SEANCE DU 10 DECEMBRE 2001


M. le président. « Art. 53 ter . - En l'absence d'un accord spécifique négocié entre un commerçant et sa banque sur le montant des commissions entre le 1er janvier et le 17 février 2002, le montant des commissions perçues par les établissements de crédit et les services financiers de La Poste sur les paiements par carte effectués entre le 1er janvier et le 17 février 2002 ne peut excéder le montant réellement perçu au cours de la même période de l'année 2001, ou sur les sept dernières semaines de l'année 2001 si cette base de référence est plus favorable au commerçant ou s'il n'avait pas d'activité au début de l'année 2001. »
Je suis saisi de quatre amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° II-162 rectifié, présenté par MM. Arnaud, Alduy, Bécot, Dulait et Franchis, Mmes Férat, Létard, Papon et Gourault, MM. Moinard et Zocchetto, est ainsi libellé :
« Rédiger comme suit l'article 53 ter :
« Il ne peut être perçu, par les établissements bancaires émetteurs, aucune commission ou rémunération d'aucune sorte sur les paiements par carte de paiement inférieurs à 30 euros effectués entre le 1er janvier 2002 et le 17 février 2002. »
L'amendement n° II-157 rectifié bis , présenté par MM. Cornu, Murat, Gérard et Braye, est ainsi libellé :
« I. - Dans l'article 53 ter , remplacer les mots : "un commerçant" par les mots : "toute personne physique ou morale dont le chiffre d'affaires est inférieur à 7,63 millions d'euros".
« II. - En conséquence, remplacer les mots : "au commerçant" par les mots : "à la personne physique ou morale considérée" et les mots : "s'il" par les mots : "si celle-ci". »
L'amendement n° II-158 rectifié bis , présenté par MM. Cornu, Murat, Gérard et Braye, est ainsi libellé :
« Compléter in fine l'article par un alinéa ainsi rédigé :
« Pour les personnes physiques ou morales considérées qui auraient débuté leur activité entre le 12 novembre 2001 et le 31 décembre 2001, le montant de commissions servant de référence pour l'écrêtement est égal au montant des commissions dues au titre des paiements par carte de l'année 2001, multiplié par 42 et divisé par le nombre de jours d'activité. »
L'amendement n° II-159 rectifié bis , présenté par MM. Cornu, Murat, Braye et Gérard, est ainsi libellé :
« Compléter in fine l'article 53 ter par un alinéa ainsi rédigé :
« La ristourne que la banque aura dû, le cas échéant, consentir à la personne physique ou morale considérée peut être imposée au moment de son encaissement, par dérogation aux règles prévues au 2 de l'article 38 et à l'article 93 A du code général des impôts. »
L'amendement n° II-162 n'est pas soutenu.
La parole est à M. Braye, pour défendre les amendements n°s II-157 rectifié bis , II-158 rectifié bis et II-159 rectifié bis .
M. Dominique Braye. Lors de la deuxième lecture du projet de loi portant mesures urgentes de réformes à caractère économique et financier, notre collègue Gérard Cornu avait déjà proposé un amendement, que le Sénat avait adopté mais que l'Assemblée nationale n'a pas retenu, qui visait à faciliter le paiement par carte bancaire pendant la période transitoire du 1er janvier au 17 février 2002, période où interviendra la double circulation du franc et de l'euro.
En effet, les consommateurs et tous les professionnels qui ont fréquemment recours aux règlements en espèces sont inquiets. Pour simplifier la double circulation francs-euros pendant cette période, nous avions proposé la suppression des commissions bancaires sur les paiements par carte pour tout paiement inférieur à 30 euros effectué durant ces sept semaines.
Ce dispositif simple semble toutefois rencontrer des difficultés d'application par les banques pour des raisons techniques. C'est pourquoi nous proposons aujourd'hui, toujours dans le même esprit, d'écrêter ces commissions par référence à la même période d'activité l'année précédente.
En neutralisant l'effet pour les petits commerçants, les artisans et les professions libérales du surplus de commissions que pourrait occasionner un usage accru de la carte bancaire lors de la période transitoire, ce dispositif permet d'encourager le paiement par carte bancaire pour les petites opérations courantes effectuées par les consommateurs.
L'amendement n° II-157 rectifié bis vise à faire bénéficier de l'écrêtement des commissions bancaires toute personne physique ou morale dont le chiffre d'affaires est inférieur à 7,63 millions d'euros, et non pas tout commerçant. Il s'agit donc d'élargir aux artisans et professions libérales le bénéfice de la mesure.
L'amendement n° II-158 rectifié bis prend en compte le cas des professionnels n'ayant démarré leur activité qu'entre le 12 novembre 2001 et le 31 décembre 2001 et ne pouvant donc se référer, pour le calcul de l'écrêtement, ni aux sept premières semaines de l'année 2001 ni aux sept dernières. Pour eux, la période de référence sera donc comprise entre la date de début de leur activité et le 31 décembre 2001 et le montant de référence sera calculé au prorata de leur nombre de jours d'activité en 2001.
Je suis conscient de la complexité du dispositif proposé, mais je ne suis pas sûr que les délais permettent au Gouvernement de prendre à temps le décret approprié.
L'amendement n° II-159 bis a pour objet de permettre aux PME, commerçants et artisans de n'inclure la ristourne dans leur bénéfice imposable qu'au moment de son encaissement effectif, par dérogation à la règle de la créance acquise, qui obligerait normalement à imposer la ristourne dès que son montant est connu avec certitude par son bénéficiaire. Cette mesure profiterait donc aux petits commerçants, artisans et professions libérales. Elle légitime, en outre, la présence de cet article 53 ter dans une loi de finances.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. Je souhaite tout d'abord me livrer à un bref rappel pour situer notre débat.
S'agissant de la question des commissions bancaires sur les opérations de paiement par carte chez les commerçants pendant la période transitoire de double circulation du franc et de l'euro, le scénario parlementaire se décompose jusqu'ici en trois actes.
Premier acte : le projet de loi portant mesures urgentes de réformes à caractère économique et financier, le MURCEF ; le Sénat a adopté un amendement de notre collègue Gérard Cornu qui visait à supprimer toute commission bancaire sur les paiements de moins de 30 euros effectués par carte bancaire. Si ma mémoire est bonne, la commission s'en était remise à la sagesse du Sénat.
Deuxième acte : le projet de loi de finances pour 2002 ; l'Assemblée nationale a introduit le présent article 53 ter que nous examinons en cet instant et qui - M. Chérioux le sait - écrête les commissions bancaires perçues par les commerçants pendant cette période transitoire. Malheureusement, nous sommes obligés de constater que l'article dont il s'agit est ce que l'on appelle un « cavalier budgétaire ».
Troisième acte : le collectif budgétaire de 2001 ; mercredi dernier, l'Assemblée nationale a introduit un nouvel article 29 bis tendant à taxer chaque paiement effectué par carte bancaire d'un montant de moins de 30 euros quand celui-ci a donné lieu au versement d'une commission. La taxe serait égale à 80 % de la commission. Pourquoi une taxe ? Pour que l'article ne soit pas un cavalier.
Mes chers collègues, la commission souhaite que ce débat important sur une question technique, mais concrète, qui préoccupe nombre de nos concitoyens, en particulier dans le monde des commerçants, soit rassemblé sur un seul texte. Elle souhaite donc que la discussion se poursuive dans un collectif budgétaire. Par conséquent, je suggère à nos collègues de bien vouloir, ce soir, retirer les trois amendements qui ont été très clairement présentés par Dominique Braye, de telle sorte qu'ils puissent être représentés et discutés sur le fond lors de l'examen du collectif budgétaire. Sinon, nous n'allons pas sortir de cet « entrelacs » de discussions identiques portant sur des textes différents.
Sur le fond, il est clair que la suppression, que nous avions votée, des commissions sur tous les petits paiements peut poser de réelles difficultés de mise en application en informatique. De même, un dispositif de taxation des commissions sur ces petits paiements sera assez ardu à mettre en oeuvre, car il faudra réaliser et appliquer des programmes de tri par montants. A l'inverse, un dispositif d'écrêtement semble d'application plus pratique.
Sur le plan des principes, il faut reconnaître que l'on demande peut-être aux banques, pour une partie des opérations, de travailler à perte et de renégocier leurs contrats en très peu de temps - il reste très peu de jours à cet effet, et plus de 800 000 commerçants sont concernés -, sans respecter les préavis qu'il aurait fallu s'imposer.
Comme Dominique Braye, je suis très surpris, madame le secrétaire d'Etat, que ce débat ne prenne naissance qu'à quelques jours de la fin de l'année, alors que la période de double circulation du franc et de l'euro est prévue depuis quelques années déjà. On réunit même très régulièrement une grand-messe, qui a pour dénomination le Comité national de l'euro, et qui, en théorie, est destinée non seulement à entendre la bonne parole, mais également à traiter de questions concrètes comme celle-ci.
Il est tout à fait regrettable que l'on pointe aujourd'hui les difficultés techniques et concrètes du petit commerce dans la phase où l'on va lui demander d'être changeur de monnaie. Il est assurément dommage que, dans le dialogue avec la profession bancaire, ce problème soit traité en fin d'année, alors que certains arguments mériteraient sans doute, de part et d'autre, d'être mieux analysés.
Enfin, je tiens à souligner qu'il ne faudrait pas trop inciter les consommateurs à utiliser la carte bancaire, car les terminaux des commerçants n'ont pas nécessairement une capacité de mémoire suffisante pour absorber un accroissement trop important des transactions. De plus, on peut craindre que les délais de télétransmission des ordres ne s'allongent démesurément et de façon gênante, pour les clients comme pour les commerçants, si un nombre beaucoup trop important de paiements en numéraire se reportait sur l'utilisation de la carte bancaire.
Tous ces sujets doivent pouvoirs être encore mieux élucidés, mieux compris d'ici à la discussion, dans quelques jours, du collectif budgétaire.
Madame le secrétaire d'Etat, il faut reconnaître que les amendements proposés, comme d'ailleurs les votes de l'Assemblée nationale, mettent l'accent sur un vrai problème, mais qui a été sous-estimé et examiné trop tardivement par les services compétents. Nous vous demandons donc votre entière coopération pour que nous aboutissions à la mise en place du dispositif le plus opérationnel possible dans l'intérêt de l'euro, dans l'intérêt d'une bonne gestion des transferts monétaires et au nom de l'image que l'opinion publique doit avoir de la nouvelle monnaie.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Florence Parly, secrétaire d'Etat. Comme l'a rappelé M. le rapporteur général tout à l'heure, les conditions du passage à l'euro ont été prises en compte à plusieurs reprises et à différents stades des débats tant à l'Assemblée nationale qu'au Sénat.
Le présent article 53 ter a pour objet de plafonner les commissions perçues par les banques pour les paiements par carte bancaire qui seraient effectués entre le 1er janvier 2002 et le 17 février 2002. Nous savons tous que, pendant cette période, le recours aux cartes bancaires pourrait être plus important qu'à l'habitude compte tenu des facilités pratiques qu'offre ce moyen de paiement.
L'Assemblée nationale a mis au point ce dispositif en faveur des commerçants qui n'ont pas les moyens de négocier des tarifs préférentiels avec les banques. Il s'agit de neutraliser l'augmentation des commissions qui résulterait mécaniquement de l'accroissement du recours aux cartes bancaires pendant la période de double circulation.
Monsieur le rapporteur général, vous me demandez ma coopération dans une discussion qui est en cours avec les organismes bancaires ; elle vous est toute acquise. Mais je m'empresse d'ajouter que ma coopération à elle seule ne suffira pas ; il faut aussi celle de la profession bancaire.
Lorsque l'amendement qui est devenu l'article 53 ter a été discuté à l'Assemblée nationale, le Gouvernement, que je représentais, l'avait défendu et avait souhaité son adoption. Aujourd'hui, monsieur le rapporteur général, vous renvoyez ce dispositif à une autre disposition qui figure dans le collectif budgétaire pour 2001, mais cette disposition-là, dont nous reparlerons sans doute dans quelques jours, je ne l'avais pas soutenue.
Le Gouvernement ne souhaite pas pour autant le retrait global des trois amendements, et je m'en explique.
L'amendement n° II-157 rectifié bis tend à restreindre le champ d'application de l'article 53 ter . Je rappelle que cet article prévoit explicitement d'étendre à l'ensemble des personnes susceptibles d'accepter des paiements par carte le bénéfice de l'écrêtement dont je parlais à l'instant. Aux termes de l'amendement, le champ d'application du dispositif serait restreint aux personnes physiques ou morales dont le chiffre d'affaires est inférieur à7,6 millions d'euros, soit 50 millions de francs. Le Gouvernement n'est pas favorable à une telle discrimination qui est techniquement difficile à mettre en place.
En revanche, le Gouvernement est favorable aux amendements n°s II-158 rectifié bis et II-159 rectifié bis .
L'amendement n° II-158 rectifié bis prévoit explicitement le cas des commerçants qui sont dans la situation très particulière de ne pas avoir eu d'activité l'année précédente ou sur les sept dernières semaines de l'année 2001 ; il prévoit une modalité de calcul pour l'écrêtement des commissions dues sur les paiements par carte.
Quant à l'amendement n° II-159 rectifié bis , il a le mérite d'apporter une précision de nature fiscale sur les modalités d'imposition de la ristourne consentie par les banques. Cette précision paraît tout à fait pertinente.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Mes chers collègues, il est utile de noter les positions que vient d'adopter le Gouvernement, qui émet un avis favorable sur les deux derniers amendements en discussion commune.
Les propositions de MM. Braye, Cornu et Murat doivent être intégrées au raisonnement et se retrouver dans le texte définitif. Aussi, pour que le travail soit formellement correct et, si leurs auteurs l'acceptent, après le retrait des trois amendements, il conviendra, mes chers collègues, de voter contre l'article 53 ter pour ne pas voter conforme un article qui, en l'état, n'intègre pas les précisions que nous considérons comme utiles et que le Gouvernement a acceptées.
Donc, la commission demande aux auteurs de retirer leurs amendements et au Sénat de repousser l'article, de telle sorte que nous puissions reprendre ce débat et finaliser, dans le projet de loi de finances rectificative, un texte complet et correct. Telles sont les propositions de la commission.
M. le président. Monsieur Braye, les amendements sont-ils maintenus ?
M. Dominique Braye. Compte tenu des propositions qui nous sont faites et de l'avis favorable que vient de donner Mme le secrétaire d'Etat sur les deux derniers amendements, je me rallie à la proposition de M. le rapporteur général, dont tout le monde ici connaît la compétence. Je le remercie, au passage, de nous fournir un moyen supplémentaire de résoudre ce problème technique avec plus de sécurité juridique encore.
Donc, je retire ces amendements et je voterai contre l'article 53 ter , comme nous y invite M. le rapporteur général.
M. le président. Les amendements n°s II-157 rectifié bis , II-158 rectifié bis et II-159 rectifié bis sont retirés.
Je mets aux voix l'article 53 ter .

(L'article 53 ter n'est pas adopté.)

Article additionnel après l'article 53 ter

M. le président. L'amendement n° II-163 rectifié, présenté par MM. Arnaud, Alduy, Bécot, Dulait et Franchis, Mmes Férat, Létard, Papon et Gourault, MM. Moinard et Zocchetto, est ainsi libellé :
« Après l'article 53 ter , insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« Dans le premier alinéa de l'article L. 131-82 du code monétaire et financier, les mots : "cent francs" sont remplacés par les mots : "trente euros ". »
Cet amendement n'est pas soutenu.

Article 54