SEANCE DU 18 AVRIL 2001


M. le président. L'article 8 bis a été supprimé par l'Assemblée nationale.
Mais, par amendement n° 105, MM. Gérard Larcher, Hérisson, Trucy, Girod, Althapé, Pelchat, André et Gournac proposent de le rétablir dans la rédaction suivante :
« I. - A compter du 1er juillet 2001 est institué un service bancaire de base fourni et financé dans les conditions définies au présent chapitre.
« II. - Le service bancaire de base garantit aux personnes bénéficiaires du revenu minimum d'insertion, de l'allocation de solidarité spécifique, du minimum de solidarité spécifique, du minimum vieillesse ou de l'allocation pour adulte handicapé un service de qualité.
« Il est fourni gratuitement par les établissements de crédit ainsi que par les services financiers de La Poste et du Trésor public. Sa fourniture exclut la rémunération des dépôts inscrits au compte ouvert à ce titre.
« Le service bancaire de base assure à toute personne demandant à en bénéficier le droit à :
« - un compte de dépôt ;
« - la délivrance à la demande d'un relevé d'identité bancaire ou postal ;
« - la domiciliation de virements bancaires ou postaux ;
« - l'envoi mensuel d'un relevé des opérations effectuées sur le compte de dépôt ;
« - la réalisation des opérations de caisse ;
« - l'encaissement de chèques et de virements bancaires ou postaux ;
« - un minimum de cinq paiements par prélèvement, titre interbancaire de paiement ou virement bancaire ou postal par mois ;
« - une carte de retrait autorisant des retraits hebdomadaires d'espèces dans la limite d'un quart du montant mensuel du revenu minimum d'insertion et un quota mensuel de chèques de banque dont le nombre et les conditions d'attribution sont déterminés par décret ou une carte de paiement dite à autorisation systématique permettant le débit du solde disponible du compte de dépôt dans la limite d'un plafond mensuel également fixé par décret.
« La fourniture du service bancaire de base n'interdit pas l'offre d'autres prestations gratuites par les organismes assujettis. »
La parole est à M. Gérard Larcher.
M. Gérard Larcher. L'ensemble des amendements tendant à instituer un service bancaire de base vise, tout d'abord, à assurer à trois millions de Français dont les revenus sont limités aux minima sociaux la certitude de la gratuité d'un service bancaire de base. Leur insertion financière dans la vie de notre pays se trouverait ainsi garantie, même avec la perspective inéluctable, qu'on le veuille ou non, de la facturation de prestations bancaires aujourd'hui non facturées : je pense notamment au paiement des chèques.
Nous proposons, par ces amendements, d'instituer, en second lieu, un mécanisme de péréquation - je me permets d'insister sur ce point - entre les établissements de crédit assurant à ceux d'entre eux qui, aujourd'hui, sont le seul guichet des plus démunis - je pense tout particulièrement à La Poste et à certaines caisses d'épargne - une juste indemnisation du coût de l'accueil des intéressés.
Le coût de ce service rendu par La Poste aux plus démunis s'élève à plus de 1 300 millions de francs. Il n'est jamais reconnu comme tel ; or il pèse sur les comptes de l'entreprise publique.
Ces dispositions avaient été adoptées par le Sénat sur l'initiative des mêmes signataires, à savoir MM. Pierre Hérisson, François Trucy, Paul Girod, Louis Althapé, Michel Pelchat, Pierre André et Alain Gournac, avec l'avis favorable de la commission des finances, lors de l'examen en première lecture du projet de loi. L'Assemblée nationale a décidé d'écarter ces propositions dont je viens de rappeler la dimension à la fois sociale et postale.
Il est vrai que le Gouvernement a pris, voilà trois mois, un décret relatif au service bancaire de base. Il est vrai aussi que la définition de ce service s'inspire très largement de la définition issue de nos débats. Cependant, avec ce décret, les seuls bénéficiaires seront les personnes qui, « s'étant vu refuser l'ouverture d'un compte par une banque, se sont adressées à la Banque de France pour qu'elle leur désigne un établissement qui devra leur ouvrir ce compte ».
Nous avons notamment auditionné les représentants des organisations caritatives qui sont « au chevet » - pardonnez-moi cette expression, mais c'est souvent le cas - des plus démunis de nos concitoyens. Selon eux, ce sont seulement quelques milliers de personnes qui relèveront de cette procédure chaque année puisque, dans la plupart des cas, ceux qui sont refusés par les banques s'adressent à La Poste ou aux caisses d'épargne, qui les accueillent le plus souvent.
En bref, le Sénat, au mois de novembre, ouvrait un droit à près de trois millions de personnes. Le Gouvernement, par décret, le limite à quelques milliers, voire à quelques dizaines de milliers de personnes. Le moins que l'on puisse dire est qu'il s'agit d'une réduction de la notion de solidarité sociale. C'est pourquoi nous souhaitions ouvrir à nouveau ce débat.
Si l'instauration des chèques payants semble avoir été reportée jusqu'aux échéances du printemps de l'an prochain, il n'empêche que l'exception française d'un « ni-ni bancaire » - ni chèques payants ni comptes rémunérés - ne saura résister à la logique de l'engagement de notre pays à entrer dans la zone euro en janvier 2000.
Nos débats en première lecture ont bien mis en évidence que le paiement des chèques va accentuer les risques d'exclusion financière des plus faibles de nos concitoyens.
Faut-il, au prétexte du report d'échéances inéluctables, renoncer aux positions de principe prises par le Sénat ? Nous ne le croyons pas !
Il faut également poser de nouveau la question spécifique à La Poste, puisque le débat promis n'a jamais eu lieu. La Poste est une entreprise publique, présente sur le territoire, guichet des plus démunis, assurant un service sur tout le territoire. D'un côté, on lui demande de respecter une logique d'équilibre financier, d'un autre côté, on ne compense pas les charges qui pèsent sur elle, notamment en matière d'accueil des plus démunis.
Telles sont, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, nos préoccupations aujourd'hui. Nous constatons certes que le décret s'est largement inspiré de nos travaux. Nous regrettons cependant que le bénéfice des dispositions que nous proposons soit limité à quelques milliers de personnes et que la question de La Poste ne soit toujours pas réglée : les plus démunis de nos concitoyens continueront d'utiliser le guichet de La Poste, et lui seul.
Il est d'autant plus important d'adopter ce dispositif que, comme chacun le sait, l'exclusion bancaire, avec l'exclusion du travail et du logement, est l'un des facteurs de l'exclusion totale, de la chute sur le côté de la route. (Applaudissements sur les travées du RPR et de l'Union centriste.)
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Yann Gaillard, rapporteur. Comment la commission, par ma voix, pourrait-elle résister à l'éloquence inspirée de notre collègue M. Gérard Larcher ? Bien entendu, elle ne peut que donner un avis favorable sur l'amendement n° 105, ainsi que sur les autres amendements déposés par M. Larcher sur ce sujet.
Je laisse le Gouvernement s'expliquer à propos du caractère plus ou moins parfait de son décret ! (Sourires.)
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. François Patriat, secrétaire d'Etat. C'est un sujet d'actualité, un sujet que M. Gérard Larcher défend avec passion, comme j'ai moi-même pu le constater !
Ainsi qu'il s'y était engagé, le Gouvernement met en oeuvre le dispositif global d'amélioration des relations des banques avec leurs clients.
Le décret du 17 janvier définit le contenu du service bancaire de base : moyens de paiement à distance - virements, prélèvements - et cartes de paiement à autorisation systématique.
Ce décret réserve le bénéfice de la gratuité des services bancaires de base aux personnes en situation d'exclusion et de marginalisation bancaire.
Ce décret rend donc sans objet les articles 8 bis et 8 quater du projet de loi que les auteurs des amendements entendent faire adopter par la Haute Assemblée.
Par ailleurs, s'agissant des relations entre les banques et leurs clients, le Conseil des ministres a adopté, ce matin, un projet de loi prévoyant notamment d'étendre au secteur bancaire certaines dispositions du droit de la consommation. Monsieur Gérard Larcher, ce texte reprend largement l'amendement présenté au Sénat en première lecture.
Pour compléter ce dispositif, ont été également prévues des dispositions visant à aménager le régime des pénalités libératoires et des frais bancaires applicables aux chèques sans provision afin de favoriser la régularisation de la situation des personnes faisant l'objet d'une interdiction d'émettre des chèques pour des sommes d'un montant limité.
Par ailleurs, comme il y était engagé, le Gouvernement a repris très activement les travaux relatifs à la mise en oeuvre effective des dispositions sur la protection des sommes insaisissables de façon à assurer un « reste à vivre alimentaire » aux personnes saisies.
Pour l'ensemble de ces raisons, à savoir le décret déjà pris et le projet de loi adopté ce matin en Conseil des ministres, le Gouvernement émet un avis défavorable sur l'amendement n° 105, comme sur les autres amendements.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 105.
M. Pierre Hérisson. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Hérisson.
M. Pierre Hérisson. Comme l'a dit avec éloquence notre éminent collègue M. Gérard Larcher, le problème de l'avenir de La Poste se pose. Pourtant, la grande discussion sur cette institution, c'est un peu l'Arlésienne : on nous la promet à chaque fois qu'il y a urgence et, ensuite, on l'oublie !
J'ajoute, comme nous le démontre dans chacune de ses interventions M. Gérard Larcher, que l'on peut être social et de droite !
M. Gérard Braun. Très bien !
M. Gérard Larcher. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Gérard Larcher.
M. Gérard Larcher. Monsieur le secrétaire d'Etat, je vous ai bien entendu et, par-delà la politique, la confraternité m'amènerait à vous faire confiance. Mais j'ai souvenir d'une promesse d'un ministre qui ne fut pas tenue par un autre !
A propos d'aménagement du territoire, nous avons insisté sur les services en réseau. Et j'ai récemment entendu Mme Parly nous expliquer qu'on allait faire quelque chose en faveur de la couverture du territoire par les téléphones mobiles qui sont, chacun le sait, un élément essentiel du développement.
Nous devions par ailleurs débattre de La Poste. Mais, en fin de compte, de tous ces débats, le Parlement est privé !
Je me réjouis certes que le texte sur la consommation que nous appelions de nos voeux et que le rapporteur général, M. Philippe Marini, avait largement défendu ici, au Sénat, vienne enfin en discussion. Mais je suis un homme précautionneux, car je ne vois toujours rien venir en faveur de ceux qui accueillent les plus démunis.
Il n'en demeure pas moins que, après les propos favorables de M. le rapporteur, je maintiens ces amendements, à la fois pour prendre date et pour marquer la position du Sénat.
Dépassons les frontières politiques et essayons de résoudre le problème ensemble. Même si nous assistons à une baisse du chômage, cela ne diminue pas l'exclusion des plus marginalisés de nos concitoyens. Or ce sont ceux qui restent sur le bord du chemin qui ont le plus besoin qu'on tente de les réinsérer dans la société.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 105, accepté par la commission et repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l'article 8 bis est rétabli dans cette rédaction.

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