entre les nouveaux et les futurs retraités.
Mme Nelly Olin. Nous réfléchissons ! (Rires sur les travées du RPR.)
M. Claude Domeizel. Double langage et déclarations intempestives, donc, au sujet des préretraites, dont j'ai parlé il y a un instant et que vous qualifiez vous-mêmes de « catastrophiques pour l'économie ».
Double langage et tergiversations, encore, en ce qui concerne les fameux fonds de pension « à la française » chers au candidat Jacques Chirac. (Exclamations sur les travées du RPR.) Sont-ils toujours d'actualité ?
M. Paul Blanc. Oui !
M. Claude Domeizel. Alors que le Premier ministre fait mine d'abandonner les fonds de pension, le porte-parole du Gouvernement, M. Jean-François Copé, affirme le lendemain : « Le Gouvernement ne renonce pas aux fonds de pension [...]. Ils s'inscrivent très clairement dans son dispositif de réforme des régimes de retraite. » Je connais au moins un responsable syndical qui dirait que tout cela fait un peu « cafouillou » ! Ces déclarations désordonnées ne nous semblent pas de nature à rassurer les Françaises et les Français, dans un débat qui doit être avant tout clair et transparent. Peut-être l'actualité économique et la conjoncture vous ont-elles convaincus que les fonds de pension n'étaient pas la solution ?
A m'en tenir à ce qui a été dit ces derniers jours, je me demande même, chers collègues de la majorité, si vous ne regrettez pas un peu de ne pas avoir voté l'abrogation de la loi Thomas. (Exclamations sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
Mme Nelly Olin. Nous ne regrettons rien !
M. Paul Blanc. Aucun regret !
M. Claude Domeizel. Car vous avez pu constater que les épargnants et les retraités américains étaient les principales victimes de la dégringolade de Wall Street !
Mesdames et messieurs, chers collègues de la majorité, la retraite, c'est l'argent des salariés : il n'a pas à être joué en Bourse. (M. Bernard Murat s'exclame.)
Mme Nelly Olin. Vous êtes mal placé pour en parler.
M. Claude Domeizel. Le débat d'aujourd'hui est pour nous l'occasion de réaffirmer haut et fort notre attachement au système de répartition.
Mme Nelly Olin. Il fallait le faire !
M. Claude Domeizel. Et si l'institution des fonds de pension semblent renvoyée aux calendes grecques, nous resterons vigilants à ce que, au détour d'une réforme, ils ne réapparaissent pas, tel un serpent de mer.
Enfin, messieurs les ministres, mes chers collègues de la majorité, il est profondément injuste de taxer l'ancien gouvernement d'immobilisme en matière de retraites. (Oh ! sur les travées du RPR.) Je vous rappelle que c'est le gouvernement précédent qui a revalorisé de façon substantielle les pensions des agriculteurs et qui a réformé leurs retraites en créant un régime de retraites complémentaire obligatoire pour les non-salariés agricoles.
Mme Nelly Olin. Ce fut un grand chantier !
M. Claude Domeizel. Ce fut même une première dans l'histoire de notre pays, car l'Etat s'est alors engagé à participer au financement de ce régime, et ce dès sa création. Jamais jusqu'à ce jour - je dis bien jamais - ni la solidarité nationale ni la solidarité entre régimes n'avaient joué en faveur des régimes complémentaires. Les agriculteurs méritaient bien cela. C'est la gauche qui l'a fait !
M. Bernard Murat. Ils ne lui en ont pas été reconnaissants !
M. Claude Domeizel. De la même façon, c'est bien le gouvernement précédent, que nous sommes fiers d'avoir soutenu, qui a créé le Conseil d'orientation des retraites, dont les travaux éclairent les décisions du Gouvernement. (Mme Nelly Olin s'exclame.)
M. Paul Blanc. C'est pour mieux réfléchir !
M. Claude Domeizel. Dans les mois à venir, vous serez heureux, j'en suis sûr, de pouvoir vous appuyer sur ses excellents rapports pour mettre en oeuvre votre réforme.
Permettez-moi de relever, sans aucune malice (exclamations sur les travées du RPR) ,...
Mme Nelly Olin. Nous n'en doutons pas !
M. Paul Blanc. De la malice ? Impossible de votre part !
M. Claude Domeizel. ... mais avec une grande satisfaction, que, malgré la dérision que vous avez exprimée dans cet hémicycle, au moment de la création du Conseil, vous ne l'avez pas remis en cause et qu'il est toujours en place.
Cette reconnaissance que vous lui marquez est d'ailleurs tout à son honneur.
C'est également le précédent gouvernement de gauche qui a créé le fonds de réserve des retraites. Votre majorité a déclaré que le gouvernement Jospin a laissé les caisses vides.
M. Bernard Murat. Oui !
M. Claude Domeizel. Permettez-moi de vous ramener à la réalité des faits ! (Oh ! sur les travées du RPR.)
En 1997, le trou de la sécurité sociale s'élevait à 57 milliards de francs.
M. Paul Blanc. C'est vous qui l'avez creusé !
M. Claude Domeizel. Il a été pratiquement résorbé en cinq ans.
M. Paul Blanc. Grâce à la croissance !
M. Claude Domeizel. En 1997, il n'y avait pas de fonds de réserve. Aujourd'hui, il dispose de plus de 8 milliards d'euros, soit près de 58 milliards de francs.
M. Adrien Gouteyron, rapporteur pour avis. Broutilles !
M. Claude Domeizel. A la fin de l'année, il disposera de 12,4 milliards d'euros, soit 82 milliards de francs. C'est tout de même bien, reconnaissez-le !
Nous sommes loin du trou de 57 milliards de francs que vous nous aviez laissé ! C'est là, au contraire, une réserve importante. (Protestations sur les travées du RPR.)
Mme Nelly Olin. Mon Dieu, quelle autosatisfaction !
M. Claude Domeizel. Bien sûr ! Ce fonds de réserve est l'outil indispensable pour gérer et prévenir les conséquences financières des chocs démographiques et ainsi assurer une plus grande équité entre les générations.
Vous ne pouvez pas, aujourd'hui, en contester le bien-fondé, même si nous savons qu'il ne résoudra pas, à lui seul, les difficultés qui nous attendent.
M. Paul Blanc. C'est certain !
M. Alain Vasselle, rapporteur. Tant qu'il n'est pas alimenté à la hauteur prévue.
M. Claude Domeizel. D'ailleurs, M. Denis Jacquat, député de la majorité et rapporteur pour l'assurance vieillesse à l'Assemblée nationale, qui, lui, avait eu la clairvoyance de voter pour sa création, regrette qu'aucune disposition ne soit prévue pour alimenter ce fonds de façon pérenne.
J'avais d'ailleurs émis pareille remarque l'an dernier, lors du vote de la loi de financement de la sécurité sociale.
M. Alain Vasselle, rapporteur. Vous n'avez pas été entendu !
M. Claude Domeizel. Je ne peux qu'exprimer le regret qu'il n'en soit fait mention nulle part dans votre projet de loi.
M. le président. Monsieur Domeizel, je vous invite à conclure !
M. Claude Domeizel. Mais, monsieur le président, nous sommes en avance sur l'horaire !
MM. Bernard Murat et Paul Blanc. Non, non !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Nous ne sommes pas en avance du tout !

Mme Nelly Olin. Quand le temps de parole est épuisé, il est épuisé !
M. Claude Domeizel. Vous voulez me priver de dire des choses, peut-être désagréables à entendre, mais tout de même (Protestations sur les travées du RPR)...
M. Bernard Murat. Il ne s'agit pas de cela !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Vous n'êtes jamais désagréable ! Ne le soyez pas aujourd'hui.
M. Claude Domeizel. Je m'en remets à ce qu'a dit le président de la commission des affaires sociales, qui regrette que nous n'ayons pas le temps nécessaire pour parler de la sécurité sociale.
M. le président. Monsieur Domeizel, vous avez dépassé le temps de parole accordé à votre groupe de six minutes, je vous invite donc à conclure.
M. Claude Domeizel. Je vais donc conclure, mais croyez-bien que, lors de la discussion des articles, je reviendrai sur le sujet plus longuement que je ne l'aurais fait si j'avais pu terminer maintenant.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Des menaces ?
M. Claude Domeizel. Je parlerai des 830 millions d'euros que vous avez pris à la CNAM et de la nouvelle tuyauterie que vous avez inventée. Je reviendrai également sur le fait que vous ayez aggravé la division entre le secteur public et le secteur privé.
Monsieur le ministre, ce n'est pas moi qui vous dirai que le chantier de la réforme des retraites est facile à achever.
M. Bernard Murat. Il n'est même pas commencé !
M. Claude Domeizel. Nous connaissons comme vous les principales causes de difficultés : l'augmentation de l'expérance de vie...
M. le président. Je vous en prie, monsieur Domeizel, concluez !
M. Claude Domeizel. Monsieur le président, j'ai supprimé plusieurs minutes de mon intervention, je n'en ai plus que pour trente secondes !
M. le président. Je vous laisse conclure, mais ne vous laissez plus perturber.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. M. Domeizel ne se laisse jamais perturber !
M. Claude Domeizel. Nous connaissons les causes de ces difficultés, disais-je. Vous prévoyez de boucler en six mois une réforme essentielle pour les cinquante ans à venir. Nous en prenons acte. Si j'ai bien compris, notre prochain rendez-vous aura lieu en juin 2003. Nous serons là...
M. Hubert Falco, secrétaire d'Etat. Nous l'espérons !
M. Claude Domeizel. ... pour constater où vous en êtes. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC. - Applaudissements ironiques sur les travées du RPR.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
La parole est à M. le ministre. (Applaudissements sur les travées du RPR.)
M. Jean-François Mattei, ministre. Je laisserai naturellement le soin au ministre délégué à la famille, Christian Jacob, de répondre aux questions concernant la famille et au secrétaire d'Etat aux personnes âgées, Hubert Falco, de parler des points relatifs à la branche vieillesse.
Par ailleurs, même si je suis amené à évoquer ici ou là l'assurance maladie, je ne voudrais pas trop anticiper sur le débat qui aura lieu demain. Je note que plusieurs orateur ont dépassé le cadre prévu pour cette discussion générale. Je ne leur répondrai pas sur le fond aujourd'hui.
Je tiens tout d'abord à vous faire part du plaisir que j'ai eu à entendre les différents rapporteurs de la commission des affaires sociales, ainsi que le rapporteur pour avis de la commission des finances. Le travail qui a été réalisé est d'une excellente qualité.
Les différents orateurs, avec compétence, ont affirmé un certain nombre de points de vue, sur lesquels nous pourrons discuter.
Monsieur Vasselle, vous avez manifesté un pessimisme qui peut se justifier au regard de la dérive des comptes sociaux. Vous avez eu raison de souligner que la croissance des dernières années a caché la réalité des choses. Elle nous a laissé croire que notre système de protection sociale était en bonne santé. C'était une fausse bonne santé.
Après avoir abordé un certain nombre de points importants, vous avez terminé la première partie de votre exposé en anticipant les réponses que je pourrais vous faire sur la deuxième. Vous avez, en effet, démonté le mécanisme de la CADES. Vous avez bien compris que la transition - aussi brève que possible -, était nécessaire. Vous avez affirmé tout cela avec beaucoup de conviction, et vous avez dit, avec tout autant de conviction dans votre deuxième partie assortie de propositions, qu'il fallait aller plus vite.
Je salue votre volonté, monsieur le rapporteur, ainsi que celle de la Haute Assemblée. A l'écoute de vos arguments, lors de la discussion des articles, peut-être serai-je amené à vous faire des propositions pour qu'ensemble nous trouvions les mesures les plus appropriées.
Monsieur Gouteyron, ce que j'ai beaucoup apprécié, en définitive, c'est qu'avec des mots simples vous ayez rappelé que, si l'excédent annoncé était virtuel, le déficit, quant à lui, était réel.
Vous nous avez laissé entendre - je les ai presque entendus chanter dans mes oreilles - que ceux qui ont chanté tout l'été de la croissance nous invitent à danser maintenant que l'hiver est arrivé.
M. Paul Blanc. Eh voilà !
M. Jean-François Mattei, ministre. Cela correspond tout à fait au discours que j'ai entendu de la part d'un certain nombre d'orateurs de l'opposition.
Vous avez ensuite abordé, monsieur le rapporteur pour avis, les aspects plus techniques de l'assurance maladie, notamment de la sécurité sociale. Je vous répondrai qu'en fait tout est extrêmement compliqué, mais que, comme tout ce qui est compliqué, on peut le simplifier, et ce sur deux aspects.
Quel est le premier problème de la sécurité sociale et, singulièrement, de l'assurance maladie ? C'est que, alors que la courbe de la croissance suit une pente de quatre, la courbe de croissance des dépenses de santé varie, selon les pays, entre six et sept. Ainsi, tout naturellement, se crée ce qu'on appelle en termes savants un « delta », c'est-à-dire un écart, qui ne cesse de se creuser d'année en année. Le phénomène n'est d'ailleurs pas propre à la France.
Se pose alors le problème de savoir comment cet écart peut être financé sans augmenter les prélèvements et en admettant que la maîtrise comptable, qui tire vers le bas, est insuffisante. Il faudra bien trouver une réponse appropriée.
J'en viens au deuxième problème de la sécurité sociale. Il ne vous aura pas échappé, mesdames, messieurs les sénateurs, lors d'une brève rétrospective télévisée, diffusée il y a maintenant presque un mois, que le premier plan de redressement de la sécurité sociale a été lancé en 1977, après la récession due au choc pétrolier.
On a ensuite parlé de plan de redressement de la sécurité sociale chaque fois que la croissance économique a connu des difficultés et que la situation de l'emploi s'en est trouvée dégradée. Naturellement, chaque fois, les dépenses de santé ont été désignées comme responsables.
M. Alain Vasselle, rapporteur. Eh oui !
M. Jean-François Mattei, ministre. Cela ne correspond pas du tout à la réalité. La courbe de croissance des dépenses de santé n'est pas anarchique. Qu'elle soit un peu trop pentue, soit, mais elle est restée à peu près régulière au cours des vingt dernières années.
En revanche, l'économie, elle, oscille entre de bonnes années d'excédents et de mauvaises année de déficit. La bonne solution serait de trouver le moyen d'économiser les bonnes années pour financer les mauvaises années. On ne peut pas, chaque fois que l'on connaît une mauvaise année, accuser un excès de dépenses : même les années où le chômage augmente, le nombre de malades ne diminue pas, pas plus que le nombre d'hôpitaux ou le nombre de professionnels de santé ! (Eh oui ! sur les travées du RPR.)
On ne peut ajuster les dépenses de santé sur la croissance économique du pays, sauf à aller vers le rationnement et vers la maîtrise comptable des soins. (Applaudissements sur les travées du RPR.)
Si l'exposé de ces deux problèmes est assez simple, les solutions qu'il nous faudra trouver sont beaucoup plus difficiles. C'est la raison pour laquelle, messieurs Vasselle et Gouteyron, le Gouvernement n'a pas souhaité, cette année, s'engager dans une réforme à la va-vite, qui s'accomplisse à la sauvette, en quatre mois.
M. Adrien Gouteyron, rapporteur pour avis. Très bien ! C'est un langage de vérité !
M. Guy Fischer. Il faut de nouvelles ressources !
M. Jean-François Mattei, ministre. Tels sont les deux problèmes qu'il nous faut régler : la réduction du delta et la régulation dans la durée.
M. Dominique Leclerc, rapporteur. Très bien !
M. Jean-François Mattei, ministre. Monsieur About, vous avez raison, il faut « sanctuariser » le temps de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale - je le dirai au Gouvernement -, et la discussion que vous ébauchez aujourd'hui, à savoir une discussion thème par thème, même si j'eusse préféré qu'elle fût branche par branche, constitue une bonne innovation.
Vous avez tous évoqué l'autonomie des branches. Nous allons nous trouver confrontés à un problème difficile entre l'autonomie et l'indépendance. (Sourires sur les travées du RPR.) Au demeurant, chaque fois que j'ai tenté, dans l'opposition ou dans la majorité, d'aborder ces sujets, je me suis heurté au code de la sécurité sociale, qui considère que les branches forment un tout, avec des parties communes, et qui vient limiter l'exercice de l'autonomie et de l'indépendance. Là encore, à l'avenir - mais ce n'est pas une de nos premières préoccupations -, il faudra probablement remettre de l'ordre.
Ensuite, monsieur le président About, vous avez dit que nous devions, à partir du projet de loi de financement de la sécurité sociale, parler de la politique de santé.
Je suis d'accord avec vous, mais j'ajouterai que si nous ne voulons pas créer la confusion des genres, nous devrions organiser un débat commun portant, à la fois, sur les orientations sanitaires, celles qui relèvent du budget de l'Etat, notamment en termes de prévention, de dépistage, de sécurité sanitaire, de santé publique, et sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale, qui est préférentiellement orienté vers les soins. Ainsi, en amont, nous devrions organiser, sur le modèle du débat relatif aux prélèvements obligatoires, un débat sur les orientations sanitaires, qu'elles relèvent de l'Etat ou de la sécurité sociale.
Je ne répondrai pas à M. Jean-Pierre Fourcade, parce qu'il a surtout parlé de la famille ; c'est donc Christian Jacob qui le fera. Je dirai simplement que son approche était claire et qu'il a eu raison de souligner que le climat avait changé avec les partenaires, notamment avec les professionnels de santé.
Monsieur Chabroux, je ne vous connaissais guère avant ma venue devant la commission des affaires sociales, mais je crois pouvoir affirmer que vous abordez les choses avec sérieux. Toutefois, permettez-moi de vous dire que votre intervention va vous valoir la réponse que vous méritez. (Sourires.)
Nul ne peut se prévaloir de ses propres turpitudes ! (Rires sur les travées du RPR.) Tel Diogène - quoique je n'ai pas aperçu votre lanterne -, vous avez cherché la famille.
M. Gilbert Chabroux. Je ne l'ai pas trouvée !
M. Jean-François Mattei, ministre. En vain, semble-t-il ! Rien d'étonnant à cela, puisque vous l'avez considérée vous-même comme un accessoire inutile dès lors que vous l'aviez dépouillée ! (Applaudissements sur les travées du RPR. - M. le président de la commission des affaires sociales applaudit également.)
M. Gilbert Chabroux. J'ai dit le contraire !
M. Jean-François Mattei, ministre. Christian Jacob vous répondra sur ce point.
Vous avez aussi cherché les retraites.
M. Roger Karoutchi. C'est vrai !
M. Jean-François Mattei, ministre. Rien d'étonnant, non plus, puisque vous avez toujours, année après année, repoussé les retraites de votre horizon.
M. Paul Blanc. Eh oui !
M. Jean-François Mattei, ministre. Vous ne pouviez évidemment pas les trouver !
Vous avez parlé d'excédents liés à la croissance, bien ! Mais vous les avez confisqués ! (M. Roger Karoutchi rit.) Vous avez parlé des recettes de la sécurité sociale, bien ! Mais vous les avez détournées !
Plusieurs sénateurs du RPR. Oui !
M. Jean-François Mattei, ministre. Vous avez parlé de votre souci de la sécurité sociale, mais où sont vos réformes ? Nous aurions bien aimé aujourd'hui discuter des premiers résultats de ces réformes que vous auriez pu entreprendre !
Puis, vous avez abordé un sujet plus grave : vous avez parlé du déficit. Vous avez bien voulu admettre qu'une petite partie vous incombait puisque l'année était coupée en deux.
M. Gilbert Chabroux. Oui !
M. Jean-François Mattei, ministre. Moi, je vais vous donner des chiffres. Le déficit de l'assurance maladie pour 2002 s'établit à 6,1 milliards d'euros. Selon la commission des comptes de la sécurité sociale, au 1er juin, il s'élevait à 4,1 milliards d'euros. Après cette date, j'ai dû débloquer 580 millions d'euros pour honorer des engagements que votre gouvernement avait pris mais qu'il n'avait pas financés.
J'ai dû dégager 600 millions d'euros pour financer la réduction du temps de travail que vous aviez promise mais que vous n'aviez pas financée.
Mme Nelly Olin. Eh oui ! Des promesses !
M. Jean-François Mattei, ministre. J'ai dû également tenir compte - et cela vous incombe, quoique, bon prince, arrivé le 1er juin, je veux bien prendre une petite part de responsabilité - j'ai dû tenir compte, disais-je, de la diminution de la masse salariale, qui a entraîné un manque à gagner de 600 millions d'euros.
M. Dominique Leclerc, rapporteur. Les 35 heures !
M. Jean-François Mattei, ministre. Par ailleurs, le passage de la consultation à 20 euros et de la visite à domicile à 30 euros représentent un coût de 200 millions d'euros, qui sont, il est vrai, autofinancés grâce à l'engagement des médecins.
M. Gilbert Chabroux. A vérifier !
M. Jean-François Mattei, ministre. Certes, nous verrons ce qu'il en est dans un an.
Mais vous avez pu constater comme moi - regardez bien vos dossiers - que la courbe de prescription des génériques est en train de s'envoler,...
M. Dominique Leclerc, rapporteur. Très bien !
M. Jean-François Mattei, ministre. ... ce qui démontre que la confiance peut être un moteur.
M. Gilbert Chabroux. Eh oui !
M. Alain Vasselle, rapporteur. M. Chabroux admet !
M. Jean-François Mattei, ministre. Monsieur Chabroux, je vous parle en toute sincérité. J'ai une certaine expérience de l'opposition, je sais que vous remplissez votre rôle, mais vous avez, en l'occurrence, vraiment noirci le trait. Cette fois-ci, ce n'est pas Diogène, c'est Cassandre (Sourires sur les travées du RPR) ...
M. Guy Fischer. Vous avez fait la même chose pendant cinq ans !
M. Jean-François Mattei, ministre. Vous avez dénoncé le collectif budgétaire. Mais, monsieur le sénateur, le collectif répond à un souci de vérité et de modestie ! En effet, je n'ai absolument aucune certitude quant à l'évolution de la situation dans les mois qui viennent car je ne dirige pas l'économie. Je peux m'engager sur les dépenses ; je ne peux pas m'engager sur les recettes.
M. Dominique Leclerc, rapporteur. Très bien !
M. Gilbert Chabroux. Vous les avez surestimées !
M. Jean-François Mattei, ministre. Peut-être ! C'est la raison pour laquelle il nous est apparu nécessaire, afin de coller à la réalité, de déposer dans six mois un collectif.
En tout cas, à propos de la CADES, vous ne manquez pas d'audace !
M. Bernard Murat. Eh oui !
M. Jean-François Mattei, ministre. Vous nous avez fait le reproche de rembourser par le biais d'un mécanisme qui, il est vrai, est un raccourci.
M. Gilbert Chabroux. Un tuyau !
M. Jean-François Mattei, ministre. Mais, comme les rapporteurs l'ont démontré, en bonne logique, la CADES aurait dû rembourser la dette à l'Etat, et celui-ci rembourser sa dette à la sécurité sociale...
M. Gilbert Chabroux. C'est un tuyau !
M. Jean-François Mattei, ministre. On ne peut pas nous faire le reproche d'avoir préféré un tuyau à deux !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Très bien !
M. Jean-François Mattei, ministre. Vous avez eu le front de critiquer la CADES !
Mais qui a augmenté de cinq ans la durée de vie de la CADES ? Son terme était fixé à 2009, et c'est vous qui l'avez prolongée jusqu'en 2014 !
M. Gilbert Chabroux. Et les 265 milliards de francs de déficit, c'est qui ?
M. Jean-François Mattei, ministre. C'est vous qui avez accru la dette que devront payer nos enfants !
Je ne suis pas sûr qu'il y ait de quoi se glorifier. Vous avez également doublé le remboursement de la CADES à l'Etat. Bref, vous avez, plus que d'autres, considéré la CADES comme un tiroir-caisse dans lequel vous puisiez quand vous en aviez besoin.
Je vous dirai donc, un peu vivement quoique avec respect, que vous avez à mon avis dépassé la mesure. Restons lucides, sans passion aveugle.
Monsieur le sénateur, est-ce que je veux sauver la sécurité sociale ? La réponse est oui. Et c'est un défi.
Vous avez rappelé une phrase citée dans un journal aux termes de laquelle j'aurais dit qu'il s'agissait du dernier sauvetage. Eh bien oui, je tiens à la sécurité sociale !
Or je pense qu'elle est compromise. Tout ce que je compte mettre en place n'a qu'un but : sauvegarder notre système d'assurance maladie et de sécurité sociale.
M. Adrien Gouteyron, rapporteur pour avis. Bravo !
M. Jean-François Mattei, ministre. Je le répète, je n'attends pas de résultats immédiats, car, vous le savez bien, nous sommes tenus par l'inertie de l'économie. Dès lors, je ne peux pas vous dire qu'en trois mois je vais diminuer les dépenses pour combler le manque à gagner lié à l'atonie de la croissance. Et les perspectives à cet égard ne sont guère favorables, nul ne l'ignore.
Je reproche surtout à la majorité d'hier de ne pas avoir procédé aux réformes qui s'imposent alors qu'elle bénéficiait de la croissance et qu'il existait des excédents.
Or il est beaucoup plus difficile de réformer quand on n'a pas d'argent. Alors, si vous venez nous faire le reproche de ne pas réformer assez vite, de ne pas réformer assez profondément, eh bien, je vous renverrai à ces cinq années que vous avez gaspillées ! (Vifs applaudissements sur les travées de l'Union centriste et du RPR.)
M. Alain Vasselle, rapporteur. Très bien !
M. Jean-François Mattei, ministre. Enfin, puisque vous lisez le journal le dimanche,...
M. Roland Muzeau. Il le faut bien, pour savoir ce que le Gouvernement veut faire !
M. Guy Fischer. La flèche a atteint son but !
M. Jean-François Mattei, ministre. Eh bien oui, j'ai effectivement dit qu'il fallait sortir du « tout gratuit » ! Je ne cherche pas à me cacher derrière mon petit doigt !
Monsieur Chabroux, mesdames, messieurs les sénateurs de l'opposition, vous le savez comme moi, aujourd'hui, avec le tiers payant et la carte Sésame Vitale, celui qui va à la pharmacie a le sentiment que les médicaments qu'on lui délivre sont gratuits. Il n'a aucune idée de ce qu'ils coûtent : dix euros, cinquante euros, cent euros ? Il n'en sait rien ! Il a l'impression que c'est gratuit. Or tout ce qui est gratuit finit par être gaspillé ! Eh bien, nous, nous voulons responsabiliser.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Allons donc ! Les assurés ne sont pas des irresponsables !
M. Guy Fischer. Et ils paient leurs cotisations !
M. Jean-François Mattei, ministre. Je ne dis pas pour autant qu'il faudrait que les gens paient davantage. Je dis qu'ils doivent cesser de penser que les médicaments, les analyses et les consultations médicales sont gratuits. (Protestations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
Mme Marie-Claude Beaudeau. Et ce que ne remboursent pas les mutuelles ?
M. Jean-François Mattei, ministre. Oui, ils paient, mais ils ne le savent même pas ! Il faut une prise de conscience ! (Nouvelles protestations sur les mêmes travées.)
M. Gilbert Chabroux. Ils sont déjà tout à fait conscients !
M. Dominique Leclerc, rapporteur. Qu'est-ce que vous en savez ?
M. Jean-François Mattei, ministre. Vous n'avez pas le monopole de la sécurité sociale ! Nous pouvons tous la revendiquer : elle n'est ni de droite ni de gauche. La sécurité sociale fait partie de notre culture, et votre critique, qui était au demeurant infondée, relève, me semble-t-il, du procès d'intention, procès d'ailleurs mal instruit. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et du RPR.)
Pourquoi mal instruit ? Parce que les systèmes privatisés des Etats-Unis, nous n'en voulons pas ! C'est un échec épouvantable : quarante millions d'Américains ne peuvent pas se faire soigner ! Nous ne voulons pas ça pour la France !
Les systèmes qui ont introduit une certaine forme de concurrence, comme aux Pays-Bas, et qui ont pu, à un moment donné, paraître intéressants tout simplement parce qu'ils innovaient, sont en train d'échouer. Nous ne voulons donc pas non plus nous engager dans cette voie-là.
Quant aux systèmes plus autoritaires, comme celui de l'Allemagne, on voit bien ce qu'il en advient. En Allemagne, c'est bien un gouvernement de gauche qui vient de gagner les élections, mais c'est bien aussi un gouvernement de gauche qui met tous les médecins dans la rue et qui est en train de rationner. Lisez les journaux, et pas seulement le dimanche ! Vous verrez ce qui est en train de se passer en Allemagne !
Il y a aussi les sytèmes étatisés. Eh bien, sachez que, en tant que ministre de la santé - je pense que mon prédécesseur agissait de même -, je viens de signer une nouvelle convention avec la Grande-Bretagne pour que les sujets britanniques viennent se faire soigner au centre hospitalier universitaire de Lille, ou dans d'autres de nos hôpitaux.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Mais nous ne voulons pas du système britannique !
M. Gilbert Chabroux. En tout cas, cela prouve que les choses ne vont pas si mal en France !
M. Jean-François Mattei, ministre. Donc, je ne veux pas non plus d'un système étatisé ! M. Paul Blanc. Qui voudrait aller se faire opérer en Angleterre ?
M. Jean-François Mattei, ministre. Les systèmes étrangers, quels qu'ils soient, n'ont pas donné de résultats probants.
C'est la raison pour laquelle, plus que jamais, je suis attaché à notre système français, parce qu'il est solidaire et parce qu'il est juste.
Mme Marie-Claude Beaudeau et M. Guy Fischer. Si l'on vous suit, il ne le sera pas longtemps !
M. Jean-François Mattei, ministre. Là, vous êtes dans le procès d'intention !
Il est solidaire, car chacun paie en fonction de ses ressources.
M. Guy Fischer. Donc, ce n'est pas gratuit !
M. Jean-François Mattei, ministre. Il est juste parce que chacun reçoit en fonction de ses besoins.
Toutes les études qui ont été réalisées montrent que, si certaines dépenses de santé doivent effectivement être remboursées, d'autres ne sont sans doute pas du ressort de la solidarité nationale.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Bien sûr !
M. Jean-François Mattei, ministre. Comme je l'ai indiqué à l'Assemblée nationale, le Gouvernement étudie la possibilité de rembourser le Viagra, mais seulement dans certaines indications, notamment l'insuffisance vasculaire, le diabète ou la paraplégie.
M. Paul Blanc. Très bien !
M. Gilbert Chabroux. C'est une diversion !
M. Jean-François Mattei, ministre. Mais faut-il pour autant, au nom de la solidarité, rembourser le Viagra pour les manques de tonus passagers ? (Sourires.)
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Pour cela, il y a le ginseng ! (Nouveaux sourires.)
M. Gilbert Chabroux. Personne ne vous a rien demandé pour le Viagra !
M. Jean-François Mattei, ministre. Il faut bien, à un moment donné, savoir fixer une limite. Bien sûr, celui qui veut s'assurer contre ce genre d'aléas peut très bien le faire à titre individuel.
M. Paul Blanc. Voilà !
M. Jean-François Mattei, ministre. Une discussion devra donc s'engager sur ce point. Car, comme je l'ai expliqué au Journal du dimanche, la décision résultera non d'un choix politique, mais d'une concertation.
En qualité de président de la commission des comptes de la sécurité sociale, je peux vous affirmer que les partenaires sociaux, qui sont tous représentés au sein de cette commission, de la CGT au MEDEF, sont responsables : ils savent bien où les dépenses dérapent, où il y a des gaspillages, des abus et des excès. Ils savent bien qu'il faut modifier le système.
Sur la base du rapport que doit me remettre Mme Ruellan à la fin du mois de novembre, je solliciterai les partenaires sociaux pour qu'ils me fassent des propositions. Nous verrons, au cours de l'année 2003, comment il nous faut rebâtir le système.
Autrement dit, cela ne dépend pas que de nous. Cela dépend de la décision du MEDEF de revenir ou non, du retour éventuel de la croissance, de la volonté des uns et des autres.
Lorsque vous avez instauré la CMU, vous avez su faire appel aux couvertures complémentaires...
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Bien sûr !
M. Jean-François Mattei, ministre. ... parce que le gouvernement d'alors - et qui aurait pu lui en faire le grief ? - a constaté que le régime de base ne pouvait pas assurer la couverture maladie de six millions d'économiquement faibles. Pourquoi donc, alors, quand nous parlons de couverture complémentaire, réagir comme si nous avions proféré un gros mot ?
M. Alain Vasselle, rapporteur. Très bien !
M. Jean-François Mattei, ministre. A vous entendre, du coup, notre système deviendrait inégalitaire, nous manquerions à la solidarité. Soyons un peu responsables ! Soyons un peu raisonnables ! Personne ne parle là de ceux qui sont économiquement faibles, de ceux qui sont en longue maladie, de ceux qui sont hospitalisés de manière prolongée ou de ceux qui ont subi une intervention chirurgicale ! Enfin quoi ! Personne ne doit rester sur le bas côté de la route alors qu'il souffre, qu'il a besoin d'être soigné ! Cela, en vertu de la solidarité, est proprement impossible !
En revanche, vous le savez comme moi, il y a des abus, des excès : nous voulons y mettre un terme et nous voulons placer chacun devant ses responsabilités. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et du RPR.)
Madame Beaudeau, vous vous êtes inquiétée du manque de recettes nouvelles. Je pense que vous avez à la fois tort et raison.
Vous avez raison parce que nous n'avons effectivement pas voulu entamer tout de suite une réforme de fond.
Mais vous avez tort parce que, dans les recettes nouvelles pour cette année, on peut compter 1 milliard d'euros de compensation d'allégement de charges, 1,2 milliard d'euros de remboursement par la CADES, 1 milliard d'euros de droits de consommation sur les tabacs. Tout cela fait déjà 3,2 milliards d'euros. Si vous ajoutez à cela les économies, dont nous parlerons demain dans le détail, vous pouvez constater que nous avons fait la moitié du chemin.
Je vous rappelle qu'il y avait un écart de trois points entre le 3,9 que vous avez voté et le 6,9 que nous avons constaté. J'ai estimé qu'il fallait faire un geste significatif devant l'augmentation des dépenses, mais que nous devions aussi tenter de faire des économies. Nous avons estimé les économies possibles à 1,5 milliard d'euros. Nous avons fixé un taux de 5,3 %. Il a été calculé à partir des besoins médicaux et pas en fonction de l'ajustement budgétaire.
Madame Beaudeau, je comprends votre raisonnement. C'est la spirale mortifère : on travaille moins - 35 heures...
Mme Marie-Claude Beaudeau. Ce n'est pas vrai : les gens travaillent plus !
M. Jean-François Mattei, ministre. ... et l'on fait donc payer les entreprises, pour compenser ; celles-ci se réorganisent malgré tout, quand elles ne se délocalisent pas ; il faut donc taxer davantage leur outil de travail ; d'où l'augmentation du chômage et l'aggravation du déficit de la protection sociale.
Mme Marie-Claude Beaudeau. C'est un peu court, monsieur le ministre !
M. Guy Fischer. C'est de la caricature !
M. Jean-François Mattei, ministre. Madame Beaudeau, le système que vous prônez n'a fait ses preuves nulle part. Je voudrais bien que vous m'indiquiez où votre modèle, confronté à la réalité, a réussi !
Mme Marie-Claude Beaudeau. Nous n'avons pas de modèle ! C'est ce que nous proposons pour la France, monsieur le ministre !
M. Jean-François Mattei, ministre. Si on est dans l'utopie, alors, tous les discours sont permis ...
M. Dominique Leclerc, rapporteur. Très bien !
M. Jean-François Mattei, ministre. ... et il n'est pas besoin d'y répondre plus avant !
Monsieur Murat, je vous remercie d'avoir souligné la nécessaire autonomie des branches.
Vous avez raison : s'agissant de la politique familiale, il ne doit pas y avoir, dans la durée, de droit de tirage, nos prédécesseurs nous l'ont montré. Monsieur Christian Jacob y reviendra. Nous sommes malheureusement contraints à un certain nombre de transferts que nous n'aurions pas souhaités.
Vous avez fort opportunément rappelé que, malgré tout, nous avions changé les choses, notamment en diminuant les lettres clefs flottantes.
Nous aussi, il y a cinq ans, nous sommes passés de la majorité à l'opposition.
M. Gilbert Chabroux. Et vous ne vous êtes pas privés de critiquer !
M. Jean-François Mattei, ministre. Peut-être, mais nous avons su reconnaître que la maîtrise comptable était une erreur. Vous, vous avez poursuivi la même démarche pendant cinq ans, et je n'ai jamais entendu sortir de votre bouche le moindre regret concernant votre politique de santé. C'est dommage ! Dans la vie, il faut savoir se remettre en cause, reconnaître ses échecs ! Vous défendez encore vos références passées et vous n'avez rien à proposer ! Je pense donc qu'il ne peut pas y avoir de débat.
Oui, nous nous sommes trompés avec la maîtrise comptable. Et nous avons tenté de trouver une nouvelle voie, celle de la confiance, du dialogue avec les professionnels de santé. Je suis persuadé que cette confiance ne sera pas trahie parce que, d'ores et déjà, mois après mois, je vois que les choses changent.
Madame Demessine, oui, c'est un texte de transition. Oui, la concertation est indispensable. Oui, gouverner, c'est prévoir. C'est la raison pour laquelle, aujourd'hui, nous cherchons à ouvrir le champ de la concertation. Il faut bien définir les éléments de la négociation ! J'en ai éprouvé moi-même la nécessité lorsque j'ai rencontré les partenaires sociaux, que je reçois encore la semaine prochaine sur la réduction du temps de travail. En effet, les partenaires sociaux nous disent : « Vous voulez négocier avec nous, mais sur quoi ? »
Nous fixons donc les repères de la négociation sur la sécurité sociale, et la concertation sera très large. Je souhaite que le paritarisme fonctionne, que le MEDEF revienne à la table des négociations sur les réformes dont nous avons besoin.
M. Gilbert Chabroux. Il ne veut pas !
M. Jean-François Mattei, ministre. Je doute, malheureusement, que cela se passe ainsi. Je me prépare donc à le remplacer, en concertation avec les partenaires sociaux, qui auront toujours - je le dis ici solennellement - un rôle prééminent. Nous sommes, en effet, attachés à notre système de santé, même si nous devons le faire évoluer.
Quant aux personnes handicapées, madame Demessine, je ne vais pas entrer maintenant plus avant dans les détails. Je voudrais simplement saluer l'authenticité de vos propos sur des sujets auxquels vous êtes personnellement attachée.
Vous savez combien la révision de la loi de 1975 sera difficile dans le contexte budgétaire actuel. Mais croyez bien que nous avons la volonté d'aller de l'avant. Malheureusement, sans la croissance, les choses n'avanceront probablement pas aussi vite que nous le souhaiterions !
Je vous assure, en tout cas, que nos intentions dans ce domaine sont à la hauteur des vôtres. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Christian Jacob, ministre délégué. Je veux tout d'abord remercier très chaleureusement de leur soutien M. le président de la commission ainsi que les trois rapporteurs. En abordant le sujet de la famille et en formulant des propositions, ils ont engagé un débat très utile.
Nous cherchons tous à atteindre une plus grande clarification et une plus grande autonomie dans les branches. Bien sûr, on ne passe pas de l'ombre à la lumière en un jour. Un vrai travail de fond doit être mené.
Je reste extrêmement attentif aux recettes, sur lesquelles M. Fourcade est intervenu tout à l'heure. Il faut toujours être prudent dans ce domaine. En effet, tout le monde n'est pas toujours animé des meilleures intentions. Certains pourraient être tentés de s'engouffrer dans une brèche qui serait ouverte. C'est pourquoi il me paraît très difficile de « sanctuariser » le bloc des recettes.
Un débat comme celui-là doit être mené sans précipitation. Comme l'a indiqué tout à l'heure M. Vasselle, il convient de travailler avec les mouvements familiaux. Le Gouvernement s'y est engagé, et il le fait déjà quotidiennement. C'est pourquoi un vrai travail de fond doit être entrepris avec l'ensemble des partenaires concernés.
La politique familiale, ce n'est pas seulement de la gestion de prestations. Une politique familiale suppose aussi une vision d'avenir. La nôtre passe par la responsabilisation. Cette préoccupation sera au centre de la Conférence de la famille qui se tiendra au printemps.
Je l'ai indiqué tout à l'heure, les groupes de travail qui ont été mis en place intègrent non seulement des parlementaires mais aussi des maires. J'ai en effet demandé à l'Association des maires de France de désigner des représentants, de façon que les élus locaux soient associés à la réflexion.
J'ai été très attentif à la préoccupation qu'a exprimée M. Gérard Dériot à cet égard. Je suis convaincu que tous les niveaux de collectivités territoriales doivent participer à ces travaux.
Monsieur Chabroux, pardonnez-moi mais, tout à l'heure, en vous écoutant, je me disais que, décidément, il vaut mieux être sourd que d'entendre certains propos. La situation dans laquelle vous avez laissé les comptes sociaux et les comptes de la nation ne vous permet guère de nous faire des procès d'intention !
M. Gilbert Chabroux. La branche famille était en déficit en 1997 !
M. Christian Jacob, ministre délégué. Si le Gouvernement est contraint aujourd'hui de faire des transferts à ce niveau-là, à qui le doit-il ? Ayez au moins l'objectivité de reconnaître votre responsabilité dans la situation dans laquelle se trouve le fonds de solidarité vieillesse, qu'il nous faut bien - la loi nous y oblige - remettre en équilibre. Reconnaissez au moins cela !
Je souhaite également vous répondre sur l'absence de Conférence de la famille cette année.
Au mois de juin, date à laquelle était initialement prévue la Conférence de la famille, rien n'était fait : aucun dossier n'était prêt, aucune proposition n'était mise au point !
Alors, je ne veux pas vous faire à mon tour de procès d'intention, monsieur le sénateur, mais de deux choses l'une : soit la précédente majorité et vous-même étiez, depuis le début de l'année, absolument persuadés de perdre les élections, soit vous aviez délibérément l'intention de supprimer la Conférence de la famille ! (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
Mme Nelly Olin. Bravo !
M. Christian Jacob, ministre délégué. Monsieur Dériot, vous avez insisté sur la simplification. Je vous approuve totalement. Ce point constitue d'ailleurs le sujet d'un des groupes de travail que nous avons mis en place.
Je rappelle que, à cet égard, nous nous appuyons sur des expériences qui ont été menées localement. J'ai visité plusieurs caisses d'allocations familiales, notamment celle de Périgueux. Sur l'initiative de la CNAF, cette caisse réalise depuis plus d'un an un très important travail d'expérimentation en matière de simplification. Je crois que l'on peut largement s'en inspirer. A la fin du mois, je me rendrai à Pau pour rencontrer les présidents et directeurs de caisses d'allocations familiales. Ce sera là une nouvelle occasion d'évoquer la simplification.
Il convient en effet, dans ce domaine, de s'appuyer sur des expériences concrètes menées sur le terrain. Les agents des caisses d'allocations familiales et les mouvements familiaux y sont très attentifs. Je leur ai demandé de nous faire des propositions très précises.
Monsieur Murat, vous avez évoqué le souci d'accorder plus d'autonomie aux familles. C'est une vraie question et, comme je le disais à Alain Vasselle il y a quelques instants, nous aurons l'occasion de revenir sur ce sujet lors de la discussion des amendements.
Vous avez également évoqué le soutien aux parents. Je suis, sur ce sujet également, en parfait accord avec vous. Une politique familiale ne consiste pas simplement à gérer des prestations. Elle implique un travail de responsabilisation, conduit avec l'appui des réseaux de parentalité, sur l'absentéisme scolaire et la violence des jeunes aussi.
J'évoquais lors de mon audition par la commission des affaires sociales d'autres thèmes, notamment celui du surpoids des jeunes adolescents. Jean-Louis Lorrain, qui est particulièrement attentif aux adolescents et aux difficultés qu'ils rencontrent, ne me contredira pas : il faut rendre responsables les jeunes au regard de leurs habitudes alimentaires.
Mais il faut aussi évoquer les accidents de la route. Un moniteur d'auto-école passe vingt à vingt-cinq heures avec un jeune pour le préparer aux épreuves du permis de conduire. Mais combien de centaines ou de milliers d'heures ce jeune passe-t-il avec ses parents en voiture ? Dans ce cas également, le rôle des parents est extrêmement important.
Il ne faut pas avoir peur, au contraire, de rappeler leurs responsabilités aux parents. Les mouvements familiaux sont tout à fait prêts à le faire. C'est un devoir de solidarité nationale que d'apporter un appui aux parents qui sont aujourd'hui en perte de repères et sont confrontés à des difficultés.
Mme Campion a également évoqué le débat sur les emplois familiaux et sur la baisse des impôts.
Les emplois familiaux ne constituent pas une mesure sectorielle destinée à telle ou telle caste, comme je l'entends dire parfois. Les employeurs familiaux représentent 1,2 million de personnes. Cette donnée doit être prise en compte. Chaque nouvelle mesure dans ce domaine permet de créer des emplois, parce que l'emploi - vous devriez pourtant en savoir quelque chose - ne se décrète pas. Il faut aider à le créer, il faut prendre des initiatives, et la défiscalisation en est une. (Exclamations sur les travées du groupe du CRC et du groupe socialiste.)
De la même façon, on baisse les impôts pour qui en paie : je vous l'accorde ! Ceux qui ne paient pas d'impôts ne profitent pas des baisses d'impôts ! (Bien sûr ! sur les travées du RPR.)
Madame Demessine, vous avez tout à l'heure évoqué la base mensuelle des allocations familiales. Je vous rappelle que nous l'avons revalorisée pour tenir compte de l'inflation, comme cela se fait depuis dix ans et comme tous les gouvernements que vous avez soutenus ou que nous avons soutenus l'ont fait.
Il n'y a aujourd'hui aucune remise en cause du niveau de ces allocations puisque l'augmentation a été de 1,5 % par anticipation sur 2003 et de 0,2 % au titre de la régularisation sur 2002. Nous sommes dans la même logique !
S'agissant de la participation des employeurs à la branche famille, elle n'est bien évidemment pas remise en cause et j'insiste sur le fait qu'elle représente les deux tiers des cotisations et que, par conséquent, elle pèse son poids ! (Mme Marie-Claude Beaudeau s'exclame.)
Il est facile de critiquer les employeurs, le patronat mais, pour qu'il y ait des employés, il faut qu'il y ait des employeurs. C'est une règle simple. Retenez-la et méditez-la. Ce sera pour vous l'occasion de faire preuve d'un peu plus de mesure, et peut-être de bon sens. Qui sait ?... (Applaudissements sur les travées du RPR et de l'Union centriste.)
Mme Marie-Claude Beaudeau. Il faut aussi des employés pour qu'il y ait des employeurs !
M. Christian Jacob, ministre délégué. Pour ce qui est du FIPE, il s'agit là d'un canard à qui je veux tordre le cou. Vous savez pertinemment que ce fonds n'est absolument pas remis en cause.
Vous le savez, mais cela ne fait rien, vous continuez à prétendre qu'il va disparaître. On ne sait jamais, cela pourrait passer ! Plus c'est gros, plus ça passe !
Je rappelle que, depuis le 1er juillet, ce sont 228 millions d'euros qui ont été remis à disposition, et que, sur ces 228 millions d'euros, 80 millions seront consommés à la fin de l'année.
Là aussi, je prends le soin de bien expliquer les choses : 228 millions moins 80 millions égalent 148 millions ! (Rires sur les travées du RPR.) Cela veut dire qu'il reste 148 millions d'euros à utiliser !
Arrêtez donc de dire que le FIPE a été supprimé : il est toujours en place et, lorsque ces 140 millions d'euros seront utilisés à leur tour, nous nous poserons la question de savoir s'il est bon ou non de continuer.
Voilà où nous en sommes aujourd'hui : le FIPE existe et le 1er juillet, il a été reconduit pour une période de trois ans au terme de laquelle nous reposerons la question.
Vous nous reprochez de privilégier tel ou tel mode de garde. Effectivement, nous ne sommes pas des doctrinaires. Je considère que le mode de garde relève de la responsabilité individuelle des parents...
M. Alain Vasselle, rapporteur. Eh oui !
M. Christian Jacob, ministre délégué. ... et que ce n'est pas à l'Etat de décider comment un enfant doit être gardé, chez qui, et dans quelles conditions. Le rôle des pouvoirs publics est de mettre à disposition l'offre la plus large possible.
M. Alain Vasselle, rapporteur. Très bien !
M. Christian Jacob, ministre délégué. Nous nous y sommes attachés.
Je vous le rappelle, rien n'a été fait pour ce qui concerne le statut des assistantes maternelles. Nous sommes aujourd'hui en train de reprendre ces travaux.
De la même façon, s'agissant des métiers de la petite enfance, nous mettons en place un groupe de travail avec les partenaires sociaux. Là aussi, personne ne s'en était préoccupé.
Il est facile de faire de grandes déclarations, mais il serait bon de consacrer plus de temps à l'action. Et si tel avait été le cas, les électeurs vous auraient peut-être moins sanctionnés. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Hubert Falco, secrétaire d'Etat aux personnes âgées. Mesdames, messieurs les sénateurs, je ne suis pas étonné de la qualité et de la pertinence de vos rapports. Vous connaissant depuis de nombreuses années, je sais le travail que vous effectuez.
Je voudrais remercier M. Dominique Leclerc de son rapport sur l'assurance vieillesse qui est à la fois pédagogique et exhaustif. Il a particulièrement bien expliqué le mécanisme de revalorisation des pensions tel qu'il a été décidé par le Gouvernement. Il a montré, chiffres à l'appui, que tout coup de pouce représentait des efforts financiers importants.
Ce qui est à mes yeux essentiel, c'est d'assurer aux retraités le maintien de leur pouvoir d'achat. Ce sera le cas en 2003. Le Gouvernement s'y engage.
D'ailleurs, dans la discussion générale, M. François Fillon a consacré une partie importante de son intervention à la présentation de la modification du mode de calcul des transferts de compensation généralisée. Les propos de M. Leclerc appelant à ce que l'économie globale des mécanismes de compensation et de surcompensation soit « revisitée » dans le cadre de la prochaine réforme des retraites m'apparaissent donc tout à fait justifiés.
Dominique Leclerc a également mis en lumière la situation catastrophique du fonds de solidarité vieillesse qui a nécessité, comme l'a rappelé mon collègue Christian Jacob, le recours accéléré à la prise en charge des majorations de pensions par la CNAVTS.
Enfin, j'ai particulièrement apprécié que, dans sa conclusion, il souhaite voir la future répartition des retraites dépasse largement les seuls enjeux financiers qui lui sont traditionnellement associés. Le Gouvernement fait sien cet objectif.
Monsieur Gérard Dériot, vous avez appelé à une plus grande équité dans le système des retraites. Comme vous le savez, cet objectif d'équité est, avec la liberté et la sécurité, l'un des trois piliers de la réforme telle qu'elle a été annoncée par M. le Premier ministre.
Nous devons cependant tenir compte de la spécificité de certaines situations, notamment géographiques, pour éviter d'imposer à certains régimes des efforts qui seraient disproportionnés.
Vous avez rappelé l'engagement pris par la majorité sénatoriale lors de la précédente législature de remettre en place les fonds de pensions. Si M. le Premier ministre a annoncé, le 3 juillet dernier, qu'un mécanisme d'épargne-retraite serait institué, nous devons néanmoins être conscients du fait que ce mécanisme viendra en complément et non en remplacement des régimes de retraite par répartition.
Madame Beaudeau, vous regrettez que le rapport annexé fasse état d'un passage éventuel à la répartition intégrale. Vous ne retenez que l'un des aspects du rapport puisque ce même document fait bien état de la nécessité - elle a d'ailleurs été réaffirmée par M. Fillon lors de la discussion générale - d'un réexamen approfondi de la branche accidents du travail et maladies professionnelles.
Madame le sénateur, comment le Gouvernement pourrait-il s'engager dans la voie de la répartition intégrale sans en avoir pesé de manière incontestable les conséquences sur les plans juridique et financier ?
Contrairement à ce que beaucoup croient, les rapports Nasse et Yahiel ne se fondent pas sur l'idée « répartition intégrale, mode d'emploi », si je puis m'exprimer ainsi. Bien au contraire : le rapport de M. Yahiel, remis en février 2002, souligne la pauvreté des informations disponibles pour éclairer d'éventuelles décisions et démontre l'extrême incertitude concernant les conditions de réalisation et les conséquences de la réparatition intégrale.
Pour ces raisons, nous avons souhaité constituer un comité de pilotage associant les principaux acteurs pour approfondir l'expertise sur ce thème.
M. Bernard Murat a rappelé l'importance de la réforme des retraites. Il a noté qu'elle était souhaitée, fort justement, par une majorité des Français. Nous ne devons pas décevoir leur attente. La pire des situations serait effectivement l'absence de réforme qui crée aujourd'hui, avouons-le, une forte insécurité.
Mme Michelle Demessine a regretté que le mode habituel de revalorisation des pensions n'ait pas été appliqué pour 2003. Mais, depuis 1999, il n'existe pas de mode de revalorisation pérenne des pensions. Depuis 1999, le Parlement doit adopter une mesure de nature législative.
Monsieur Domeizel,...
M. Claude Domeizel. Je n'ai pas pu parler ! (Rires.)
M. Hubert Falco, secrétaire d'Etat. Mon cher ex-collègue, à force de trop réfléchir, vous croyez, ou feignez de croire, que la revalorisation de 1,5 % va dévaloriser le pouvoir d'achat des retraités.
M. Claude Domeizel. C'est évident !
M. Hubert Falco, secrétaire d'Etat. Je m'inscris en faux contre cette assertion ! L'essentiel, une fois de plus, c'est d'assurer aux retraités le maintien de leur pouvoir d'achat.
Vous regrettez également, monsieur le sénateur, l'extinction progressive du congé de fin d'activité. Je m'étonne de cette position de la part d'un parlementaire éminent, par ailleurs membre du Conseil d'orientation des retraites. Ce dernier a insisté sur la nécessaire harmonisation de notre droit national avec le droit communautaire à la suite de l'arrêt Griesmar de la Cour de justice des Communautés européennes portant sur la bonification pour enfant aujourd'hui réservée aux femmes.
Le Gouvernement a choisi de traiter cette question dans le cadre de la réforme globale des retraites. Pour notre part, vous le voyez, nous n'allons pas réfléchir à ce problème pendant de nombreuses années, de trop nombreuses années, comme vous l'avez fait, car, en quelques mois, nous allons nous attaquer à ce problème.
Après une concertation avec les partenaires sociaux, nous allons nous efforcer d'ouvrir des voies, de trouver les moyens de nous mettre en conformité avec le droit communautaire.
Si le Gouvernement, mon cher ex-collègue, avait décidé de régler ce seul dossier à l'automne 2002, que n'aurions-nous pas entendu ! Que n'auriez-vous dit sur les travées de l'opposition !
Monsieur Chabroux, M. le ministre de la santé a fait un paquet global des réponses qu'il devait vous faire.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Un paquet cadeau !
M. Hubert Falco, secrétaire d'Etat. Je n'ai donc pas grand chose à ajouter à ce qu'il a dit, et fort bien dit.
Monsieur Chabroux, vous le savez, j'ai la charge d'un dossier lourd, très lourd, que vous nous avez laissé : c'est le dossier de l'allocation personnalisée d'autonomie.
M. Adrien Gouteyron, rapporteur pour avis. Ce n'est pas un cadeau !
M. Hubert Falco, secrétaire d'Etat. Alors, s'agissant des engagements qui ont été pris et qui ne sont pas financés, je vous en parlerai lors de la discussion de l'article 25. (M. Gilbert Chabroux proteste.)
Pour parler, faire de la publicité, annoncer une mesure, vous êtes bons ; mais pour la financer, vous l'êtes moins ! (Applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. Adrien Gouteyron, rapporteur pour avis. Très bonne conclusion !
M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt-deux heures.
La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-neuf heures cinquante-cinq, est reprise à vingt-deux heures.)