SEANCE DU 4 JUILLET 2002


POLITIQUE GÉNÉRALE

Suite du débat et vote sur une déclaration
du Gouvernement

M. le président. Nous reprenons le débat sur une déclaration de politique générale du Gouvernement.
Dans la suite du débat, la parole est à M. Paul Girod. M. Paul Girod. De même que j'ai été de ceux qui se sont engagés dès le début de l'élection présidentielle - compte tenu de l'état dans lequel se trouvait notre pays (Murmures sur les travées socialistes) et dont certains de nos collègues sont en partie responsables, je le déplore - auprès du Président de la République sortant pour essayer de contribuer au redressement de notre pays, de même je me suis réjouis, monsieur le Premier ministre, de votre nomination par le président élu, puis de votre confirmation à votre poste. C'est pourquoi, avec la majorité du groupe auquel j'appartiens, je vous apporterai mon soutien lors du vote solennel qui interviendra tout à l'heure, à votre initiative. Je joins d'ailleurs mes remerciements à ceux qu'a exprimés le président du Sénat ce matin pour cette attention que vous avez eue à l'égard de la Haute Assemblée.
Monsieur le Premier ministre, vous nous avez fait part, hier et ce matin, des grands axes de l'action que vous entendez mener. Bien des aspects de votre propos m'ont réjoui. J'ai particulièrement apprécié ce que vous avez dit en ce qui concerne l'initiative, la liberté, la responsabilité des collectivités territoriales, que vous connaissez de longue date puisque, avant d'être sénateur, vous étiez déjà un élu local de poids et que vous avez eu la responsabilité de guider l'ensemble des régions de France dans l'évolution qu'elles ont connue ces dernières années, qui a comporté des points positifs et des points qui l'étaient moins.
Vous avez appelé à un deuxième sursaut de décentralisation. Pour ma part, je parlerai d'un troisième sursaut, car, quitte à mécontenter certains de mes collègues, je rappellerai que l'initiative de la décentralisation est antérieure à 1981 (Rires sur certaines travées socialistes) et qu'en 1979 j'ai, dans cette enceinte, été amené avec un grand nombre de mes collègues à apporter mon soutien à des lois qui constituaient les bases d'une décentralisation authentique, lois financières sans lesquelles rien n'auraient été possible depuis. Ces lois consacraient l'existence de la dotation globale de fonctionnement, la liberté du taux des impositions et la globalisation des emprunts des collectivités territoriales.
Je le répète, rien n'aurait été possible si ces bases n'avaient pas été créées, et il faut rendre hommage à celui qui les avait initiées, le président Valéry Giscard d'Estaing, au Premier ministre Raymond Barre, qui l'avait accompagné dans cette démarche, et au ministre de l'intérieur de l'époque, Christian Bonnet,...
M. Henri de Raincourt. Absolument !
M. Paul Girod. ... qui fut depuis notre collègue.
M. Charles Revet. De tels rappels sont nécessaires de temps en temps.
M. Paul Girod. Que la dotation globale de fonctionnement ait été détournée de son objet pour devenir une espèce de « sucette récompense » pour qui obéissait aux politiques gouvernementales n'est pas notre fait. C'est arrivé ensuite, et la libre administration des collectivités territoriales, pourtant inscrite dans la Constitution, en a été lourdement obérée.
J'en appelle à tous ceux d'entre nous qui sont élus locaux pour qu'ils réfléchissent honnêtement sur leurs responsabilités et reconnaissent ce qui s'est passé, surtout depuis cinq ans, en matière de recentralisation rampante dans les domaines financier, réglementaire, voire législatif. Nous avons tous eu à subir les conséquences de cette situation.
Monsieur le Premier ministre, ce grand débat sur une décentralisation renforcée revêt bien entendu plusieurs aspects. Mais il s'articule surtout, comme vous l'avez souligné ce matin, autour du couple Etat-région et du couple département-commune, impliquant proximité, programmation et, d'une certaine manière, impulsion.
Vous entendez, à juste titre, vous appuyer sur ce diptyque. Mais, dès lors, on peut se poser une question - mon groupe a d'ailleurs récemment contribué au débat - sur la nature des régions actuelles. Sont-elles assez grandes, assez fortes pour s'affirmer dans le contexte européen ?
Nous suggérons que leur nombre et leur dimension soient réexaminés. On pourrait, pourquoi pas, encourager le rassemblement volontaire des régions, comme nous l'avons fait pour les communes, ou encore redéfinir leur statut en fonction de la restructuration par l'Etat des zones de défense, par exemple. Je reviendrai sur ce point dans la deuxième partie de mon exposé.
En tout état de cause, il est nécessaire d'affirmer les capacités d'initiatives des départements, des communes et des régions. J'ai déposé voilà quelques semaines une proposition de loi constitutionnelle, que je vous ai transmise, monsieur le Premier ministre, visant à accorder aux régions la possibilité d'adapter à l'échelon local les lois adoptées par le Parlement. Les lois seraient ainsi entourées d'un corpus réglementaire dont les régions seraient responsables, sous un contrôle renforcé ou plus exactement recentré.
L'affaire corse, sur laquelle j'ai travaillé au sein de cette assemblée, n'aurait peut-être pas évolué de la façon que tout le monde connaît si une compétence régionale avait pu décliner, de manière différentielle, les textes d'application d'une loi aussi générale que la loi littoral. Cette dernière avait été conçue pour protéger les espaces en cours de bétonnisation sur le continent, spécialement sur la façade méditerranéenne. Or le système juridique de réglementation unitaire au niveau national l'a transformée en un outil de blocage complet sur l'île de Beauté, ce qui a pu alimenter une partie des difficultés que connaît cette région que nous aimons tous.
M. Patrick Lassourd. Très bien !
M. Paul Girod. Nous souhaitons, certes, que la Corse reste dans le France, mais la Corse n'est pas la Beauce ! On ne peut appliquer n'importe quelle disposition de la même manière dans toutes les régions ! Peut-être y a-t-il là une piste que vous pourrez éventuellement expérimenter, monsieur le Premier ministre, quoique je souhaiterais que nous ne nous retrouvions pas otages d'une expérimentation menée en matière de décentralisation.
Si l'expérimentation peut exister au niveau local en matière de gestion, si elle peut exister dans une déclinaison de réglementation voulue par le Parlement, seule instance habilitée à voter la loi, elle ne doit en aucun cas exister en matière législative,...
M. Patrick Lassourd. Très bien !
M. Paul Girod. ... sinon l'unité de la République s'en trouverait remise en cause.
M. Patrick Lassourd. Absolument !
M. Paul Girod. Si jamais le mot « expérimentation » devait s'associer à l'adjectif « législatif », je serais, monsieur le Premier ministre, de ceux qui vous crieraient « halte ! », avant d'exprimer éventuellement mon désaccord, puis mon opposition.
L'expérimentation doit se faire dans le cadre de la loi, et non à côté de la loi.
Je voudrais maintenant, sans entrer dans le détail des propositions de mon groupe en matière de compétences, de responsabilités et de répartition des pouvoirs et des fiscalités entres les régions, propositions sur lesquelles Jean-Pierre Fourcade reviendra dans quelques instants, aborder le second volet de mon intervention.
J'ai succédé à l'un de nos plus éminents, de nos plus brillants collègues, Maurice Schumann, à la tête du Haut Comité français de défense civile, et permettez-moi, en cette occasion, de citer une phrase de notre regretté collègue : « Le troisième millénaire commencera par une guerre diffuse et permanente. » Il s'est éteint avant le début du troisième millénaire, mais il fait partie de ces visionnaires qui avaient vu ce qui nous menaçait.
M. le président. Comme Malraux !
M. Paul Girod. Malraux avait dit : « Ce siècle sera spirituel ou ne sera pas. » Or, malheureusement, ce sont des déviations spirituelles qui ont débouché sur ce que nous connaissons et dont nous sommes tous victimes.
C'est pourquoi, à propos du mot « défense », j'aurai peut-être à formuler la seule critique que j'émettrai sur la composition de votre gouvernement, monsieur le Premier ministre. Elle portera non pas sur la personne - Dieu sait si Mme Alliot-Marie mérite le respect et que, dans ses premiers pas de ministre de la défense, elle prouve son efficacité - mais sur l'intitulé du ministère.
Vous avez dit ce matin : « en matière de défense, nous allons déposer une loi de programmation militaire ». Mais, monsieur le Premier ministre, la défense n'est plus seulement militaire, elle nous concerne tous, elle concerne tous les citoyens, car nous sommes exposés maintenant à des agressions qui portent sur la totalité de notre territoire. Désormais, la notion de défense civile s'impose à chacun d'entre nous, dans nos comportements individuels comme dans l'organisation de nos collectivités territoriales. (Applaudissements sur les travées du RDSE, du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.) Qu'est-ce que cela signifie ? Que la défense ne relève pas, dorénavant, d'un, de deux ou de trois ministères, mais qu'elle concerne tout le Gouvernement et toute la nation.
M. Patrick Lassourd. Exactement !
M. Paul Girod. Cela signifie aussi que nous ne pouvons continuer à traiter nos concitoyens en êtres non conscients, par exemple en annulant - et cela au mois de novembre dernier ! - un exercice d'évacuation de la tour Montparnasse au motif qu'il était susceptible d'inquiéter les usagers de la tour ! Cela n'a pas de sens quand on sait que, à New York, le 11 septembre, 35 000 personnes ont pu être sauvées précisément parce que de tels exercices avaient été effectués auparavant. C'est grâce à cela qu'il n'y a eu, si j'ose dire, « que » 7 000 morts : le bilan aurait pu être bien plus lourd encore !
Cela signifie enfin que la responsabilité de la défense civile incombe à tous. Quand deux personnalités aussi différentes que MM. Bauer et Raufer publient ensemble un livre intitulé La Guerre ne fait que commencer , ils interpellent nos consciences d'individus, de citoyens, de responsables locaux et nationaux, et ils nous montrent que nous ne pouvons pas nous voiler la face devant cette nouvelle réalité.
Monsieur le Premier ministre, je suis heureux de vous apporter mon soutien, mais je vous demande d'intégrer ces dimensions dans votre réflexion et dans l'organisation gouvernementale que vous êtes en train de mettre en place.
Je souhaite en effet que nous puissions transmettre à nos héritiers non seulement une nature et une planète protégées mais aussi une conception de la nation où la responsabilité est l'oeuvre de tous, où l'inquiétude - non celle qui débouche sur la peur mais celle qui incite à la vigilance et à la préparation au danger - est partagée par tous.
L'Etat doit être capable d'intégrer l'ensemble des approches de la défense de la nation, car les temps qui viennent ne seront certainement pas faciles à vivre. (Applaudissements sur les travées du RDSE, de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est M. Philippe Adnot.
M. Philippe Adnot. Monsieur le Premier ministre, vous avez souhaité que la France soit porteuse d'un nouvel humanisme. Je reviens de Colombie et d'Argentine et je pense que c'est effectivement ce que l'on attend de nous dans de nombreux pays du monde.
Les élections ont eu lieu : les Français se sont donné un président, un gouvernement et une Assemblée nationale. L'heure n'est pas aux analyses ou aux regrets ; l'heure est à l'action.
L'action, comme toujours, doit être précédée d'une analyse de la situation, la plus lucide possible, de manière à préparer les décisions les plus courageuses possible.
Courage et lucidité, voilà bien ce qu'attendent nos compatriotes.
Lucidité, car nous ne devons pas être aveuglés par une victoire qui doit plus aux circonstances qu'à l'adhésion à un projet. Le débat de fond n'a été qu'effleuré et, demain, c'est une société foncièrement différente que nous aurons à construire.
Courage, car nos concitoyens en ont assez, et la dispersion de leurs votes à l'élection présidentielle montre bien leur désarroi. Leur rassemblement autour de l'UMP traduit leur souci de voir appliquée une politique cohérente et forte.
Monsieur le Premier ministre, je vous fais confiance pour conduire une telle politique, sous l'autorité de Jacques Chirac, grâce à votre sens de l'engagement et à vos convictions, dans lesquelles nous nous retrouvons pleinement.
Je souhaite aujourd'hui insister sur quelques points essentiels à mes yeux et qui me paraissent relever plus de la volonté politique que de textes nouveaux.
Priorité des priorités : libérer les énergies créatrices. Tout le monde est d'accord sur cette formule. La méthode implique d'identifier les points faibles et de trouver des solutions non pas dans l'inflation législative et réglementaire mais plutôt dans la dynamique de l'action. S'il est légitime que des normes encadrent les activités économiques, ceux qui sont chargés de veiller à leur respect devraient adopter une démarche positive en informant en amont, en préconisant des solutions et en étant plus réactifs.
Deuxième priorité : « arrêter la machine à ne rien faire ». Le contrat de plan n'est pas mis en exécution, les fonds européens ne sont pas mis en oeuvre,...
Mme Nelly Olin. C'est vrai !
M. Philippe Adnot. ... la loi SRU va bloquer tous les projets de développement pendant deux ans. Tout cela tient à deux raisons essentielles : la complexité administrative et l'absence de responsabilité, qui a conduit à la « politique du parapluie ».
Monsieur le Premier ministre, vous avez pris des engagements sur la décentralisation. Je crois à l'efficacité de celle-ci, mais elle ne doit conduire ni au relâchement de l'unité de l'Etat ni à l'accroissement des disparités entre collectivités riches et collectivités pauvres.
La législature précédente a accru ces inégalités, car l'ambition était partisane. Les faits sont là : plus les collectivités sont riches et démographiquement fortes, moins elles participent au financement des infrastructures qui les concernent : TGV, autoroute, téléphonie mobile, haut débit.
M. Henri de Raincourt. Absolument !
M. Philippe Adnot. Monsieur le Premier ministre, il vous faut réussir à concilier aménagement équilibré du territoire, démocratie de proximité et utilisation efficace de l'argent public. Pour cela, vous aurez besoin de toutes les forces vives, qu'il faudra éviter de surcharger de textes ou de pratiques administratives inutiles. Il faut condamner les CRADT - les conférences régionales d'aménagement et de développement du territoire - et autres « bidules » (Rires) qui freinent l'action et nient la démocratie locale.
M. Patrick Lassourd. Très bien !
M. Philippe Adnot. Je connais votre engagement en faveur des régions. Je connais aussi votre engagement et celui du Président de la République en faveur du département et des communes, collectivités qui ont fait leurs preuves et qui peuvent, demain, assumer de nouvelles responsabilités.
Au moment où vous voulez inscrire les régions dans le cadre constitutionnel, à l'égal des communes et des départements, je souhaite que vous entendiez l'appel de ces derniers : évitez de rajouter des contraintes inutiles. Depuis vingt-cinq ans, des secteurs géographiques entiers se sont organisés en syndicats mixtes de pays, librement, sans soumission aux oukases de commissions. A l'heure actuelle, placées sous la tutelle des préfets de région, ces commissions sont si éloignées de la réalité qu'elles ne mesurent pas, ensuite, les conséquences de leurs actes.
Troisième priorité : redonner de la valeur au travail.
Vous n'avez pas pu, monsieur le Premier ministre, augmenter le SMIC. Cela est parfaitement compréhensible, car une mesure aussi significative implique une vision globale des flux financiers de prélèvement et de redistribution.
Il est cependant urgent, monsieur le Premier ministre, qu'un signe fort soit adressé à ceux qui croient qu'il est nécessaire de fonder notre société sur des valeurs renouvelées.
Les ressources d'une famille où le seul salaire est constitué d'un SMIC dépendent aujourd'hui plus de la redistribution que de l'acte de travail. Sans changer l'enveloppe financière, il faut modifier la méthode. Chaque baisse de charges doit profiter à l'entreprise et au salarié. La prise en charge par l'Etat de cette baisse doit être compensée par une diminution de l'intervention de l'Etat et par une suppression des effets d'aubaine. Serions-nous, pour autant, moins solidaires ? Certainement pas ! L'ambition doit être d'améliorer le minimum social, mais en l'assortissant d'une condition stricte : pas d'aide sans contrepartie.
Notre pays a besoin de liberté, de projets, d'esprit d'entreprise. Les actions que nous allons lancer doivent s'inscrire dans cette volonté, dans cette dynamique.
Nous connaissons, monsieur le Premier ministre, votre volonté de dynamiser la France : ne vous privez pas de la contribution que nous sommes prêts à vous apporter et à apporter à la France. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Philippe Marini. (Applaudissements sur les travées du RPR.)
M. Philippe Marini. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, monsieur le ministre, madame le secrétaire d'Etat, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, les quelques propos que je m'apprête à tenir s'articuleront autour de deux mots : courage et confiance.
M. Robert Bret. Courage fuyons ! (Rires sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. Philippe Marini. Le courage, c'est le vôtre, monsieur le Premier ministre. La confiance, c'est celle que le Sénat va vous exprimer.
Il est vrai que votre gouvernement est appelé à affronter une situation particulièrement difficile : une société désorientée - et elle l'a bien montré le 21 avril -, une société marquée par la délinquance, l'insécurité et de nombreux problèmes de toute nature que les hommes et les femmes du concret que sont les sénateurs rencontrent dans leur commune, dans leur département, dans leur région. Pour ma part, je n'évoquerai en cet instant que les difficultés qui tiennent à la situation des finances publiques.
Le temps des chiffres va bientôt revenir avec l'examen du projet de loi de finances rectificative, mais il est quand même bon de rappeler les données issues de la législature qui vient de s'achever.
C'est une législature pendant laquelle, mes chers collègues, la croissance a été au rendez-vous, et de façon brillante. Malheureusement pour l'organisation et la « performance » de l'Etat, malheureusement pour la compétitivité de notre pays, ce fut, hélas ! un rendez-vous pour rien : une dette qui s'est creusée de 1 000 milliards de francs en cinq ans, un déficit budgétaire qui devrait atteindre cette année - M. de Raincourt le sait bien - de 42 milliards à 44,5 milliards d'euros, ce qui représente, au choix, 120 millions d'euros ou 800 millions de francs de dépenses non financées par jour.
M. Henri de Raincourt. Hélas !
M. Philippe Marini. Personne, au Gouvernement ou au Parlement, n'échappera à cette réalité incontournable qui nous est léguée et à partir de laquelle il nous faudra construire.
Voilà quelques jours, nous avons pu prendre connaissance des conclusions des auditeurs désignés par l'Etat. Je me permettrai d'en extraire quelques citations qui me semblent particulièrement éclairantes.
Les auditeurs constatent d'abord « l'illisibilité croissante des comptes sociaux », précisant : « Le problème n'est pas récent mais il s'aggrave .»
La deuxième citation fait allusion à un dispositif technique que mes collègues reconnaîtront sans doute : « Il est créé un fonds là où une simple ligne de comptabilité analytique suffirait. » Peut-être s'agit-il du FOREC et du financement des 35 heures... (Sourires.) J'aime beaucoup cette troisième citation : « L'obscurité de ce inextricable dédale pose un problème général d'efficacité publique. » Que peut-on dire de plus ?
M. Henri de Raincourt. C'est lumineux !
M. Philippe Marini. S'agissant de la maîtrise des finances publiques, le propos de MM. Jacques Bonnet et Philippe Masse marque un certain recul par rapport aux choses, mais témoigne également de la perte de nombreuses illusions : « Tous les pays du monde développé sont à la recherche de la bonne solution pour l'équilibre des finances publiques. » L'étonnant n'est donc pas que la France n'ait pas encore trouvé cette bonne solution. L'étonnant, disent-ils, est qu'elle manifeste si peu d'intérêt pour sa recherche.
Monsieur le Premier ministre, démentons cette affirmation ! Prouvons, dans les cinq années qui viennent, que des solutions peuvent être trouvées, afin que ceux qui nous succéderont connaissent une situation plus confortable au regard des marges de manoeuvre qui sont incontestablement nécessaires à la gestion publique.
Que nous disent encore ces auditeurs, dont vous avez tenu à ce qu'ils soient ceux qui avaient oeuvré il y a cinq ans à la demande de M. Jospin ? « Beaucoup de conclusions que nous avions tirées il y a cinq ans pourraient être répétées. » Pour modérée qu'elle soit dans la forme, cette affirmation vaut certainement beaucoup plus que les critiques les plus polémiques, mes chers collègues !
Le Sénat, qui va certainement, dans quelques instants, vous manifester sa confiance, monsieur le Premier ministre, est un Sénat qui évolue. On lui a dit naguère qu'il était une anomalie.
Mme Nelly Olin. Eh oui !
M. Claude Domeizel. Mais non !
M. Philippe Marini. Il est clair que le temps d'une telle mise en cause s'éloigne, et c'est heureux. Il est tout aussi clair que le Sénat, par le rôle qu'il a joué au cours des dernières années - et sur lequel le président Poncelet a justement insisté -, rôle de laboratoire d'idées, de précurseur sur toute une série de sujets, a apporté une contribution essentielle à l'équilibre des institutions.
Il est non moins clair, monsieur le Premier ministre, que le Sénat peut et doit s'adapter, se rénover, tout en restant fidèle à l'esprit et aux valeurs qui l'animent.
MM. René Garrec et Henri de Raincourt. Très bien !
M. Philippe Marini. C'est à ce titre que les travaux du groupe missionné par le bureau de notre assemblée doivent être appréciés.
Mais c'est peut-être plus encore sur la technique législative, sur la façon concrète dont notre rôle peut s'exprimer, dont notre temps peut s'organiser, sur ces aspects juridiques et institutionnels plus obscurs que sur ceux qui ont mobilisé l'attention qu'il y a lieu de se concentrer pour apprécier le travail du groupe que présidait M. Hoeffel.
Monsieur le Premier ministre, le Sénat ne peut manifestement que vous témoigner sa confiance dès lors que la démarche qui est la vôtre est toute sénatoriale.
C'est une démarche sénatoriale car elle s'inspire de l'écoute de la proximité et du droit à l'expérimentation, car elle est puisée aux valeurs humanistes, car elle s'inscrit dans la durée.
M. Patrick Lassourd. Absolument ! M. Philippe Marini. Vous nous proposez un contrat de législature. Le Sénat, qui n'est pas le lieu de l'éphémère, qui n'est pas le lieu des effets de manche (Exclamations et rires sur les travées socialistes, ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.), qui n'est pas le lieu des slogans plaqués sur la réalité, ne peut, bien entendu, qu'être sensible à cette démarche et à ce langage. (Bravo ! et applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste.)
Sur le fond, monsieur le Premier ministre, grâce à la confiance et au soutien qui vous seront apportés par les deux chambres du Parlement, vous allez pouvoir réformer l'Etat. Vous le ferez en nous aidant à mieux analyser ses fonctions et ses résultats.
La loi organique du 1er août 2001, qui résulte d'un beau et rare consensus dans l'histoire parlementaire et gouvernementale, vous fournit les moyens d'une coopération utile avec le Parlement. En effet, en s'appuyant sur des indicateurs de performance, des moyens d'information et de contrôle renforcés au profit de nos commissions et de nos assemblées, il s'agira de développer une logique nouvelle, une logique de résultats et non plus de moyens.
C'est sur cette base que les bons arbitrages pourront être préparés, rendus et mis en oeuvre dans la durée. Mais une réforme de l'Etat est une oeuvre considérable. Si elle peut être lancée, mise sur les rails lors d'une législature, pour réussir, elle demande sans doute beaucoup plus longtemps, deux, voire trois législatures. (Très bien ! sur les travées du RPR.)
En fait, monsieur le Premier ministre, comme vous nous l'avez dit et expliqué avec beaucoup d'efficacité, il s'agit de faire en sorte que notre pays soit attractif et compétitif.
A cet égard, je voudrais faire publiquement état d'un petit rêve qui est peut-être susceptible de devenir réalité : je souhaiterais voir Matignon ou Bercy publier chaque année et diffuser largement dans l'opinion publique nationale et internationale un petit opuscule semblable à celui-ci (M. Marini le montre à l'assemblée) et qui s'intitulerait : « La compétitivité de la France et les moyens d'y parvenir ».
Cet opuscule passerait en revue un certain nombre de secteurs et d'indicateurs. On y parlerait d'éducation, de sciences et de culture. On y parlerait aussi du marché du travail et de son évolution. On y parlerait également des prélèvements obligatoires qui pèsent sur l'économie et ses forces vives. On y parlerait encore des technologies, en particulier des nouvelles technologies de l'information et de leur diffusion. On y parlerait de plus des infrastructures, qui conditionnent la compétitivité économique de nos régions. On y parlerait en outre des conditions de l'entreprenariat, de l'environnement de l'entrepreneur, petit ou grand, et de protection sociale. On y parlerait enfin d'environnement et de développement durable.
Ainsi, sujet par sujet, monsieur le Premier ministre, sans complaisance, avec le souci de la réalité, on évaluerait nos forces et nos faiblesses et on indiquerait comment surmonter nos faiblesses et comment mieux exploiter nos forces.
Ce que la France n'a pas encore fait, un petit pays de la zone euro et de l'Union européenne le fait chaque année, je veux parler de la Finlande et c'est auprès du ministre des finances de ce pays que je me suis procuré le document qui a donné matière à ce petit rêve.
Sur le fond, monsieur le Premier ministre, il est clair que, dans la période qui s'ouvre, l'instauration de la confiance - non plus seulement la nôtre, mais celle de l'ensemble des acteurs de l'économie et des marchés - suppose que des signaux soient donnés, le premier d'entre eux étant la baisse de l'impôt sur le revenu, premier élément tangible d'une nouvelle politique et première démonstration que l'on passe d'une logique à une autre, que les vieilles catégories ne sont plus de mise et qu'à partir d'aujourd'hui un appel est lancé à celles et à ceux qui peuvent faire tourner l'économie, qui peuvent créer l'emploi, qui peuvent créer l'investissement.
Ce signal est essentiel. Il doit, bien sûr, aller de pair avec la recherche de l'équilibre budgétaire, qui est facilité par le retour d'une croissance durable, et avec l'impérieuse nécessité d'abaisser la dette publique, qui représente la charge que nous poussons devant nous et qui devra être financée par les autres, ceux qui nous succéderont.
Monsieur le Premier ministre, il est clair que les prochaines années, les prochains mois vont être marqués par des épisodes délicats qui nécessiteront lucidité, clarté de vue, continuité dans la politique à affirmer.
Plusieurs réformes auxquelles vous nous appelez vont devoir être conduites.
Il s'agit de la réforme des retraites, de leur mode de financement, de leur équilibre, pour ce qui est du secteur privé et du secteur public.
Il s'agit aussi de la réforme de l'Etat à laquelle j'ai déjà fait allusion, mais dont la première et vraie condition est une réforme de la fonction publique. Comment mieux mobiliser les ressources humaines de l'Etat ? Comment faire en sorte que les moyens correspondent aux priorités et aux missions ? Comment gérer non seulement les effectifs mais, aussi et surtout, les compétences ?
C'est le défi essentiel, le défi en fonction duquel, dans quelques années, les efforts réalisés seront appréciés.
Placé sur le même plan, ou presque, figure parmi les orientations que vous nous désignez le panorama social, en particulier le marché du travail, qui, grâce non seulement au dialogue mais aussi à l'innovation, aux idées nouvelles et aux convictions, évoluera, nous l'espérons, très sensiblement au cours des prochaines années.
Il est urgent, monsieur le Premier ministre, de créer l'emploi par la baisse des charges.
Mme Marie-Claude Beaudeau. On en connaît les résultats ! (Mme Nelly Olin s'exclame.)
M. Philippe Marini. Toutes les études économiques qui ont été faites montrent que le couple le plus efficace pour créer l'emploi et engendrer l'activité est celui de la baisse de l'impôt direct, en particulier de l'impôt sur le revenu,...
Mme Marie-Claude Beaudeau. Comment paierez-vous les policiers ?
M. Philippe Marini. ... et de la baisse des charges sociales sur le travail, que ce soit les charges payées par les salariés ou les charges payées par les employeurs. (Applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants ainsi que sur certaines travées de l'Union centriste.)
M. le président. Veuillez conclure, monsieur Marini.
M. Philippe Marini. Je conclus, monsieur le président !
M. Claude Domeizel. Heureusement !
M. Philippe Marini. Monsieur le Premier ministre, vous nous l'avez dit : les 35 heures seront assouplies.
Mme Nicole Borvo. Elles seront supprimées !
M. Philippe Marini. Nous souhaitons que ce processus prenne place dès que possible, car nous connaissons tous des situations de blocage.
Que dire aux petites entreprises qui n'appliquent pas encore les 35 heures et ne savent comment faire ? Que dire à des hôpitaux publics en situation de paralysie...
M. Jean Chérioux. Absolument !
M. Philippe Marini. ... sans même encore appliquer les 35 heures à leur personnel ?
M. Alain Gournac. Eh oui !
M. Philippe Marini. C'est bien entendu un sujet immédiat, incontournable, un sujet qui, nous en sommes certains, figurera parmi vos toutes premières priorités dans l'agenda des prochains mois.
Monsieur le Premier ministre, en conclusion (Ah ! sur les travées socialistes), je dirai que toutes ces réformes ne sont pas nécessairement coûteuses. Certaines peuvent l'être dans l'immédiat, mais elles peuvent rapporter beaucoup dans l'avenir (Mme Marie-Claude Beaudeau s'exclame), en particulier la baisse des impôts. D'autres peuvent très bien ne rien coûter (M. Paul Loridant proteste), comme le desserrement du carcan réglementaire, l'amélioration et la simplification des normes ou encore l'activation de certaines dépenses passives pour l'emploi.
Il est des réformes et bien des possibilités qui ne coûtent rien au budget de l'Etat et qui sont susceptibles de créer de nouvelles dynamiques.
M. Alain Gournac. Très bien !
Mme Marie-Claude Beaudeau. Elles coûteront aux salariés !
M. Philippe Marini. Tout cela, nous en sommes certains, sera fait dans le respect de nos engagements européens et de la convergence au sein de la zone euro.
Monsieur le Premier ministre, je conclus sur une citation que j'emprunte à Montesquieu et qui peut convenir, me semble-t-il, à l'état des choses et des esprits aujourd'hui : « Pour faire de grandes choses, il ne faut pas être au-dessus des hommes ; il faut être avec eux. » (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Patrick Lassourd. Belle leçon pour la gauche !
M. le président. La parole est à M. Paul Loridant. (Exclamations sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. Paul Loridant. Monsieur le Premier ministre, j'ai écouté avec beaucoup d'attention votre déclaration de politique générale...
M. Jean-Claude Carle. Vous n'étiez pas là !
M. Hilaire Flandre. Il l'a écoutée de son bureau !
M. Paul Loridant. ... et deux points ont retenu mon attention : la fiscalité et la sécurité.
Votre mesure phare en matière fiscale est la baisse de l'impôt sur le revenu. Le programme présidentiel mentionnait, bien entendu, la diminution de 5 % qui va intervenir pour 2002.
Ce programme indiquait également qu'il fallait parvenir à une baisse de 33 % en 2007, objectif ô combien ambitieux, monsieur le Premier ministre !
Mais cette baisse d'impôt sur le revenu profitera essentiellement aux classes aisées. (Exclamations sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. Patrick Lassourd. A ceux qui paient !
M. Alain Gournac. Il ne faut pas nous raconter n'importe quoi !
M. Paul Loridant. Elle élargira le fossé entre « la France d'en haut et la France d'en bas », comme vous dites !
Si cette baisse s'applique à la somme globale que les contribuables auraient dû payer cette année, le manque à gagner pour l'Etat atteindra 2,7 milliards d'euros. Ce montant s'ajoutera au plan de M. Fabius qui avait déjà coûté 1,9 milliard d'euros.
Vous avez donc un point commun avec les socialistes : les baisses d'impôt. (Nouvelles exclamations sur les mêmes travées.)
Le Gouvernement devra dans le même temps dégager des moyens supplémentaires pour financer les mesures nouvelles concernant la police et la justice, ce qui entraînera une réduction des dépenses publiques et donc une baisse des moyens accordés aux services publics. (Mme Nelly Olin proteste.)
Vous devrez nous dire, dans les prochains mois, quelles économies vous souhaiterez voir réaliser et quels emplois de la fonction publique vous souhaiterez voir supprimer !
Mme Nicole Borvo. Les agents hospitaliers ! Les enseignants !
M. Paul Loridant. Quant à la baisse de la TVA, certains restaurateurs appliquent déjà une ristourne de 5 % sur leurs additions, soit la diminution que se verraient appliquer les consommateurs par les professionnels une fois obtenue la nouvelle TVA à taux réduit.
Ces restaurateurs naïfs ont cru en vos promesses. Mais, encore une fois, vous n'avez pas les moyens de vos ambitions, vous êtes pris au piège dans « l'étau bruxellois ». Pis encore, vous avez trompé les Français (Vives prostestations sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste), puisque vous saviez pertinemment que vous auriez à négocier avec Bruxelles cette réforme qui requiert un vote à l'unanimité. Or le commissaire responsable de la fiscalité a d'ores et déjà annoncé que cette négociation ne sera pas possible avant la fin 2003 !
M. Dominique Braye. Et alors ?
M. Pierre André. On va changer de commissaire !
M. Paul Loridant. Que ferez vous d'ici là, monsieur le ministre ? Comment expliquerez-vous aux restaurateurs que vos promesses ont fait long feu ?
Monsieur le Premier ministre, durant la campagne des législatives, vous avez fait comme si l'Europe n'existait pas. Pourtant, cette Europe des contraintes budgétaires existe plus que jamais, et vous l'avez voulue !
D'ailleurs, on ne sait toujours pas comment ce gouvernement parviendra à concilier l'importance actuelle des déficits publics que l'audit commandé n'a fait que confirmer, les promesses de baisse d'impôts qui réduiront les recettes de l'Etat et le respect du pacte de stabilité en 2004.
A Barcelone, Jacques Chirac a affirmé que la France remplirait ses engagements en matière de retour à l'équilibre en 2004. Ce n'est pas le pacte de stabilité qui contraint les Etats à réduire leurs déficits à zéro, c'est l'engagement qu'ils ont eux-mêmes contracté à Barcelone les 15 et 16 mars dernier. M. Chirac l'a fait conjointement, d'ailleurs, avec M. Jospin ! (Exclamations sur les travées du RPR.)
M. Gérard César. C'est un PACS !
M. Paul Loridant. M. Jacques Chirac était donc particulièrement mal placé pour proposer pendant la campagne de repousser la réduction des déficits à 2007, puisqu'il a lui-même contracté en catimini l'engagement de les annuler pour 2004,...
M. Dominique Braye. Il ne savait pas ce qu'il allait trouver !
M. Paul Loridant. ... engagement que l'on pourrait qualifier d'« hyper-Maastricht ».
Quant à la hausse du coût des consultations médicales, vous le savez bien, la prescription de médicaments génériques ne réglera pas tout ! La hausse de la CSG sera rendue inéluctable dans la mesure où le déficit de l'assurance maladie, après avoir atteint 2 milliards d'euros en 2001, dépasserait les 4,5 milliards d'euros cette année.
Le Gouvernement annonce, d'un côté, une baisse de l'impôt sur le revenu de 5 % et, de l'autre, le relèvement éventuel des cotisations maladie. Il s'agit là d'un double langage qui ne pourra pas tromper longtemps les Français. Un jeune secrétaire d'Etat, un peu naïf sans doute, M. Renaud Dutreil, en annonçant une prochaine hausse de la CSG, a d'ailleurs dit tout haut ce que le Gouvernement pense tout bas.
Aujourd'hui, face aux tempêtes boursières et aux scandales financiers, il s'agit plus que jamais de s'engager clairement vers une revalorisation du travail à partir d'une revalorisation des salaires et tout particulièrement du SMIC. Or, en la matière, le moins que l'on puisse dire est que vous vous êtes montré fort timoré, monsieur le Premier ministre !
M. Henri de Raincourt. Comme ceux d'avant !
M. Paul Loridant. Le 1er juillet, le SMIC horaire a été augmenté de 2,4 %.
Mme Nelly Olin. Zéro les deux années précédentes !
M. Paul Loridant. Il existe, du fait des 35 heures, nous le savons, plusieurs SMIC ; 700 000 smicards travaillant dans les entreprises sont rémunérés sur une base de garanties mensuelles. Il faut sortir de cette mécanique infernale des multiples SMIC.
Le parti auquel j'appartiens, le Pôle républicain (Rires sur les travées du RPR), avait proposé de relever le SMIC de 25 % en cinq ans, soit une hausse de 5 % par an. Cet objectif est indispensable pour recréer une incitation au travail par rapport aux revenus de remplacement, pour revaloriser le travail et le statut du travailleur.
A l'heure où Jean-Marie Messier est remercié, où nombre de grands groupes connaissent des difficultés, où l'on redécouvre le rôle protecteur de l'Etat sur le plan économique et où l'on parle de renationaliser France Télécom, vous vous prononcez, vous, monsieur le Premier ministre, en faveur de l'ouverture du capital d'EDF et de GDF.
M. Patrick Lassourd. Pas n'importe comment !
M. Paul Loridant. Il est temps, monsieur le Premier ministre, de tirer tous les enseignements de l'actualité récente ! Livrer l'industrie nucléaire aux capitaux privés reviendrait à privilégier les rendements financiers au détriment de la sécurité !
L'Etat et, à travers lui, les services publics sont la meilleure arme pour lutter contre cette insécurité sociale issue de l'instabilité du marché. A l'insécurité sociale s'ajoute d'ailleurs l'insécurité classique, qui gâche la vie des Français, à commencer par les plus déshérités.
M. Dominique Braye. C'est bien vrai !
M. Paul Loridant. Vous placez la lutte contre l'insécurité au coeur de votre programme, et vous avez raison, monsieur le Premier ministre.
Force est de constater que vous avez repris à votre compte un certain nombre des mesures proposées par Jean-Pierre Chevènement lors de la campagne pour l'élection présidentielle. (Exclamations sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. Dominique Braye. N'a-t-il pas été ministre de l'intérieur ?...
M. Alain Gournac. Il fallait le garder !
M. Dominique Braye. Où est-il passé, celui-là ?
M. le président. Mes chers collègues, un peu de silence ! Veuillez poursuivre, monsieur Loridant.
M. Paul Loridant. Citons, entre autres, une loi de programmation pour la police et la justice, une meilleure coordination entre la police et la gendarmerie, la création de centres de retenue et la réforme de l'ordonnance de 1945.
Les besoins sont en effet énormes,...
M. Dominique Braye. Après votre passage, c'est certain !
M. Paul Loridant. ... non seulement pour les prisons, mais aussi en matière d'effectifs de juges, d'auxiliaires de justice et d'effectifs de police pour accompagner le déploiement de la police de proximité et la modernisation des commissariats.
M. Patrick Lassourd. C'est le résultat de vingt ans de gauche au pouvoir !
M. Paul Loridant. Les quelques milliers de créations de postes que vous annoncez ont, certes, le mérite d'exister, mais ne sont pas à la hauteur du défi et ne compenseront pas les départs massifs à la retraite que connaîtront ces secteurs.
Si nombre d'orientations du nouveau Gouvernement en matière de sécurité reprennent les propositions que nous avons défendues, beaucoup de mesures peuvent être considérées comme des gadgets, tel le flash-ball, ou bien comme de fausses nouveautés : je pense au conseil de sécurité intérieure, le CSI.
Le Gouvernement ne doit pas se contenter d'effets d'annonce, il doit désormais agir, et nous le jugerons à ses actes !
Je terminerai, monsieur le Premier ministre, en disant que votre programme, de tonalité éminemment libérale,...
M. Henri de Raincourt. Ah ?
M. Paul Loridant. ... se heurtera inéluctablement aux réalités et aux forces sociales de ce pays, et vous vous rendrez très vite à l'évidence : seul un Etat républicain fort sera capable d'assurer pleinement ses fonctions régaliennes ; seul un Etat républicain fort sera capable de corriger les dérives du marché. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. Patrick Lassourd. Là, on est d'accord !
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Fourcade.
M. Jean-Pierre Fourcade. Monsieur le Premier ministre, étant le dernier orateur inscrit, chacun comprendra que je sois bref, puisque chacun attend votre réponse, et que, ne voulant participer à un concert ni de louanges ni de critiques mal fondées, je me borne à faire un aveu et à vous poser trois séries de questions traduisant mes préoccupations.
Je vous avoue avoir été séduit, monsieur le Premier ministre...
M. Jacques Mahéas. Voilà la brosse à reluire !
M. Jean-Pierre Fourcade. ... - pourtant, je siège dans cette assemblée depuis quelques lustres ! - par l'ampleur de vos propositions, par le courage dont elles témoignent et par la nouveauté de votre langage.
M. Henri de Raincourt. Très bien !
M. Jean-Pierre Fourcade. Enfin un Premier ministre qui, pour expliquer comment la France peut redevenir un grand pays, emploie un langage non pas guerrier, mais civil et qui essaie de nous convier à la confiance, au pragmatisme et au courage ! Je tenais à vous en donner témoignage. (Applaudissements sur les travées du RDSE, de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
La première de mes préoccupations porte sur les mesures que vous avez annoncées en matière de sécurité et de justice.
Vous avez tout à fait raison de nous proposer des textes importants, des lois-cadres destinées à réorganiser ces institutions essentielles pour affirmer l'autorité de l'Etat. Un point continue toutefois à me préoccuper : il s'agit de la mauvaise articulation - je l'observe quotidiennement dans la ville que j'administre - entre la police, la gendarmerie, les élus et la justice. On ne s'en tirera pas en organisant de vagues conseils où chacun exprime sa position et à la suite desquels personne n'applique ce qui a été convenu.
Mme Nicole Borvo. Il faut des chefs !
M. Jean-Pierre Fourcade. Ma première série de questions est donc la suivante : qu'allez-vous faire pour décloisonner les rapports entre les autorités locales, les autorités judiciaires et les forces de police et de sécurité ? Qu'allez-vous faire pour que, dans nos rues, nos quartiers, nos villages, on ait l'impression d'une reprise en main de l'Etat, dont la mission essentielle est d'assurer la sécurité quotidienne des citoyens ? Le cloisonnement entre les administrations et les autorités est un mal national. Qu'allez-vous faire non seulement dans les textes, mais aussi sur le terrain, pour réhabiliter ce sentiment de sécurité, qui est la première des libertés ?
Je ne crois pas que l'augmentation des effectifs ou la promulgation de lois-cadres suffise. Reprendre en main l'ensemble de l'appareil d'Etat est une tâche redoutable. Quelles premières marches comptez-vous gravir pour vous rapprocher de cet objectif ?
Ma deuxième série de questions concerne l'application des 35 heures dans les trois fonctions publiques : la fonction publique d'Etat, la fonction publique territoriale et la fonction publique hospitalière.
M. Patrick Lassourd. C'est la catastrophe !
M. Jean-Pierre Fourcade. Chacun sait que cela ne se passe pas bien.
M. Jacques Blanc. C'est calamiteux !
M. Jean-Pierre Fourcade. Lors des négociations, on a accordé des avantages nouveaux en plus des avantages anciens. Il s'ensuit une dégradation du service public qui est très mal ressentie par nos concitoyens et dont nous avons des échos tous les jours. (M. Paul Girod et M. Dominique Braye applaudissent.) En effet, les horaires d'ouverture sont plus restreints et le service est réduit le samedi et le dimanche.
Mme Nicole Borvo. Et on va réduire le nombre des agents !
M. Patrick Lassourd. Il n'y a plus de garde à l'hôpital !
M. Jean-Pierre Fourcade. Vous avez dit, monsieur le Premier ministre, que vous alliez assouplir cette réglementation. Ce serait un signe tangible pour nos concitoyens qui subissent les inconvénients de ce mécanisme, la lourdeur...
M. Dominique Braye. Et l'injustice !
M. Jean-Pierre Fourcade. ... des réglementations qui leur sont applicables ainsi que les difficultés de vie rencontrées par l'ensemble des personnels des services publics. Mais quelles mesures allez-vous prendre pour y parvenir, pour faire en sorte que les trois fonctions publiques rendent à la population des services dignes d'un service public et pour limiter la dégradation constatée qui est, n'en doutez pas, l'un des points actuels qui sont à l'origine de la désespérance et de l'absence de confiance de nos concitoyens ? (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants, et de l'Union centriste.)
M. Dominique Braye. Bravo !
M. Patrick Lassourd. Très bien !
M. Jean-Pierre Fourcade. Ma troisième et dernière série de questions concerne évidemment la décentralisation.
Monsieur le Premier ministre, je sais combien vous êtes attaché à la décentralisation - vous l'avez montré tout au long de votre carrière -, mais il ne peut y avoir de véritable décentralisation que si les ressources des collectivités locales sont certaines, pérennes et garanties.
M. Patrick Lassourd. Et respectées !
M. Jean-Pierre Fourcade. Hélas ! depuis cinq ans,...
M. Jacques Blanc. C'est l'inverse !
M. Jean-Pierre Fourcade. ... la certitude, la pérennité et la garantie ont disparu au fil des années et au fil des textes !
M. Jacques Blanc. Totalement ! Bravo !
M. Jean-Pierre Fourcade. Comment pouvons-nous envisager de nous lancer dans d'importantes opérations d'investissement, dans des projets de réhabilitation lourde ou encore dans de grands projets d'aménagement alors qu'au moment où nous établissons nos budgets et où nous faisons nos comptes nous ne savons pas quel amendement viendra modifier le système de taxe professionnelle, le mécanisme de calcul de la taxe d'habitation ou celui des dotations ? Nous avons besoin de garanties !
La décentralisation est une voie dans laquelle tout le Sénat, je crois, est prêt à vous suivre, à condition d'obtenir des garanties, de pouvoir travailler sérieusement et de ne pas être à tout moment menacé d'une modification des éléments essentiels à l'équilibre financier des collectivités locales.
M. Nicolas About. Très bien !
M. Jean-Pierre Fourcade. Voilà une question de fond sur laquelle je souhaite avoir une réponse.
On me dit que l'on va modifier la Constitution. C'est très bien. C'est sans doute essentiel. Mais je souhaite que, dès la loi de finances pour 2003, on s'engage dans la voie de la simplification, de la pérennité et de la garantie, qui sont les trois clefs de l'autonomie financière des collectivités locales ! (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du RPR, de l'Union centriste et des Républicains et Indépendants.)
M. Dominique Braye. Bravo !
M. Jean-Pierre Fourcade. Telles sont, monsieur le Premier ministre, les questions que je voulais vous poser.
Bien entendu, la majorité du groupe politique auquel j'appartiens et moi-même vous apporterons notre confiance, car vous avez pour vous le courage, la durée...
M. Jacques Blanc. L'intelligence et l'expérience !
M. Jean-Pierre Fourcade. ... et, grâce au soutien que beaucoup d'entre nous vous accordons l'appui législatif qui est nécessaire. Mais il faut clarifier les choses et donner des orientations très claires. Voilà ce qu'un parlementaire ancien comme je le suis...
M. Jacques Blanc. Vous êtes jeune !
M. Jean-Pierre Fourcade. ... - vingt-cinq ans de Sénat ! - se permet de vous suggérer au terme de ce débat si intéressant. (Applaudissements sur les travées du RDSE, de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre. (Vifs applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre. J'ai passé une excellente journée ! (Nous aussi ! rires et applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste.) Ce débat au sein du Sénat fait honneur à la Haute Assemblée. (Nouveaux applaudissements sur les mêmes travées.)
M. le président. Merci, monsieur le Premier ministre !
M. Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre. Et ces propos s'adressent autant aux orateurs de la majorité qu'à ceux de l'opposition. J'ai assisté à un débat de conviction qui pouvait, de temps en temps, s'animer, mais le dialogue républicain a toujours été respecté. C'est très important, car les sujets à aborder sont complexes et ceux qui pourraient croire qu'à eux seuls ils détiennent la vérité se tromperaient.
Il faut des lieux de débats où l'on respecte l'autre, où l'on est attentif aux idées de l'autre, où l'on cherche à avancer ensemble. C'est ainsi que notre démocratie pourra progresser. Ce que j'ai entendu aujourd'hui, à la fois quant au fond et quant au dialogue républicain, fait honneur à notre Parlement en général et au Sénat en particulier.
Je voudrais répondre précisément aux questions qui ont été posées par les différents orateurs.
Je remercie M. de Rohan de sa démonstration, de son triptyque que je vais inscrire quotidiennement dans mon action : lucidité, courage et habileté. Il a souhaité me convaincre qu'il fallait systématiquement conjuguer les trois. Je serai attentif à cette approche. Il me paraît en effet nécessaire de mettre toute notre énergie au service du programme dont nous avons, les uns et les autres, débattu.
Je reviendrai sur l'un des points développés par M. de Rohan qui concerne la dynamique entrepreneuriale, la mobilisation des entreprises, notamment, petites et moyennes, les difficultés que l'on peut développer aujourd'hui par une bureaucratie trop pressante. Sur ce sujet comme sur d'autres, le souhait de mon gouvernement est de tenir nos engagements.
S'agissant de la baisse de l'impôt sur le revenu, j'ai entendu, à plusieurs reprises, des interrogations quant au financement de cette mesure. Eh bien ! celui-ci sera assuré par la création de richesses, que l'on va développer. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE. - Exclamations sur les travées socialistes.)
Si nous voulons redonner à ce pays sa vocation de création, il faut faire en sorte que la valeur du travail soit respectée.
M. Josselin de Rohan. Bien sûr !
M. Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre. Il faut que ceux qui vivent du revenu de leur travail se rendent compte que l'Etat veut partager avec eux les fruits de la croissance. (Bravo ! et applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Nous sortons de cinq ans de croissance et le nombre de créations d'entreprise a diminué année après année. Comment est-il possible que la création d'entreprise, qui est le lieu de la création de richesses, puisse baisser en période de croissance ? C'est ce mouvement que nous voulons inverser.
M. Jacques Mahéas. Que faites-vous de tous les emplois supplémentaires ?
M. Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre. Ce sera difficile, nous le savons, mais nous y tenons beaucoup. Nous souhaitons un partage plus équilibré des fruits de la croissance. Les prélèvements, qui ont amputé une part trop importante des richesses produites dans le passé, doivent être aujourd'hui mieux partagés.
Aussi, conformément aux engagements pris, une baisse de 5 % de l'impôt sur le revenu sera effective dès l'automne prochain. Dans un souci de simplicité, elle sera applicable à tous les contribuables. (Vifs applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE. - Exclamations sur les travées socialistes.) Cette réduction est une étape vers l'objectif de baisse d'un tiers de l'impôt sur le revenu. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.) Nous la poursuivrons au rythme de la croissance pour tenir les engagements du Président de la République.
L'autre objectif est de faire en sorte que s'engage le processus de baisse de la pression fiscale sur les entreprises, de manière que notre pays puisse rejoindre, au cours de la législature, la moyenne européenne. Car que constatons-nous aujourd'hui ? Des créateurs quittent notre pays et un certain nombre d'entreprises s'installent à l'étranger. (Eh oui ! sur les travées du RPR.)
M. Jean Chérioux. On se demande pourquoi !
M. Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre. En tant que militant du développement local, je constate, à regret, qu'un grand projet industriel va être réalisé en Europe de l'Ouest sans qu'aucun site français n'ait été pressenti ! Nous voyons se multiplier aujourd'hui des investissements industriels pour lesquels nous ne sommes non seulement pas choisis, mais même pas consultés. Il faut inverser cette tendance pour redonner à notre territoire toute son attractivité. (Très bien ! et applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Dominique Braye. Absolument !
M. Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre. Je suis également déterminé à convaincre nos partenaires de la nécessité de baisser à 5,5 % le taux de la TVA dans la restauration, car il s'agit d'un secteur très créateur d'emplois. (Bravo ! et applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste. - Murmures sur les travées socialistes.) Il est vrai que ce n'est pas facile, mais je suis convaincu aujourd'hui, d'abord, que c'est une bonne décision et, ensuite, que nous allons réussir à persuader nos partenaires. (Très bien ! et applaudissements sur les mêmes travées.) Je souhaite que, sur ce sujet, se dégage une certaine unité nationale pour que l'on mesure bien que c'est l'ensemble du pays qui désire que cette mesure soit prise.
M. Didier Boulaud. Il faudra surtout convaincre les restaurateurs !
M. Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre. Dans l'état actuel des discussions avec l'Union européenne, nous pouvons être optimistes sur ce point.
M. Jacques Blanc. C'est une volonté politique !
M. Didier Boulaud. On comptera les emplois !
M. Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre. Monsieur Arthuis, je comprends votre réflexion quant à l'utilisation de la procédure d'urgence en matière législative. Je peux vous dire qu'avec Jean-François Copé, secrétaire d'Etat aux relations avec le Parlement, porte-parole du Gouvernement, nous veillerons à ce que l'urgence ne soit pas une pratique de notre Gouvernement.
M. Jacques Mahéas. Vous gouvernerez par ordonnances !
M. Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre. Nous avons des engagements à prendre en matière de fiscalité et de sécurité.
Tout à l'heure, j'ai entendu plusieurs orateurs appeler à la vigilance, car la contestation républicaine reste latente dans le pays. J'invite tous ceux qui trouveraient que nous allons trop vite à bien réfléchir à l'impatience des Français. Il nous faut continuer le combat contre l'extrémisme, que nous avons mené le 1er mai pour un grand nombre et le 5 mai pour tous (Rires et exclamations sur les travées socialistes et sur celles du groupe communiste républicain et citoyen), car l'extrémisme est toujours là. L'extrémisme, on le combat par l'action (Bravo ! et vifs applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE. - Exclamations sur les travées socialistes), et il est important que les républicains sachent se rassembler pour faire en sorte qu'une réponse soit rapidement donnée aux Français !
M. Jacques Blanc. C'est vrai !
M. Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre. Je souhaite qu'on ne légifère pas dans la précipitation. Vous pourrez compter, monsieur le président, sur ma vigilance personnelle afin que soient respectés les délais nécessaires à la qualité du travail parlementaire.
Par ailleurs, que le président Jean Arthuis soit convaincu que l'engagement européen de notre gouvernement est fort, que notre détermination est sans failles et que nous voulons vraiment participer à ce nouveau dessein européen, culturel, moral et politique, qui peut encore soulever la jeunesse de notre pays et qui nécessitera, évidemment, une réforme institutionnelle profonde et des débats visionnaires pour construire cette Europe du xxie siècle qui permettra à la France de trouver sa place dans le monde. Car l'Europe est, pour notre pays, ce formidable porte-voix qui peut donner à nos idées la dimension mondiale que nous souhaitons. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
J'ai bien écouté la litanie d'échecs de Mme Borvo. Elle a parlé - et c'est très important - des difficultés liées au chômage, à l'exclusion, à l'insécurité et aux injustices. Je ne comprends donc pas pourquoi, après avoir évoqué les échecs de la situation actuelle, elle condamne, dans la conclusion de son propos, le Gouvernement d'aujourd'hui à l'échec. (Très bien ! et applaudissements sur les mêmes travées.) La tâche sera très difficile, madame Borvo. (Mme Nicole Borvo s'exclame.) J'en ai conscience. C'est pourquoi il nous faut faire preuve de lucidité et de courage.
Mme Nicole Borvo. Vous ne prenez pas le bon chemin !
Mme Hélène Luc. Dans quelle situation avez-vous laissé la France en 1997 ?
M. Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre. Il faut trouver des solutions autres que celles qui ont été retenues jusqu'à maintenant, et pas seulement au cours de ces dernières années !
Mme Nicole Borvo. Qu'avez-vous fait en 1995 ?
M. Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre. Quand je constate que 60 000 jeunes quittent le système éducatif sans qualification, que 90 000 jeunes en sortent avec une qualification très faible, que le nombre de jeunes au chômage est deux fois plus important que la moyenne - 15 % des jeunes sont au chômage -...
Mme Hélène Luc. Et en 1995, c'était comment ?
M. Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre. ... je me dis que le problème est grave. Je partage avec vous le diagnostic et je cherche des solutions. Je souhaite que nous puissions les trouver ensemble. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Mme Nicole Borvo. Nous avons vu vos solutions en 1995 !
M. Didier Boulaud. On a vu ce que vous avez fait en 1995 !
M. Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre. Vous verrez les solutions que nous proposerons ! Les Français ont souhaité que nous puissions formuler des propositions et passer à l'action. C'est ce que nous faisons, dans le respect des engagements pris par le Président de la République.
J'ai beaucoup apprécié le ton de l'intervention de M. Estier. Nous sommes en effet confrontés aujourd'hui à un certain nombre de difficultés. S'agissant de la quadrature du cercle qu'il a évoquée, je reconnais bien volontiers que les problèmes financiers qui sont les nôtres nous imposent des exercices difficiles. Il est évident que nous devons aujourd'hui à la fois maîtriser les déficits publics et faire en sorte de retrouver le plus vite possible la croissance, c'est-à-dire libérer les énergies de notre pays. On ne peut pas améliorer notre situation financière en pesant davantage, par la fiscalité, sur l'ensemble des forces vives de ce pays.
J'ai la conviction que nos partenaires européens attendent que nous soyons capables d'engager de vraies réformes de structures : je crois que nous serons jugés par nos partenaires européens non pas sur le taux de nos déficits, mais, plutôt sur la capacité que nous aurons à engager les véritables réformes de structures. (Très bien ! et applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Mme Nicole Borvo. En privatisant les services publics, par exemple !
M. Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre. Je sais que la bataille sera rude. Quand je dis que nous voulons avoir achevé l'examen du dossier des retraites à la fin du premier semestre 2003, j'ai conscience que les délais sont courts et difficiles à tenir. Mais ce sont des décisions de cette nature qui convaincront nos partenaires européens de nous accorder les marges de manoeuvre nécessaires, parce que nous avons la capacité d'envisager des réformes. D'ailleurs, grâce au rapport de MM. Nasse et Bonnet sur l'audit de la situation des finances publiques, nous savons à présent que, quelles que soient les politiques menées aujourd'hui, ce n'est pas en faisant des économies ministère par ministère que l'on pourra réduire les déficits. A l'heure actuelle, ces économies ne sont plus à la mesure du problème. Des réformes de structure et de fond sont nécessaires. Tel est le diagnostic de MM. Nasse et Bonnet qui, après avoir réalisé le même travail cinq ans auparavant, concluent à l'exigence de réformes structurelles.
MM. Patrick Lassourd et Nicolas About. Tout à fait !
Mme Nicole Borvo. Expliquez-nous ces réformes !
M. Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre. C'est là, je crois, la véritable source de notre avenir.
J'ai écouté avec intérêt l'intervention de M. Seillier, notamment sur la nécessité de protéger notre souveraineté en matière de défense et sur la politique familiale, en particulier l'exigence de souplesse et de simplification en ce qui concerne l'allocation d'accueil de l'enfant.
A l'évidence, il nous faut faire en sorte que la politique puisse affirmer de véritables valeurs, que le débat politique puisse revenir aux principes fondamentaux qui intéressent les Françaises et les Français : à force d'être trop technicienne, la politique s'est coupée des Français, des grandes interrogations, des grandes réponses qu'ils attendent de nous.
M. Henri de Raincourt. C'est vrai !
M. Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre. Pourtant, ces débats sont très importants : je pense à la bioéthique, à tout ce qui concerne la place de l'homme dans la société, avec les interrogations nouvelles que pose aujourd'hui la science. Ces débats ne doivent pas être mésestimés, ils participent du retour de la politique dans la société. Nous devons faire en sorte que les femmes et les hommes politiques de notre pays les assument et regagnent ainsi la confiance des Français. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants et du RPR.)
Je répondrai maintenant à M. de Raincourt.
M. Nicolas About. A l'excellent M. de Raincourt ! (Exclamations amusées sur les mêmes travées.)
Mme Nicole Borvo. Que de fleurs !
M. Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre. A « l'excellent » M. de Raincourt, en effet, si vous m'autorisez cette marque de gratitude !
Tout ce qui a été dit est très important, qu'il s'agisse de la création de richesse ou de la nécessité de faire en sorte aujourd'hui que la réponse de la France à la mondialisation ne soit pas la banalisation, le gigantisme et la concentration. Car on a vu les injustices qui résultent de ce « toujours plus grand, toujours plus puissant » et l'on sait les effets de cette puissance. L'actualité n'est faite que de ces situations particulièrement désordonnées où l'on voit que le gigantisme a dépossédé les acteurs du contrôle sur des outils qu'ils voulaient pourtant maîtriser. (Bravo ! et applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants et du RPR, ainsi que sur plusieurs travées de l'Union centriste et du RDSE.)
La réponse de la France à la mondialisation, c'est la valorisation des structures à taille humaine. La réponse éternelle de la France, c'est celle de l'intelligence, de l'innovation, de la recherche, de la création, du talent, de la valeur ajoutée, de la qualité. Que ce soit un label pour un agriculteur, que ce soit un brevet pour un industriel, que ce soit un engagement pour un militant associatif, ce sont ces implications de la valeur humaine qui donnent à l'économie de la richesse, et c'est cette richesse des femmes et des hommes qu'il nous faut développer.
La France existera dans le monde si elle valorise le talent de ses femmes et de ses hommes. Notre carte, elle est là : elle est dans l'intelligence, dans l'innovation, dans la créativité ; elle n'est pas dans le gigantisme et dans la concentration. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Fortassin nous a expliqué que la majorité avait tous les pouvoirs, sauf dans son département ! (Rires.) Car il y a encore des départements qui sont aujourd'hui gouvernés par l'opposition ! (Sourires.)
M. Nicolas About. Hélas !
Mme Hélène Luc. Comment ça, « encore » ?
Mme Nicole Borvo. Oui, pourquoi « encore » ?
M. Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs, il doit être clair qu'avoir une majorité n'est pas en soi une situation coupable. La démocratie a permis qu'il y ait une majorité à l'Assemblée nationale et au Sénat. Vous ne pouvez nous en faire le reproche ! Ce qui est très important, c'est que cette majorité montre, par ses méthodes de travail, qu'elle respecte la diversité des opinions et qu'elle soit naturellement ouverte à la société civile et aux autres familles politiques. Tel est l'état d'esprit de la majorité présidentielle.
Ce n'est pas parce que nous sommes nombreux, au Sénat comme à l'Assemblée nationale, que nous ne devons pas rechercher un débat toujours plus ouvert et faire preuve d'une attention toujours plus grande aux sensibilités des uns et des autres. La puissance ne veut pas dire l'uniformité. Au contraire, elle rime souvent avec diversité ! (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR, de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Je me tournerai maintenant vers M. Gérard Larcher, dont j'ai écouté avec attention les remarques et les propositions, ainsi que la condamnation d'une France « mitoyenne ». Il est vrai que l'on a trop tendance aujourd'hui à élever systématiquement des murs dans la société française. Or c'est en cloisonnant que l'on multiplie les tensions.
Je pense, au contraire, que nous devons abattre ces murs pour défendre l'unité nationale et pour dépasser un certain nombre d'égoïsmes. La politique ne doit pas être un arbitrage entre les égoïsmes ! La politique ne consiste pas à faire du lobbying ! Faire de la politique, c'est oeuvrer pour l'intérêt général au nom de causes qui nous dépassent. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR, ainsi que sur certaines travées de l'Union centriste et du RDSE).
Faire de la politique, c'est agir pour que, dans notre pays, l'on puisse dépasser les égoïsmes et les féodalités, le communautarisme et l'individualisme. Voilà l'important, voilà l'essentiel même, pour notre pratique politique.
En ce qui concerne les réformes de la fonction publique, j'ai bien entendu le message de M. Gérard Larcher, qui souhaite que les agents publics y soient associés. Notre fonction publique recèle, en effet, une très grande richesse humaine, et c'est avec les fonctionnaires que nous pourrons accomplir les progrès nécessaires, car ils sont eux-mêmes très demandeurs. Ce sont eux qui nous demandent aujourd'hui de faire en sorte que, dans la société, leur place soit revalorisée et leur action renforcée. Ils sont en effet parfois les premières victimes de l'impuissance de la fonction publique. (Nouveaux applaudissements sur les mêmes travées.)
A M. Paul Girod, je dis que nous examinerons avec attention sa proposition de loi - j'ai déjà eu le bonheur d'en prendre connaissance - qui offre à l'expérimentation une véritable pratique. Il y a là des idées intéressantes pour que nous trouvions la formule juridique adéquate qui permette aux expérimentations de se développer tout en restant ouvertes quant à leur généralisation.
Il me paraît très important qu'à l'échelon tant local que national les acteurs puissent lire eux-mêmes les résultats de l'expérimentation.
Les partenaires, y compris les partenaires sociaux, n'ont pas à craindre cette expérimentation. Je prendrai l'exempte du dossier ferroviaire et de la SNCF. Nous nous sommes souvent battus, car les conditions financières ne nous semblaient pas suffisantes. Or le fait d'organiser une expérimentation dans sept régions, à la suite du rapport de M. Haenel, cet expérimentation poursuivie avec Mme Idrac et M. Pons, d'abord, avec M. Gayssot, ensuite, a permis d'apporter des réponses concrètes : finalement, le terrain a donné ses réponses.
Bien sûr, on peut toujours améliorer les formules, mais, finalement, le pragmatisme l'a emporté sur l'idéologie et on a pu progresser. Cela étant, il a fallu un pilotage national et un pilotage local, ce qui nous a permis de suivre, plusieurs années durant, le développement de cette expérimentation. Le souhait exprimé par M. Paul Girod va dans ce sens : c'est une bonne chose !
J'ajoute que je partage l'analyse qu'il a développée sur la défense civile.
A M. Philippe Adnot je dirai clairement que nous sommes très preneurs des initiatives des départements ; mais il le sait, nous en avons déjà souvent parlé ensemble. Il est vrai que des initiatives doivent aujourd'hui partir du terrain. Mais il faut être clair dans l'organisation des missions : le département est le pivot de la logique de proximité, comme la région peut être le pivot de la logique de cohérence, la région travaillant la cohérence avec l'Etat, le département travaillant la proximité, et la maîtrise d'ouvrage, avec l'intradépartemental et tout ce qui peut être le territoire de la proximité, notamment les communes et leurs organisations. Je vois vraiment là deux missions importantes et qui doivent être équilibrées. C'est dans ce cadre que nous pouvons apporter des améliorations, et je compte beaucoup sur les départements.
Ce matin, j'ai parlé du SCOT, cet objet administratif mal identifié ; vous avez ajouté l'exemple des CRAT. (Sourires.) L'exemple est incontestable : au sein d'une CRAT, qui réunit les élus locaux, les représentants d'associations et parfois même les préfets, qu'un préfet puisse voter différemment de l'autre pose problème à notre organisation démocratique ! Je pense que, sur ces sujets, il faut refonder les textes en faisant en sorte que vous puissiez participer à ces travaux. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Philippe Marini a appelé au courage. Les chiffres qu'il nous a cités parlent d'eux-mêmes. Il nous propose d'imiter la Finlande. Monsieur le rapporteur général, nous pouvons, je crois, travailler sur des initiatives de cette nature.
Vous n'êtes pas connu pour être un adversaire du ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire (Sourires) et vous connaissez bien ses méthodes de travail. Je crois que, en collaboration avec lui, vous serez à même d'inventer cette forme de grand compte administratif, de bilan annuel, qui nous donnerait la capacité de passer tous les ans au scanner les forces et les faiblesses de la France.
Je considère que cette démarche doit être conduite conjointement avec le Parlement. Elle est utile et présente un grand intérêt quant aux perspectives importantes qu'elle ouvre. Elle fait partie de l'effort de lucidité auquel nous appelons.
D'ailleurs, MM. Nasse et Bonnet nous recommandent, dans leur rapport, d'adopter une démarche annuelle d'audit et d'évaluation qui permettra à la fois de dédramatiser les audits et les évaluations et d'apprécier la situation.
Votre initiative, monsieur le rapporteur général, tend à élargir le concept d'audit, à aller au-delà des comptes pour mettre en relief les grands atouts et les principaux indicateurs du développement. C'est une grande idée.
Je suis sûr d'avoir rassuré complètement M. Loridant sur la TVA et je n'insiste pas. (Exclamations sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
Aux trois questions de M. Jean-Pierre Fourcade, je répondrai que, à l'occasion de l'examen du projet de loi d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure, le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales présentera un certain nombre de propositions. Il vous soumettra un schéma d'organisation de la sécurité qui fasse leur place aux élus territoriaux sous la coordination de l'Etat, afin d'articuler les deux systèmes.
Pour nous, exécutif, ce schéma est d'ores et déjà arrêté. Il sera proposé au Sénat. Il fera sans doute de l'espace départemental le lieu de la coordination de l'Etat et, de l'espace de terrain, le lieu de la coordination avec les élus. Une proposition très précise vous sera faite sur ce sujet.
J'en viens à la question des hôpitaux, sans doute l'une des plus grave que nous ayons à traiter. (Marques d'approbations sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
Il est vrai que le sujet est particulièrement difficile.
Notre système de soins hospitaliers jouit, dans le monde, d'une réputation d'excellence. Or, aujourd'hui, il connaît une situation de grande désorganisation. Force est de constater que la précipitation dans l'application des 35 heures cumulée au manque d'équipements nous cause d'importantes difficultés que les Français ont du mal à supporter.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Nous sommes d'accord !
Voilà un de nos dossiers prioritaires, si grand est le rôle que l'hôpital joue dans notre cohésion sociale, dans notre cohésion territoriale. Nous souhaitons faire des efforts dans ce domaine, même si les choses sont difficiles.
Il va de soi que nous respecterons le principe de la durée légale du travail à l'hôpital, mais un certain nombre d'assouplissements seront nécessaires en attendant que les postes qui doivent être pourvus le soient effectivement, de manière que, progressivement, nous revenions à ce que nous souhaitons, à savoir un équilibre humain dans l'hôpital.
Nous voulons également faire des efforts sur le plan de l'équipement. Nous le ferons, notamment, à travers le programme Hôpital 2007 dont nous discuterons ici même et qui permettra, grâce à une implication territoriale et régionale, de s'investir davantage.
M. Jacques Blanc. Très bien !
M. Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre. Il y eut, en son temps, le programme Université 2000 ; il y a, aujourd'hui, le programme Hôpital 2007. Nous trouverons sans doute d'autres formes d'action en faveur de l'hôpital qui, très souvent, est la première structure employeur d'un département ou d'une ville ; c'est souvent un lieu d'excellence, notamment technique, mais c'est en même temps un lieu de cohésion sociale. C'est pourquoi il nous faut être très attentifs, et je remercie M. Jean-François Mattei de placer ce dossier au coeur même de son action.
En ce qui concerne les finances locales, nous avons déjà travaillé, notamment au sein de la commission que présidait M. Mauroy, sur un certain nombre de sujets. Je crois en effet qu'une réponse financière doit être apportée à la décentralisation. Aujourd'hui, le système des finances locales n'est ni stable ni productif. Songez que, dans bien des régions, le point de fiscalité se situe autour du million, voire du million et demi d'euros ! Il est clair, dans ces conditions, que nous n'avons pas aujourd'hui la capacité d'assumer des missions de responsabilité.
Il faut donc travailler à une autre distribution de la fiscalité locale. Des propositions avaient été faites, notamment à partir de la TIPP, la taxe intérieure sur les produits pétroliers, comprenant un certain nombre d'initiatives. D'autres seront faites, et dans la plus grande concertation. Nous n'oublierons pas de demander son avis au comité des finances locales. Il est vrai qu'une plus grande responsabilité ne peut incomber aux collectivités territoriales si le dossier des finances locales n'est pas traité. C'est un domaine dans lequel le Sénat, par sa loi constitutionnelle, a montré le chemin, et je compte bien lui être fidèle.
Telles sont, mesdames, messieurs les sénateurs, les quelques réponses que je souhaitais apporter aux questions que vous avez posées.
Mon gouvernement tout entier est conscient des difficultés de la tâche à accomplir, mais il n'est pas moins conscient de la chance extraordinaire qui est la sienne, avec, devant lui, la perspective d'une stabilité politique qui lui permet d'agir.
Cette stabilité politique, c'est vrai, nous engage. Mais je ne demande pas une confiance préalable : je demande à être jugé sur les résultats ; je demande, pour mon gouvernement, cette volonté de travailler dans la continuité qui nous permettra d'être au rendez-vous du débat démocratique.
Notre gouvernement sera le premier à venir tous les ans devant le Parlement s'engager sur son bilan, et le faire apprécier. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Nous avons choisi cette démarche parce que nous avons confiance dans la capacité du Parlement en général et du Sénat en particulier à aider le Gouvernement à conduire le pays dans la trace proposée par le Président de la République, fort de ce que vous représentez ici et de compétence et d'humanité. (Mmes et MM. les sénateurs des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste ainsi que certains sénateurs du groupe du RDSE se lèvent et applaudissent longuement.)
M. le président. Le Sénat va procéder au vote sur la déclaration de politique générale du Gouvernement.
En application de l'article 39, alinéa 2, du règlement, le scrutin public est de droit.
En application de l'article 60 bis, alinéa 3, du règlement, il va être procédé à un scrutin public à la tribune, dans les conditions fixées par l'article 56 bis du règlement.
J'invite Mme Nelly Olin et M. Marcel Debarge, secrétaires du Sénat, à superviser les opérations de vote.
Je vais tirer au sort la lettre par laquelle commencera l'appel nominal.

(Le sort désigne la lettre C.)
M. le président. Le scrutin sera clos quelques instants après la fin de l'appel nominal.
Le scrutin est ouvert.
Huissiers, veuillez commencer l'appel nominal.

(L'appel nominal a lieu.)
M. le président. Le premier appel nominal est terminé.
Il va être procédé à un nouvel appel nominal.

(Le nouvel appel nominal a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
Mme et M. les secrétaires vont procéder au dépouillement.

(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 59 :

:
Nombre de votants 312
Nombre de suffrages exprimés 311
Majorité absolue des suffrages 156
Pour l'adoption 204
Contre 107

Le Sénat a approuvé la déclaration de politique générale du Gouvernement. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste.)
Monsieur le Premier ministre, je vous adresse mes félicitations pour ce beau succès !
M. Emmanuel Hamel. Raffarin à l'Elysée. (Sourires.)

6