SEANCE DU 3 DECEMBRE 2001


La parole est à M. Vergès.

M. Paul Vergès. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, les contrats de plan signés entre l'Etat et les régions d'outre-mer, comme les aides provenant de Bruxelles comportent des crédits importants affectés au développement en général et au tourisme en particulier. Toutefois, dans les régions d'outre-mer, on est en droit de se poser des questions sur l'efficacité de ces dispositifs.
En effet, l'état des transports et le niveau du désenclavement des îles d'outre-mer conditionnent très largement la réussite des stratégies de développement.
La dernière saison touristique aux Antilles comme à la Réunion a été médiocre du fait de la crise qui a frappé la compagnie AOM-Air Liberté. Qu'en sera-t-il de la prochaine saison ? A la Réunion, les inquiétudes sont vives. Les professionnels craignent qu'à un climat peu favorable créé par les événements du 11 septembre ne s'ajoutent des bouleversements dans la desserte aérienne, bouleversements qui se traduiraient par l'instabilité de l'offre et par l'augmentation tarifaire ; cette inquiétude est partagée par l'ensemble des Réunionnais.
La desserte de la Réunion connaît, en effet, depuis le début de l'année, quelques turbulences.
La liaison entre la métropole et la Réunion, assurée naguère par quatre compagnies, ne l'est plus aujourd'hui que par trois : deux compagnie régulières - Air France, d'une part, et la compagnie qui résulte de la fusion d'AOM et d'Air Liberté, Air Lib, d'autre part - et une compagnie charter du groupe Nouvelles Frontières.
Si certains s'interrogent sérieusement sur l'avenir à court terme de la compagnie Air Lib, d'autres indiquent, pour ajouter à la chronique de la morosité, que la compagnie charter va quitter le ciel réunionnais pour se replier vers des destinations européennes.
D'une telle situation, il découle pour l'opinion réunionnaise trois préoccupations.
La première, c'est la crainte d'un retour au monopole aérien, avec une augmentation du prix des billets d'avion ; c'est une crainte d'autant plus légitime que les Réunionnais constatent déjà des augmentations tarifaires sur la ligne Paris-la Réunion.
La deuxième préoccupation porte sur le risque d'une baisse de l'offre puisque les parts de marché en cause représentent près de 60 % de ce marché.
Les conséquences au niveau de l'industrie touristique, mais aussi de l'exportation, de la capacité en fret aérien sont encore vraisemblablement sous-estimées. La réalisation d'un tel scénario porterait un coup certain à l'économie réunionnaise.
Tout récemment, des planteurs ont déversé à l'aéroport de Gillot des cargaisons de fruits pour protester contre l'insuffisance de la desserte et contre le coût du fret aérien vers Paris : c'est l'effort d'une année qui est compromis.
Enfin, la troisième préoccupation est liée à la crainte d'une remise en cause des moyens accordés aux citoyens d'outre-mer d'exercer, dans les meilleures conditions, leur droit de libre circulation dans l'espace français, dans l'espace de la République.
Serait-il en effet acceptable que des citoyens français, du seul fait qu'ils vivent dans un département d'outre-mer, soient privés du droit de se déplacer sur le territoire national ? Tout doit être fait pour qu'aucune atteinte ne soit portée à l'exigence de mobilité d'une population insulaire forcément captive.
Monsieur le secrétaire d'Etat, l'opinion réunionnaise est légitimement inquiète. Elle veut être rassurée.
Si les collectivités locales ont été sollicitées et auront à prendre rapidement position sur les demandes de soutien à l'une des compagnies pour faire vivre la concurrence, le problème essentiel est celui du caractère de service public de cette liaison.
A cet égard, je souscris aux conclusions du rapport interministériel, intitulé « desserte aérienne et activité touristique », qui conclut à la possibilité de renforcer les obligations de service public sur cette ligne, au regard notamment de celles qui incombent à la compagnie nationale.
Au titre de la continuité territoriale se pose la question de l'aide à apporter à certains usagers dans le besoin - chômeurs répondant à un contrat de travail en métropole, jeunes en formation, étudiants de familles modestes. Se pose aussi celle des aides publiques aux liaisons aériennes entre la métropole et l'outre-mer, dans le respect du droit communautaire.
Le Gouvernement est-il prêt, pour faire face à l'urgence d'une saison touristique qui s'ouvre sur plusieurs inconnues, mais aussi pour préparer l'avenir, à poursuivre la concertation engagée avec les collectivités locales et les élus de l'outre-mer sur les problèmes liés au maintien de la concurrence dans la desserte aérienne de l'outre-mer, de la Réunion en particulier, aux obligations de service publics sur la ligne Paris-la Réunion et aux conditions de maintien de la continuité territoriale ?
Le Gouvernement est-il prêt à prendre des mesures pour garantir un niveau de stabilité de l'offre propre à répondre à la double exigence de mobilité des Réunionnais et de désenclavement de l'île ? (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen ainsi que sur les travées socialistes.)
M. le président. La parole est à M. Hérisson.
M. Pierre Hérisson. Monsieur le secrétaire d'Etat, le point que je veux évoquer en premier lieu est d'ordre général, et je serai d'ailleurs amené à le soulever à propos d'autres budgets.
Dans les titres III et IV, figurent des crédits qui sont affectés au soutien de la politique du tourisme, de l'action touristique et du développement de l'« industrie touristique », formule que je n'aime d'ailleurs pas plus que vous.
Il serait important que, dans l'élaboration des contrats de plan Etat-région, vous puissiez évaluer l'efficacité des politiques qui sont conduites, de manière à permettre à leurs acteurs et à leurs bénéficiaires d'échapper à l'enfer administratif par lequel il faut en passer pour obtenir l'exécution des décisions et l'utilisation de ces crédits.
En second lieu, puisque vous augmentez les crédits de la Maison de la France dans des proportions importantes, il ne serait pas inutile d'en réserver une petite part pour procéder à une évaluation - j'y reviens ! -, indépendante et objective, de l'efficacité non seulement des politiques menées mais aussi de ceux qui sont chargés de les mettre en oeuvre au sein de la Maison de la France.
M. Jacques Brunhes, secrétaire d'Etat. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Jacques Brunhes, secrétaire d'Etat. Monsieur Vergès, je comprends parfaitement vos préoccupations, et pas seulement parce que nous sommes à la veille de la haute saison pour l'île de la Réunion, mais plus généralement parce qu'il s'agit d'un problème de fond, celui de la continuité territoriale dans la République.
Nous savons bien que la défaillance de Swissair, conjuguée à la crise que traverse aujourd'hui le monde du transport aérien depuis les attentats du 11 septembre, affecte considérablement l'activité d'Air Lib, compagnie déjà fragile financièrement. Evidemment, c'est une préoccupation pour l'ensemble des départements d'outre-mer, notamment la Réunion.
Afin de faire face à cette situation, les dirigeants d'Air Lib oeuvrent à la mise en place à court terme de plusieurs volets d'action : fiscal, financier et juridique.
Comme vous avez pu le constater tout au long de l'été dernier, le Gouvernement est sensible à la qualité de la desserte aérienne des départements d'outre-mer. Nous savons à quel point elle est vitale pour ces départements et, en vérité, pour la République. Je ferai part de vos inquiétudes légitimes et transmettrai votre question à mon collègue Jean-Claude Gayssot, qui pourra éventuellement y répondre cet après-midi.
Pour la part qui me revient, je puis vous assurer que la campagne « Destination France », qui sera engagée au début de l'année 2002, valorisera aussi les départements d'outre-mer et l'île qui vous est chère.
J'ajoute que mon collègue Christian Paul et moi-même avons l'ambition de dynamiser le tourisme dans les départements d'outre-mer. La desserte aérienne est naturellement essentielle pour l'activité touristique de ces départements : sans elle, il ne peut y avoir d'activité touristique. C'est donc l'un des problèmes clés de l'avenir du tourisme dans ces départements.
Or il faut bien constater que ces départements, compte tenu de la crise actuelle et des modifications de flux touristiques, ont des potentialités supplémentaires qu'il nous faut absolument concrétiser.
Monsieur Hérisson, vous avez évoqué, à propos des contrats de plan Etat-région, l'exigence d'évaluations. Pour ma part, je suis favorable aux évaluations. N'ayons pas de politique sans en mesurer les effets !
En procédant à des évaluations systématiques, nous pouvons, en effet, non seulement établir d'utiles comparaisons et définir les correctifs qui peuvent s'avérer nécessaires dans les contrats de plan Etat-région, mais encore prévoir certaines améliorations globales.
Cela étant, monsieur Hérisson, dans un contrat de plan Etat-région, il y a nécessairement deux partenaires. En signant le contrat, les régions acceptent un certain nombre de règles. Bien entendu, il faut pouvoir vérifier la bonne application du contrat, l'efficacité des actions retenues et faire en sorte qu'elles ne soient pas affectées par une bureaucratie tentaculaire qui viendrait anéantir leurs effets positifs.
M. Pierre Hérisson. Merci !
M. le président. Le vote sur les crédits figurant au titre IV est réservé.

ÉTAT C

M. le président. « Titre V. - Autorisations de programme : 1 726 595 000 euros ;