SEANCE DU 17 JANVIER 2002


M. le président. La parole est à M. Lorrain.
M. Jean-Louis Lorrain. Ma question s'adresse à Mme Guigou,...
Plusieurs sénateurs sur les travées du RPR et de l'Union centriste. Où est-elle ?
M. Jean-Louis Lorrain. ... et j'ai beaucoup de scrupules à avoir dérangé M. Kouchner, dont je connais par ailleurs le talent, et qui se déplace difficilement. (Exclamations amusées sur les travées de l'Union centriste et du RPR.)
En tout cas, après avoir mis tellement de temps à recevoir les médecins, Mme Guigou est, une fois de plus, aux assurés absents ! (Sourires.)
M. Henri Weber. Très fort !
M. Jean-Louis Lorrain. Alors, monsieur le ministre, puisque je suis obligé de m'adresser à vous - au demeurant, je pense que si c'était vous qui aviez traité le dossier, nous n'en serions pas là -, je vous prie d'écouter ma question.
Estimez-vous normal que des professionnels continuent d'exercer leur métier dans des conditions de plus en plus difficiles et précaires, voire dangereuses ? Je parle non seulement des médecins, des infirmières, mais aussi des pharmaciens.
En ce qui concerne les médecins, estimez-vous acceptable que leurs honoraires n'aient pas été réévalués depuis avril 1998 pour la consultation et novembre 1993 pour la visite ?
Vous devez connaître le prix d'une consultation chez un médecin généraliste : il est de 17,53 euros ! Et les discussions engagées avec la Caisse nationale d'assurance maladie ont abouti à une augmentation de l'acte de 1 euro... C'est dérisoire !
Le dialogue engagé actuellement est inopérant : la médecine générale est en syncope ; on en est aux réquisitions. C'est un énorme gâchis !
Cette crise ne se limite d'ailleurs pas aux honoraires ; elle touche la démographie, elle touche la formation, la reconnaissance sociale.
La bonne gouvernance d'un pays ne consiste pas à pousser à bout des professionnels compétents et dévoués quel que soit leur secteur d'activité, à les obliger à descendre dans la rue pour espérer être enfin écoutés et avoir la possibilité de dialoguer.
Madame la ministre, je ne sais si vous nous entendez d'où vous êtes, mais vous, monsieur le ministre délégué à la santé, comptez-vous répondre réellement aux attentes, jugées comme parfaitement légitimes et soutenues par les Français, de professionnels qui sont des pivots de notre société ?
Quelle place leur réservez-vous ? (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR, des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Bernard Kouchner, ministre délégué à la santé. Monsieur Lorrain, à votre première question : « Est-il normal que les médecins travaillent dans ces conditions ? », je réponds non. Cela fait bien longtemps que je le dis devant vous, et je vais tenter de résumer ce que nous avons fait et ce que nous entendons faire.
Pour répondre à votre deuxième question : « Est-il normal que depuis huit ans - d'ailleurs c'est plutôt depuis quatre ans - la consultation et la visite soient restées aux même niveau de rémunération ? », je dirai que, hélas ! la réponse n'est pas de mon fait. Dans le cadre actuel du système français - il faudra réfléchir à cela - ce n'est pas de ma compétence.
A mes yeux, je l'ai dit devant vous très souvent, il n'est pas sain qu'il y ait, d'un côté, la dépense, et, de l'autre, l'argent. Il faut l'une et l'autre ensemble ; tout le monde, un jour, en conviendra.
Laissons la négociation avec la Caisse nationale d'assurance maladie se poursuivre. C'est la loi ! Pour ma part, je propose depuis longtemps un système différent, dans lequel les associations de malades, les élus et les professionnels de santé seraient concernés. J'espère que nous y arriverons !
Je crois que la négociation s'oriente plutôt vers 18,50 euros ; ce sera peut-être plus.
En tout cas, il faudrait surtout envisager une diminution du nombre de consultations pour chaque médecin de manière à avoir une meilleure médecine. C'est cela que nous essayons de mettre en place avec les représentants des médecins généralistes.
Cela dit, je comprends leur désarroi, leur angoisse devant la transformation de la profession.
S'agissant de la démographie de la profession, vous le savez, monsieur Lorrain, nous avons augmenté le numerus clausus ; nous en sommes à 4 700. Or nous l'avions trouvé bien bas ! (Protestations sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
Mais vous ne pouvez pas à la fois accepter que nous l'augmentions et ne pas reconnaître que vous l'aviez fait descendre !
J'en suis à me demander si nous pourrons, l'année prochaine, atteindre le chiffre de 5 700, comme je le demande, voire 6 000 ou 7 000. Or c'est indispensable.
M. Gérard Larcher. C'est ce qu'il faut !
M. Dominique Braye. Absolument !
M. Bernard Kouchner, ministre délégué. Oui, mais, quand c'est votre tour de critiquer, vous ne parlez pas d'argent ! Eh bien, moi, je vais vous en parler !
Pour que notre système de soins demeure le plus performant - et ce n'est pas évident - il faudra un jour demander aux Français, car c'est eux qui paient, notamment par le biais de la CSG, à quoi ils considèrent qu'il est le plus utile de consacrer l'argent.
S'agissant des généralistes, j'espère que le conflit sera bientôt résolu. Les négociations se poursuivront la semaine prochaine avec un autre syndicat, et je souhaite qu'un accord soit trouvé avec tous les syndicats. Je vous assure que je suis aussi attentif et, d'une certaines manière, aussi angoissé que vous. (Très bien ! et applaudissements sur les travées socialistes ainsi que sur quelques travées du groupe communiste républicain et citoyen.)

NÉCESSITÉ DE MESURES URGENTES POUR COMBATTRE
LES LICENCIEMENTS ÉCONOMIQUES