SEANCE DU 29 MAI 2001


M. le président. « Art. 3. - Après l'article 15 du décret du 18 avril 1939 précité, il est inséré un article 15-1 ainsi rédigé :
« Art. 15-1 . - La conservation par toute personne des armes, des munitions et de leurs éléments des 1re et 4e catégories est assurée selon des modalités qui en garantissent la sécurité et évitent leur usage par un tiers.
« Les armes, les munitions et leurs éléments des 5e et 7e catégories, ainsi que les armes de 6e catégorie énumérées par décret en Conseil d'Etat, doivent être conservés hors d'état de fonctionner immédiatement.
« Un décret en Conseil d'Etat détermine les conditions d'application du présent article. »
Je suis saisi de trois amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Par amendement n° 83, M. du Luart, Mme Heinis et M. Oudin proposent de supprimer cet article.
Par amendement n° 93, le Gouvernement propose de remplacer les deux premiers alinéas du texte présenté par l'article 3 pour l'article 15-1 du décret du 18 avril 1939 par l'alinéa suivant :
« La conservation par toute personne des armes, des munitions et de leurs éléments des 1re, 4e, 5e, 7e catégories, ainsi que des armes de 6e catégorie énumérées par décret en Conseil d'Etat, est assurée selon des modalités qui en garantissent la sécurité. »
Par amendement n° 29, M. Schosteck, au nom de la commission des lois, propose, dans le deuxième alinéa du texte présenté par l'article 3 pour l'article 15-1 du décret du 18 avril 1939, de supprimer les mots : « , ainsi que les armes de 6e catégorie énumérées par décret en Conseil d'Etat, ».
L'amendement n° 83 est-il soutenu ?...
La parole est à M. le ministre, pour défendre l'amendement n° 93.
M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur. L'article 15-1 du décret du 18 avril 1939, tel qu'il résulte de l'article 3, distingue les conditions de sécurisation des armes, selon qu'elles relèvent des 1re ou 4e catégories, d'une part, et des 5e, 6e ou 7e catégories, d'autre part.
Le Gouvernement entend bien ne pas appliquer les mêmes règles de conservation des armes, notamment selon qu'il s'agit d'armes d'épaule ou d'armes de poing, mais cette distinction est source de confusion.
D'abord, en tout état de cause, les armes à feu, quelle qu'en soit la catégorie, doivent être conservées selon des modalités qui en garantissent la sécurité et en évitent la manipulation par des tiers. Ensuite, la notion de « fonctionnement immédiat » est peu adaptée aux armes de 6e catégorie, c'est-à-dire aux armes blanches.
C'est le décret qui doit préciser les modalités de conservation des armes de toutes les catégories, l'objectif étant naturellement d'en empêcher l'usage intempestif. Il n'est ni utile ni opportun que, sur cette question, la loi précise davantage le mandat du pouvoir réglementaire.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 29 et pour donner l'avis de la commission sur l'amendement n° 93.
M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur. Avec l'amendement n° 29, il s'agit d'exclure les armes de 6e catégorie du champ de l'article 15-1 du décret précité qui prévoit les prescriptions de sécurité à respecter en matière de conservation.
En effet, il nous est apparu techniquement difficile d'exiger pour les armes blanches qu'elles soient « hors d'état de fonctionner immédiatement ».
Même après de longues réflexions, nous n'avons pas bien perçu les conditions dans lesquelles on pourrait les mettre hors d'état de fonctionner, sauf à retirer complètement les lames et à ne garder que le pommeau.
M. Ladislas Poniatowski. En séparant la lame du manche !
M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur. Et les armes à cran d'arrêt ?
M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur. Cette prescription de sécurité ne vaut donc que pour les armes à feu.
S'agissant des prescriptions de conservation des armes, l'amendement n° 93 du Gouvernement revient sur la distinction opérée par l'Assemblée nationale entre les armes de 1re et 4e catégories et les armes de 5e, 6e et 7e catégories qui seraient, elles, soumises à des prescriptions plus légères.
La commission a estimé qu'il ne fallait pas traiter de la même manière les différents types d'armes.
Un coffre-fort est prévu par le décret du 6 mai 1995 pour les armes de 1re et 4e catégories ; cela ne peut être le cas pour les armes de 5e et 7e catégories, pour lesquelles la rédaction de l'Assemblée nationale nous a semblé suffisante.
Quant aux armes blanches, je vous renvoie à ce que j'ai dit pour l'amendement n° 29.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 29 ?
M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur. Le Gouvernement défend son amendement. Par conséquent, il n'est pas favorable à l'amendement n° 29 !
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 93.
M. Gérard Le Cam. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Le Cam.
M. Gérard Le Cam. Cet amendement va dans le bon sens dans la mesure où il vise à accroître la sécurité au domicile des détenteurs d'armes, tout particulièrement les chasseurs et les tireurs.
Il concerne également, même si l'on en parle beaucoup moins, les propriétaires héritiers d'armes aujourd'hui non-chasseurs qui détiennent au total plusieurs millions de fusils.
J'attire l'attention du Gouvernement sur la gestion de ce stock d'armes qui se fragilisent, deviennent parfois dangereuses au fil du temps et qui, de surcroît, peuvent être manipulées par des personnes souvent néophytes en la matière.
Je souhaite également obtenir de votre part des assurances, monsieur le ministre, que le décret précisant les modalités de conservation des armes n'exigera pas l'achat d'armoires spécifiques destinées à cet usage dont le coût minimal avoisine les 2 000 francs aujourd'hui pour les armes d'épaule. D'autres solutions, moins onéreuses et tout aussi efficaces, pourront être mises en oeuvre. Une telle mesure aurait pour effet, sinon, de réduire très sensiblement le nombre des chasseurs.
L'Union nationale des fédérations de chasseurs, les fédérations et les associations départementales ont mis l'accent, ces dernières années, sur la sécurité, réduisant de moitié le nombre d'accidents mortels l'an passé. Aussi, nous ne pouvons qu'être favorables à cette exigence de sécurité au domicile, sous réserve des observations que je viens de faire plus haut.
Vous m'autoriserez à une méfiance mesurée, monsieur le ministre, en matière de chasse notamment. En effet, si chat échaudé craint l'eau froide, chasseur échaudé craint le décret brûlant. (Sourires.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 93, repoussé par la commission.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 29, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Par amendement n° 79, M. Ladislas Poniatowski et les membres du groupe des Républicains et Indépendants proposent de supprimer le dernier alinéa du texte présenté par l'article 3 pour l'article 15-1 du décret du 18 avril 1939.
La parole est à M. Poniatowski.
M. Ladislas Poniatowski. Chasseur échaudé craint le décret. Je propose la suppression du décret !
J'ai besoin d'une petite explication de texte, monsieur le ministre.
A priori, les textes qui existent couvrent à peu près tous les cas de figure de détention d'armes à domicile. En effet, le décret d'avril 1939 et un décret plus récent de décembre 1998 imposent, pour les armes de 1re, 2e et 3e catégories, qui ne sont pas des armes de chasse, un système de coffre, donc une solution, certes, coûteuse, mais sérieuse.
L'article 3, monsieur le ministre, me conviendrait totalement s'il ne comportait pas le dernier alinéa. En effet, en le gardant tel quel, vous faites vraiment confiance aux chasseurs.
Je le relis avec vous : « Les armes, les munitions et leurs éléments des 5e et 7e catégories, ainsi que les armes de 6e catégorie - ce dernier élément vient d'être supprimé pour l'amendement n° 29, et je m'en félicite - énumérées par décret en Conseil d'Etat, doivent être conservés hors d'état de fonctionner immédiatement. »
Autrement dit, il est de la responsabilité du chasseur de prendre lui-même les mesures qu'il considère de bonne protection si un cambrioleur lui volait une arme.
Ces mesures votées en 1998, on les connaît. Il s'agit de la pose d'un verrou de pontet ou, tout simplement, du démontage des parties essentielles du fusil, chacun adoptant ce qu'il considère comme la bonne solution.
Il est vrai que démonter une partie de l'arme est une bonne protection non seulement contre les cambrioleurs, mais également contre toute manipulation par un enfant.
Par ailleurs, très souvent les chasseurs ne rangent pas les munitions au même endroit que l'arme : c'est le b-a-ba, surtout s'il a des enfants. La majorité des chasseurs sont d'ailleurs de plus en plus raisonnable.
Le décret en Conseil d'Etat prévu dans le dernier alinéa de l'article 3 me fait peur. Puisque tous les cas de figure sont déjà prévus, pourquoi un nouveau décret ? Ce nouveau décret qui n'a pas de raison d'être pourrait, demain, prévoir des mesures très sévères à l'encontre des armes de la 5e et de la 7e catégories, autrement dit des armes de chasse.
Dès lors que des mesures sont déjà en vigueur, je ne vois pas pourquoi vous voulez un nouveau décret. Avec l'article 3, avec le décret du 18 avril 1939 et celui du 16 décembre 1998, que vous n'avez pas cité, monsieur le ministre, tous les cas de figure sont prévus.
Je crains que, par un nouveau décret, des personnes mal intentionnées puissent, demain, changer les mesures simples qui existent pour les armes de chasse et imposer d'autres mesures.
Si on exige un coffre-fort, sachez que la grande majorité du million et demi de chasseurs, qui sont des gens modestes, ne pourront pas se le procurer. Ils resteront hors-la-loi. Et vous ne leur enverrez pas la police nationale, monsieur le ministre,...
M. Jean-Jacques Hyest. Il faudrait la gendarmerie !
M. Ladislas Poniatowski. ... pour voir si la mesure est respectée.
M. Gérard Le Cam. Tout à fait !
M. Ladislas Poniatowski. Voilà pourquoi je propose la suppression de ce décret supplémentaire.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 79 ?
M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur. La commission est évidemment très sensible à l'argumentation de M. Poniatowski,...
M. Jean-Jacques Hyest. Mais...
M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur. ... mais elle ne peut que constater que les mesures qu'il propose relèvent du décret.
M. Jean-Jacques Hyest. Eh oui !
M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur. Par conséquent, si je comprends votre argumentation, monsieur Poniatowski, juridiquement, je ne peux que dire que nous sommes dans le domaine du décret et non dans celui de la loi.
M. Jean-Jacques Hyest. Et le décret ne peut aller au-delà de la loi !
M. Ladislas Poniatowski. Si !
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur. La fixation des règles concrètes ou techniques relatives à la sécurité et à la conservation des armes relève du pouvoir réglementaire, vous avez raison de le souligner, monsieur le rapporteur.
Les règles qui seront fixées par décret en Conseil d'Etat différeront selon que les détenteurs seront des professionnels ou non et selon les catégories d'armes.
S'agissant des armes les plus couramment détenues par les particuliers, notamment les armes de 5e catégorie, il s'agira, je m'y engage, de mesures simples, peu onéreuses ou contraignantes, d'un verrou de pontet ou d'un râtelier muni d'un cadenas de sûreté, par exemple.
Je crois que ces éléments ont le mérite de rassurer aussi M. Le Cam.
L'objectif n'est pas d'être contre les chasseurs.
M. Gérard Braun. Aujourd'hui !
M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur. J'en veux pour preuve - et ne le prenez pas comme une provocation - que nous avons légiféré pour permettre aux chasseurs de chasser dans de bonnes conditions, sans que notre pays soit par ailleurs sous la contrainte européenne.
Il faut que les chasseurs puissent librement chasser, mais c'est aussi les protéger que d'organiser cette sécurisation. Comme vous le savez d'ailleurs, monsieur le sénateur, des accidents surviennent tous les ans qui ne sont pas simplement des accidents de chasse : des enfants ou des personnes non habilitées à utiliser des armes provoquent, hélas ! des accidents ou se tuent.
Par conséquent, il s'agit bien de mesures de précaution, de sécurisation. L'intention du Gouvernement est non pas de créer des contraintes supplémentaires, mais de faire en sorte que ce sport puisse se pratiquer en toute liberté, dans le respect de la loi, notamment des dispositions nécessaires de sécurisation.
La rédaction du projet de loi tel qu'il a été voté par l'Assemblée nationale mérite effectivement d'être revue. Les modalités de sécurité seront différenciées selon les catégories d'armes par le décret d'application, mais pas en fonction des critères fixés par l'article 3, distinguant sans justification réelle les armes de 1re et 4e catégories, d'une part, celles de 5e ou 7e catégories, d'autre part.
Pour les armes de 6e catégorie, même si un amendement règle le problème aujourd'hui - mais je ne suis pas sûr qu'il le résolve de façon définitive, puisque le texte reviendra à l'Assemblée nationale - donc pour les armes de 6e catégorie nommément désignées compte tenu de leur diversité, de la baïonnette au projecteur hypodermique, en passant par le casse-tête, le décret pourrait prévoir l'obligation de les conserver hors de portée des tiers, mais avec un minimum de contraintes. Il est en effet difficile de mettre hors d'état de fonctionner immédiatement une baïonnette ; vous l'avez souligné, monsieur le rapporteur.
Par conséquent, il ne s'agit pas ici, je le répète, de créer des contraintes par un décret. Mais le décret s'impose, comme l'a dit tout à l'heure M. le rapporteur.
M. Robert Bret. Très bien !
M. Ladislas Poniatowski. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Poniatowski.
M. Ladislas Poniatowski. La réponse de M. le ministre me convient, monsieur le président. Par conséquent, je retire l'amendement.
M. le président. L'amendement n° 79 est retiré.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 3, modifié.

(L'article 3 est adopté.)

Article 3 bis