SEANCE DU 4 DECEMBRE 2001


M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° II-70 est présenté par M. Adnot.
L'amendement n° II-71 est présenté par M. Pastor et les membres du groupe socialiste et apparentés.
Les amendements sont ainsi libellés :
« I. - Il est institué un financement public des organisations syndicales d'exploitants agricoles habilitées au plan départemental au sens de l'article 2 de la loi n° 99-574 du 9 juillet 1999 d'orientation agricole.
« II. - Le montant des crédits inscrits sur le budget du ministère de l'agriculture et de la pêche pour être affectés au financement des organisations syndicales habilitées mentionnées à l'article 1er de la loi n° 99-574 du 9 juillet 1999 précitée est réparti au prorata du nombre de suffrages et de sièges obtenus dans l'ensemble des départements par chacune d'elles lors des dernières élections aux chambres d'agriculture, rapporté au total des suffrages et des sièges obtenus par l'ensemble de ces organisations, selon des modalités définies par décret.
« Pour l'application de l'alinéa précédent les suffrages et les sièges obtenus par des organisations syndicales habilitées ayant présenté une liste d'union sont répartis à parts égales entre ces organisations.
« III. - Les organisations syndicales bénéficiaires du financement public institué à l'article 1er de la loi n° 99-574 du 9 juillet 1999 précitée sont tenues de tenir une comptabilité retraçant l'utilisation des crédits ainsi attribués. Au titre de chaque année civile elles établissent un compte rendu qu'elles communiquent dans le premier semestre de l'année suivante au ministère chargé de l'agriculture. »
La parole est à M. Adnot, pour présenter l'amendement n° II-70.
M. Philippe Adnot. Monsieur le ministre, chacun sait que les organisations syndicales agricoles, toutes tendances confondues, ont toujours fait du développement et de la formation.
Un fait nouveau posant, à l'heure actuelle, un problème de financement, le présent article tend à instituer un financement public des organisations syndicales agricoles.
Il reprend le critère d'éligibilité fondé sur l'article 2 de la loi d'orientation agricole et son décret d'application n° 90-187 du 28 février 1990, modifié par le décret n° 2000-139 du 16 février 2000.
L'article prévoit ensuite une répartition des crédits attribués en fonction du nombre de suffrages et de sièges obtenus par chacune de ces organisations sur le plan national.
L'article prévoit également les modalités de contrôle de ces fonds.
M. le président. La parole est à M. Pastor, pour présenter l'amendement n° II-71.
M. Jean-Marc Pastor. Cet amendement n'est que la suite logique du débat relatif à la loi d'orientation agricole, au cours duquel cette proposition avait déjà été évoquée. Il convient maintenant de la mettre en oeuvre. C'est la raison pour laquelle mon collègue Philippe Adnot et moi-même avons déposé ces amendements qui sont identiques et qui visent à fixer une règle du jeu permettant aux syndicats agricoles de bénéficier d'un financement public.
Traditionnellement, comme cela a été dit, l'Association nationale pour le développement agricole, l'ANDA, accordait des financements pour certaines actions. Mais nous savions tous que, derrière ces actions, qu'elles soient de formation ou de développement, on permettait indirectement à ces syndicats de fonctionner, de vivre.
Soyons logiques avec nous-mêmes, suivons les règles normales de la République, de la démocratie, et appelons un chat un chat. Il existe des syndicats, ils jouent leur rôle, ils remplissent leur mission et défendent la profession. Pourquoi alors l'Etat ne participerait-il pas à leur financement ? C'est aujourd'hui la question que nous posons par le biais de deux amendements. Nous souhaitons rendre très transparente la participation financière publique au fonctionnement des syndicats agricoles, d'autant qu'elle existe déjà !
Dans cet hémicycle, je suis à peu près convaincu que ce ne sont pas seulement les deux groupes politiques qui sont à l'origine de cette proposition qui vont soutenir ces amendements. C'est l'ensemble des groupes qui votera ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Joël Bourdin, rapporteur spécial. Ces amendements visent à apporter une solution à la situation juridiquement délicate du financement des organisations professionnelles agricoles et devraient permettre au Gouvernement de résoudre un problème qui le gêne depuis quelque temps. (M. le ministre s'étonne.)
Permettez-moi de revenir sur cette délicate question.
Jusqu'à présent, l'ANDA attribuait chaque année aux syndicats agricoles une enveloppe destinée à financer leurs actions par le biais de la dotation du Fonds de financement des actions de développement initiées par des syndicats agricoles représentatifs, le FADISAR.
Or l'ANDA, dont les recettes proviennent du produit de diverses taxes parafiscales, a vocation à financer des actions de développement agricole, et non directement des organisations professionnelles agricoles. Ce n'est pas la réforme des taxes parafiscales prévue par la loi organique du 1er août qui est en cause ; c'est l'utilisation actuelle du produit des taxes affecté à l'ANDA. L'inspection générale des finances a d'ailleurs récemment mis en évidence l'existence de ce problème épineux dans un rapport consacré au fonctionnement de l'ANDA.
Lors de son assemblée générale en juillet 2001, l'ANDA a donc décidé d'attribuer une enveloppe de 72,8 millions de francs aux actions conduites par les organisations syndicales agricoles lors de la définition de son cadrage budgétaire pour la période 2000-2006.
L'enquête menée par l'inspection générale des finances a manifestement mis en évidence le caractère illégal du financement des syndicats agricoles par le biais de l'ANDA. Cette dernière a donc décidé de suspendre ses versements aux organisations professionnelles agricoles. Cela a obligé le Gouvernement à reprendre à son compte une partie du financement des actions conduites par les syndicats agricoles.
Ce transfert sur le budget de l'Etat est intervenu par le biais d'un décret d'avance le 8 octobre 2001. L'intitulé budgétaire du chapitre 43-23 a été modifié, pour l'occasion. Anciennement dénommé : « Actions de formation et actions éducatives en milieu rural », il s'intitule désormais : « Actions de formation, actions éducatives et soutien aux organisations syndicales d'exploitants agricoles ». L'objet de ce chapitre ayant été élargi, le Gouvernement a ouvert 24,06 millions de francs supplémentaires.
Outre le caractère juridiquement douteux de ce changement d'intitulé de chapitre budgétaire en cours d'année par décret d'avance, cette opération aura eu pour mérite de pérenniser, au moins en 2001, le financement des organisations professionnelles agricoles.
Pour ce qui est de 2002, le problème se pose dans les mêmes termes. L'ANDA ne peut plus financer directement les syndicats agricoles. Est-ce à l'Etat de le faire ? C'est l'objet des deux amendements. Nous sommes heureux que notre collègue Philippe Adnot et les membres du groupe socialiste présentent à point nommé des amendements qui retirent une douloureuse épine du pied du Gouvernement.
M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche. Aïe ! (Sourires.)
M. Joël Bourdin, rapporteur spécial. Même si la commission des finances partage cet objectif sur le fond, il convient de s'interroger sur les principes juridiques qui devraient s'imposer en la matière.
En effet, si la solution proposée dans les amendements examinés constitue une amélioration par rapport aux accommodements jusque-là pratiqués, elle ne semble pas être d'une régularité à toute épreuve. Il faudra sans doute revenir sur ce sujet afin de la caler dans un moule juridiquement plus acceptable.
Au total, il est nécessaire de prendre acte du financement public des syndicats agricoles et de le pérenniser, et j'observe que les amendements présentés constituent un progrès dans la transparence de ce financement. La commission y est donc favorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche. J'avais prévu de ne pratiquement pas intervenir sur ce sujet. Mais les propos de M. le rapporteur sont si choquants que je veux mettre les points sur les « i » !
Soyons clairs : vous ne retirez aucune épine du pied du Gouvernement, monsieur le rapporteur ! Si quelqu'un devait être ennuyé avec ce dossier, ce n'est certainement pas moi.
M. Joël Bourdin, rapporteur spécial. Dont acte !
M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche. Il s'agit d'une somme considérable : ce sont 900 millions de francs que l'ANDA consacre au développement agricole. L'inspection générale des finances a mis en évidence une absence de transparence et de contrôle, des irrégularités, voire des illégalités en pagaille. Mais rien de cela ne fait peser sur moi la moindre menace ! Arrêtez de renverser les rôles !
Quant à la réforme de l'ANDA ayant précisément pour objet d'introduire plus de transparence, de concertation, de contrôle, de rigueur et de légalité dans ces opérations, je me serais bien passé de la mettre en oeuvre ! Et vous osez me dire que vous étiez - heureusement ! - là pour ôter une épine du pied du Gouvernement ? Mais ce n'est pas du tout la réalité !
Soyons encore plus clairs. Si vous ne voulez pas le faire, ne le faisons pas et débrouillez-vous avec les organisations professionnelles agricoles, qui n'auront plus de financement. Ne me retirez surtout pas cette épine du pied si vous ne le voulez pas.
M. Dominique Braye. Mais si, on le veut ! On veut vous aider !
M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche. Vous le voulez ? J'ai compris, monsieur Braye !
Ce ne sont pas du tout les organisations professionnelles agricoles que vous visez ; c'est le ministre de l'agriculture que vous êtes désireux d'aider, bien sûr !
Grâce à vous, le débat, comme je l'ai dit tout à l'heure, aura été souriant jusqu'au bout !
Je veux faire une autre mise au point. Selon vous, avec le décret d'avance de 2001, le Gouvernement se serait engagé dans une voie légalement contestable. Absolument pas ! L'opération est tout à fait légale et tout à fait transparente. Elle a même été approuvée par le Conseil d'Etat. Si cela ne vous rassure pas sur la légalité de l'opération...
Vous m'obligez à aller au bout de mon exposé spontané.
Maintenant, aidez-moi à parachever le dispositif. Après le décret réformant l'ANDA publié au mois de novembre et approuvé par le Conseil d'Etat, après l'élaboration de nouveaux statuts en conformité avec le décret, il nous reste maintenant à rédiger et à approuver une convention liant l'ANDA à l'Etat, et tenant compte du décret, des statuts et des observations de l'inspection générale des finances sur les irrégularités constatées.
Aidez-moi à convaincre tout le monde et à obtenir, dans l'intérêt de tous, un consensus sur cette convention afin qu'elle soit signée très vite. Je vous remercie par avance. Dans le cas contraire, je le répète, ce n'est certainement pas à moi que cela causera du tort ! (Applaudissements sur les travées socialistes, sur celles du groupe communiste républicain et citoyen, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Joël Bourdin, rapporteur spécial. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Joël Bourdin, rapporteur spécial. Je ne comprends pas l'énervement du ministre sur ce sujet. (Exclamations sur les travées socialistes.) En effet, les amendements proposés sont judicieux - la commission y est d'ailleurs tout à fait favorable - puisqu'ils tendent à s'appuyer sur un outil juridique, qui est quand même meilleur qu'un décret d'avance !
M. Gérard César. Tout à fait !
M. Joël Bourdin, rapporteur spécial. L'intégrer dans la loi de finances me semble plus transparent...
M. Roland du Luart. Plus pérenne !
M. Joël Bourdin, rapporteur spécial. ... que de le prévoir dans un décret d'avance ! C'est en cela que je considère que, sur la forme - je ne parle pas du fond - les amendements vous apportent une certaine tranquillité, monsieur le ministre.
M. Dominique Braye. Une sécurité juridique !
M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche. Je vous remercie de votre aide ! (Sourires.)
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques n°s II-70 et II-71, acceptés par la commission et par le Gouvernement.

(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi de finances, après l'article 60.

ÉTAT B

M. le président. « Titre III : 70 079 278 euros. »