SEANCE DU 28 NOVEMBRE 2001


PRÉSIDENCE DE M. ADRIEN GOUTEYRON
vice-président

M. le président. La séance est reprise.
Dans la discussion des articles relatifs aux recettes des collectivités locales, nous en sommes parvenus, au sein des amendements tendant à insérer des articles additionnels après l'article 25, à l'examen de l'amendement n° I-102.
Cet amendement, présenté par MM. Miquel, Angels, Massion, Moreigne, Sergent, Demerliat, Charasse, Lise, Haut, Marc, Auban, Bel, Carrère, Labeyrie, Lejeune, Boulaud, Domeizel, Lagorsse, Pastor, Signé et les membres du groupe socialiste et apparentés, est ainsi libellé :
« Après l'article 25, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - A partir de 2003, la dotation prévue au premier alinéa de l'article L. 3334-7 du code général des collectivités territoriales est majorée, par prélèvement sur les recettes de l'Etat, d'une somme permettant de ne laisser à la charge des départements qui en sont bénéficiaires que 30 % des dépenses qu'ils ont payées l'année précédente au titre de l'alloca-tion personnalisée d'autonomie mentionnée à l'article L. 232-21 du code de l'action sociale et des familles.
« II. - La perte de recettes résultant pour l'Etat de la majoration de la dotation de fonctionnement minimale des départements est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits mentionnés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
La parole est à M. Moreigne.
M. Michel Moreigne. Cet amendement tend à répondre aux questions que se posent les départements les plus défavorisés sur les conséquences du financement de l'allocation personnalisée d'autonomie, l'APA.
Certes, nous savons que des mécanismes de péréquation existent au sein du fonds de financement de l'APA, mais leur portée n'est que relative. En effet, d'une part, le fonds de financement de l'APA ne couvre qu'une petite part des dépenses assumées par les départements et, surtout, ne peut en financer plus de 50 % ; d'autre part, les mécanismes de péréquation s'appliquent seulement à 30 % de l'enveloppe.
En outre, les départements les plus défavorisés, souvent ruraux, comptent un nombre important de personnes âgées de bien plus de soixante-quinze ans, âge qui marque un seuil. Ce sont donc des personnes âgées tout à fait dépendantes.
En conséquence, l'amendement prévoit que les départements qui bénéficient de la dotation de fonctionnement minimale, les plus pauvres, verront cette dotation majorée afin que ne restent à leur charge que 30 % des dépenses qu'ils supportent au titre de l'APA.
Cette majoration interviendrait à partir de 2003, sur la base des dépenses assumées l'année précédente. Dès 2003, première année où elle aurait un coût pour l'Etat, elle serait financée par un prélèvement sur les recettes de l'Etat, de façon que les autres conseils généraux n'aient pas à en souffrir.
Pour toutes ces raisons, je vous invite, mes chers collègues, à voter cet amendement.
Madame le secrétaire d'Etat, vous avez montré hier que vous n'étiez pas insensible à la situation des départements, puisque vous avez admis l'assouplissement du dispositif du lien à la hausse des taux. A l'évidence, une telle mesure n'aurait qu'un effet nul ou très faible sur les conseils généraux des départements pauvres ou défavorisés attributaires de la dotation de fonctionnement minimale.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. L'inspiration de cet amendement est excellente, mais il précise qu'il ne s'appliquera qu'à compter de 2003. Par conséquent, il s'intégrerait mieux dans la deuxième partie.
M. Michel Charasse. Il a raison !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Nous sommes heureux de constater, mes chers collègues, que, sans doute grâce au repos estival, votre groupe a reconsidéré sa position sur le coût financier de l'APA pour les départements et semble se rallier aux conceptions que défend la majorité sénatoriale. Jusque-là, vos commentaires atténuaient cette difficulté, et vous vous montriez très optimistes.
Si vous avez la gentillesse d'envisager le retrait de l'amendement, les services du Gouvernement pourront certainement se renseigner et nous éclairer, lors de l'examen des articles de la deuxième partie, sur le coût de la mesure que vous proposez, lorsqu'elle entrerait en vigueur.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Florence Parly, secrétaire d'Etat. L'APA, chacun le pense ici, constitue une avancée sociale majeure ; il est donc légitime que l'ensemble des collectivités publiques concernées participe à son financement.
La répartition de ce financement a fait l'objet de nombreuses discussions qui nous ont permis d'arriver à un point d'équilibre. Il me paraîtrait curieux de le remettre en cause à un point d'équilibre. Il me paraîtrait curieux de le remettre en cause avant même que l'allocation personnalisée d'autonomie ait commencé d'être mise en oeuvre, puisqu'elle ne sera effective qu'au 1er janvier 2002.
L'APA sera donc financée par un recylage des dépenses actuellement consacrées par les départements à la prestation spécifique dépendance. Les départements fourniront un effort supplémentaire, et la solidarité nationale devra être mobilisée.
Par ailleurs, vous le savez certainement, le mode de financement de l'APA est placé sous le signe de la péréquation au profit des départements les plus défavorisés. Dans ce cadre, le concours du fonds de financement de l'APA aux départements est déterminé en fonction de plusieurs critères : le nombre de personnes âgées de plus de soixante-quinze ans, notamment, mais aussi le potentiel fiscal et le nombre de bénéficiaires du RMI. L'intention du législateur a donc bien été de prendre en compte la situation des départements les plus défavorisés.
De plus, afin de s'assurer que les conditions de la montée en charge de la nouvelle prestation répondent effectivement à vos attentes, un suivi statistique sera organisé afin d'en présenter une évaluation et un bilan financier d'ensemble au Parlement au plus tard le 30 juin 2003 ; il est même envisagé que ce bilan intervienne un peu plus tôt. L'ensemble des dispositions financières sera donc réexaminé et, si cela s'avère nécessaire, des adaptations pourraient être envisagées.
Je puis donc vous assurer que le Gouvernement sera, comme vous, particulièrement attentif à la montée en puissance de cette nouvelle prestation, que le bilan financier fera l'objet d'un examen concerté et que, le Gouvernement ayant pris l'engagement de réviser les mécanismes de la dotation de fonctionnement minimale des départements, ce dernier point sera également examiné lorsque nous rediscuterons ensemble les modalités de réforme des finances locales.
Pour toutes ces raisons, monsieur le sénateur, indépendamment des motifs de procédure invoqués par M. le rapporteur général, je souhaiterais que vous puissiez retirer votre amendement.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° I-102.
M. Alain Gournac. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Gournac.
M. Alain Gournac. Je voudrais revenir sur les propos tenus par notre excellent rapporteur général, car, vraiment, nous vivons un moment intéressant.
Nos collègues socialistes nous avaient expliqué que l'APA était un dispositif tout à fait remarquable et très bien étudié. Or, nous nous apercevons cet après-midi que les départements les plus défavorisés risquent de rencontrer des difficultés de financement,...
M. Philippe Marini, rapporteur général. Ce sera vrai pour tous les départements !
M. Alain Gournac. ... et ce sont nos collègues socialistes eux-mêmes qui le soulignent !
Depuis longtemps, nous mettons en garde contre les difficultés qu'auront certains départements pour financer la part des 30 % ; je me réjouis de constater cet après-midi, à l'occasion de cet amendement signé par un nombre important de nos collègues, que l'on s'est rendu compte que le dispositif n'était pas aussi bien étudié qu'on le disait.
M. Philippe Marini, rapporteur général. C'est leur chemin de Damas !
M. Alain Vasselle. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Vasselle.
M. Alain Vasselle. Je regrette que nos collègues signataires de cet amendement n'aient pas participé, à l'exception de MM. Domeizel et Charasse, au débat sur l'APA.
Si vous aviez alors suivi, mes chers collègues, les propositions du rapporteur pour avis, M. Mercier, la question ne se poserait pas aujourd'hui, car vous auriez obtenu satisfaction.
M. Michel Mercier. Exactement !
M. Alain Vasselle. Je regrette que nos arguments, qui allaient dans le sens que vous défendez aujourd'hui, n'aient pas été entendus alors de Mme Guinchard-Kunstler.
M. Alain Gournac. C'est vrai !
M. Alain Vasselle. Aujourd'hui, je me réjouis que votre position ait changé, non pas parce que ce serait une volte-face, mais parce que, grâce à cette avancée, vous vous rapprochez de ce que nous souhaitons nous-mêmes. Vous n'avez pas totalement rejoint M. Mercier et la majorité de la Haute Assemblée, mais c'est un premier pas dans la bonne direction.
J'ignore ce que préfère la commission des finances en la matière, mais il me paraîtrait raisonnable, madame le secrétaire d'Etat, que vous accédiez à la demande de ceux qui vous soutiennent sur le plan national.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Il faut toujours se méfier de ses amis !
M. Michel Moreigne. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Moreigne.
M. Michel Moreigne. J'ai bien entendu les arguments que m'a opposés Mme la secrétaire d'Etat, mais je les connaissais déjà, et notre amendement était un amendement d'appel.
M. Michel Mercier. Ah !
M. Michel Moreigne. Monsieur Mercier, je vois que vous abondez dans mon sens ! Hier, vous avez fait la démonstration que les départements riches souffraient beaucoup, et vous ne retirez pas cette démonstration ! Alors, permettez que les départements moins riches puissent s'exprimer.
M. Michel Mercier. Je parlais au nom de tous !
M. Michel Moreigne. Vous parliez au nom de tous, monsieur Mercier, mais vous me permettrez de parler en mon nom propre. (Sourires.)
Actuellement, nous ne pouvons certes que nous fonder sur des prévisions. Les prévisions sont ce qu'elles sont, elles ne sont pas définitives, et les dépenses constatées ne le sont pas encore, c'est bien évident.
Quoi qu'il en soit, le ministère de l'emploi et de la solidarité a établi des prévisions, auxquelles M. Gournac faisait référence tout à l'heure, concernant la répartition du fonds de financement de l'allocation personnalisée d'autonomie et les bénéficiaires de l'APA. Elles font apparaître un ratio très significatif, que nous connaissons bien, celui du potentiel fiscal de 2000 sur la charge nette de l'APA.
La valeur de ce ratio connaît des écarts très grands pour les vingt-quatre ou vingt-cinq départements pauvres, à telle enseigne que l'Aveyron, avec un potentiel fiscal de 413,9 millions de francs, a un ratio de 3,8 %, alors que pour la Creuse, département qui, vous le comprendrez, ne m'est pas indifférent et dont le potentiel fiscal est de 117,5 millions de francs, la charge de l'APA représente 5,1 %. Vous comprendrez que ces ratios me préoccupent !
Néanmoins, j'ai entendu ce qui vient d'être dit et pris bonne note des observations de M. le rapporteur général. Je retire donc mon amendement, mais en vous donnant rendez-vous pour la deuxième partie du projet de loi de finances, madame la secrétaire d'Etat.
M. le président. L'amendement n° I-102 est retiré.
L'amendement n° I-185, présenté par M. Foucaud, Mme Beaudeau, M. Loridant et les membres du groupe communiste républicain et citoyen est ainsi libellé :
« Après l'article 25, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Au titre de l'année 2002, le montant de la dotation visée à l'article L. 1614-4 du code général des collectivités territoriales est, conformément aux dispositions de l'article L. 1614-2 du même code, majoré de 100 millions d'euros.
« II. - Cette majoration n'est pas prise en compte dans le montant de la dotation globale de fonctionnement pour l'application du I et du II de l'article 57 de la loi de finances pour 1999 (n° 98-1266 du 30 décembre 1998).
« III. - Le taux prévu à l'article 219 du code général des impôts est relevé à due concurrence. »
La parole est à M. Foucaud.
M. Thierry Foucaud. Cet amendement revient sur l'un des principes fondamentaux de la décentralisation telle qu'elle a été conçue lors de la discussion des lois de 1982.
Ce principe, c'est celui de la compensation par l'Etat de tout transfert de charge aux collectivités territoriales.
Depuis le vote de la loi du 20 décembre 1993 sur la formation professionnelle, les régions ont compétence en matière de formation professionnelle et de schémas régionaux de l'apprentissage.
Or, depuis un décret du mois de juillet dernier, la rémunération des stagiaires de la formation professionnelle a été réévaluée.
Sur le fond, une telle mesure n'est évidemment pas condamnable, bien au contraire, d'autant qu'elle peut contribuer à la relance de la consommation populaire.
Mais, ce qui pose problème, c'est que ce décret a été pris sans qu'aucune décision ne soit arrêtée quant au financement de la mesure par le budget de l'Etat sous forme de compensation versée aux régions.
L'amendement n° I-185 vise donc à remédier à cet oubli.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. Cet amendement me donne l'occasion de poser une question à Mme le secrétaire d'Etat : pour quelles raisons la commission consultative d'évaluation des charges ne respecte-t-elle pas les dispositions de l'article L. 1613-3 du code général des collectivités territoriales, qui prévoient qu'elle remet chaque année au Parlement un rapport sur l'évolution du coût des charges transférées ?
M. Michel Charasse. Il faudrait qu'elle se réunisse, mais elle n'a pas de président !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Cette disposition législative est pourtant, à ma connaissance, toujours en vigueur !
La commission consultative d'évaluation des charges produit, me dit-on, un rapport de temps en temps, de façon aléatoire, mais pas chaque année.
M. Michel Charasse. Elle ne se réunit jamais !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Puisque nos collègues, sur toutes les travées, s'interrogent, madame le secrétaire d'Etat, il nous serait agréable de connaître les raisons pour lesquelles ce mécanisme, qui pourrait nous permettre de disposer d'éléments d'information utiles, ne fonctionne apparemment plus.
Avant de se prononcer, la commission souhaite donc entendre le Gouvernement.
M. le président. Quel est donc l'avis du Gouvernement ?
Mme Florence Parly, secrétaire d'Etat. La commission consultative d'évaluation des charges fait l'objet d'un renouvellement à la suite des élections municipales. Elle se réunira le 13 décembre 2001 et remettra son rapport.
M. Michel Charasse. Ah ! Ses membres sont contents de l'apprendre !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Il y a eu deux rapports depuis 1995 !
Mme Florence Parly, secrétaire d'Etat. Quant à l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° I-185, il est défavorable.
M. le président. Quel est maintenant l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. La commission souhaite le retrait de l'amendement n° I-185, car il ne nous semble pas pouvoir être transcrit tel quel dans la loi. La question posée est judicieuse, mais la rédaction devrait sans doute être un peu retravaillée pour que nous puissions, un jour, voter un texte de cette nature.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° I-185.
M. Michel Charasse. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Charasse.
M. Michel Charasse. Je partage l'appréciation technique qui vient d'être portée par M. le rapporteur général.
Je comprends votre objectif, monsieur Foucaud, mais, le problème, c'est que le texte de votre amendement ne précise pas selon quel mécanisme les écarts seront réduits, ce qui signifie que vous renvoyez au Gouvernement, par la voie du décret, ou au Comité des finances locales, par la voie d'une simple délibération, le soin de déterminer les modalités d'application de votre texte.
Or, cher ami, la manière de réduire les écarts, si on doit les réduire, relève du domaine législatif. Par conséquent, si une disposition de cette nature devait être votée un jour par le Sénat, il faudrait qu'elle soit techniquement plus précise et indique clairement quel est le mécanisme de réduction des écarts.
C'est pour cette raison technique que, sans préjuger du fond, je ne pourrais voter l'amendement de nos collègues du groupe communiste républicain et citoyen s'il n'était pas retiré : il ne précise ni comment faire, ni, surtout, qui va faire. Tels sont les motifs pour lesquels je soutiens, sur ce point en tout cas, M. le rapporteur général.
M. le président. M. Foucaud, l'amendement n° I-185 est-il maintenu ?
M. Thierry Foucaud. Je le retire, monsieur le président, tout en sachant que c'est une question sur laquelle nous reviendrons et tout en regrettant - c'était le fond de l'amendement - que les écarts constatés an matière de DGF n'aient pas été corrigés.
M. le président. L'amendement n° I-185 est retiré.

Article 25 bis