SEANCE DU 11 DECEMBRE 2000


M. le président. « Art. 48 vicies. - I. - L'article 14 de l'ordonnance n° 96-50 du 24 janvier 1996 relative au remboursement de la dette sociale est ainsi modifié :
« 1° Le deuxième alinéa du I est ainsi rédigé :
« Cette contribution est assise sur les revenus visés et dans les conditions prévues aux articles L. 136-2 à L. 136-4 et au III de l'article L. 136-8 du code de la sécurité sociale. » ;
« 2° Le dernier alinéa du I et les 1° à 6° du II sont abrogés ;
« 3° Dans la première phrase du premier alinéa du III, la référence : "6 °" est supprimée.
« II. - Les dispositions du I sont applicables aux pensions ou allocations versées à compter du 1er janvier 2001. »
Par amendement n° II-68, M. Marini, au nom de la commission des finances, propose de compléter cet article par deux paragraphes ainsi rédigés :
« III. - Toute mesure d'exonération de la contribution pour le remboursement de la dette sociale fait l'objet d'une compensation à due concurrence par le budget de l'Etat.
« Cette compensation s'impute sur le versement de la recette mentionnée au IV de l'article 4 de l'ordonnance n° 96-50 du 24 janvier 1996 relative au remboursement de la dette sociale.
« IV. - La perte de recettes résultant, pour l'Etat, du III ci-dessus est compensée à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Cet article prévoit une exonération de la CRDS, la contribution pour le remboursement de la dette sociale, en faveur des chômeurs et des retraités dont les revenus se situent en dessous du SMIC.
Cet article se justifie par l'application du « principe de précaution constitutionnelle » eu égard au doute très sérieux qui avait saisi la commission des finances quant à la régularité d'une mesure relative à la CRDS inscrite dans la loi de financement de la sécurité sociale. Nous avons là l'illustration du flou qui entoure les limites respectives du champ de la loi de financement de la sécurité sociale et de celui de la loi de finances.
A l'époque de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale, le Gouvernement, plutôt que de trancher, a préféré faire figurer la même mesure dans les deux textes à la fois. C'était là, il faut bien en convenir, mes chers collègues, une innovation juridique fort intéressante !
De la même façon que, tout à l'heure, nous étions conviés à proclamer la compétence - qui va pourtant de soi ! - du Conseil constitutionnel s'agissant de l'application du principe d'égalité devant les charges publiques, nous sommes ici invités, pour appliquer le « principe de précaution constitutionnelle », à faire figurer la même disposition dans deux textes qui sont examinés quasi simultanément.
Il ne s'agit pas, pour la commission, madame la secrétaire d'Etat, de traiter au fond du sujet qui a été débattu longuement lors de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale. Cependant, nous ne pouvons que nous étonner une nouvelle fois - c'est même notre devoir - de l'absence de compensation pour la Caisse d'amortissement de la dette sociale, la CADES, des pertes de recettes occasionnées, qui se situent entre 50 milliards et 60 milliards de francs.
Nous pensions, dans notre naïveté, que ces pertes de recettes mettraient en cause l'équilibre de la CADES, fondé sur des hypothèses aujourd'hui dépassées. Cette naïveté s'apparente curieusement au réalisme puisque le Gouvernement refuse de nous communiquer les projections d'équilibre de la CADES compte tenu de ces pertes de recettes. Cette absence d'information ne laisse pas de nous inquiéter !
C'est pourquoi nous présentons un amendement qui prescrit à l'Etat de compenser lui-même à la CADES les exonérations qu'il accorde, et de les compenser en les imputant sur les 12,5 milliards de francs qu'il perçoit chaque année de cette même CADES.
Cette disposition, le Sénat l'a déjà adoptée le 16 novembre. La majorité de l'Assemblée nationale, d'après la lecture du compte rendu des débats, semblait se situer sur la même ligne, et elle paraissait prête à conserver la disposition votée par le Sénat. Mais le Gouvernement ne l'a pas entendu de cette oreille et en a obtenu la suppression, après s'être livré à un certain « forcing ».
C'est pourquoi nous proposons ici une sorte de session de rattrapage puisque la même mesure figure dans les deux textes. Nous espérons que nos collègues députés, munis de tous les arguments nécessaires, seront aptes à faire prévaloir la rigueur et le réalisme. Ainsi nous leur rendons service...
Mais nous espérons surtout rendre service aux générations futures puisque tout cela se paiera un jour ! Si l'on ne nous dit pas quand la dette sera payée, il est une certitude, c'est qu'elle devra l'être, et elle le sera par ceux qui seront alors actifs et en état de payer.
Il est bien clair que toute exonération, tout manque à gagner pour la CADES va prolonger son existence. Même si l'on n'a pas la franchise de le dire, c'est mathématiquement incontournable. Nous voudrions que, dans cette affaire, l'on accepte de voir la réalité en face.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Florence Parly, secrétaire d'Etat. Comme vous le savez, le Gouvernement a décidé d'exonérer de contribution au remboursement de la dette sociale les retraités et les actifs dont les revenus d'activité sont inférieurs à 1,4 fois le SMIC, ainsi que les chômeurs.
Ces mesures ne remettent évidemment pas en cause la fin du remboursement par la CADES de la dette sociale, prévue pour le 31 janvier 2014, date de fin de vie de la caisse.
Cependant, afin de garantir la neutralité financière de la mesure pour la CADES, le Gouvernement va prévoir un dispositif de compensation de la mesure concernant les chômeurs. Ce dispositif consisterait à réduire le versement de la CADES à l'Etat de 350 millions de francs, cela étant compensé pour le budget général par la réduction de la subvention de l'Etat au budget annexe des prestations sociales agricoles, ou BAPSA, lequel recevrait en contrepartie 350 millions de francs de contribution sociale de solidarité des sociétés, autrement dit la C3S.
Ces modifications relèvent à l'évidence de la première partie du projet de loi de finances puisqu'elles touchent aux recettes de l'Etat au titre de l'année 2001. Par conséquent, elles vous seront proposées lors de la prochaine lecture.
M. Michel Charasse. Première partie ou deuxième partie ?
Mme Florence Parly, secrétaire d'Etat. Dans ces conditions, je souhaiterais, monsieur le rapporteur général, que vous puissiez retirer cet amendement.
M. le président. L'amendement n° II-68 est-il maintenu ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. Il l'est, monsieur le président.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° II-68, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 48 vicies, ainsi modifié.

(L'article 48 vicies est adopté.)

Article 48 unvicies