SEANCE DU 8 DECEMBRE 2000


« Crédits de paiement : 12 105 220 000 francs. »
Par amendement n° II-81, le Gouvernement propose :
I. - De majorer ces autorisations de programme de 140 000 000 de francs ;
II. - De majorer ces crédits de paiement de 120 000 000 de francs.
La parole est à M. le ministre.
M. Roger-Gérard Schwartzenberg, ministre de la recherche. Le Gouvernement a souhaité renforcer très fortement la recherche sur les encéphalopathies subaiguës transmissibles et sur les maladies à prion. Aussi, il a décidé de tripler les moyens de recherche qui seront portés de 70 millions de francs en 2000 à 210 millions de francs en 2001, ce qui nécessite une mesure nouvelle de 140 millions de francs.
Face à l'évolution très préoccupante des maladies à prion, il nous paraît nécessaire de mobiliser des efforts de recherche plus importants. Tout récemment, j'ai réuni à deux reprises les différents organismes de recherche qui travaillent sur ce programme. En effet, un programme spécifique de recherche, qui a été mis en place en 1996, regroupe les principaux organismes de recherche, c'est-à-dire le CNRS, le CEA, qui a un grand département des sciences du vivant, l'INSERM et l'INRA, l'Institut national de la recherche agronomique. Le 20 novembre dernier, ces organismes ont conclu avec l'Etat un avenant à la convention qui sert de fondement à ce programme. Se sont joints à ces organismes, l'Institut de veille sanitaire, l'AFSSA - l'Agence française de sécurité sanitaire de aliments et l'AFSSAPS - l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé - qui n'existaient pas dans la période antérieure. Nous allons ensemble créer un groupement d'intérêt scientifique, qui verra très certainement le jour dans les toutes prochaines semaines. Ce groupement, dont les statuts sont avancés, permettra de renforcer encore la coordination entre ces organismes de recherche.
Notre volonté est de développer ces recherches sur quatre axes prioritaires. Le premier consiste à développer les tests de dépistage s'agissant de l'homme en matière animale et peut-être également sur l'homme. Le deuxième axe vise à mieux cerner la nature pathologique de cet agent et sa physiologie. Le troisième axe porte, s'agissant de l'homme, sur la recherche épidémiologique et thérapeutique. Enfin, le quatrième axe - il s'agit d'une recherche originale qui sera développée par l'INRA - porte sur des modes d'élimination des farines animales alternatifs à l'incinération.
Ce programme, qui a été mis au point en liaison directe avec les organismes de recherche, nous permettra, je crois, de faire progresser fortement la recherche française. Cela se fait d'ailleurs en coordination avec l'Europe. En effet, ayant eu l'occasion de présider le conseil des ministres européens de la recherche, puisque la France, comme vous le savez, exerce la présidence de l'Union européenne, j'ai fait adopter à l'unanimité, le 16 novembre dernier, par le Conseil, une décision aux termes de laquelle la Commission devra - et elle l'a très volontiers accepté - créer un groupe d'experts européens qui fera le point sur l'état d'avancement de la recherche sur les maladies à prion dans les différents pays, qui facilitera les échanges d'informations entre les chercheurs des différents pays et qui décidera quelles sont les recherches à poursuivre, à accentuer ou, éventuellement, à engager.
Ce groupe d'experts sera créé le 15 décembre par la Commission européenne, et il remettra son rapport au prochain conseil des ministres de la recherche de l'Union, qui se tiendra en mars prochain.
Ainsi, nous avançons de manière rapide à l'échelon national et coordonné à l'échelon européen sur ce problème qui est évidemment préoccupant.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. René Trégouët, rapporteur spécial. Favorable, monsieur le président.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° II-81.
M. Pierre Laffitte. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Laffitte.
M. Pierre Laffitte. J'émettrai, pour ma part, un vote favorable sur cet amendement, mais je tiens à faire une suggestion à M. le ministre au sujet des problèmes de coordination qu'il va certainement rencontrer au sein de ce groupement d'intérêt scientifique : je pense qu'il serait très important, monsieur le ministre, que vous nommiez un responsable dont le poids puisse être de nature à fortement coordonner les moyens financiers nécessaires.
M. Lucien Lanier. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Lanier.
M. Lucien Lanier. Je suis, moi aussi, favorable à cet amendement.
Tout en approuvant la répartition des autorisations de programme et, surtout, des crédits de paiement que M. le ministre n'a pas tarder à débloquer, je m'interroge sur leur répartition : vous les partagez entre l'INRA, le CEA et l'INSERM, ce qui est tout à fait logique ; toutefois, une telle étude, même étendue au plan européen, ne pourrait-elle s'inspirer de ce qui se faisait du temps des actions concertées ?
Je suggère ainsi que l'on fasse appel non seulement à des scientifiques spécialistes du prion, mais aussi à des chimistes, à des psychologues et, pourquoi pas, à des mathématiciens, c'est-à-dire à des gens venant de tous les horizons afin d'apporter un éclairage que les seuls spécialistes n'ont pas toujours parce qu'ils ont parfois des oeillères.
Je crois, moi aussi, qu'il faudrait prévoir un coordonnateur pour ces actions, afin qu'elles ne soient pas cloisonnées à l'intérieur même de chacun des organismes auxquels vous les destinez.
M. Ivan Renar. Je demande la parole pour explication de vote.
M. Ivan Renar. Votre amendement, monsieur le ministre, vient abonder les recherches sur le prion, et nous vous en félicitons.
Pour autant, je ne peux manquer d'indiquer que, d'une certaine manière, cette démarche vient apporter de l'eau à mon moulin sur la nécessité d'abonder de manière significative le budget de la recherche dans les années à venir !
En effet, la recherche fondamentale ne peut s'appuyer sur la seule nécessité de l'urgence de l'actualité, même si, en l'occurrence, cette actualité est bien terrible puisqu'elle a trait à la sécurité alimentaire de nos concitoyens, à travers leur consommation de viande bovine.
Il y a quelques années, des laboratoires publics de l'INRA se livraient à une étude sur le prion du mouton, mais cette recherche était alors réduite du fait des choix budgétaires de l'époque.
Aujourd'hui, dans le cadre du plan de lutte contre l'encéphalopathie spongiforme bovine, le Gouvernement décide avec raison de donner aux laboratoires publics le coup de pouce nécessaire à l'accélération de ces études.
Dans bien des secteurs de recherche, nous sommes bien incapables de dire de quoi l'avenir sera fait. Or, en matière d'évaluation on voit bien que, la recherche ne peut s'apprécier uniquement sur le très court, voire le très moyen terme.
C'est pourquoi, tout en me félicitant du choix fait par le Gouvernement, je tiens à rappeler notre attachement à une hausse importante des crédits de la recherche pour les prochaines années, afin de permettre aux laboratoires publics de recruter de nouveaux chercheurs et à notre pays de rattraper son retard dans un certain nombre de domaines.
Quoi qu'il en soit, je voterai cet amendement.
M. Henri Revol. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Revol.
M. Henri Revol. L'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques, devant la peur panique qui se propageait en France, a souhaité tenir le plus rapidement possible une audition publique. Celle-ci a durée tout la journée du 21 novembre dernier.
Vous avez bien voulu, monsieur le ministre, venir ouvrir les travaux de cette journée, au cours de laquelle nous avons surtout appris... qu'il y avait beaucoup à apprendre. Un effort de recherche considérable reste donc à faire pour essayer de comprendre les phénomènes qui sont liés à cette transmission du prion.
Vous aviez indiqué, monsieur le ministre, que vous étiez très conscient de la nécessité de ces efforts, et je vous remercie d'avoir déposé aujourd'hui cet amendement.
Je rejoins, moi aussi, notre collègue Lucien Lanier sur la coordination indispensable de ces recherches et sur leur caractère interdisciplinaire. Ainsi, nous avons entendu, le 21 novembre, des sociologues pour répondre au sentiment d'insécurité de la population devant l'apparition de toutes ces nouvelles maladies.
Je vous remercie donc, monsieur le ministre, et je voterai cet amendement.
M. Roger-Gérard Schwartzenberg, ministre de la recherche. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Roger-Gérard Schwartzenberg, ministre de la recherche. Je tiens à répondre aux différentes questions qui ont été posées par MM. Laffitte, Lanier, Renar et Revol.
Tout d'abord, s'agissant de la coordination, je vous rejoins : elle est absolument indispensable. Elle inspirait d'ailleurs, dès l'origine, ce programme de recherche spécifique puisque, mis en place en 1996, il reposait déjà sur une volonté très forte en la matière. Toutefois, elle sera renforcée et élargie à de nouveaux partenaires puisque, ainsi que j'ai eu l'occasion de vous le dire tout à l'heure, par un avenant signé le 22 novembre dernier, la convention qui sert de support au programme de recherche spécifique englobe maintenant non seulement le CEA, le CNRS, l'INRA et l'INSERM, qui étaient les partenaires de départ, mais aussi l'AFSSA, l'AFSSAPS et l'Institut de veille sanitaire, tous organismes qui n'existaient pas, dans leur forme actuelle, en 1996.
Non seulement pour élargir la coopération à de nouveaux partenaires, mais aussi pour renforcer la coordination, nous avons prévu de créer un groupement d'intérêt scientifique qui comportera la présence de tous ces partenaires, mais aussi de l'Institut Pasteur, que j'ai oublié de citer tout à l'heure, et d'autres organismes de ce type.
Un comité directeur de onze membres, représentant chacun des partenaires, délibérera sur la définition et la mise en oeuvre, dans le cadre des actions définies par l'Etat, de l'ensemble des actions de recherche sur les prions qui seront examinées ou proposées par le conseil scientifique. Il décidera, par ailleurs, la répartition des moyens consacrés à cette recherche.
Par ailleurs, un conseil scientifique de quinze membres, dont au moins un cinquième de membres étrangers, se prononcera sur les programmes de recherche proposés ou en cours dans les organismes partenaires, identifiera de nouvelles équipes susceptibles de participer au programme et développeera les contacts avec les institutions et les organismes tiers susceptibles d'être concernés par les programmes.
Enfin, un secrétariat général de ce groupement d'intérêt scientifique sera placé sous l'autorité d'un secrétaire général et assumera le suivi de l'exécution des actions du groupement.
En répose aux observations très intéressantes de MM. Lanier et Revol sur la nécessité d'aller au-delà du seul cercle des spécialistes, au sens le plus strict du terme, des recherches sur des maladies à prions, je précise que les trois organismes que vous avez cités, à savoir le CEA, l'INSERM et l'INRA, ne sont que gestionnaires des crédits que nous allons - si vous le voulez bien - attribuer au développement de la recherche.
Au-delà du seul cercle des spécialistes, plusieurs sociologues et psychologues travaillent sur ces problèmes, notamment au sein du CNRS. Ils ont d'ailleurs été auditionnés au cours de la journée d'études organisée de manière remarquable par l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques, dont les travaux - je puis en témoigner pour avoir eu le plaisir, vous l'avez rappelé, monsieur Revol, d'y participer - sont de très grande qualité.
Voilà l'articulation générale de ce dispositif, qui vise à faire progresser très sensiblement une recherche qu'il faut maintenant développer de manière encore plus forte.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° II-81, accepté par la commission.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Je constate que cet amendement a été adopté à l'unanimité.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix, ainsi modifiés, les crédits figurant au titre VI.

(Ces crédits ne sont pas adoptés.)
M. le président. Nous avons achevé l'examen des dispositions du projet de loi de finances concernant la recherche.

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