SEANCE DU 8 NOVEMBRE 2001


M. le président. « Art. 20. - I. - Dans le chapitre IV du titre II du livre IV de la quatrième partie du code général des collectivités territoriales, la sous-section 3 de la section 3 comprend l'article L. 4424-33.
« II. - La première phrase du même article L. 4424-33 est remplacée par deux phrases ainsi rédigées :
« La collectivité territoriale de Corse détermine, dans le cadre du plan d'aménagement et de développement durable, les grandes orientations du développement agricole, rural et forestier de l'île. Une convention passée entre l'Etat et la collectivité territoriale de Corse prévoit les conditions de mise en oeuvre par la collectivité territoriale de Corse de ses orientations dans le domaine agricole. »
« III. - Le même article L. 4424-33 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Une convention passée entre l'Etat et la collectivité territoriale de Corse prévoit les conditions de mise en oeuvre en Corse de la politique forestière. »
« III bis. - L'article L. 112-11 du code rural est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Le conseil d'administration de l'office est composé à titre majoritaire de représentants élus de l'Assemblée de Corse. »
« III ter. - L'article L. 112-12 du code rural est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Le conseil d'administration de l'office est composé à titre majoritaire de représentants élus de l'Assemblée de Corse. »
« IV. - L'article L. 314-1 du code rural est ainsi rédigé :
« Art. L. 314-1 . - L'office de développement agricole et rural de Corse exerce les compétences dévolues au Centre national pour l'aménagement des structures des exploitations agricoles. »
« V. - Après l'article L. 314-1 du code rural, il est inséré un article L. 314-1-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 314-1-1 . - Les compétences dévolues à la commission départementale d'orientation de l'agriculture en application de l'article L. 313-1 sont exercées en Corse par la commission territoriale d'orientation de l'agriculture. Un décret fixe la composition de la commission territoriale d'orientation de l'agriculture, qui est présidée conjointement par le représentant de l'Etat dans la collectivité territoriale de Corse et par le président du conseil exécutif ou leurs représentants. »
Je suis saisi de quatre amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 79, présenté par M. Paul Girod, au nom de la commission spéciale, est ainsi libellé :
« Rédiger comme suit l'article 20 :
« I. - L'article L. 4424-33 du code général des collectivités territoriales est ainsi rédigé :
« Art. L. 4424-33. - La collectivité territoriale de Corse détermine et met en oeuvre, dans le cadre du plan d'aménagement et de développement durable, ses orientations en matière de développement agricole, rural et forestier.
« Une convention passée entre l'Etat et la collectivité territoriale de Corse prévoit les conditions de mise en oeuvre de la politique agricole, rurale et forestière en Corse. »
« II. - En conséquence, la sous-section 2 de la section 3 du chapitre 2 du titre Ier du livre Ier et les articles L. 112-10 à L. 112-15, ainsi que les articles L. 128-2 et L. 314-1 du code rural sont abrogés. »
L'amendement n° 261, présenté par M. Bret, Mmes Luc, Beaudeau, Beaufils, Bidard-Reydet et Borvo, M. Coquelle, Mmes David, Demessine et Didier, MM. Fischer, Foucaud et Le Cam, Mme Mathon, MM. Muzeau, Ralite et Renar et Mme Terrade, est ainsi libellé :
« Dans la première phrase du texte proposé par le II de l'article 20 pour remplacer la première phrase de l'article L. 4424-33 du code général des collectivités territoriales, supprimer les mots : "et forestier". »
L'amendement n° 262, présenté par M. Bret, Mmes Luc, Beaudeau, Beaufils, Bidard-Reydet et Borvo, M. Coquelle, Mmes David, Demessine et Didier, MM. Fischer, Foucaud et Le Cam, Mme Mathon, MM. Muzeau, Ralite et Renar et Mme Terrade, est ainsi libellé :

« Supprimer le III de l'article 20. »
L'amendement n° 192, présenté par M. Charasse, est ainsi libellé :
« Compléter le texte proposé par le IV de l'article 20 pour l'article L. 314-1 du code rural par les mots suivants : ", dans le respect des règles d'intervention du centre". »
La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 79.
M. Paul Girod, rapporteur. Cet amendement, comme les précédents, a un double objet.
Il s'agit, d'abord, de clarifier la répartition des compétences entre la collectivité territoriale et l'Etat en matière de développement agricole, rural et forestier. Il s'agit, ensuite, de tirer les conséquences du vote qui vient d'intervenir à l'article 40 sur la suppression des offices.
M. le président. La parole est à M. Bret, pour défendre les amendements n°s 261 et 262.
M. Robert Bret. Monsieur le président, si vous le permettez, je défendrai aussi, par avance, l'amendement n° 263, qui porte sur l'article 21 mais dont l'objet est le même.
Le titre Ier du code forestier et son article L. 101 précisent que la politique de mise en valeur économique, écologique et sociale relève de la compétence de l'Etat.
Le présent projet de loi transfère à la collectivité territoriale de Corse la définition d'orientations de développement forestier.
La politique forestière recouvre un champ d'action vaste : protection, reconstitution, production, place dans l'écosystème. Elle a, en outre, un impact social.
En l'état actuel, le projet de loi manque de précision sur le contour de la convention de mise en oeuvre de cette politique qui doit être élaborée entre la collectivité territoriale de Corse et l'Etat.
De toute évidence, c'est l'office de développement agricole et rural de la Corse, l'ODARC, qui sera désigné comme « guichet unique » pour la mise en oeuvre des mesures forestières - en dehors de la lutte contre les incendies - du contrat de plan Etat-région. Il sera le destinataire d'une subvention globale.
M. le rapporteur a évoqué les réserves qui se sont exprimées quant à la capacité de gestion de cet office, réserves qu'avait d'ailleurs déjà émises la commission Glavany.
En outre, le personnel de cet office relève du droit privé, ce qui m'amène à m'interroger sur l'avenir du personnel des services déconcentrés de l'Etat en activité sur l'île.
Nous avons bien entendu les propositions générales sur ce point qu'a avancées le Gouvernement, mais qu'adviendra-t'il du personnel qui refusera l'autorité hiérarchique du président du conseil exécutif, dans la mesure où les services actuels seront purement et simplement supprimés ?
Sans entrer dans le détail, je souhaite rappeler que la juste volonté de permettre la prise en compte des réalités locales est déjà largement satisfaite par la loi d'orientation sur la forêt votée en juin dernier, notamment par ses articles 1er, 2 et 4.
Sans entrer dans un éternel débat symbolique, pourquoi ne pas utiliser ce nouvel outil législatif ?
L'importance du patrimoine national forestier l'exige, et nous proposons donc de retirer la politique forestière du champ des transferts de compétence.
Le texte de loi prévoit le maintien du régime forestier, mais cette situation est tout à fait réversible dans la mesure où elle est liée à la propriété et aux relations futures entre la collectivité territoriale de Corse et l'Etat.
Le risque est d'autant plus grand que notre régime forestier, qui est une spécificité française, est largement contesté sur le plan européen. Il est considéré comme un frein à l'investissement privé et à la rentabilité. L'ouverture à la concurrence des missions, concessions ou obligations de service public assurées par les collectivités territoriales pourrait très rapidement concerner le régime forestier.
Le statut « domanial » fonctionne comme une barrière à l'entrée en forêt. Sa disparition risque d'entraîner, par la concession de nouveaux droits d'usage, une forte augmentation des intervenants en forêt : opérateurs touristiques, guides, agences de voyages, etc.
Hors régime forestier, la maîtrise d'oeuvre des travaux en forêt, mission exclusive de l'ONF en forêt domaniale, sera soumise à la concurrence sous la forme d'appels d'offres, ce qui risque d'entraîner la disparition de l'ingénierie publique forestière.
La collectivité territoriale de Corse aura sans doute à coeur de créer ses propres services forestiers, ce qui la conduira inévitablement à confier ses nouvelles compétences à l'un de ses établissements publics de droit privé, l'ODARC, dont le fonctionnement n'est absolument pas contrôlé par les élus territoriaux, qui relèvent, eux, du suffrage universel. C'est une nouvelle contradiction.
Elle devra assurer aussi un certain nombre de charges liées aux travaux effectués, notamment aux travaux d'entretien non subventionnés.
C'est cette dotation qui permettait de rémunérer les vingt-huit équivalents temps plein d'ouvriers sylviculteurs dont l'emploi doit absolument être garanti.
M. le président. L'amendement n° 192 n'est pas soutenu.
Quel est l'avis de la commission sur les amendements n°s 261 et 262 ?
M. Paul Girod, rapporteur. La commission n'est pas favorable à l'adoption de ces amendements, car, par le biais de son amendement, elle récrit elle-même l'article en acceptant le transfert de compétences en matière de développement forestier, ce qui n'a, semble-t-il, pas le don de plaire exagérément à M. Bret et aux membres de son groupe.
M. Robert Bret. Vous nous avez compris ! (Sourires.)
M. Paul Girod, rapporteur. Pour notre part, nous sommes favorables à des transferts importants à la collectivité territoriale de Corse. Nous en avons accepté le principe dans le domaine forestier sous réserve qu'une convention signée entre l'Etat et la collectivité territoriale permette de coordonner les politiques menées par l'un ou par l'autre.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements n°s 79, 261 et 262 ?
M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur. Il est nécessaire que les mesures qui seront prises par la collectivité territoriale de Corse en matière agricole et forestière soient cohérentes avec l'intervention de l'Etat, que celui-ci agisse directement ou par l'intermédiaire d'établissements publics tels que l'Office national des forêts, l'OFIMER, l'Office interprofessionnel des produits de la mer, ou le CNASEA, le Centre national pour l'aménagement des structures des exploitations agricoles.
Par conséquent, si les grandes orientations peuvent, dans le respect du plan d'aménagement, être définies par la collectivité territoriale de Corse, en revanche les mesures envisagées pour leur mise en oeuvre doivent faire l'objet d'une concertation avec l'Etat dans le cadre d'une convention devant être signée préalablement à la réalisation des projets.
Par ailleurs, il n'est pas souhaitable d'envisager dès à présent la suppression de l'office de développement agricole et rural. Celui-ci est soumis aux dispositions générales du projet de loi relatif au devenir des offices.
Par conséquent, le Gouvernement est défavorable à l'amendement n° 79.
S'agissant de l'amendement n° 261, la loi d'orientation sur la forêt du 9 juillet 2001 prévoit que les collectivités territoriales et leurs groupements peuvent passer des contrats avec l'Etat en vue de concourir à la mise en oeuvre de la politique forestière. Toutefois, la définition des grandes orientations de cette politique et des conditions de son application relève de la compétence de l'Etat, qui en assure la cohérence.
Par conséquent, l'article 20 du projet de loi, qui confie à la collectivité territoriale de Corse le soin de définir les orientations du développement forestier, constitue un nouveau transfert de compétences qui paraît nécessaire pour une gestion efficace de la forêt en Corse.
En ce qui concerne, enfin, l'amendement n° 262, la convention qui doit, en l'occurrence, être passée avec l'Etat, a pour objet de préciser les conditions de mise en oeuvre des orientations en matière de développement forestier qui ont été fixées par la collectivité territoriale de Corse.
Il convient donc de maintenir, pour la Corse, cette disposition spécifique, qui s'inscrit dans la logique d'une organisation particulière de la gestion des forêts, et cela m'amène à émettre un avis défavorable sur l'amendement n° 262.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 79, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l'article 20 est ainsi rédigé et les amendements n°s 261 et 262 n'ont plus d'objet.

Article 21