SEANCE DU 11 DECEMBRE 2000


M. le président. Par amendement n° II-35 rectifié, MM. Ostermann, Besse, Braun, Cazalet, Chaumont, Gaillard, Joyandet, Trégouët, Cornu, Martin, Vasselle, Murat, Darcos, Fournier, Ginésy, de Broissia, Leclerc, Marest, Schosteck, Lanier et Mme Olin proposent d'insérer, après l'article 48 octies, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Pour les revenus de 2002, l'impôt sur le revenu est calculé en appliquant à la fraction de chaque part de revenu qui excède 27 512 francs les taux de :
« - 7,50 % pour la fraction supérieure à 27 512 francs et inférieure ou égale à 54 113 francs ;
« - 21 % pour la fraction supérieure à 54 113 francs et inférieure ou égale à 95 248 francs ;
« - 31 % pour la fraction supérieure à 95 248 francs et inférieure ou égale à 154 223 francs ;
« - 41 % pour la fraction supérieure à 154 223 francs et inférieure ou égale à 250 940 francs ;
« - 46 % pour la fraction supérieure à 250 940 francs et inférieure ou égale à 309 459 francs ;
« - 52 % pour la fraction supérieure à 309 459 francs.
« II. - Les pertes de recettes pour l'Etat sont compensées par la création de taxes additionnelles aux droits visés aux articles 03, 575 et 575 A du code général des impôts. »
La parole est à M. Cazalet.
M. Auguste Cazalet. Par cet amendement, nous souhaitons indiquer la direction qu'il convient de suivre pour réformer l'impôt sur le revenu. Il place toutes les tranches du barème sur un pied d'égalité au regard de l'allégement pour les revenus perçus en 2002. La baisse doit être uniforme, conformément à l'esprit de la réforme entreprise en 1997.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. Il s'agit d'un amendement de principe, et la commission est attachée aux principes.
Nous estimons que la réduction des taux de l'impôt sur le revenu pratiquée dans le plan gouvernemental est trop timide, que les mesures prises ne sont pas suffisamment massives ni suffisamment claires pour avoir de vrais effets sur le comportement des agents économiques.
La commission est donc favorable à l'amendement présenté par M. Cazalet. Il nous semble en effet important de réitérer, chaque fois que l'occasion nous en est donnée, nos convictions au sujet de la baisse de l'impôt progressif sur le revenu.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Florence Parly, secrétaire d'Etat. Défavorable.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° II-35 rectifié, accepté par la commission et rejeté par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi de finances, après l'article 48 octies.
Par amendement n° II-106, MM. Barraux, Amoudry, Badré, Bernardet, Deneux, Dériot, Faure, Franchis, Fréville, Herment, Huchon, Jarlier, Le Breton, Machet, Louis Mercier, Moinard, Nogrix et Souplet proposent d'insérer, après l'article 48 octies, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Dans la première phrase du deuxième alinéa du a du I de l'article 151 octies du code général des impôts, après les mots : "à une société civile professionnelle", sont insérés les mots : "ou à une société civile d'exploitation agricole".
« II. - Le premier alinéa du I de l'article 151 octies A du même code est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Il en va de même pour les personnes physiques associées d'une société civile d'exploitation agricole relevant de l'article 8 du présent code.
« III. - Dans le premier alinéa du II de l'article 151 octies A du même code, après les mots : "de la société civile professionnelle", sont insérés les mots : "ou de la société civile d'exploitation agricole".
« IV. - La perte de recettes pour l'Etat est compensée à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
La parole est à M. Machet.
M. Jacques Machet. La fusion de sociétés agricoles entraîne de lourdes conséquences fiscales du fait de l'imposition des résultats, des plus-values et des profits sur stocks. En effet, la fusion est assimilée à une cessation d'activité.
Des aménagements fiscaux ont été prévus pour les apports d'exploitation individuelle à une société. De même, des dispositions existent en cas de fusion de sociétés de capitaux, ainsi que pour les sociétés civiles professionnelles. Or ces dispositions ne concernent pas les regroupements d'exploitations agricoles qui seraient déjà sous forme sociétaire.
L'objet de cet amendement est d'étendre aux fusions de sociétés civiles agricoles, comme cela a été fait pour les sociétés civiles professionnelles, certaines mesures favorables existant pour les sociétés de capitaux, afin d'encourager le restructuration des exploitations sociétaires et de permettre à l'agriculture d'améliorer la viabilité de ses exploitations.
De telles dispositions sont d'autant plus urgentes que l'on assiste actuellement à un phénomène sans précédent de restructuration, dû tant à des facteurs sociaux qu'aux impératifs économiques de rationalisation des structures de production face aux nouvelles contraintes des marchés agricoles.
Ainsi, il existe aujourd'hui de très nombreux GAEC - groupements agricoles d'exploitation en commun - créés à l'origine entre un père et son fils, où le fils se retrouve seul au départ du père, avec une charge de travail qui dépasse la capacité et la disponibilité d'un seul homme. Ces GAEC « orphelins » sont tentés de fusionner avec un GAEC voisin.
Par ailleurs, les regroupements à motivation économique se développent entre exploitations pluripersonnelles déjà sous forme sociétaire.
Le coût fiscal de ces fusions freine cette restructuration de l'agriculture. Il est donc ici proposé de remédier à cet inconvénient.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. La question soulevée par nos collègues est fort opportune.
Nous observons que le régime de taxation des plus-values n'est pas le même selon qu'il s'agit d'un apport par une personne physique à une société civile professionnelle ou d'un apport par une personne physique à une société civile d'exploitation agricole.
Comme l'a expliqué Jacques Machet, les besoins liés aux restructurations de l'agriculture conduisent des détenteurs de droits réels à constater, lors d'opérations d'apport ou de cession, des plus-values qui sont taxées de manière significative. Cela peut constituer un obstacle à la restructuration des exploitations agricoles.
Tout à l'heure, à propos du régime de la déduction pour investissement, nous évoquions une dissymétrie dans un sens favorable à l'agriculture. En l'occurrence, s'agissant de la taxation des plus-values, la dissymétrie lui est défavorable.
Les réflexions qui sont faites à propos de cet amendement, comme celles qui ont été formulées tout à l'heure, devraient d'ailleurs conduire à une analyse plus poussée des raisons pour lesquelles telle opération concernant tels sujets de droit est mieux traitée que la même opération réalisée dans un contexte juridique et fiscal différent. Ces différences de traitement sont-elles toujours justifiées ? Les intentions initiales du législateur sont-elles intangibles ? La pratique n'a-t-elle pas fait apparaître une réalité qui mérite une autre appréciation ?
Quoi qu'il en soit, la commission est favorable à cet amendement parce qu'il lui semble opportun d'harmoniser les règles d'imposition des plus-values d'apport, qu'il s'agisse d'un apport à une société civile professionnelle, constituée par exemple en vue de l'exercice d'une profession libérale, ou d'un apport à une société civile d'exploitation agricole. Il nous semble qu'il est souhaitable de s'aligner sur le régime fiscal le plus favorable, notamment en matière de report d'imposition.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Florence Parly, secrétaire d'Etat. Autant il me paraît souhaitable d'encourager les apports d'exploitation individuelle, autant il me paraît en aller différemment pour les exploitations déjà en forme sociale, visées par l'amendement n° II-106.
La philosophie qui sous-tend cet amendement consiste à aligner le régime applicable à ces exploitations sur un régime qui a été créé l'an dernier, dans le collectif de fin d'année, pour faciliter le regroupement de structures exerçant une activité libérale. Il s'agissait notamment de permettre à des cabinets d'avocats français de faire face à la concurrence que leur livrent, en particulier, les cabinets anglo-saxons. On n'est évidemment pas tout à fait dans le même cas de figure avec les sociétés civiles agricoles.
Il ne s'agit pas de s'opposer aux apports d'exploitations individuelles, mais nous sommes là devant une situation assez différente.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Dans l'objet de l'amendement, il est bien indiqué que celui-ci vise des restructurations de GAEC, opérations qui sont fiscalement transparentes. Ce sont bien les membres de ces groupements qui sont individuellement taxés à raison des plus-values réalisées, comme si les opérations étaient effectuées directement par les personnes physiques dont il s'agit.
Par conséquent, le dispositif ici préconisé s'adresse vraiment à des personnes physiques faisant apport de biens à une société civile d'exploitation agricole.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° II-106, accepté par la commission et repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi de finances, après l'article 48 octies.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt-deux heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures cinquante-cinq, est reprise à vingt-deux heures.)