SEANCE DU 27 MARS 2001


M. le président. La parole est à M. Rouvière, auteur de la question n° 1009, adressée à M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement.
M. André Rouvière. Monsieur le ministre, je sais votre volonté de développer le fret ferroviaire. C'est la raison pour laquelle j'ai tenu à vous interroger sur un comportement plus que surprenant, voire scandaleux, de la SNCF en Languedoc-Roussillon, région que vous connaissez très bien.
Voici les faits : un industriel qui fabrique des palettes à Bessèges, dans le Gard, souhaite s'approvisionner par rail en bois de sciage auprès d'une société située dans les Landes ; or, la direction des chemins de fer propose un transport par fer depuis la gare de Labouheyre dans les Landes jusqu'à Alès dans le Gard, puis le transbordement du chargement de bois sur camion jusqu'à Bessèges, commune située à trente kilomètres d'Alès.
Cette proposition est surprenante puisque la ligne de chemin de fer entre Alès et Bessèges existe - elle fonctionne pour le transport des voyageurs - et que le fret arrive jusqu'à Saint-Ambroix, ville située entre Alès et Bessèges et seulement à dix kilomètres en aval de Bessèges. Le problème porte donc sur dix kilomètres.
Il est étonnant de constater que la Société nationale des chemins de fer français ne trouve pas de solution. Ce problème est important non seulement pour la société de palettes de Bessèges concernée, mais aussi pour d'autres industriels qui souhaiteraient s'implanter dans le bassin d'Alès. Il semblerait que la SNCF ne soit pas du tout intéressée pour trouver une solution plus rationnelle.
Ce comportement est d'autant plus choquant, monsieur le ministre, que le bassin d'Alès bénéficie d'aides financières exceptionnelles pour le maintien et pour la création d'emplois. D'ailleurs, voilà quelques années, la société des palettes de Bessèges a pu se développer grâce au Fonds européen de développement régional, le FEDER, grâce à l'Etat, grâce au conseil régional du Languedoc-Roussillon et grâce au conseil général du Gard.
Monsieur le ministre, le rail ne peut pas demeurer en marge de cette conjugaison des efforts. On ne parviendra pas à me convaincre que la SNCF ne peut pas trouver de solution pour que le fret parcoure dix kilomètres de plus : la voie ferrée existe et elle dessert une gare en activité.
Si aucune solution raisonnable n'est trouvée, il faudra bien en conclure que la SNCF ne vise que la rentabilité et que les notions d'intérêt général et d'aménagement du territoire ne font pas partie de ses préoccupations. Il s'agit d'un problème important. En effet, si le Gouvernement n'intervient pas, d'autres grands services peuvent adopter le même comportement et ne plus assumer leur mission d'aménagement du territoire.
Je ne peux m'empêcher de m'interroger sur l'intérêt qu'il y a à inciter des industriels à s'installer dans le bassin d'Alès si nous ne sommes pas capables, monsieur le ministre, de résoudre ensemble ce microproblème.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Monsieur le sénateur, je ferai d'abord une remarque d'ordre plus général : le Gouvernement, qui s'est engagé dans une politique de rééquilibrage entre les différents modes de transport, a décidé - et c'est un engagement fort - de doubler en dix ans le trafic ferroviaire de marchandises. Nous y sommes d'ailleurs obligés car, sinon, nous allons droit à l'asphyxie, notamment du fait de l'hypertrophie du transport routier. Vous connaissez les propositions que nous avons faites et les dispositions que nous avons prises en ce qui concerne notamment le ferroutage.
Je ferai un bref rappel du passé. De 1984 à 1997, la SNCF a supprimé 86 000 emplois de cheminots, a fermé des milliers de gares et a réduit son activité. C'était la logique qui prévalait.
Depuis 1997, non seulement nous ne supprimons plus d'emplois de cheminots, mais nous en créons, l'embauche de 26 000 agents ayant été décidée, non seulement nous ne réduisons pas le trafic marchandises à une part secondaire de l'activité de la SNCF, mais nous voulons le développer et le renforcer. Cela nous oblige d'ailleurs - et il y a là un lien avec le « microproblème » que vous évoquez, qui n'est d'ailleurs pas un microproblème pour les personnes concernées -, pour faire face à la demande d'activité du trafic de marchandises, à acheter 600 locomotives. La situation actuelle donne lieu, en effet, à de nombreux compromis pour l'utilisation du matériel existant. L'achat de ces 600 locomotives représentent une dépense de l'ordre de 8 milliards de francs. Cela ne se trouve pas, comme l'on dit, sous le sabot d'un cheval !
Cela étant, la question que vous posez est importante. Il est vrai que la SNCF bénéficie d'une large autonomie de gestion, mais ses équilibres financiers, notamment, doivent être préservés. Il ne faut pas qu'elle se retrouve comme voilà trois ou quatre ans, avec un endettement de 200 milliards de francs, qui a failli la conduire à la faillite.
Je suis attaché au développement du fret ferroviaire, en particulier lorsqu'il peut jouer un rôle en matière d'aménagement du territoire. J'ai donc demandé à la SNCF d'étudier la situation que vous me soumettez avec la plus grande attention. Je vous livre les éléments de réponse qu'elle m'a transmis.
L'offre pour le transport de bois de sciage faite à l'expéditeur contre paiement des frais de transport, et qui constitue la solution jugée la plus compétitive, porte sur une prestation globale. Celle-ci comporte le transfert ferroviaire jusqu'en gare d'Alès, le transbordement sur camion et un cheminement routier terminal jusqu'au lieu de destination à Bessèges.
La raison de cette situation réside dans les conditions concrètes de l'exploitation ferroviaire sur le site. La ligne Alès - Bessèges existe en effet, monsieur le sénateur, mais c'est une ligne à voie unique sur laquelle les conditions de circulation connaissent de nombreuses contraintes. En l'état actuel de son exploitation, il n'est pas apparu possible, m'a indiqué la SNCF, de prolonger jusqu'à Bessèges le train fret desservant Saint-Ambroix.
La mise en place d'une desserte supplémentaire afin de desservir Bessèges présenterait à première vue, toujours selon la SNCF, un surcoût élevé par rapport à la desserte intermodale actuellement proposée, en immobilisant une équipe de desserte pour la journée et une locomotive, alors que, compte tenu de la croissance du trafic, la SNCF n'en a pas de disponibles pour le moment. Tout cela entre donc en ligne de compte.
Les coûts de travaux d'infrastructures nécessaires pour la réouverture de la gare de Bessèges au trafic fret ne sont pas non plus à négliger.
Telle est la réponse de la SNCF. Cependant, à la suite du dépôt de votre question, monsieur Rouvière, j'ai demandé à la SNCF d'approfondir encore les conditions permettant de prolonger la desserte actuellement limitée à Saint-Ambroix.
Dans cette attente, l'offre qui a été faite associe les avantages respectifs des différents modes de transport et s'inscrit dans le cadre d'une intermodalité bien comprise, à laquelle, vous le savez, je suis attaché. Elle doit cependant être, pour le moment, de nature à apporter des réponses crédibles à la demande de l'entreprise concernée.
M. André Rouvière. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Rouvière.
M. André Rouvière. Je vous remercie de votre réponse, monsieur le ministre. Je ne doute ni de votre volonté ni de celle du Gouvernement de développer le transport ferroviaire de fret, mais je constate, à la lumière de cet exemple, que cette volonté n'est pas partagée par les responsables du rail. En effet, j'ai longuement discuté avec les deux directeurs du rail à Montpellier. Je veux bien croire que l'on manque de locomotives ; mais lorsqu'une locomotive amène à Alès du bois des Landes et qu'elle peut continuer jusqu'à Saint-Ambroix, je n'arrive pas à comprendre, même si je fais des efforts, que cette même locomotive ne puisse pas parcourir les dix kilomètres qui restent !
M. Jean-François Le Grand. C'est trop simple !
M. André Rouvière. Quant à l'argument du transport sur une voie unique, il n'est pas plus pertinent. Je précise, en effet, que la gare de Bessèges est un terminus : on a vite fait de compter les trains qui passent dans la journée ; une seule main suffit !
Le seul problème, monsieur le ministre, c'est que l'on a là, à l'évidence, une volonté de ne pas trouver de solution, car, et je le comprends très bien, le transport d'une douzaine de wagons chargés de bois par mois n'intéresse pas la SNCF.
Reste le plus important, à savoir la solidarité dont on doit faire preuve pour aider un bassin industriel, le bassin d'Alès, qui est en grande difficulté. A quoi sert de mobiliser des crédits si l'on n'est pas capable de résoudre un tel problème ? Je sais, monsieur le ministre, que vous ferez tout ce que vous pourrez, mais il me paraît important d'ouvrir un dialogue avec les responsables du rail pour leur faire comprendre que leur propre intérêt n'est pas la seule finalité et que, certains moments, il faut considérer l'intérêt de l'ensemble des bassins industriels concernés.
Cela étant, je vous remercie de votre réponse, monsieur le ministre.

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