SEANCE DU 10 DECEMBRE 2001


M. le président. L'amendement n° II-107, présenté par M. Nogrix et les membres du groupe de l'Union centriste, est ainsi libellé :
« Après l'article 54 bis , insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Après l'article 200 quinquies du code général des impôts, il est inséré un article additionnel ainsi rédigé :
« Art... - Les dépenses payées à partir du 1er janvier 2002 pour la mise en conformité avec le décret n° 96-1133 du 24 décembre 1996, des véhicules construits avant le 1er janvier 1997 ouvrent droit à un crédit d'impôt sur le revenu. »
« II. - Les pertes de recettes résultant pour le budget de l'Etat de l'application du I sont compensées à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
La parole est à M. Christian Gaudin.
M. Christian Gaudin. L'application, au 1er janvier prochain, du décret du 24 décembre 1996 relatif à la protection des travailleurs contre les risques liés à l'amiante entraînera des conséquences très dommageables pour les propriétaires de véhicules construits avant le 1er janvier 1997.
En effet, ces véhicules, dont certains sous-ensembles, tels que moteurs, freins, mécanismes d'embrayage, sont équipés de pièces contenant des particules d'amiante, ne pourront plus en vertu de ce décret être vendus ou cédés à quelque titre que ce soit.
L'objet de cet amendement est de créer un crédit d'impôt afin d'alléger la charge incombant aux propriétaires concernés qui réaliseront des travaux de mise en conformité afin de vendre leurs véhicules.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. Tout d'abord, je veux saluer l'initiative de notre collègue Philippe Nogrix et des membres du groupe de l'Union centriste, car il est extrêmement utile que l'on aborde au Sénat ce fameux décret de 1996 relatif à la protection des travailleurs contre les risques liés à l'amiante dans les véhicules.
Il est clair que les dispositions de ce décret relatives à l'amiante dans les véhicules - passé inaperçu jusqu'à la fin, inéluctable, de la période de transition où s'est concrétisée la menace de son application - ont suscité quelque émoi !
Face à cet émoi, le Gouvernement a fait ce qu'on pouvait prévoir qu'il ferait dans la période actuelle, c'est-à-dire qu'il a mis la poussière sous le tapis. Dans un an, on fera le ménage...
M. Michel Charasse. Juppé disparaît sous le tapis !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Il n'est peut-être pas utile de trop personnaliser, mon cher collègue, parce que, dans cette affaire, personne n'est forcément parfait et, au demeurant, l'amiante est là : il faudra bien en faire quelque chose, quelle que soit la majorité !
Le Gouvernement repousse donc l'échéance, mesure « courageuse » probablement inévitable, et la proposition de notre collègue Philippe Nogrix a au moins le mérite de traiter le problème au fond.
D'une contrainte, il veut faire une incitation au travail dans le secteur, très estimable, de la réparation automobile, proposition qui mérite, bien sûr, notre attention.
Toutefois, cette proposition soulève un certain nombre de problèmes techniques qui doivent sans doute être approfondis. Il faudrait notamment savoir quel sera le coût des interventions et se demander si, même avec un crédit d'impôt, des véhicules aussi anciens méritent que l'on y consacre des sommes qui seront peut-être très importantes par rapport à la valeur résiduelle du véhicule.
Au total, madame la secrétaire d'Etat, nous serions heureux d'entendre votre avis et de savoir si, au-delà du différé d'un an, le Gouvernement a des idées pour traiter ce problème de l'amiante dans les véhicules anciens.
M. le président. Quel est donc l'avis du Gouvernement ?
Mme Florence Parly, secrétaire d'Etat. Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité a annoncé récemment que le Gouvernement se donnait jusqu'au 31 décembre 2002 pour mettre au point un nouveau décret qui visera à interdire la revente en l'état des voitures immatriculées avant 1997 et susceptibles, de ce fait même, de contenir de l'amiante. Une réflexion est en cours, en concertation avec les professionnels de l'automobile et les syndicats.
Dans l'immédiat, les personnes concernées peuvent continuer, comme auparavant, à vendre leurs véhicules sur le marché de l'occasion.
Par conséquent, la proposition que vous faites, monsieur Gaudin, à travers l'amendement n° II-107 me paraît à tout le moins prématurée, à supposer que le crédit d'impôt soit l'instrument adapté au règlement de la difficulté que, par ailleurs, vous soulevez. Je souhaiterais donc que vous acceptiez de retirer cet amendement.
M. le président. Quel est maintenant l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. Monsieur le président, je dois admettre que les précisions de Mme la secrétaire d'Etat ne m'ont guère éclairé !
Deux solutions sont possibles : soit le retrait de l'amendement, qui aura au moins joué un rôle utile dans la prise de conscience du problème ; soit une rectification de l'amendement.
Il faut en effet reconnaître qu'un crédit d'impôt de 100 % est assez exceptionnel sur le plan fiscal. Si ce crédit d'impôt était ramené à 25 %, nous pourrions, à titre de contribution au débat, émettre un avis favorable.
Notre collègue doit donc choisir : s'il veut que la commission soutienne son initiative et s'il ne souhaite pas retirer son amendement, il lui faut accepter de substituer le pourcentage de 25 % à celui de 100 %.
M. le président. Monsieur Gaudin, acceptez-vous de rectifier votre amendement dans le sens proposé par M. le rapporteur général ?
M. Christian Gaudin. Tout à fait.
M. le président. Je suis donc saisi d'un amendement n° II-107 rectifié, présenté par M. Nogrix et les membres du groupe de l'Union centriste, qui est ainsi libellé :
« Après l'article 54 bis , insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Après l'article 200 quinquies du code général des impôts, il est inséré un article additionnel ainsi rédigé :
« Art... - Les dépenses payées à partir du 1er janvier 2002 pour la mise en conformité avec le décret n° 96-1133 du 24 décembre 1996 des véhicules construits avant le 1er janvier 1997 ouvrent droit à un crédit d'impôt sur le revenu dans la limite de 25 % de leur montant. »
« II. - Les pertes de recettes résultant pour le budget de l'Etat de l'application du I sont compensées à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
Je vais le mettre aux voix.
M. Michel Charasse. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Charasse.
M. Michel Charasse. Même si les arguments de nos collègues, comme ceux de M. le rapporteur général, sont assez convaincants, je reste assez sceptique quant à cette mesure parce que les véhicules qui sont visés sont déjà quelque peu anciens, c'est-à-dire qu'ils appartiennent à des gens qui ne changent pas souvent leur voiture, c'est-à-dire à des gens qui ne sont pas forcément suffisamment riches pour en changer rapidement, c'est-à-dire à des gens qui ne paient sans doute pas d'impôt sur le revenu, ce qui limite assez largement le nombre des bénéficiaires potentiels du crédit d'impôt.
Bien sûr, on peut tous garder une vieille voiture pour la chasse ou la pêche, ou pour faire les chemins creux. Mais je vous parle là de la réalité française que vous connaissez tous, les uns et les autres.
C'est une mesure qui s'appliquera à très peu de monde, des gens qui ont une vieille voiture, et ne payent pas d'impôt sur le revenu. Il y a déjà là une limitation assez singulière.
J'ajoute que, dans la mesure où le Gouvernement a décidé lui-même de reporter l'échéance d'un an, cela nous laisse peut-être le temps de réfléchir. Entendons-nous bien, je ne dis pas qu'il ne faut pas faire quelque chose, mais il faudrait au moins avoir une idée de ce que sera le montant moyen de la dépense engagée pour mettre en conformité le véhicule : 200 francs, 1 500 francs, 3 000 francs ? Sur de telles sommes, 25 %, cela ne fait pas grand-chose !
Je pense donc, et je le dis amicalement à M. Nogrix et à ses collègues, qu'on se laisse un peu aller à l'improvisation. L'amendement est certes utile, car il permet de poser le problème de l'amiante dans les véhicules anciens et, surtout, de prévenir le Gouvernement que, si dans un an ce problème n'a toujours pas trouvé de début de solution - éventuellement fiscale -, il devra s'attendre à une réaction ! Mais, franchement, en l'état, mes amis et moi-même nous ne nous sentons pas en mesure de voter le dispositif qui nous est proposé : je ne sais ni combien il coûte, ni combien de gens il concerne, ni s'il est très utile.
Plutôt que de se lancer dans ce genre d'improvisation et étant entendu que d'ici à la fin de 2002 nous avons le temps de décider, je préfère m'en tenir pour l'instant à ce qui existe.
Je voterai donc contre l'amendement.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Si M. Charasse me le permet, je souhaite apporter une précision à son propos.
Dans un mécanisme de crédit d'impôt, s'il n'est pas possible d'imputer le crédit sur un impôt, le complément est remboursé au contribuable sous la forme d'un chèque du trésor public. Un très bel exemple de ce mécanisme - qui fonctionne actuellement et qui coûte d'ailleurs 8 milliards de francs de plus - nous est donné par la prime pour l'emploi. Le système proposé par M. Nogrix obéirait juridiquement et fiscalement aux mêmes règles.
Il m'est donc possible, mon cher collègue, de vous rassurer sur ce point : la mesure pourrait être d'application générale et bénéficier même aux personnes non redevables de l'impôt sur le revenu.
Sur le caractère prématuré du dispositif, peut-être peut-on avoir des avis divers. La commission maintient qu'il s'agit d'une suggestion qui pourrait permettre de faire évoluer les choses.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° II-107 rectifié, accepté par la commission et repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi de finances, après l'article 54 bis .
L'amendement n° II-173, présenté par M. Badré et les membres du groupe de l'Union centriste, est ainsi libellé :
« Après l'article 54 bis , insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Le niveau de taxation actuellement indiqué pour le gazole sous conditions d'emploi - fioul domestique - au tableau B (Produits pétroliers et assimilés) de l'article 265 du code des douanes est fixé à 26,79 F/hl pour 2003.
« II. - La perte de recettes pour l'Etat est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 403, 575 et 575 A du code général des impôts. »
La parole est à M. Christian Gaudin.
M. Christian Gaudin. Le gazole sous conditions d'emploi - fioul domestique - est la seule énergie de chauffage en France à supporter d'autres taxes que la TVA : il est en effet soumis à la TIPP, la taxe intérieure sur les produits pétroliers, et au prélèvement de l'IFP, l'Institut français du pétrole.
L'an passé, le Gouvernement, conscient de l'existence d'une inégalité fiscale entre les énergies de chauffage, avait instauré une baisse de 30 % de la TIPP sur le gazole sous conditions d'emploi et décidé d'appliquer aux quatre carburants - dont le gazole sous conditions d'emploi - le système dit de TIPP flottante : ajustement de la TIPP en cas de variation des cours du brent « daté ». L'arrêté du 19 mars 2001 a modifié à la hausse le niveau de TIPP découlant de ce système.
Aujourd'hui, seul le consommateur de gazole sous conditions d'emploi - fioul domestique - paye, pour se chauffer, une taxe autre que la TVA. Cette TIPP, qui représente actuellement 12,85 % du prix de vente, n'est toujours pas justifiée. Une nouvelle application à la hausse du système de TIPP flottante aggraverait encore davantage l'inégalité de contribution pesant sur le consommateur final et porterait cette taxe à 17,79 %.
Le niveau de taxation actuellement en vigueur pour le gazole sous conditions d'emploi - fioul domestique -, qui reste largement supérieur aux minima européens, doit donc être maintenu dans l'avenir afin de garantir l'équilibre concurrentiel entre les énergies de chauffage en France et de tendre à l'équité fiscale pour le consommateur.
M. le président. Quel est donc l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. La commission souhaiterait entendre le Gouvernement.
M. le président. Quel est donc l'avis du Gouvernement ?
Mme Florence Parly, secrétaire d'Etat. Monsieur le sénateur, vous attirez l'attention sur le fait que le fioul domestique est la seule énergie de chauffage à supporter d'autres taxes que la TVA.
Cette situation, vous le savez, est tout à fait conforme à la réglementation communautaire actuellement en vigueur.
Par ailleurs, le Gouvernement, soucieux des conséquences de l'augmentation du prix de ce combustible sur les budgets des ménages, a mis en place, dès le 21 septembre 2000, un dispositif de baisse significative du tarif de la TIPP applicable au fioul domestique. Ce tarif, qui était initialement de 51,73 francs par hectolitre, a été abaissé à 36 francs, ce qui représente une diminution de plus de 30 %.
La France est donc l'un des pays de l'Union européenne qui pratiquent les taux les plus faibles pour ce type de produit ; le prix moyen, toutes charges comprises, du litre de fioul domestique, tel qu'il est constaté, correspond, au 30 septembre 2001, à celui qui était constaté en juillet 1999.
Au vu de ces éléments objectifs, il ne me semble pas opportun de donner un avis favorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est maintenant l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. Madame le secrétaire d'Etat a donné un certain nombre d'indications sur l'évolution des prix des carburants et sur celle des différentes formes de fiscalité s'appliquant à ceux-ci qui devraient peut-être inciter nos collègues à retirer leur amendement.
M. le président. L'amendement n° II-173 est-il maintenu, monsieur Christian Gaudin ?
M. Christian Gaudin. Je vais suivre la suggestion de M. le rapporteur général et retirer cet amendement, tout en indiquant qu'il était tout de même bon d'évoquer ce problème de fiscalité.
M. le président. L'amendement n° II-173 est retiré.

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