SEANCE DU 12 FEVRIER 2002


M. le président. « Art. 1er. - Le 9 octobre, jour anniversaire de l'entrée en vigueur de la loi n° 81-908 du 9 octobre 1981 portant abolition de la peine de mort, est reconnu journée nationale pour l'abolition universelle de la peine de mort. »
Je vais mettre aux voix l'article 1er.
M. Michel Caldaguès. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Caldaguès.
M. Michel Caldaguès. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, sur cet article 1er, je souhaiterais expliquer mon vote en formulant un certain nombre d'observations qui, bien sûr, vaudront pour l'ensemble du texte.
Tout d'abord, je ne pense pas qu'il soit opportun de voter pareille proposition de loi au moment où le terrorisme atteint une dimension tragique, faisant, d'un seul coup, des milliers de victimes, et où une lutte difficile s'engage contre lui. Cela pourrait apparaître comme une sorte d'appel à l'indulgence - il en fleurit déjà dans les médias - qui, selon moi, ne serait pas de mise. C'est encore plus vrai si l'injonction paraît s'adresser à des pays qui ont récemment subi ou subissent tous les jours le terrorisme.
La position que l'on prend sur la peine de mort est assurément du domaine de la conscience individuelle, mais c'est aussi du domaine de la conscience nationale.
Au demeurant, une abolition inconditionnelle ferait bon marché des crimes les plus graves, les plus atroces : assassinats d'enfants, viols et assassinats de personnes âgées, assassinats de représentants de l'ordre, que l'on a vu se multiplier récemment.
Enfin, me tournant vers les auteurs de la proposition, je leur ferai une observation que je ne pouvais évidemment pas faire en 1981 : si l'on comprend qu'un parti politique cherche à se libérer de souvenirs historiques trop pesants, il est difficile d'admettre qu'il se pose en dispensateur d'une morale universelle ! Il y a une marge qui ne peut être franchie !
C'est la raison pour laquelle, en soulignant qu'un certain nombre de mes amis partagent ma façon de voir, je voterai contre l'article 1er et contre l'ensemble du texte.
M. Patrice Gélard. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Gélard.
M. Patrice Gélard. Monsieur le président, madame le garde des sceaux, mes chers collègues, si je comprends la position de notre collègue Michel Caldaguès, je ne partage pas son point de vue : je suis en effet un fervent défenseur de l'abolition de la peine de mort ; j'estime qu'un homme ne peut pas décider, soit-il juge, du destin de son concitoyen.
M. Gérard Delfau. Très bien !
M. Patrice Gélard. Je pense en outre que la peine de mort incite, en fin de compte, à ne pas respecter la vie humaine. Derrière la réclamation de l'abolition de la peine de mort, c'est la condamnation de toute atteinte à l'homme que l'on vise. Il faut que les criminels, les assassins, les tueurs d'enfants que l'on citait tout à l'heure se rendent compte, à un moment donné de leur vie, que la vie humaine est plus sacrée que tout et qu'il faut la protéger.
Cette journée que l'on nous propose de créer sera l'occasion, notamment dans les écoles, de consacrer une demi-heure, trois quarts d'heure, peut-être moins - cela dépendra des enseignants -, pour dire à tous les enfants qu'il n'y a rien de plus odieux que la peine de mort et que ceux qui tuent quiconque portent atteinte à ce qu'il y a de plus sacré : la vie humaine.
C'est la raison pour laquelle, même si j'approuve quelques-unes des remarques de mon estimé collègue M. Caldaguès, je ne peux pas, en conscience, le suivre, et c'est pourquoi je me rallie à cette proposition d'instaurer une journée nationale qui, pour moi, sera non seulement la journée de l'abolition de la peine de mort, mais aussi celle du respect par tous de la vie, le don essentiel que nous avons tous reçu. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen, sur les travées socialistes, ainsi que sur quelques travées des Républicains et Indépendants et quelques travées de l'Union centriste.)
M. Philippe de Gaulle. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. de Gaulle.
M. Philippe de Gaulle. Monsieur le président, madame le garde des sceaux, mes chers collègues, l'abolition de la peine de mort est une chose ; en faire une journée internationale et médiatique en est une autre. En ces temps de terrorisme et de grande criminalité, la conjoncture y est assez défavorable.
Je comprends tout à fait que des débats d'idée s'instaurent sur ce sujet grave et vieux comme l'humanité, et je comprends très bien la recherche internationale d'un dénominateur commun de civilisation, mais chaque nation doit se réserver le numérateur en fonction de sa propre défense, de sa propre situation d'autant plus que, en France, par exemple, le Président de la République dispose du droit de grâce.
Aussi, comme le disait Roland Dorgelès, qui siégeait à la Chambre bleu horizon, « aux discours des juristes et des avocats, les soldats opposent le silence mais ils réservent leur vote ». Je ne voterai donc pas le texte visant à l'institution d'une journée internationale tel qu'il vient de nous l'être proposé.
Mme Hélène Luc. C'est une journée nationale !
M. le président. Je mets aux voix l'article 1er.

(L'article 1er est adopté.)

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