SEANCE DU 23 JANVIER 2001


RENVOI DE LA SUITE DE LA DISCUSSION

M. Jean-Jack Queyranne, ministre des relations avec le Parlement. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Jack Queyranne, ministre des relations avec le Parlement. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, depuis mardi 16 janvier, le Sénat discute de la proposition de loi organique modifiant la date d'expiration des pouvoirs de l'Assemblée nationale. Au moment où je m'exprime devant vous, il a déjà consacré plus de temps que l'Assemblée nationale à l'examen de ce texte, soit plus de douze heures de discussion.
M. Gérard Cornu. Cela le mérite !
M. Jean-Pierre Schosteck. Le Sénat va toujours au fond !
M. Jean-Jack Queyranne, ministre des relations avec le Parlement. Au vu des orateurs inscrits, la conférence des présidents n'ayant pas souhaité organiser la discussion générale, les débats risquent de se poursuivre demain, et peut-être ultérieurement.
Cette situation me conduit à m'interroger sur deux points.
Tout d'abord, le Sénat est-il amplement informé et a-t-il suffisamment délibéré de cette proposition de loi ? (Exclamations sur les travées du RPR.)
M. Josselin de Rohan. C'est nous qui décidons !
M. Jean-Jack Queyranne, ministre des relations avec le Parlement. Je vous rappelle que les députés se sont prononcés en faveur de ce texte le 20 décembre dernier, ...
M. Gérard Cornu. Pas tous !
M. Jean-Jack Queyranne, ministre des relations avec le Parlement. ... à une nette majorité : 300 voix contre 245.
M. Louis de Broissia. Eux, c'est eux, et nous, c'est nous !
M. Jean-Pierre Schosteck. Ils ne font rien au fond !
M. Jean-Jack Queyranne, ministre des relations avec le Parlement. Je rappelle que ce texte concerne d'abordl'Assemblée nationale...
M. Dominique Braye. Cela concerne la France !
M. Jean-Jack Queyranne, ministre des relations avec le Parlement. ... et qu'il ne compte que deux articles. (Exclamations sur les travées du RPR.)
Le Sénat a souhaité auditionner des experts en droit constitutionnel et en sciences politiques. Cinq se sont rendus à l'invitation de la commission des lois. (Exclamations sur les travées du RPR.) Je constate d'ailleurs qu'ils se sont majoritairement prononcés en faveur du texte de loi et de la prolongation du mandat de l'Assemblée nationale.
M. Patrice Gélard. Absolument pas !
M. Pierre Hérisson. Ce n'est pas vrai !
M. Patrice Gélard. Trois d'un côté, et deux de l'autre !
M. Jean-Jack Queyranne, ministre des relations avec le Parlement. Au sein de la Haute Assemblée, des orateurs de toutes les tendances ont été entendus. Toutes les nuances des opinions se sont déjà exprimées, et ce longuement. (Exclamations sur les travées du RPR.)
Une simple fraction de la majorité sénatoriale veut prolonger la discussion alors qu'il serait logique de passer maintenant à l'examen des articles.
Quelles sont donc les conséquences, pour la suite du calendrier parlementaire, du temps utilisé par le Sénat ?
Dès aujourd'hui, vous le savez, était prévue la discussion du projet de loi d'orientation sur la forêt. Elle a dû être reportée, et le sera encore demain.
Je n'ai pas besoin de rappeler aux sénateurs, en particulier à tous ceux qui exercent des responsabilités dans des départements comptant des forestiers, des sylviculteurs, (Exclamations sur les mêmes travées) , que ce texte est très attendu pour soutenir le redressement d'une filière, souvent essentielle pour de nombreuses communes. J'ai entendu à cette tribune M. Raffarin, président du conseil régional de Poitou-Charentes, se désoler qu'on ne puisse pas s'intéresser à ce sujet. (Nouvelles exclamations sur les travées du RPR.)
Je crois aussi que le président du Sénat, M. Poncelet, qui est élu des Vosges, est très sensible à ce sujet de la forêt, puisque son département a été durement éprouvé par la tempête de l'an dernier.
Mme Nelly Olin. Il fallait inscrire plus tôt ce texte à l'ordre du jour !
M. Jean-Jack Queyranne, ministre des relations avec le Parlement. C'est d'ailleurs un texte sur lequel le Sénat a déjà travaillé, puisque 270 amendements ont été déposés, et qui justifie un débat serein et de qualité.
M. Patrick Lassourd. Nous attendons ce projet de loi depuis 1997 !
M. Jean-Jack Queyranne, ministre des relations avec le Parlement. A la suite du ralentissement des travaux, pour ne pas dire du surplace qu'est en train de faire le Sénat, ou une fraction du Sénat (Exclamations sur les travées du RPR.), ...
Un sénateur du RPR. La majorité !
M. Jean-Jack Queyranne, ministre des relations avec le Parlement. ... le Gouvernement est donc amené, une nouvelle fois, à modifier l'ordre du jour. L'examen de la proposition de loi organique sera donc poursuivi mercredi matin. Le Sénat pourrait aussi siéger le soir pour rattraper le retard. (Non ! sur les travées du RPR.)
M. Paul Blanc. Et les 35 heures ?
M. Jean-Jack Queyranne, ministre des relations avec le Parlement. C'est à cet effet que j'ai fait parvenir à M. le président du Sénat la lettre rectificative de l'ordre du jour. En tout cas, le projet de loi d'orientation sur la forêt ne pourra être examiné avant le vote du texte actuellement en discussion.
Il appartient donc, monsieur le président, à chaque sénateur de prendre ses responsabilités dans l'organisation du travail législatif. (Exclamations sur les travées du RPR.)
M. Patrick Lassourd. Au Gouvernement aussi !
Mme Nelly Olin. Nos responsabilités, on les prend !
M. Jean-Jack Queyranne, ministre des relations avec le Parlement. Il serait regrettable que des projets de loi ne puissent pas être examinés, d'autant que les Français sont en droit d'attendre - et le dernier orateur, avec moult péroraisons, s'est prononcé en ce sens - que le travail parlementaire soit « utile »,...
M. Josselin de Rohan. Il l'est !
M. Jean-Jack Queyranne, ministre des relations avec le Parlement. ... et ce jusqu'à la suspension des travaux pour les élections locales. Je pense d'ailleurs que le Sénat, dans sa grande sagesse, saura y contribuer. C'est en ce sens, monsieur le président, que je vous ai fait parvenir la lettre rectificative de l'ordre du jour.
M. Paul Blanc. C'est du chantage !
M. Jacques-Richard Delong. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Delong.
M. Jacques-Richard Delong. Je souhaite simplement apporter une précision à l'exposé que vient de faire M. le ministre.
Monsieur le ministre, vous avez longuement parlé, et à juste raison, du projet de loi d'orientation sur la forêt, qui nous tient tout à fait à coeur.
M. Emmanuel Hamel. Vous pouvez le dire !
M. Jacques-Richard Delong. Il ne faut tout de même pas exagérer les choses. Il faut 180 ans pour faire un chêne et 140 ans, pour un hêtre. Par conséquent, soyez assuré, monsieur le ministre, vous qui n'avez peut-être vu jusqu'à présent que des plantes en pot, que nous n'en sommes pas à quelques instants près ! (Rires et applaudissements sur les travées du RPR. - M. Hérisson applaudit également.)
En tant que président de la fédération des communes forestières de France, je tiens à vous rassurer, monsieur le ministre : la forêt continuera à pousser sans le secours de l'Assemblée nationale et du Sénat ! (Applaudissements sur les mêmes travées.)
M. Jacques Larché, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jacques Larché, président de la commission. Monsieur le président, j'ai noté bien évidemment les propos de M. le ministre chargé des relations avec le Parlement.
S'agissant de la première partie de ses déclarations, je lui en laisse la responsabilité : il appartient au Sénat, et à lui seul, d'apprécier l'ampleur qu'il y a lieu de donner à un débat. L'assistance présente en cet instant montre l'intérêt que nous portons à ce texte et, en même temps, la volonté très clairement manifestée d'aller au fond des choses.
J'en viens maintenant à l'autre affaire, c'est-à-dire aux propositions qui nous sont faites. Elles ne me paraissent pas susceptibles d'être retenues. Vous avez indiqué, monsieur le ministre, que le projet de loi d'orientation sur la forêt va s'en trouver retardé ; mais maintenez-le à l'ordre du jour !
M. Gérard Cornu. Eh oui !
M. Jacques Larché, président de la commission. Maintenez-le à l'ordre du jour, et nous pourrons alors nous consacrer intégralement à ce sujet dont vous avez noté tout l'intérêt.
Je vois que ce n'est pas la solution que vous êtes disposé à adopter. Néanmoins, je ne crois pas que nous puissions nous arrêter aux propositions que vous nous faites.
M. Gérard Cornu. Non !
M. Jacques Larché, président de la commission. Tout d'abord, je note que, mercredi matin, la commission des lois doit se réunir. Les séances du mercredi matin sont en effet consacrées aux réunions de commissions. Je note d'ailleurs - l'information vient de m'en être donnée - que le président de la commission des affaires économiques et du Plan a organisé une audition...
MM. Hilaire Flandre et Louis de Broissia. Tout à fait !
M. Jacques Larché, président de la commission. ... ouverte à tous les membres du Sénat et, de ce fait, les ordres du jour sont déjà largement fixés.
Par conséquent, demain matin, nous serons en commission, chacun ayant à accomplir ce qu'il est de son devoir d'accomplir.
Par ailleurs, reste la séance de mercredi soir que vous souhaiteriez voir consacrée à l'examen de la proposition de loi organique. C'est une modification de l'ordre du jour qui implique une séance du soir n'ayant pas été décidée pour cet objet par la conférence des présidents. Si une séance du soir a été décidée, c'est pour parler de la forêt.
M. Gérard Cornu. Tout à fait !
M. Jacques Larché, président de la commission. Vous nous proposez une séance du soir pour parler d'autre chose. Je ne crois pas que ce soit acceptable.
M. Adrien Gouteyron. Non !
M. Jacques Larché, président de la commission. Dans ces conditions, monsieur le président, il appartiendra au Sénat de dire s'il accepte la suggestion qui lui est faite.
Quant au déroulement du débat, monsieur le ministre, vous avez noté que chacun y apporte le plus grand intérêt. Je ne pense pas que ce soit ni pour vous étonner ni pour vous déplaire. C'et donc dans ce cadre que nous avons l'intention de continuer. (Bravo ! et vifs applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants et du RPR. - M. Hérisson applaudit également.)
M. Guy Allouche. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Allouche.
M. Guy Allouche. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je voudrais joindre ma voix à l'appel lancé par M. le ministre sur la responsabilité de chacun d'entre nous en cet instant.
Mes chers collègues, je ne peux m'empêcher de vous dire, pour reprendre une expression que chacun connaît : j'ai mal au Sénat de la République. (Vives exclamations sur les travées du RPR.)
M. Louis de Broissia. C'est trop !
M. Dominique Braye. Nous, nous avons mal à la France, avec vous !
M. Guy Allouche. Mes chers collègues, je vous demande d'être attentifs au fait que le Sénat est en train de se déconsidérer ! (Exclamations sur les travées du RPR.)
M. Patrick Lassourd. C'est le Gouvernement qui se déconsidère !
M. Dominique Braye. Nous avons mal à la France !
M. Henri de Richemont. Vous nous violez !
M. Guy Allouche. Au moment où l'opinion publique s'interroge sur le comportement du monde politique. (Exclamations sur les travées du RPR), au moment où cette opinion publique est de plus en plus récalcitrante à notre égard, le Sénat ne fait actuellement rien d'autre que creuser davantage encore le fossé.
M. Patrick Lassourd. Et l'initiative du Gouvernement, c'est quoi ?
M. Guy Allouche. Comment peut-on, d'un côté, au plus haut niveau de l'Etat, souhaiter, à l'occasion des voeux, que l'année 2001 soit « utile », (Oui ! sur les travées du RPR.)
M. Dominique Braye. Il a eu raison !
M. Guy Allouche. ... qu'elle soit mise à profit pour réaliser des réformes qu'attendent les Français,...
M. Jean-Pierre Schosteck. Arrêtez les magouilles !
Mme Nelly Olin. Elles n'intéressent pas les Français !
M. Guy Allouche. ... et, de l'autre, de la part de ses soutiens, avoir un comportement si différent, que je pourrais taxer d'inqualifiable ? (Protestations sur les mêmes travées.)
Mes chers collègues, j'en appelle à la responsabilité de chacun d'entre nous ! (Nouvelles protestations sur les mêmes travées.) Les médias, sur lesquels vous comptiez dans cette opération, ignorent ce que fait le Sénat. (Exclamations sur les mêmes travées.)
M. Patrick Lassourd. Et alors !
M. Henri de Richemont. Ce n'est pas nouveau !
M. Jean-Pierre Schosteck. Nous ne comptons pas sur les médias pour convaincre nos électeurs !
M. Jacques-Richard Delong. Je crois que vous vous fatiguez inutilement, monsieur Allouche ! (Rires sur les mêmes travées.)
M. Guy Allouche. Reprenez votre souffle, monsieur Delong, vous en avez besoin !
A nos yeux, il n'y a pas là, comme certains le prétendent ici, qui veulent la dénoncer, une opération politique. (Vives protestations sur les mêmes travées.) Si c'en était une, pourquoi certains qui, à l'Assemblée nationale, ne sont pas des nôtres, l'auraient-ils votée ?
M. Patrick Lassourd. Et les vôtres ?
M. Guy Allouche. Je ne citerai personne, mais vous savez tous à qui je pense.
M. Henri de Richemont. Les Saxons !
M. Guy Allouche. Mes chers collègues, une fois de plus, j'en appelle à la responsabilité de chacun et, monsieur le président, confraternellement, je me tourne vers vous pour vous dire que je lance aussi un appel à M. le président Poncelet.
Si la majorité sénatoriale a choisi M. Poncelet, ce n'est pas seulement pour qu'il siège de temps à autre à ce que l'on appelle ici le « plateau ».
M. Jacques-Richard Delong. C'est du chantage !
M. Guy Allouche. C'est parce qu'elle a estimé qu'elle lui conférait, ce faisant, une autorité réelle. (Nouvelles protestations sur les mêmes travées.
J'en appelle donc, je le répète, à la responsabilité de M. le président Poncelet. En effet, à quoi bon défendre le Sénat - et il est là dans son rôle - ...
M. Gérard Braun. Et il le fait bien !
M. Guy Allouche. ... comme il le fait dans toute la France, si ses propres amis, par un comportement que je n'ose qualifier (Vives protestations sur les mêmes travées.) déconsidèrent ce même Sénat ?
M. Jean-Michel Baylet. Très bien !
M. Jean-Jack Queyranne, ministre des relations avec le Parlement. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Jack Queyranne, ministre des relations avec le Parlement. Monsieur le président, compte tenu du souhait émis par la Haute Assemblée de continuer à discuter de ce texte, le Gouvernement avait proposé que le Sénat siège demain matin. Je constate qu'il ne le souhaite pas.
Par ailleurs, monsieur le président Larché, je note que la séance de demain soir a été prévue par la conférence des présidents, qu'en conséquence elle le demeure, avec l'ordre du jour que fixe le Gouvernement, conformément à l'article 48 de la Constitution.
Aussi, monsieur le président, après avoir rappelé que le Gouvernement est prêt à venir siéger demain matin, je vous indique que, conformément à la lettre que je vous ai fait parvenir, l'ordre du jour prioritaire de la séance du mercredi 24 janvier est ainsi établi : « Suite de la discussion sur la proposition de loi organique modifiant la date d'expiration des pouvoirs de l'Assemblée nationale. - Projet de loi d'orientation sur la forêt ».
Il ne tient donc qu'au Sénat d'examiner au plus tôt le projet de loi sur la forêt.
Mais, je le répète, le Gouvernement, maître de l'ordre du jour prioritaire, estimant que la bonne organisation des travaux parlementaires implique que les textes soient examinés les uns après les autres, inscrit à l'ordre du jour de la séance du mercredi 24 janvier, prévue par la conférence des présidents en date du 11 janvier, le soir, la suite de l'ordre du jour tel que modifié par la lettre qui vous est parvenue.
M. le président. Cela signifie-t-il, monsieur le ministre, que, si le Sénat siège le soir, il examinera le projet de loi relatif à la forêt ?
M. Jean-Jack Queyranne, ministre des relations avec le Parlement. Non !
Mme Nelly Olin. Voilà !
M. le président. C'est la réponse que je voulais.
Monsieur Allouche, je ne doute pas que M. Christian Poncelet, président du Sénat, sera sensible à votre argumentation et à la considération que vous lui portez.
En l'occurrence, c'est moi qui préside. C'est donc moi qui assure, en lieu et place de M. Poncelet, la conduite des débats et l'application de notre règlement. (Applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le ministre des relations avec le Parlement a fait savoir à M. le président du Sénat qu'il souhaitait que le Sénat siège demain matin et demain soir, étant entendu que le Sénat siège tout naturellement demain après-midi, à quinze heures.
En vertu de l'article 32 du règlement du Sénat, parce que, par-delà même les conclusions de la conférence des présidents, ce que le Sénat a fait, concernant l'ordre du jour, il peut également le défaire, je vais mettre aux voix successivement les propositions de M. le ministre tendant à faire siéger le Sénat demain matin, puis, dans les conditions qui ont été rappelées, demain soir.
Je mets aux voix la proposition du Gouvernement tendant à faire siéger le Sénat demain matin.

(La proposition n'est pas adoptée.)
M. le président. Je mets aux voix la proposition du Gouvernement tendant à faire siéger le Sénat demain soir.

(La proposition n'est pas adoptée.)
M. le président. La prochaine séance publique aura donc lieu demain, mercredi 24 janvier, à quinze heures, conformément à la décision de la conférence des présidents. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants et du RPR.)

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