SEANCE DU 22 JANVIER 2002


M. le président. La parole est à M. Désiré, auteur de la question n° 1233, adressée à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
M. Rodolphe Désiré. Je vous remercie par avance, madame la secrétaire d'Etat au budget, de bien vouloir répondre à ma question, qui s'adressait à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Elle porte sur les politiques de soutien fiscal à l'investissement et de développement économique menées par le Gouvernement en faveur des départements d'outre-mer.
Depuis 1997, le Gouvernement a mis en place deux axes pour la relance de l'économie de ces départements : d'une part, la loi d'orientation pour l'outre-mer du 13 décembre 2000 dans son volet économique et social et, d'autre part, la loi d'incitation fiscale à l'investissement du 31 décembre 2000, dite loi Paul.
Je ne reviendrai pas sur la loi d'orientation, dont les décrets d'application sont en cours de parution. En revanche, j'insisterai sur la loi Paul, censée attirer les investissements privés dont les départements d'outre-mer ont tant besoin pour relancer leur économie.
La loi Paul fait suite à la loi de défiscalisation du 11 juillet 1986, dite « loi Pons » et remise en cause par le gouvernement dès la discussion de la loi de finances pour 1998, alors que la loi Pons couplée au dispositif qui permettait l'imputation sur le revenu imposable, dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux, des déficits nets résultant de l'exploitation du bien, avait drainé de nombreux investissements outre-mer, notamment dans les domaines du tourisme, du bâtiment et des travaux publics, et de l'industrie.
Cela a été d'autant plus préjudiciable que l'avantage fiscal accordé permettait, en outre, de compenser le différentiel de taux d'intérêt de trois points au moins, toujours d'actualité, entre la métropole et les Antilles. C'était une manière d'amorcer le processus d'accumulation du capital qui fait défaut et qui est indispensable aux départements d'outre-mer.
Aujourd'hui, on ne peut que déplorer le net ralentissement de l'investissement touristique dans ces départements, au point que les principaux groupes hôteliers français, à l'image d'Accor, se retirent définitivement des Antilles, en particulier de la Martinique. C'est un sérieux symptôme de faillite !
Pourtant, le vote de la loi Paul avait fait naître quelques espoirs... Compte tenu du nombre de secteurs éligibles, j'avais, comme d'autres, imaginé qu'elle permettrait une véritable relance de l'investissement privé dans les départements d'outre-mer, fortement ralenti depuis 1998. Pourtant, quand on regarde les résultats en 2001 des agréments accordés par le ministère de l'économie, des finances et de l'industrie pour les départements d'outre-mer, on ne peut qu'être inquiet pour l'avenir de ce dispositif. En effet, il semblerait que 2 milliards d'agréments aient été accordés, ce qui entraînerait globalement 6 milliards d'investissements outre-mer. D'après les déclarations de M. le secrétaire d'Etat à l'outre-mer, ces agréments viennent financer une mine de nickel et l'achat de deux Airbus en Nouvelle-Calédonie. En revanche ne sont consentis que peu d'agréments, voire pas du tout, aux Antilles et à la Guyane ; des secteurs comme celui des nouvelles technologies de l'information et de la communication, des NTIC, notamment la téléphonie mobile, en pâtissent fortement.
Déjà, lors de la discussion de la loi Paul, certains parlementaires avaient souligné l'intérêt du développement des NTIC dans les départements d'outre-mer et le danger qu'il y avait à prendre du retard dans un secteur dans lequel les DOM avaient été placés prioritaires.
Or, bien que certains opérateurs locaux, à l'image d'Outremer Télécom, aient joué le jeu en investissant lourdement dans nos départements, et alors même que le secteur de la téléphonie mobile nationale connaît des difficultés financières, les agréments qui pouvaient, à la lecture de la loi, être légitimement attendus ont été refusés. Cela est d'autant plus surprenant que, par le passé, la prise en compte des recettes fiscales induites avait permis de conclure que la défiscalisation était largement autofinancée.
Ma question, madame la secrétaire d'Etat, porte donc sur trois points.
Premièrement, le Gouvernement a-t-il ou non l'intention, en 2002, d'appliquer aux NTIC et à la téléphonie mobile le bénéfice de la défiscalisation pour leur permettre de diminuer la charge de leurs investissements et ainsi favoriser leur développement outre-mer ?
Deuxièmement, faut-il admettre que, dorénavant, la loi Paul soit plafonnée à 2 milliards de francs par an ? Si cela est exact et si c'est le ministère de l'économie, des finances et de l'industrie qui prend l'initiative en la matière, les collectivités d'outre-mer n'ont plus rien à dire.
Troisièmement, si en 2001 la défiscalisation mise en oeuvre par la loi Paul impliquait des investissements d'un montant de 6 milliards de francs environ, il faut rappeler qu'en 1998 les agréments accordés étaient de 5,5 milliards de francs, entraînant la réalisation d'investissements de l'ordre de 16 milliards de francs, soit 10 milliards de francs de plus qu'aujourd'hui.
Le déficit en investissements privés risquerait d'être considérable si l'on devait poursuivre dans cette voie. En définitive, faut-il ou non continuer à compter sur l'aide fiscale à l'investissement pour le développement des départements d'outre-mer ?
Je tiens à souligner que les départements d'outre-mer ont tout particulièrement besoin de financements privés si l'on veut voir leur économie démarrer et faire en sorte qu'ils cessent d'être à la charge de la bienveillance publique.
M. le président. La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Florence Parly, secrétaire d'Etat au budget. Monsieur le président, permettez-moi d'abord d'avoir une pensée pour Dinah Derycke, qui nous a quittés voilà quelques jours.
Vous m'interrogez, monsieur le sénateur, sur le montant des projets agréés en 2001 au titre de l'aide fiscale à l'investissement en outre-mer. Ce montant s'élève à plus de 1,15 milliard d'euros. Ce total se répartit de la manière suivante : Mayotte, Wallis-et-Futuna et Saint-Pierre-et-Miquelon, 15 millions d'euros ; la Guyane, 32 millions d'euros ; la Guadeloupe, 38 millions d'euros ; la Martinique, 104 millions d'euros ; la Réunion, 110 millions d'euros ; la Polynésie française, 220 millions d'euros ; enfin, la Nouvelle-Calédonie, 630 millions d'euros.
Vous avez manifesté une certaine inquiétude quant au caractère assez hétérogène de ces chiffres. Je puis vous assurer que l'agrément, en 2001, des projets néo-calédoniens et polynésiens, qui sont très importants, n'a aucunement fait obstacle à celui d'autres projets concernant notamment la Martinique.
Les différences que mettent en évidence les chiffres de 2001 ne résultent naturellement pas d'une volonté délibérée de favoriser la Nouvelle-Calédonie ou la Polynésie française au détriment des départements d'outre-mer. Ils sont la simple conséquence de l'importance de deux projets néo-calédoniens, qui doivent s'étaler sur plusieurs années, et du faible nombre de projets présentés en 2001 concernant les autres départements et territoires d'outre-mer.
Par ailleurs, vous souhaitez voir préciser les conditions d'attribution des agréments. Comme vous le savez, la gestion des agréments relatifs à l'aide fiscale à l'investissement outre-mer relève de la compétence du secrétaire d'Etat au budget. La décision tient bien évidemment compte de l'avis émis par le secrétaire d'Etat à l'outre-mer, qui est systématiquement saisi, comme le prévoit la loi. L'octroi de l'aide fiscale n'est donc pas laissé à la seule appréciation du secrétariat d'Etat au budget, dont la décision, au demeurant, est prise au seul regard - j'y insiste - des critères d'éligibilité au dispositif qui sont prévus par la loi. A ma connaissance, celle-ci ne précise pas l'existence d'un dispositif de plafonnement.
Ces critères sont l'intérêt économique, les effets du projet sur la création ou le maintien de l'emploi, la préservation de l'environnement et la protection des investisseurs et des tiers. Sans pouvoir évoquer de dossier particulier, je puis vous dire que c'est au regard de ces seuls critères que des décisions de refus d'agrément ont été prises.
S'agissant, enfin, du décret d'application de la loi Paul, le retard constaté dans sa publication est lié à l'approbation tardive de ce nouveau dispositif par la Commission européenne ; cette approbation est en effet intervenue le 28 novembre dernier. Toutefois, je puis vous indiquer que le projet de décret vient d'être déposé, pour examen, auprès du Conseil d'Etat. Il devrait donc paraître rapidement. Au vu des chiffres que j'ai cités tout à l'heure, vous constaterez avec moi que ce délai n'a pas empêché l'agrément d'un important volume d'investissements.

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