SEANCE DU 8 DECEMBRE 2000


M. le président. « Art. 53 sexies . - Après le premier alinéa de l'article L. 135 J du livre des procédures fiscales, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Les chambres de métiers et l'administration peuvent se communiquer mutuellement les informations nécessaires au recensement et au contrôle des assujettis à la taxe pour frais de chambres de métiers. »
Par amendement n° I-56, M. Ballayer, au nom de la commission des finances, propose de supprimer cet article.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. René Ballayer, rapporteur spécial. Il faut tout d'abord rappeler que la taxe pour frais des chambre de métiers est une taxe additionnelle à la taxe professionnelle.
L'an dernier, l'Assemblée nationale avait introduit dans la loi de finances un article 129 qui est devenu l'article L. 135 J du livre des procédures fiscales. Cet article donnait la possibilité aux chambres de métiers de se faire communiquer par l'administration fiscale la liste nominative des assujettis à la taxe pour frais de chambres de métiers afin de vérifier que ces mêmes personnes figuraient bien sur le répertoire des métiers.
Interrogée au sujet de l'interprétation de la rédaction de cet article, la commission des lois a indiqué, sans émettre d'avis sur le fond, qu'il s'agissait bien d'une communication de renseignements à sens unique des services fiscaux vers les chambres de métiers.
L'article additionnel 53 sexies rattaché au budget des petites et moyennes entreprises résulte de l'adoption par l'Assemblée nationale d'un amendement de sa commission des finances, le président de cette dernière, M. Emmanuelli, s'étant toutefois abstenu lors du vote. Cet amendement ayant été néanmoins adopté, l'article 53 sexies tend à mutualiser les échanges entre les chambres de métiers et les services fiscaux.
Ces échanges deviendraient donc réciproques, ce qui permettrait non seulement aux chambres de métiers de vérifier l'inscription des artisans sur le répertoire, mais aussi au fisc de contrôler si les artisans inscrits sur ce répertoire paient bien la taxe professionnelle.
On s'écarte ainsi dangereusement des traditions françaises selon lesquelles le recueil des renseignements relatifs à une imposition ne peut résulter, à l'exception d'aucune autre, que d'une déclaration du contribuable ou d'un contrôle des services fiscaux qui, seuls, peuvent communiquer ces renseignements à des tiers.
Le Sénat, gardien des libertés publiques, ne saurait voter en l'état une pareille disposition, au moins tant que la Commission nationale de l'informatique et des libertés ne se sera pas prononcée sur ce sujet.
La commission des finances du Sénat partage les craintes de M. Emmanuelli quant à l'enclenchement de l'engrenage du croisement de fichiers aux conséquences potentiellement redoutables. Elle vous demande donc de supprimer cet article.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. François Patriat, secrétaire d'Etat. Cet amendement, qui vise à supprimer le texte introduit pas l'Assemblée nationale en première lecture, est d'autant moins neutre qu'il touche aux libertés et à l'information. On s'est aperçu qu'il y avait moins de cotisants que d'inscrits dans les chambres de métiers.
Il est évident que la transmission des fichiers entre les chambres de métiers et les services fiscaux, qui permet une meilleure connaissance des ressortissants, présente un intérêt pour tout le monde. Mais il faut aussi bien encadrer les conditions d'échange de fichiers, notamment au regard de la CNIL. Il me semble que l'amendement adopté à l'Assemblée nationale ne comportait pas de risques à cet égard.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur l'amendement n° II-56, qui marquerait, s'il était adopté, une régression dans la connaissance des artisans inscrit au registre des métiers.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° II-56, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l'article 53 sexies est supprimé.
Nous avons achevé l'examen des dispositions du projet de loi de finances concernant les petites entreprises, le commerce et l'artisanat.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt-deux heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures quarante, est reprise à vingt-deux heures.)