SEANCE DU 4 DECEMBRE 2000


Par amendement n° II-43, le Gouvernement propose de majorer ces crédits de 11 900 000 francs.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Guy Hascoët, secrétaire d'Etat à l'économie solidaire. Cet amendement, qui sera complété, lors de l'examen du projet de budget de la solidarité, par d'autres mesures, correspond à la traduction immédiate des décisions qui ont été prises en matière de lutte contre les risques liés à l'encéphalopathie spongiforme bovine, annoncées le 14 novembre dernier.
Vous le savez, face à une situation aussi grave et aussi importante, des décisions ont été prises et un plan a été adopté, qui se traduit par la création d'un certain nombre de postes, notamment, en ce qui concerne le présent budget, de vingt-cinq postes d'inspecteur et de cinq postes de médecin-inspecteur, indispensables pour encadrer l'ensemble de la filière, permettre le contrôle des pratiques professionnelles, s'assurer que les salariés de ces différentes branches sont effectivement suivis et que les risques auxquels ils seraient exposés du fait de cette maladie sont réduits le plus possible.
Il était nécessaire d'agir vite. Il faut, sur le plan budgétaire, tirer les conséquences de ces décisions, et donc modifier les chapitres concernés, afin d'être immédiatement à pied d'oeuvre pour appliquer lesdites décisions.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Gérard Braun, rapporteur spécial. Je l'avoue, cet amendement, dont j'ai eu connaissance en arrivant ce matin, pose beaucoup de problèmes et je m'interroge sur la finalité exacte de ces créations d'emploi.
On nous propose de créer une trentaine de postes au titre du ministère de l'emploi. S'agissant d'emplois pérennes, cela signifie-t-il que ces trente fonctionnaires travailleront sur l'ESB durant toute leur carrière, c'est-à-dire pendant une quarantaine d'années ? C'est là, déjà, une véritable interrogation.
Je tiens à préciser que, sur ces trente emplois, cinq seulement sont des emplois de médecin. Les autres sont des emplois d'inspecteur du travail, et je vois mal ce qu'ils pourraient faire s'agissant de l'ESB.
Par ailleurs, mon collègue, Joseph Ostermann, et moi-même avons publié un rapport d'information sur la gestion des personnels du ministère de l'emploi. A la suite de notre mission, il nous était apparu qu'il était inutile de créer des emplois supplémentaires dans ce ministère.
Les difficultés des services étaient essentiellement dues, nous avait-on dit, à des pressions venant de l'administration centrale. Il fallait, en effet, faire du chiffre sur les emplois-jeunes et sur la mise en place des 35 heures. Un chef de service nous a ainsi dit que la mise en place des 35 heures était « la pire mesure que l'on ait jamais vue ».
Cela étant, je m'interroge sur la finalité de cet amendement, d'autant que je viens d'apprendre, monsieur le secrétaire d'Etat, que, s'agissant d'un autre ministère, dont nous examinerons les crédits cet après-midi - le ministère de la santé - le Gouvernement use du même subterfuge pour, sous le prétexte de la lutte contre l'ESB, nous proposer la création de quatre-vingt-quinze emplois, dont trente emplois de contractuels rémunérés à l'échelle lettre C. (M. Gournac s'exclame.)
Cette manière de procéder est tout de même un peu étonnante ! A mes yeux, elle participe d'un manque de clarté, de logique et de confiance dans le Sénat. On veut nous faire créer des postes importants en nombre, certainement à la suite de mesures de post-arbitrage, sous le prétexte de l'ESB. Cela n'est pas très sérieux !
M. Jean Boyer. Quelle belle démonstration !
M. Gérard Braun, rapporteur spécial. Dans ces conditions, je me prononcerai sur cet amendement après vous avoir entendu, monsieur le secrétaire d'Etat, car je souhaite que vous répondiez à nos interrogations.
M. Guy Hascoët, secrétaire d'Etat. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Guy Hascoët, secrétaire d'Etat. Compte tenu de la gravité du dossier, je suis un peu surpris par votre propos. Le nombre total d'emplois créés s'élève à 175 : cet après-midi, vous serez en effet amenés à vous prononcer, lors de l'examen d'un autre budget, sur la création d'emplois de médecin.
S'agissant de contractuels dont le niveau de rémunération est important, il s'agit de pouvoir très rapidement mettre en place un dispositif pour accompagner l'ensemble des décisions prises.
Vous vous demandez ce que vont faire les inspecteurs du travail. Combien y a-t-il de salariés dans la filière ? Combien y a-t-il d'usines de découpage, d'abattoirs, de centres d'équarrissage, et quels sont les risques pour les personnes qui y travaillent ?
Sans vouloir polémiquer, je dirai qu'il y a quelque chose de désinvolte dans la manière dont vous analysez de telles décisions.
Par ailleurs, vous vous demandez si les personnes qui seront recrutées feront toute leur carrière sur les questions liées à l'ESB. J'espère bien que non !
M. Gérard Braun, rapporteur spécial. Mais elles seront là !
M. Guy Hascoët, secrétaire d'Etat. Si vous examinez l'évolution des carrières sur les dix ans à venir, compte tenu du vieillissement de l'ensemble des fonctionnaires de notre pays, vous constaterez que des millions d'entre eux partiront à la retraite. Il sera toujours temps d'examiner si des priorités existent ailleurs !
En matière médicale, en revanche, l'idée de faire appel à des contractuels répond au souci de mobiliser rapidement des compétences élevées et, éventuellement, de ne pas renouveler les contrats si, la crise étant passée et les choses rentrant dans l'ordre, nous n'avons plus besoin de ce type de personnels.
M. le président. Quel est maintenant l'avis de la commission ?
M. Gérard Braun, rapporteur spécial. Monsieur le secrétaire d'Etat, vos arguments ne m'ont vraiment pas convaincu. Je suis sûr que ces créations d'emploi ont pour objet, à nouveau, de conforter, de renforcer les effectifs.
Le sujet traité est en effet trop grave. Vous vous abritez derrière l'ESB - et ce n'est pas sérieux - pour faire passer en force ces créations d'emploi, dans l'urgence et sans réflexion.
Afin que la majorité sénatoriale ne soit encore accusée des pires maux, nous ne pouvons nous opposer à cet amendement, en émettant un avis défavorable. En effet, si nous le faisions, on dirait que la majorité sénatoriale s'oppose à la lutte contre l'ESB.
M. Roland Muzeau. Il faut assumer !
M. Louis Boyer. On nous accuserait de vouloir empoisonner les Français !
M. Gérard Braun, rapporteur spécial. Aussi, je m'en remets à la sagesse de notre assemblée, étant précisé que la commission émettra un avis défavorable sur l'ensemble des crédits du ministère.
M. Alain Gournac. Oh oui !
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° II-43.
M. Guy Fischer. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Fischer.
M. Guy Fischer. Pour notre part, nous nous réjouissons des propositions que vient de confirmer M. le secrétaire d'Etat, lesquelles font l'objet de deux amendements qui nous sont soumis aujourd'hui.
A la suite des séances de questions d'actualité au Gouvernement, au cours desquelles cette question a été évoquée, je suis surpris par les arguments de M. le rapporteur, même si, finalement, il s'en est remis à la sagesse de notre assemblée.
Face au traumatisme créé par l'ESB, devant les appels au secours lancés à travers toute la France par l'agriculture, notamment par la filière bovine, qui a besoin de moyens pour satisfaire des besoins incompressibles, face, dans le même temps, à la nécessité de régler un problème de santé publique, nous devons, aujourd'hui, prendre nos responsabilités,
Je note d'ailleurs que plusieurs de nos collègues de la majorité sénatoriale sont intervenus, dans le cadre des questions d'actualité au Gouvernement, pour obtenir que des moyens supplémentaires soient affectés à la gestion de la crise provoquée par l'ESB.
Pour notre part, nous voterons cet amendement, car c'est une réponse apportée dans l'urgence à un problème qui, aujourd'hui, traumatise la France et qui - c'est le bon sens même - justifie la mise en oeuvre de moyens nouveaux. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. Gérard Delfau. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Delfau.
M. Gérard Delfau. Tout d'abord, je m'étonne, moi aussi, de l'étonnement de M. le rapporteur. Il a, comme nous, apprécié que les plus hautes autorités politiques de ce pays - je dis bien « les plus hautes » et non pas « la plus haute » - préconisent et prennent, pour celles qui étaient directement concernées, des mesures drastiques pour assurer la santé publique et pour rassurer la population.
Ces décisions ont un impact considérable sur une filière qui est frappée de plein fouet par un bouleversement considérable et qui n'a pu - et pour cause ! - s'y préparer.
Au travers de cette proposition, le Gouvernement montre qu'il a la volonté de tirer toutes les conséquences de l'annonce faite - heureusement faite ! - par le Premier ministre, c'est-à-dire de faire en sorte que les modalités pratiques liées à cette décision soient assurées.
La position du Sénat serait donc intenable, s'il ne votait pas cet amendement, et je pense que nos collègues le comprendront.
Je profite de l'occasion qui m'est offerte pour me féliciter des propos tenus par Mme la ministre concernant le corps des inspecteurs du travail. Il fallait que ce message soit adressé et que cet hommage - je reprends son propre terme - soit rendu. Dans une période où l'on va les solliciter plus encore qu'auparavant, ces fonctionnaires, qui effectuent une tâche difficile et indispensable, doivent être soutenus, aidés et encouragés.
M. Claude Estier. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Estier.
M. Claude Estier. Le groupe socialiste fait siens tant les arguments qu'a développés M. le secrétaire d'Etat que les propos qu'ont tenus MM. Fischer et Delfau. Il votera donc l'amendement.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° II-43, pour lequel la commission s'en remet à la sagesse du Sénat.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix, ainsi modifiés, les crédits figurant au titre III.
M. Guy Fischer. Le groupe communiste républicain et citoyen s'abstient.

(Ces crédits ne sont pas adoptés.)
M. le président. « Titre IV : moins 10 857 141 062 francs. »