SEANCE DU 10 DECEMBRE 2001


M. le président. L'amendement n° II-168, présenté par M. Masson, est ainsi libellé :
« Après l'article 53 bis , insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« I. Après le quatrième alinéa de l'article 1010 du code général des impôts, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« La taxe visée au premier alinéa n'est pas applicable aux véhicules dont la longueur est inférieure à 3 mètres et le poids à vide est inférieur à 750 kilogrammes. »
« II. - La perte de recettes résultant de l'application du I ci-dessus est compensée à due concurrence par la création de taxes additionnelles aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
La parole est à M. Masson.
M. Jean-Louis Masson. Depuis quelques années, une usine automobile s'est installée en Lorraine. On y construit la Smart, voiture au concept novateur. Il s'agit d'une petite voiture de deux places qui fait moins de trois mètres de long et qui relève d'une vision écologique d'un véhicule urbain.
Cette voiture répond à des normes tout à fait particulières et n'entre pas dans les grilles prévues par la fiscalité française. Les entreprises qui seraient susceptibles de l'acheter ne le font pas car elles ne peuvent pas déduire la TVA.
Le développement de cette voiture en France est si lourdement pénalisé que, sur plus de 100 000 Smart produites chaque année, seules 10 000, c'est-à-dire 10 %, sont vendues en France, contre quatre à cinq fois plus en Allemagne et plus encore en Italie.
Il n'est pas normal que, pour des raisons purement techniques, la Smart subisse le même traitement fiscal qu'une Porsche ou une Mercedes, alors qu'elle est une voiture très modeste, de catégorie inférieure à la classe A. Pourtant, le Gouvernement et les pouvoirs publics n'ont pas accepté d'adapter les normes législatives. Nous proposons donc de le faire par voie d'amendement.
Cette discussion a été amorcée à l'Assemblée nationale par notre collègue M. Gilles Carrez, qui a présenté un amendement presque identique et par la représentante de la Moselle, Mme Zimmermann, qui a interrogé le Gouvernement sur ce sujet. Celui-ci ne semble pas très motivé pour prendre une mesure d'équité, qui contribuerait pourtant à la création d'emplois.
Plus de 2 000 emplois ont été créés dans cette usine au cours des cinq à six dernières années. Cette mesure serait un atout très important pour ma région qui a été si durement touchée par la crise de la sidérurgie, des mines de fer et des houillères.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. Il faut remercier M. Jean-Louis Masson de poser ce problème qui lui tient à coeur à juste titre. La commission s'interroge toutefois sur le vecteur qu'il utilise.
En effet, si le véhicule qu'il a cité peine à accroître sa part de marché en France, ce n'est certainement pas du fait de la taxe sur les véhicules de société. Celle-ci est neutre et définie de la même manière pour tous les types de voitures.
En revanche, je me suis laissé dire que les modalités de déductibilité de la TVA pouvaient n'être pas identiques. Naguère, je ne sais pas dire à quelle date précisément, dans le kaléïdoscope des dispositions adoptées par le Parlement, a été votée une mesure qui supprimait la déductibilité de cette taxe pour une entreprise quand le véhicule était inférieur à une certaine longueur. Il s'agissait à l'époque d'éviter que les dirigeants de société ne déduisent la TVA sur des voitures de sport...
Il existe donc aujourd'hui une discrimination du fait de la longueur du véhicule. Mais elle s'applique à la déductibilité de la TVA et non pas, mes chers collègues, à la taxe sur les véhicules de société.
Je suppose donc que l'amendement que vous venez de présenter et qui a été soutenu à l'Assemblée nationale par Mme Zimmermann - nous voyons à cette occasion l'efficacité et la pugnacité des élus de la Moselle - est, me semble-t-il, un amendement d'appel. Il va sans doute faire réagir utilement Mme le secrétaire d'Etat.
M. le président. Quel est donc l'avis du Gouvernement ?
Mme Florence Parly, secrétaire d'Etat. Je crains de décevoir M. le rapporteur général, car je constate, comme lui, que l'amendement n° II-168 vise à exonérer de la taxe annuelle sur les véhicules de société les voitures de petit gabarit et, quand on lit l'exposé des motifs de l'amendement, on s'aperçoit que celui-ci ne dissimule pas la marque, que vous avez d'ailleurs vous-même citée, monsieur le sénateur, ce qui me laisse songeuse.
Je n'ai pas d'avis plus éclairé que celui-ci à vous fournir et je souhaite le retrait de cet amendement.
M. le président. Quel est maintenant l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. J'en suis un peu désolé, mais je crains d'aller dans le même sens que Mme le secrétaire d'Etat. En effet, même si la question me semble tout à fait légitime et même si je regrette qu'il n'y ait pas quelques éléments de réponse autres que l'avis défavorable clair et net que nous avons entendu, je me dois d'observer que la mesure préconisée n'est pas en tant que telle acceptable, car elle utiliserait la taxe sur les véhicules de société d'une façon très spécifique, en réservant un régime d'exonération à une seule marque et à un seul type de véhicules, ce qui est, on en conviendra, une fiscalité un peu trop « taillée sur mesure ».
M. Jean Chérioux. Du « cousumain » !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Telles sont les raisons pour lesquelles la commission sollicite à son tour le retrait de l'amendement, tout en regrettant, madame le secrétaire d'Etat, que l'on ne recherche pas une voie pour tâcher d'atténuer, en matière de TVA, l'anomalie qui est évoquée.
Certes, ce n'est peut-être pas simple, car il existe toutes sortes de véhicules différents, de valeurs différentes, d'usages différents, même de faible longueur. Je ne sais pas quelle est la bonne formule, mais il me semble qu'il faudrait rechercher une solution.
M. le président. Monsieur Masson, l'amendement n° II-168 est-il maintenu ?
M. Jean-Louis Masson. M. le rapporteur général a très bien exposé le problème.
En fait, la Smart est une toute petite voiture qui n'a rien à voir avec les voitures de luxe. Le vrai problème, qui transparaît pour les personnes qui connaissent bien le dossier, c'est que cette petite voiture très modeste est pénalisée par des mesures fiscales qui ont pour objet de cibler les voitures de sport susceptibles d'être achetées par les grandes entreprises.
Il est vrai que c'est uniquement la Smart qui serait concernée par l'amendement. Mais il est également vrai que c'est la seule voiture qui mesure moins de trois mètres, et qui est donc indirectement victime de la discrimination. Je n'y peux rien ! Si une deuxième marque avait eu l'idée de fabriquer une petite voiture de moins de trois mètres, à deux places et qui ne soit pas une voiture de sport, à l'évidence deux marques différentes seraient concernées.
Monsieur le président, j'accepte de retirer l'amendement. Je ne suis pas du tout persuadé que ce soit une bonne chose. En effet, c'est le meilleur moyen d'enterrer l'affaire et de se retrouver l'an prochain dans une situation identique. Je ne sais pas si le Gouvernement sera alors le même, mais je suis sûr que, l'an prochain, je ne retirerai pas mon amendement si rien n'a été fait d'ici là.
M. le président. L'amendement n° II-168 est retiré.

Article 53 ter