SEANCE DU 4 DECEMBRE 2000


M. le président. Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi concernant les services du Premier ministre : I. - Services généraux (à l'exclusion des crédits relatifs à la fonction publique, à la presse, à l'audiovisuel et au Conseil supérieur de l'audiovisuel).
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Roland du Luart, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, madame le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, le budget des services généraux du Premier ministre n'est pas un petit budget : il atteint en effet, cette année, près de 6,5 milliards de francs, avec un effectif de mille cinq cents personnes. C'est dire qu'il pèse plus lourd que le budget de l'environnement ou que celui de l'aménagement du territoire.
Je rappelle qu'une partie de ces crédits a été présentée samedi dernier par notre collègue Claude Belot, au titre des crédits de la communication et de la presse, et qu'une autre sera présentée ce soir par notre collègue Gérard Braun, au titre des crédits de la fonction publique.
Le montant du budget des services généraux du Premier ministre a longtemps oscillé autour de 4 milliards de francs. Son passage à 5 milliards de francs l'an dernier et à près de 6,5 milliards de francs cette année est essentiellement dû à l'augmentation des crédits de la politique de la communication. A structure constante et hors audiovisuel public, ce budget est toutefois marqué cette année par une hausse de 7,8 %, alors que, selon la « norme » définie, pour l'ensemble des budgets, l'augmentation est limitée à 1,5 %.
Je m'en tiendrai là dans la présentation des crédits, que vous retrouverez exposée en détail dans mon rapport écrit, pour centrer mon propos sur les observations que m'a inspirées l'examen de ce budget.
Tout d'abord, j'ai été amené à m'interroger sur la nature de l'administration qui entoure le Premier ministre.
Que constate-t-on d'année en année ? L'augmentation des crédits de fonctionnement - par exemple, l'effectif budgétaire en 2001 augmente de 15 % - et l'accroissement continu du nombre d'organismes, conseils, comités ou commissions qui sont rattachés à ce budget.
Ces évolutions ne sont pas sans changer la nature de l'administration du Premier ministre. Que doit-elle être ? Un simple support aux responsabilités du Premier ministre en matière d'animation et d'arbitrage politique ? C'est mon avis !
Que constate-t-on ? L'émergence d'un super-ministère de l'interministérialité, c'est-à-dire un ministère qui est amené à s'occuper de tout. On est loin de la conception selon laquelle le Premier ministre serait un ministre sans portefeuille !
Madame le secrétaire d'Etat, vous me rétorquerez vraisemblablement tout à l'heure que l'audit permanent des services du Premier ministre a permis de supprimer d'année en année des organismes rattachés au Premier ministre. Il ne me semble pas opportun d'entrer avec vous dans une querelle de chiffres, mais je suis contraint d'observer chaque année un nouvel accroissement du nombre d'organismes rattachés.
Pour 2001, alors que plusieurs organismes sont créés, un seul est supprimé : le Centre des hautes études sur l'Afrique et l'Asie modernes, le CHEAM, qui permet à ce budget de réaliser une économie de 3 millions de francs. Mais, madame le secrétaire d'Etat, vous aurez beau jeu de vous targuer de cette suppression, alors qu'il est d'ores et déjà prévu la création d'un nouvel organisme qui reprendra les compétences du CHEAM !
Pouvez-vous, madame le secrétaire d'Etat, nous en dire plus sur ce projet et sur les raisons qui vous ont poussée à supprimer un organisme et à ne pas prévoir tout de suite son successeur, ce qui aurait été sans doute plus simple pour la transmission des droits et obligations ?
S'agissant des fonds spéciaux, les fameux « fonds secrets du Gouvernement », j'estime que la présentation qui nous en est faite dans le « bleu » est en partie trompeuse, puisque ces fonds sont abondés chaque année en cours d'exercice par des décrets pour dépenses accidentelles non publiés au Journal officiel. J'ai noté les mêmes critiques dans le rapport de la commission des finances de l'Assemblée nationale.
Pour la cinquième année consécutive, le Gouvernement nous propose de voter les crédits de ce chapitre en admirable stabilité : 394 millions de francs. Mais, mes chers collègues, cette stabilité est trompeuse ! En 1997, 1998 et 1999 - ce sont les derniers chiffres dont nous disposons - ces crédits ont chaque fois été supérieurs à 450 millions de francs, voire à 500 millions de francs. Pourquoi, madame le secrétaire d'Etat, le Gouvernement ne réévalue-t-il pas ce montant, afin de proposer à la représentation nationale une évaluation sincère des crédits demandés ?
Je souhaite également aborder la question du défenseur des enfants, nouvelle autorité administrative indépendante créée en 2000.
Sans contester l'utilité de ses missions, j'estime qu'il aurait été préférable d'étendre les compétences du Médiateur plutôt que de créer ex nihilo une nouvelle entité administrative dont les crédits pour 2001 s'établissent à 9 millions de francs, soit un tiers du budget du Médiateur, ce et qui obscurcit le paysage administratif français.
M. Jacques Oudin. Très bonne remarque !
M. Roland du Luart, rapporteur spécial. Enfin, je ne peux que regretter la diminution des quelques crédits d'investissement inscrits à ce budget : les crédits de paiement diminueront en 2001 de 40 %, notamment pour les cités administratives. Vous semble-t-il, madame le secrétaire d'Etat, que les cités administratives, les préfectures, soient dans un état de luxe matériel tel qu'il faille ralentir leur modernisation ?
J'espère, madame le secrétaire d'Etat, que vous pourrez apporter quelques réponses à mes interrogations.
C'est en fonction des observations que je viens de formuler, mais aussi de celles que nous a présentées samedi dernier notre collègue Claude Belot sur les crédits de la communication et de la presse, ainsi que de celles que nous fera notre collègue Gérard Braun sur les crédits de la fonction publique ce soir même, qu'il sera proposé au Sénat de rejeter les crédits des services généraux du Premier ministre pour 2001. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR, et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Florence Parly, secrétaire d'Etat au budget. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je souhaite tout d'abord remercier M. du Luart pour la qualité de son rapport.
Le budget des services généraux du Premier ministre recouvre, comme il l'a dit, les crédits afférents à trois grandes catégories de services : les dotations de trois cabinets ministériels ainsi que les fonds spéciaux ; les crédits destinés à l'activité et au fonctionnement des services du Premier ministre et des organismes qui lui sont rattachés ; enfin, les crédits qui sont alloués à sept autorités administratives indépendantes.
Le projet de budget s'élève à 6 434 millions de francs, soit une progression de 32,3 % qui s'explique, pour l'essentiel, comme l'a indiqué M. le rapporteur spécial, par l'évolution des crédits consacrés à la compensation des redevances de télévision, qui sont en augmentation de 1 264 millions de francs.
Les débats de ce soir sont consacrés au seul agrégat « administration générale » du budget des services généraux du Premier ministre. Ces crédits passent de 1 536 millions de francs à 1 717,6 millions de francs, soit une augmentation de 11,8 %.
Hors transferts de crédits entre le budget des services du Premier ministre et d'autres budgets, la progression est de 151,4 millions de francs, soit un peu moins de 10 %.
Je citerai les mesures les plus importantes.
Le développement du réseau interministériel ADER nécessite l'inscription de 9 millions de francs. Ce réseau raccorde, depuis cet été, la quasi-totalité des services de l'Etat entre eux.
La transformation du portail Internet « Admifrance » en un portail « service public » de l'administration française se traduit par l'inscription d'un crédit de 6,8 millions de francs. Ce nouveau portail, dont l'opérateur est la Documentation française, a été inauguré le 23 octobre dernier par le ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat. Il donnera au public le moyen de s'orienter dans plus de deux mille sites publics.
Un effort est par ailleurs poursuivi en faveur du gros entretien des cités administratives, dont les crédits sont répartis par le secrétariat général du Gouvernement. Certes, les crédits de paiement à ce titre seront en diminution l'année prochaine, mais cette réduction ne traduira pas une baisse dans le rythme des travaux : elle s'explique par le fait que des rattachements importants de crédits en provenance d'autres ministères sont venus abonder le budget des services généraux du Premier ministre en ce domaine. D'ailleurs, les autorisations de programme progressent, quant à elles, de 30 millions de francs, soit une augmentation de près de 20 %, preuve de l'attention manifestée par le Gouvernement envers la sécurité et l'entretien du patrimoine des cités administratives.
En ce qui concerne les emplois, la suppression du service national conduit les services du Premier ministre à mettre en place, avec un souci d'économie et de productivité, des solutions de substitution à la présence d'appelés. La création de seize emplois vise à assurer le remplacement d'une partie des postes d'appelés qui ont été déjà supprimés ou qui le seront l'année prochaine.
L'inscription, par voie de transfert, de vingt-cinq emplois au sein des secrétariats généraux aux affaires régionales, les SGAR, permet de mettre un terme à une situation dans laquelle les services du Premier ministre ne disposaient pas du moyen de gérer leur emploi, alors que celui-ci nomme ces responsables interministériels locaux. Par ailleurs, vingt-six emplois de chargés de mission pour les nouvelles technologies de l'information et de la communication sont créés dans les SGAR, également par un strict redéploiement.
Le projet de budget prévoit la mise en place de l'intégralité des crédits de fonctionnement du défenseur des enfants, autorité administrative indépendante instaurée par la loi du 6 mars 2000, pour 9 millions de francs ; vous l'avez rappelé, monsieur le rapporteur spécial.
Une autre autorité administrative indépendante, la Commission nationale de déontologie de la sécurité, créée par la loi du 6 juin 2000, se voit dotée de 2,7 millions de francs.
Le Conseil d'orientation des retraites, institué par le décret du 10 mai 2000, nécessite également l'inscription d'un crédit de 9,7 millions de francs couvrant, en particulier, la création de six emplois.
Comme l'a souligné votre rapporteur spécial, il faut enfin noter une mesure de transfert portant sur dix-neuf emplois au bénéfice de la mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie, qui étaient jusqu'alors des emplois mis à disposition par divers départements ministériels.
M. le rapporteur spécial a aussi abordé la question des fonds spéciaux. Ceux-ci font, en effet, l'objet de décrets pour dépenses accidentelles, conformément à la tradition républicaine. Les montants sont ensuite récapitulés et soumis au Parlement dans le cadre de la loi de règlement. Par conséquent, il ne me semble pas que l'on puisse parler de défaut de transparence à cet égard.
Vous abordez une nouvelle fois la question des organismes rattachés au Premier ministre.
Le Gouvernement ne partage pas les appréciations que vous avez formulées, ni celle selon laquelle les services du Premier ministre devraient constituer une administration d'animation politique, pas plus que celle selon laquelle ils évolueraient actuellement vers un « superministère de l'interministérialité ».
L'existence ou le rattachement d'organismes auprès du Premier ministre fait, en effet, l'objet d'un réexamen régulier. Le principe, constamment appliqué, est que ne doivent faire l'objet d'un rattachement au Premier ministre que les fonctions de coordination interministérielle qui ne peuvent être confiées à un seul ministère et qui comportent une dimension administrative ou technique ne permettant pas qu'elles soient confiées au cabinet ou à l'un des services préexistants du Premier ministre.
De même, le Premier ministre peut, pour l'accomplissement de la mission qu'il tient de l'article 20 de la Constitution, souhaiter disposer de structures consultatives temporaires ou permanentes. En fonction des priorités politiques du Gouvernement, de l'acuité intrinsèque des problèmes à gérer et de la capacité des ministères à prendre en charge, à un moment déterminé, des missions, les réponses apportées en ce qui concerne le rattachement au Premier ministre de certains organismes ou fonctions sont éminemment variables.
Votre rapporteur spécial, se référant à l'annexe au projet de loi de finances consacrée à ces questions, rappelle que les organismes rattachés au Premier ministre sont au nombre de soixante-six. Encore faut-il avoir une juste appréciation de ce nombre !
En effet, trente-neuf de ces organismes, s'ils sont en théorie rattachés au Premier ministre, ne relèvent pas de ses services, mais des services d'autres ministères, dans le cadre desquels ils remplissent des missions de coordination interministérielle.
Vingt-sept organismes, en revanche, relèvent des services du Premier ministre ou, du moins, de leur budget.
Cinq des organismes mentionnés dans cette liste sont des autorités administratives indépendantes qui, par définition, ne peuvent relever du Premier ministre. Dans un souci de clarification, le projet de budget pour 2001 comporte d'ailleurs, et pour la première fois, un agrégat uniquement consacré aux autorités administratives indépendantes.
En définitive, c'est sur une vingtaine d'organismes dépendant de façon effective du Premier ministre et de ses services que porte notre débat.
Au cours des dernières années, diverses décisions ont été prises qui illustrent les principes que j'ai évoqués.
Depuis 1995, quinze organismes ont été supprimés et trois ont été rattachés à d'autres budgets, alors que, dans le même temps, dix organismes ont été créés et trois organismes existants ont été rattachés au budget du Premier ministre.
Au total, les suppressions et les détachements ont dépassé de cinq unités les créations ou les rattachements. Ces chiffres parlent d'eux-mêmes et montrent que la question du rattachement d'organismes divers au Premier ministre fait l'objet non seulement d'un réexamen régulier, mais aussi de décisions concrètes. Cette démographie vivante prouve bien que la question est effectivement abordée par le Gouvernement dans une logique d'« audit permanent », pour reprendre une expression que vous m'avez prêtée.
En résumé, le budget qui vous est présenté s'inscrit dans une logique de clarification, de rigueur et de soutien à la mise en oeuvre des principales priorités du Gouvernement. C'est la raison pour laquelle j'aurais souhaité que le Sénat puisse l'accepter. (Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. Je vous rappelle que les crédits inscrits à la ligne « Services généraux du Premier ministre » seront mis aux voix aujourd'hui, à la suite des crédits relatifs à la fonction publique.

ÉTAT B

M. le président. « Titre III : 174 946 965 francs. »
Personne ne demande la parole ?...
Le vote sur les crédits figurant au titre III est réservé.
« Titre IV : 2 011 200 000 francs. »
Personne ne demande la parole ?...
Le vote sur les crédits figurant au titre IV est réservé.

ÉTAT C

M. le président. « Titre V. - Autorisations de programme : 312 000 000 francs ;
« Crédits de paiement : 165 000 000 francs. »
Personne ne demande la parole ?...
Le vote sur les crédits figurant au titre V est réservé.
Nous avons achevé l'examen des dispositions du projet de loi de finances concernant les services généraux.

II. - SECRÉTARIAT GÉNÉRAL
DE LA DÉFENSE NATIONALE