SEANCE DU 27 JUIN 2001


Après l'article 39 bis

M. le président. Le chapitre Ier bis a été supprimé par l'Assemblée nationale.
Mais, par amendement n° 123, MM. Huriet, Arnaud, Amoudry, Badré, Barraux, Baudot, Bécot, Belot, Blin, Mme Bocandé, MM. Borotra, Deneux, Deriot, Diligent, Fauchon, Faure, Franchis, Fréville, Grignon, Henry, Hérisson, Herment, Huchon, Hyest, Le Breton, Lesbros, Lorrain, Machet, Malécot, Maman, Marques, Mercier, Moinard, Monory, Nogrix, Souplet et de Villepin proposent de rétablir cette division et son intitulé dans la rédaction suivante : « Chapitre Ier bis. - Prévention des conflits collectifs du travail et garantie du principe de continuité dans les services publics ».
La parole est à M. Huriet.
M. Claude Huriet. Cet amendement et les amendements suivants visent à inscrire dans un chapitre Ier bis des dispositions visant à prévenir les conflits collectifs du travail et à garantir le principe de continuité dans les services publics.
Qu'il me soit permis, madame le secrétaire d'Etat, de me référer tout d'abord aux lois Auroux, qui datent certes d'il y a vingt ans, mais qui comportaient des dispositions qui sont peu à peu tombées en désuétude, c'est le moins que l'on puisse dire, notamment l'obligation de négocier. Or, on a assisté, ces dernières années, à la multiplication de conflits sociaux qui pénalisent gravement les usagers. Chacun d'entre nous a des exemples en mémoire.
M. Jacques Machet. Tout à fait !
M. Claude Huriet. Aussi me paraît-il tout à fait cohérent d'inscire dans ce projet de loi de modernisation sociale, après un chapitre Ier consacré à la protection de l'emploi, un chapitre Ier bis visant à prévenir les conflits collectifs du travail et à garantir le principe de continuité du service public.
Qu'il soit bien clair que, contrairement au procès d'intention qui a été instruit à l'encontre de la majorité sénatoriale, il n'est pas question, pour cette majorité, de revenir sur ce droit fondamental qu'est le droit de grève, il est question d'assurer la continuité du service public, dans l'esprit de la loi Auroux et en se référant à des propos tenus aussi bien par M. Michel Sapin, qui avait dénoncé voilà quelques mois l'archaïsme du dialogue social dans les services publics, que par M. le Président de la République...
M. Roland Muzeau. Et le MEDEF !...
M. Claude Huriet. ... qui défend lui aussi les intérêts des usagers, lesquels sont trop souvent bafoués lors de ces conflits sociaux.
Par conséquent, sous ce triple parrainage « Auroux-Sapin-Chirac », je souhaite qu'il y ait unanimité sur nos travées pour accepter les dispositions que j'aurai l'occasion d'exposer au travers des amendements suivants.
L'amendement n° 123 vise à introduire un chapitre Ier bis concernant la prévention des conflits collectifs du travail et la garantie du respect du principe de continuité des services publics, qui est, faut-il le rappeler, un principe de valeur constitutionnelle.
M. Jacques Machet. Très bien !
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Gournac, rapporteur. Comme on s'en doute, la commission est très favorable à cet amendement.
M. Guy Fischer. Le contraire nous aurait étonnés ! (Sourires.)
M. Alain Gournac, rapporteur. Nous avions déjà expliqué notre position lors de la première lecture.
Les amendements n°s 123 à 126 déposés par M. Huriet et les membres du groupe de l'Union centriste ont pour objet de rétablir des articles insérés par le Sénat en première lecture, afin d'inclure dans ce projet de loi le contenu de la proposition de loi relative au principe de continuité dans les services publics que nous avons votée ici, au Sénat, le 11 février 1999. Ces articles ont été supprimés par l'Assemblée nationale sans qu'un réel débat de fond soit engagé. Le discours du Président de la République, le 7 juin dernier, a donné une nouvelle actualité au dispositif sénatorial, qui s'inscrit très exactement dans la ligne ferme mais raisonnable tracée par M. Jacques Chirac.
« La pratique constante du dialogue social, la participation des représentants du personnel aux choix stratégiques de l'établissement, la recherche du consensus et de la prévention des conflits sont en effet indispensables.
« Je souhaite que ce soit sur les valeurs de responsabilité que continue à s'édifier notre service public. C'est dans ce cadre, et en privilégiant évidemment la voie de l'accord, que devront être menées à bien les réflexions sur l'institution d'un service minimum que les Français appellent de leurs voeux. La continuité du service public est un impératif qui ne peut être ignoré. » Pour ma part, j'adhère totalement aux propos tenus par le Président de la République, à Avignon.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Nicole Péry, secrétaire d'Etat. Monsieur le président, l'avis du Gouvernement sera défavorable pour les amendements n°s 123, 124, 125 et 126.
Il existe, dans certains établissements, des dispositifs de prévention des conflits sociaux. Ils ont montré leurs vertus, parfois leurs faiblesses. Leur principal intérêt est de privilégier la négociation et le débat, aux conflits ouverts.
Mais leur efficacité dépend précisément de ce qu'ils procèdent du dialogue social. Pour ne pas être un voeu pieux, il importe que ces dispositifs aient été conçus par les chefs d'entreprise et les organisations syndicales. C'est pourquoi le Gouvernement émet un avis défavorable.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 123.
M. Roland Muzeau. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Muzeau.
M. Roland Muzeau. J'ai bien compris les précautions de langage de notre collègue M. Huriet. Il n'en reste pas moins qu'en réalité, avec ces amendements, il s'agit d'interdire le droit de grève. (Exclamations sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. Claude Huriet. Mais non !
M. Alain Gournac, rapporteur. Pas du tout !
M. Jean Delaneau, président de la commission des affaires sociales. Vous exagérez !
M. Roland Muzeau. Ne tournez pas autour du pot ! Appelez un chat un chat !
Les déclarations du Président de la République ne peuvent être mises en application sans porter atteinte au droit de grève, vous le savez pertinemment.
M. Alain Gournac, rapporteur. Pas du tout !
M. Jean Delaneau, président de la commission des affaires sociales. Et les droits des citoyens !
M. Roland Muzeau. Le droit de grève - vous avez pris l'exemple des transports, mais on pourrait aussi bien citer toutes les professions - est un droit légitime et non un droit exercé pour le plaisir par les salariés. Pour eux, c'est le dernier recours pour se faire entendre. Pendant des années, ils ont essayé de faire valoir leurs revendications, mais ils n'ont pas été écoutés.
En fait, le dialogue social est en panne dans un grand nombre d'entreprises. Il est inadmissible de déposer des amendements visant à empêcher de prendre en compte cette réalité.
Nombre d'employeurs sont gravement responsables de cette absence de dialogue social. Certains d'entre eux réussissent pourtant à l'établir ! Posons-nous donc la question de savoir pourquoi il y a tant de blocages.
S'agissant des transports en commun dans toutes les grandes villes de France, depuis deux mois et demi, les mouvement sociaux portent sur l'âge de la retraite. Mais, à ce jour, les négociations n'ont même pas été ouvertes et les salariés ont reçu une fin de non-recevoir. Tous les quinze jours, la presse annonce bien évidemment une journée d'action ! Comment pourrait-il en être autrement ? Enfin, n'oubliez pas, messieurs de la majorité sénatoriale, que l'on ne se met pas en grève pour le plaisir. Cela coûte cher aux familles et aux salariés...
M. Jean Delaneau, président de la commission des affaires sociales. Et aux contribuables !
M. Roland Muzeau. ... et ce n'est pas remboursé par la sécurité sociale !
M. Jean-Louis Lorrain, rapporteur. Mais la SNCF rembourse !
M. Alain Gournac, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Gournac, rapporteur.
M. Alain Gournac, rapporteur. Je ne peux pas ne pas réagir. Laisser croire que M. Huriet et la commission acceptent une disposition de nature à interdire d'exercer son droit de grève, ce n'est pas admissible.
Jamais je ne pourrai accepter que M. Huriet soutienne une disposition contre le droit de grève. Mais, mes chers collègues, que devient le droit des citoyens qui, le matin, ne peuvent se rendre à leur travail parce qu'il n'y a ni trains ni métros ? (M. Fischer s'exclame.)
M. Jacques Machet. Très bien !
M. Alain Gournac, rapporteur. Je vais citer quelques exemples précis, mes chers collègues.
Le président de la RATP parle de grèves sans aucune discussion préalable. Le président de la SNCF, quant à lui, parle de grèves sans aucune discussion. A Air France, la situation est identique.
La grève, c'est la première proposition. Or nous pensons qu'il y a autre chose avant la grève et qu'il faut respecter certaines règles.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Tout à fait !
M. Alain Gournac, rapporteur. Pour moi, la grève, c'est l'ultime solution.
On ne peut pas dire : vous allez discuter parce que, sinon, jeudi prochain, nous allons nous mettre en grève.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Ils n'ont pas d'autres moyens !
M. Alain Gournac, rapporteur. Cela n'est pas acceptable dans un pays organisé. Je suis donc fier de soutenir les propositions de notre collègue M. Huriet. (Protestations sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. Jean Chérioux. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Chérioux.
M. Jean Chérioux. Je suis toujours étonné lorsque les discussions portent sur le droit de grève : toute proposition de réglementation serait une atteinte au droit de grève.
M. Alain Gournac, rapporteur. Pas du tout !
M. Jean Chérioux. La Constitution - relisez-la, mes chers collègues - précise que le droit de grève s'exerce dans le cadre des lois qui le réglementent.
Par définition, le droit de grève doit être réglementé pour pouvoir être mis en oeuvre. Vous en avez d'ailleurs vous-même donné l'exemple, monsieur Muzeau, sans le vouloir.
En outre, l'exercice du droit de grève peut porter atteinte aux droits des citoyens, aux droits des usagers des transports publics, par exemple. Mais, bien plus grave, il porte atteinte aux intérêts des travailleurs eux-mêmes qui sont privés de leurs salaires, alors qu'ils n'auraient pas forcément voulu faire grève.
Voilà pourquoi M. Huriet a déposé ces amendements, qui ont pour objet de réglementer l'exercice du droit de grève.
C'est trop facile de se mettre en grève...
M. Roland Muzeau. Non, ce n'est pas facile !
Mme Marie-Claude Beaudeau. On voit que vous n'avez jamais essayé !
M. Jean Chérioux. ... quelquefois pour des raisons strictement politiciennes et qui n'ont rien à voir avec la défense des intérêts des travailleurs. (Protestations sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
La réglementation du droit de grève, c'est aussi le respect des travailleurs ! (Nouvelles protestations sur les mêmes travées.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 123, accepté par la commission et repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, la division « Chapitre Ier bis » et son intitulé sont rétablis dans cette rédaction.

Article 39 ter