SEANCE DU 15 JANVIER 2002


M. le président. L'amendement n° 665, présenté par MM. Labarrère et Domeizel, est ainsi libellé :
« Après l'article 15 octodecies, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« Après le premier alinéa de l'article L. 5214-1 du code général des collectivités territoriales, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Toutefois, lorsque la continuité territoriale entre deux ou plusieurs communes d'un même département est rompue par le territoire d'une ou plusieurs communes d'un département voisin, la communauté de communes peut comporter à l'intérieur de son périmètre une enclave comprenant exclusivement les communes situées sur le territoire du département voisin. »
La parole est à M. Domeizel.
M. Claude Domeizel. Si vous le permettez, monsieur le président, je présenterai en même temps l'amendement n° 664.
M. le président. Soit !
J'appelle donc en discussion l'amendement n° 664, présenté par MM. Domeizel, Besson et Piras, et ainsi libellé :
« Après l'article 15 octodecies, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« Rédiger comme suit le dernier alinéa de l'article L. 5214-1 du code général des collectivités territoriales :
« Les conditions du premier alinéa ne sont pas exigées pour les communautés de communes ou les syndicats intercommunaux à vocation multiple regroupant des communes d'un même département existant à la date de publication de la loi n° 99-586 du 12 juillet 1999 relative au renforcement et à la simplification de la coopération intercommunale, ou issues de la transformation d'un district ou d'une communauté de villes en application des articles 51 et 56 de la même loi. »
Veuillez poursuivre, monsieur Domeizel.
M. Claude Domeizel. L'histoire et la géographie locales comportent quelques mystères, particulièrement en zone de montagne. Il arrive très souvent que dans des vallées, pour des raisons que l'on ignore, des communes créent des enclaves qui vont empêcher la continuité territoriale alors que les communes d'un même département coopèrent depuis plusieurs années. Les deux amendements tendent à résoudre cette difficulté.
L'amendement n° 655, qui est déposé par mon collègue Labarrère et par moi-même, a un objet très large. Il prévoit la possibilité de créer une communauté de communes même en l'absence de continuité territoriale.
L'objet de l'amendement n° 664, présenté par MM. Besson et Piras et par moi-même, est beaucoup plus restreint et il part de la situation locale observée pendant plusieurs années avant la loi du 12 juillet 1999. Il s'agit d'autoriser les communes d'un même département qui ont constitué un SIVOM à créer une communauté de communes même en l'absence de continuité territoriale.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les amendements n°s 665 et 664 ?
M. Daniel Hoeffel, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Ces deux amendements résultent en réalité d'une même orientation, qui consiste à conduire certaines communes à entrer contre leur gré dans une communauté de communes.
Or - dois-je le rappeler ? - nous avons eu, voilà deux ans, un débat très long et approfondi sur la philosophie et les modalités de la constitution des établissements publics de coopération intercommunale, les EPCI ; le principe retenu était l'adhésion volontaire des communes aux EPCI.
Dans l'amendement n° 665, monsieur Domeizel, vous créez une exception à cette règle puisqu'il s'agit de tenir compte du cas des départements sur le territoire desquels existe une enclave de communes appartenant à des départements voisins. En conséquence et compte tenu de la ligne de conduite que nous nous étions fixée voilà deux ans, la commission ne peut, en l'état actuel de la situation, émettre un avis favorable. En multipliant les exceptions à cette règle à un moment où un tiers des communes de France et un tiers de la population ne sont pas encore rattachées à des EPCI, nous risquerions de susciter un climat de méfiance à l'égard de l'intercommunalité.
C'est précisément parce que nous voulons que les EPCI se développent, que l'intercommunalité se généralise, mais dans un climat de confiance entre l'échelon communal et l'échelon intercommunal, que je ne puis émettre un avis favorable sur l'amendement n° 665, tout en admettant qu'il peut y avoir des secteurs géographiques où une enclave peut poser problème.
Ce sont ces mêmes principes qui guident la commission dans l'appréciation qu'elle porte sur l'amendement n° 664, puisqu'il s'agit, là encore, d'une dérogation au principe selon lequel la communauté de communes est un EPCI regroupant plusieurs communes d'un seul tenant et sans enclave. Même en zone de montagne - les élus de la montagne étaient souvent montés au créneau dans le débat voilà deux ans - il ne paraît pas souhaitable de multiplier les cas dans lesquels certaines communautés de communes, voire des SIVOM, ne comporteront pas d'enclave.
Il y a un temps pour la progression, un temps pour la perfection, un temps où la confiance doit dominer et où les communes doivent adhérer de leur plein gré ; puis, ultérieurement, la généralisation étant presque achevée, peut être abordé le stade de la perfection. Mais en 2002 ce ne me semble pas encore être le cas.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur. S'agissant de l'amendement n° 665, la règle de la continuité territoriale ne doit être remise en cause que dans des cas très particuliers. Bien que les communautés de communes puissent se situer sur plusieurs départements, on peut admettre, lorsqu'une commune d'un département est enclavée sur le territoire d'un autre département, que cela puisse conduire à des difficultés d'intégration de celle-ci au sein d'une communauté de communes située sur le seul département auquel elle appartient. Sur ces cas très rares et très particuliers, je m'en remets à la sagesse du Sénat.
J'en viens à l'amendement n° 664. Le code général des collectivités territoriales dispose que le syndicat de communes est un établissement public de coopération intercommunale associant des communes en vue d'oeuvres de services d'intérêt communal. Aucune condition de continuité territoriale n'est exigée quelle que soit la date de création du syndicat. Par conséquent, l'amendement est sans objet pour ces groupements.
Pour le reste, cette notion de continuité territoriale doit être la règle, et seule la dérogation précédente me paraît acceptable. J'émets donc un avis défavorable sur l'amendement n° 664.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 665.
M. Auguste Cazalet. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Cazalet.
M. Auguste Cazalet. Je soutiens les deux amendements présentés par mon collègue M. Domeizel car ils devraient permettre de régler le problème de deux communes - il y a toujours des cas particuliers - des Pyrénées-Atlantiques, Ger et Labatmale, qui sont, contre leur gré, exclues du périmètre de la nouvelle communauté de communes créée le 12 janvier. La fixation du périmètre n'est pas neutre. Cette communauté de communes, c'est le canton de Pontacq, c'est non pas en zone de montagne, mais en zone de plaines et de petites collines. Le canton compte douze communes. Pour des raisons que je ne commenterai pas dans cette enceinte, Pontacq, le chef-lieu de canton, ne veut pas faire partie de la communauté de communes. Il bloque donc deux communes qui sont dans le même canton, dans le même SIVOM, qui travaillent ensemble, qui ne se touchent pas de quelques mètres à cause d'une enclave des Hautes-Pyrénées ; il y a, je crois, quatre-vingt mètres. Etant donné que la commune de Pontac ne veut pas faire partie de la communauté de communes, les deux autres communes sont lésées, ce qui les pénalise alors qu'elles ont toujours travaillé ensemble, qu'elles sont dans la même région, uniquement parce qu'une autre commune oppose son diktat. Ce n'est pas normal. C'est même aberrant !
M. Philippe Marini. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Marini.
M. Philippe Marini. L'amendement n° 665, tel que je le comprends, pose le seul problème de communes enclavées dans le département voisin et qui, habituées à travailler au sein de leur propre département, devraient, selon notre collègue M. Domeizel, être autorisées à entrer dans le périmètre de coopération intercommunale dudit département.
Certes, il faut, comme le soulignait M. le rapporteur, se référer à des principes intangibles, mais, lorsque de telles situations existent, souvent depuis l'origine de la délimitation des départements, c'est-à-dire depuis deux siècles, des habitudes se sont prises, conduisant logiquement à travailler ensemble et, l'intercommunalité se mettant en place, on tire les conséquences du passé.
Il est même des cas où seule une partie du territoire de la commune est enclavée dans le département voisin. En ce cas, bien entendu, toute la commune devrait être autorisée à participer à l'EPCI. Mais revenons au cas d'une commune complètement enclavée dans le département voisin : même si l'on est tout à fait d'accord avec le principe de continuité territoriale tel qu'il devrait normalement s'appliquer, il y a lieu de tenir compte des situations exceptionnelles, et c'est en fonction de cette analyse que je voterai l'amendement n° 665.
M. Daniel Hoeffel. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Daniel Hoeffel, rapporteur. J'ai écouté avec beaucoup d'attention les interventions de MM. Cazalet et Marini.
Deux éléments sont à considérer : d'une part, il existe des situations particulières où une enclave peut constituer un obstacle au développement d'un secteur intercommunal ; mais, d'autre part, faut-il, en se fondant sur quelques cas particuliers, remettre en cause toute la philosophie de la loi sur l'intercommunalité que nous avons votée il y a deux ans ?
J'ai entendu chacun proclamer, lors de la discussion générale qui a eu lieu mardi et mercredi derniers, son attachement à la cellule communale et à la liberté de décision des communes. Je ne suis pas certain qu'aller, aujourd'hui, à l'encontre de ce principe nous permette de tenir le cap que nous nous sommes fixé et qu'il est indispensable de maintenir si nous souhaitons généraliser l'intercommunalité, dont le fondement doit demeurer ce principe de libre adhésion des communes. Voilà, je crois, mes chers collègues, ce qui est en jeu.
M. Gérard César. Tout à fait.
M. Daniel Hoeffel, rapporteur. Je comprends bien que les exemples locaux évoqués par M. Marini et M. Cazalet puissent poser un problème. Mais, si nous dérogeons aujourd'hui à notre ligne de conduite, je crains que nous n'ayons plus, sur des questions fondamentales de cet ordre, les points de repère qui nous sont indispensables pour continuer de progresser. C'est pourquoi j'ai demandé que cet amendement soit voté par scrutin public.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 665, repoussé par la commission et pour lequel le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant de la commission des lois.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions réglementaires.

(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...

(Le scrutin est clos.)

M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 44:

Nombre de votants 313
Nombre de suffrages exprimés 203
Majorité absolue des suffrages 102
Pour l'adoption 4
Contre 199

M. Claude Domeizel. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Domeizel.
M. Claude Domeizel. Compte tenu du résultat obtenu sur l'amendement n° 665,...
M. Jean-Paul Delevoye. Résultat sans appel !
M. Claude Domeizel. ... je retire l'amendement n° 664, ce qui permettra de gagner du temps.
M. Robert Bret. C'est la sagesse !
M. le président. L'amendement n° 664 est retiré.

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