SEANCE DU 17 JANVIER 2002


M. le président. La parole est à M. Hérisson.
M. Pierre Hérisson. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Vos déclarations des dernières semaines m'amènent tout naturellement, monsieur le ministre, à vous demander de bien vouloir apporter toute précision sur la réouverture du tunnel sous le Mont-Blanc, qui est souvent annoncée, mais toujours reportée.
Les essais techniques sont achevés. De plus en plus de personnes responsables s'accordent à dire qu'il s'agit à présent d'une décision politique qui ne doit être entachée ni d'atermoiements ou d'hésitations, ni de frilosité à l'approche, il est vrai, de deux consultations électorales majeures pour notre pays.
M. Alain Gournac. Ça !
M. Pierre Hérisson. Quatre tunnels permettent les traversées alpines et deux d'entre eux ont connu des problèmes identiques à deux ans d'intervalle. Il s'agit du tunnel sous le Mont-Blanc et de celui du Gothard : situation dramatique dans les deux cas, même si le nombre des victimes était moindre dans le second.
Le Gothard était déjà rouvert trois mois après la catastrophe. Nos voisins suisses auraient-ils donné une priorité aux intérêts économiques plutôt qu'à la sécurité des personnes ?
M. René-Pierre Signé. Que c'est mauvais !
M. Pierre Hérisson. Les entreprises qui ont réalisé les travaux dans le tunnel sous le Mont-Blanc ont toutes un niveau de compétences qui nous assure de la fiabilité des ouvrages et des équipements.
Que se passe-t-il donc réellement pour que vous ayez été amené à reporter à plusieurs reprises les prévisions de dates d'ouverture ? Aujourd'hui, vous ne donnez même plus de date ! Les parlementaires que nous sommes, et plus particulièrement les Savoyards, ont le droit de savoir, monsieur le ministre, et il est de votre devoir de les éclairer,...
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Attendez !
M. Pierre Hérisson. ... car, aujourd'hui, les seules informations connues ressortent du discours du président d'ATMB lorsqu'il a présenté ses voeux devant la presse.
M. René-Pierre Signé. La question !
M. Pierre Hérisson. Je respecte mon temps de parole, mon cher collègue !
M. Claude Estier. Vous l'avez déjà dépassé !
M. Pierre Hérisson. Mais non !
Alors que 80 % des échanges entre la France et l'Italie se font par les quatre tunnels alpins, vous comprendrez, monsieur le ministre, que si tous les chemins mènent à Rome, ils passent forcément aujourd'hui par les tunnels alpins.
M. René-Pierre Signé. Vous délayez ! M. Pierre Hérisson. Vous comprendrez aussi qu'une fois les mesures de sécurité appropriées mises en oeuvre il faut rouvrir ce tunnel dans la plus grande urgence.
M. René-Pierre Signé. La question !
Mme Nelly Olin. Oh ! Ca suffit !
M. Pierre Hérisson. Alors, donnez-nous une date, même si c'est difficile à faire accepter par une partie de votre majorité plurielle.
Mme Nelly Olin. Les Verts !
M. Pierre Hérisson. Ne laissez pas le soin aux technocrates de décider à votre place. Il vous appartient de le faire vous-même. Ils s'adapteront à votre décision. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, des Républicains et Indépendants et du RPR.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Monsieur le sénateur, vous avez raison de dire que quatre tunnels routiers traversent les Alpes. (Rires et exclamations sur de nombreuses travées.)
M. Patrick Lassourd. Cela commence bien ! Cela ne mange pas de pain !
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Je donne raison à un sénateur de l'opposition, et cela vous fait rire. (Sourires.)
Cette évidence éclaire à elle seule, monsieur Hérisson, l'importance de ces infrastructures pour les échanges internationaux, importance d'autant plus grande que, pendant longtemps, trop longtemps, la politique du tout-routier à conduit à l'hypertrophie. Nous la vivons douloureusement à l'échelle de l'Europe, en particulier dans les zones sensibles que sont les Alpes et les Pyrénées. Le rail et le maritime ont été sacrifiés, et c'est ce que notre Gouvernement a décidé de changer.
M. Dominique Braye. A cause du déficit de la SNCF !
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Nous avons obtenu que l'Europe, dans un Livre blanc, au mois de septembre dernier, s'engage avec la même détermination que le Gouvernement actuel, qu'il s'agisse du ferroutage, du transport combiné ou du cabotage maritime.
J'en viens à votre question, qui me semble quelque peu entachée d'une petite note de musique politicienne et fausse.
M. Pierre Hérisson. A peine ! (Sourires.)
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Non, monsieur le sénateur, la décision de réouverture du tunnel du Mont-Blanc n'a rien à voir avec une hésitation liée aux échéances électorales. (Exclamations sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
Le tunnel va rouvrir, et avant les élections. (Nouvelles exclamations sur les mêmes travées.)
M. Pierre Hérisson. Très bien !
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Il va être rouvert d'abord aux véhicules légers, puis aux poids lourds, en alternant. Mais, premièrement, les essais ne sont pas finis, contrairement à ce que vous avez dit, et, deuxièmement - vous le savez puisque vous êtes concerné -, les concertations sur les procédures d'alternat ont été engagées.
M. Pierre Hérisson. Il y a trois mois !
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Si je ne peux pas donner de date précise, monsieur le sénateur, c'est uniquement parce que, par deux fois, les entreprises ont pris du retard dans la mise en place des systèmes techniques majeurs liés à la sécurité.
Dans ces conditions, nous n'avions pas le droit - ni nous, ni les Italiens, ni les sociétés d'exploitation - de rouvrir le tunnel. C'est ce que j'ai toujours dit, et en toute transparence.
La réouverture se fera. Je souhaite qu'elle se fasse dans les toutes prochaines semaines ; je pense même avant la mi-février. Mais elle ne se fera que lorsque tous les essais seront achevés, avant le 4 février au plus tard, m'a-t-on dit, et dès lors que le comité franco-italien de sécurité aura confirmé que tout le dispositif fonctionne de manière efficace, ce qui concerne aussi bien les moyens d'évacuation des personnes, des fumées, mais aussi les moyens d'intervention des forces de police et de secours.
Monsieur le sénateur, nous ne sacrifierons pas la sécurité à d'autres considérations, fussent-elles de rentabilité financière. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen et sur les travées socialistes. - Exclamations sur les travées du RPR.)

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