SEANCE DU 16 JANVIER 2001


M. le président. La parole est à M. Mouly, auteur de la question n° 889, adressée à M. le secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat et à la consommation.
M. Georges Mouly. Monsieur le secrétaire d'Etat, chacun sait que les métiers d'art occupent une place particulière dans le monde des entreprises, tant à Paris que dans les régions.
Pourtant, la définition de ces métiers reste très difficile. En effet, il n'existe pas, à ma connaissance, de liste exhaustive et ils recouvrent des matières, des activités, des techniques aussi différentes que la pierre, le bois, les végétaux, et beaucoup d'autres. Dans mon seul département, on estime que sont ainsi concernées huit cent à mille entreprises, soit mille cinq cents à deux mille personnes.
Or une entreprise d'art, et c'est l'une de ses caractéristiques, n'est que très difficilement rentable. En effet, la complexité du travail, la spécificité de l'oeuvre réalisée et, avant tout, le temps passé à la réalisation ne peuvent être qu'imparfaitement pris en compte, commercialement parlant, ce qui conduit ces entreprises à effectuer une facturation ne répondant pas, la plupart du temps, au strict coût de revient réel engagé. Et c'est bien normal puisque l'artisan d'art est un artiste et que sa créativité ne peut se mesurer comme celle des autres artisans. Quand est organisé tel ou tel festival de musique ou de théâtre, la prestation proposée est estimée à un coût qui ne prend pas en compte le travail personnel accompli tout au long de sa vie par un musicien ou par un comédien. Il en va de même d'un tailleur de pierre, d'un souffleur de verre, d'un potier ou d'un graveur, qui fournit et commercialise cette chose diffuse et insaisissable qu'est le talent.
D'où la difficulté, pour ces entreprises, d'établir une stratégie commerciale, d'investir, de transmettre le savoir-faire, de former des compagnons afin de favoriser la créativité personnelle pour que notre société, si elle voit le triomphe des technologies les plus poussées - et c'est heureux ! - n'oublie pas la richesse de la tradition gestuelle.
Monsieur le secrétaire d'Etat, ma question est donc la suivante : est-il possible d'envisager une modification - c'est plus facile à énoncer qu'à réaliser, j'en conviens - de la législation et de la réglementation régissant ces métiers, qui sont aussi des arts ? Ne pourrait-on, par exemple, accorder aux artisans d'art les mêmes avantages fiscaux qu'aux artistes-interprètes ? Ne pourrait-on encore prévoir des mesures d'accompagnement pour contribuer au maintien de certaines activités, comme cela se fait pour certaines activités agricoles ? Ne pourrait-on enfin améliorer les aides à l'apprentissage pour faciliter tant la formation que la reprise des entreprises ? Voilà autant de points, monsieur le secrétaire d'Etat, qui, selon moi, méritent une réponse de la part de l'ensemble des décideurs, c'est-à-dire les collectivités locales, les chambres consulaires, mais avant tout l'Etat.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. François Patriat, secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat et à la consommation. Monsieur le sénateur, j'ai beaucoup apprécié votre plaidoyer en faveur des métiers d'art qui, vous avez raison de le dire, participent à l'image emblématique de la France, parfois même à sa capacité exportatrice, et qui, dans le même temps, au-delà du savoir-faire et du talent qu'ils développent, concourent aussi à l'aménagement du territoire, à son développement et à son maintien.
A la fin de votre propos, vous avez évoqué le problème des collectivités locales. Je sais que, dans votre département, les artisans d'art, qui savent à la fois innover et transmettre un savoir-faire, sont nombreux.
J'ai souvent coutume d'opposer, à titre personnel, cette réelle économie, qui repose sur la transmission de nombreux talents, à l'économie virtuelle dont on parle aujourd'hui.
Elu local comme vous, je préside une communauté de communes, et j'ai créé une maison de pays, qui est d'abord et avant tout la maison des artisans d'art.
L'aide de l'Etat et celle des collectivités locales doivent être complémentaires, et ce dans la formation, dans la transmission. C'est à cet égard que j'ai rencontré à plusieurs reprises - et hier soir encore -, tant à Paris qu'en province, le président de la SEMA, la société d'encouragement aux métiers d'art.
Le Gouvernement, en particulier le secrétariat d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat et à la consommation, consacre tous les ans un budget spécifique important à soutenir des actions en faveur des métiers d'art, qui prennent en compte, dans une grande diversité de métiers, à la fois la dimension de la création et celle des savoir-faire, à la fois traditionnels et novateurs.
La société d'encouragement aux métiers d'art, association reconnue d'utilité publique, dont les moyens de fonctionnement sont assurés par le secrétariat d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat et à la consommation, développe également des activités de soutien aux artisans d'art, pour la conservation et la promotion du patrimoine technique culturel des métiers d'art, la formation aux métiers d'art, ainsi que l'information des professionnels et le développement de leurs entreprises.
Les artisans d'art bénéficient des mesures décidées par le Gouvernement pour favoriser le développement et la création des très petites entreprises.
Des programmes particuliers de soutien aux artisans d'art sont mis en place progressivement dans les régions, avec l'aide des collectivités locales, comme vous l'évoquiez.
La création d'emploi dans ces métiers d'art est encouragée par des mesures spécifiques de formation des jeunes et par un soutien actif aux chefs d'entreprise qui transmettent leur « tour de main » à un apprenti.
Enfin, des actions toutes particulières de promotion sont multipliées pour pérenniser la reconnaissance des métiers d'art en France et pour favoriser leur exportation à l'étranger.
J'ai récemment visité une entreprise de fabrication de vitraux d'art qui m'est chère. Ces entreprises, qui sont très rares en France, doivent être conservées.
Au-delà de ce que M. Huwart et moi-même allons entreprendre afin de développer le marché à l'export des métiers d'art français, ce sont les collectivités locales qui, en sauvegardant le patrimoine, contribuent les premières à maintenir les métiers d'art. Ainsi, j'ai vu sur des chantiers de restaurations d'églises romanes travailler des charpentiers, des tailleurs de pierres, des restaurateurs de vitraux, des ébénistes, qui savent recréer avec talent ce patrimoine pour lequel l'ensemble des concours publics doivent être réunis. Il s'agit d'un soutien actif de la part de l'ensemble de la collectivité. M. le Premier ministre et M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie ont accepté d'élaborer une loi d'orientation pour l'artisanat et la petite entreprise. Cette loi prendra en compte vos propositions relatives à l'environnement financier et économique, à la formation et au statut qui doivent concerner tout particulièrement ces métiers d'art.
Permettez-moi de citer un autre exemple qui m'a beaucoup étonné. Visitant hier le salon Intersuc, j'ai pu me rendre compte des réalisations des artisans de bouche : la coupe de France des métiers de bouche, pour laquelle concouraient des représentants de nombreux pays, y compris les plus éloignés, tel le Japon, a constitué une véritable révélation pour moi.
J'ajoute que les métiers d'art font aussi appel aux technologies modernes. Ainsi, le président de la SEMA, qui possède lui-même une entreprise extraordinaire de réhabilitation des tapisseries, fait appel aux technologies les plus nouvelles et travaille avec l'ANVAR. Par conséquent, derrière ces métiers, on retrouve le savoir-faire, la technique, les nouvelles technologies, l'économie et l'emploi.
M. Georges Mouly. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Mouly.
M. Georges Mouly. Monsieur le secrétaire d'Etat, je n'ai pas eu l'occasion à ce jour de saluer oralement votre nomination à la tête du secrétariat d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat et à la consommation. Je le fais aujourd'hui, souhaitant que, dans l'exercice de ces responsabilités, vous permettiez à ce secteur de l'économie réelle de connaître le succès qu'il mérite.
J'avais apprécié la teneur, la rapidité et le caractère circonstancié de votre réponse à une demande que j'avais formulée concernant les revenus du régime fiscal ouvrant le bénéfice de l'allocation spécifique de solidarité. Je tiens à vous remercier de la réponse que vous avez apportée à la question de ce jour, également précise et circonstanciée.
Vous reconnaissez bien évidemment l'importance du secteur des métiers d'art, importance dont nous sommes tous conscients, surtout dans les départements ruraux. Vous avez souligné l'aide nécessairement complémentaire accordée par l'Etat et par les collectivités locales. Effectivement, nombre de départements - c'est notamment le cas du mien - participent au maintien et au développement de l'artisanat d'art.
Vous avez rappelé le soutien à la création, à la formation, les mesures spécifiques, les programmes particuliers, etc. Tout le volet des dispositions prises en faveur de l'artisanat d'art n'est, à mon avis, pas suffisamment connu. Et je voudrais, en cet instant, vous féliciter d'avoir convaincu M. le Premier ministre d'accepter que soit discuté un projet de loi d'orientation pour l'artisanat et la petite entreprise.
M. Gérard Delfau. Très bien !
M. Georges Mouly. J'espère beaucoup, comme la plupart de mes collègues ici, de la discussion de ce texte, qui nous donnera sans doute l'occasion de rappeler le problème des artisans d'art.
M. François Patriat, secrétaire d'Etat. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. François Patriat, secrétaire d'Etat. Je vous remercie, monsieur le sénateur, de vos propos et je précise que le sujet des artisans d'art a passionné l'ensemble de mes prédécesseurs. Ainsi, pour en avoir parlé avec Michel Crépeau et François Doubin, ainsi qu'avec Marylise Lebranchu, je sais qu'ils se sont beaucoup penchés sur ce dossier. Il s'agit bien là d'un sujet transpolitique, et je ne connais pas d'élu qui, aujourd'hui, n'étudie pas cette question. J'espère, pour ma part, mener une action toute particulière en direction des métiers d'art non seulement par le biais de la future loi d'orientation, mais aussi par un dialogue constant avec ces artisans, afin de parvenir, si je peux m'exprimer ainsi, à faire du « cousu main » en faveur de ces métiers.

FONCTIONNEMENT DU FONDS D'INTERVENTION
POUR LA SAUVEGARDE DE L'ARTISANAT
ET DU COMMERCE