SEANCE DU 2 DECEMBRE 2000


M. le président. « Art. 46. - Est approuvée, pour l'exercice 2001, la répartition suivante entre les organismes du service public de la communication audiovisuelle, des recettes, hors taxe sur la valeur ajoutée, du compte d'emploi de la redevance pour droit d'usage des appareils récepteurs de télévision :

(En millions
de francs)

France Télévision 9 356
Radio France 2 839
Radio France Internationale 311
Réseau France Outre-mer 1 255
Arte-France 1 166
Institut national de l'audiovisuel 415,5

Total 15 342,5 »
La parole est à M. Ralite.
M. Jack Ralite Madame la ministre, je souhaite dire quelques mots au sujet de l'accord qui est intervenu entre Vivendi, Canal Plus et Universal et du vote qui sera émis à Nice, les 6 et 7 décembre prochain, sur l'article 133, alinéa 5.
Auparavant, sachez que je suis heureux des résultats obtenus en ce qui concerne Média Plus - je sais la part que vous y avez prise - et que j'apprécie les propos que vous avez tenus au sujet des aides nationales. En effet, il était un peu scandaleux que la DG IV à Bruxelles assimile les obligations des chaînes de télévision, par exemple à l'égard de la production cinématographique, à des subventions.
Je veux rappeler aussi que, voilà un an, nous étions quelques-uns à être présents à Seattle, dans la foulée de l'acte majeur du gouvernement de Lionel Jospin, à savoir le rejet de l'Accord multilatéral sur l'investissement l'AMI ; les attaques de l'OMC contre la mesure n'ont pu aboutir.
En ce qui concerne l'accord Vivendi - Canal Plus - Universal, il n'a pas la qualité qu'on lui prête ici et là. C'est en effet la construction d'un ensemble qui, d'ailleurs, ressemble beaucoup à AOL-Time Warner et, bientôt, à EMI, même si, provisoirement, la DG IV ne l'a pas accepté. On assiste en effet à la création d'organismes privés transnationaux d'une puissance telle que l'on se demande comment les services publics résisteront. La capitalisation de Canal Plus-Vivendi-Universal est gigantesque, mais, surtout, il s'agit de la mise en rapport de portefeuilles de droits d'oeuvres avec des abonnés. Vivendi Universal annonce, un peu triomphalement, d'ailleurs, détenir plus de 70 millions d'abonnés potentiels, un portefeuille d'oeuvres composé des 1 500 films d'Universal et des 27 000 épisodes d'émissions de télévision, mais aussi le catalogue musical d'Universal Music Group.
C'est une véritable puissance mondiale qui se constitue sous nos yeux.
Sur la carte UGC, dont nous avons discuté il y a quelque temps, je me félicite que le Premier ministre ait dit, à Montreuil, et vous étiez à ses côtés, qu'elle n'était tout de même pas « le bonheur du cinéma ». Voilà une déclaration forte. Reste qu'UCG et Vivendi marchent ensemble et que le terme « d'abonnés » à travers la carte, introduit dans le cinéma les pratiques télévisuelles.
La création d'un tel ensemble me paraît constituer un véritable séisme culturel et économique à partir duquel se structurerait le secteur clé de l'économie du xxie siècle : l'industrie de l'esprit.
En vérité, ce groupe veut gérer les représentations de l'information et de l'imaginaire en s'appuyant sur la maturité des technologies numériques, le développement d'internet et la réglementation généralisée.
Comme l'a dit, à mon avis très justement, le directeur de la Société des auteurs et compositeurs dramatiques, la SACD, le CSA a plutôt exprimé un non-refus que donné un accord. D'ailleurs, M. Bourges montre que le CSA, en la circonstance, n'a pas les pouvoirs suffisants. Ne déclare-t-il pas que cette affaire « marque bien quels sont les pouvoirs du Conseil en matière de régulation économique, mais aussi quelles sont leurs limites et à quels enjeux le régulateur se trouvera de plus en plus confronté » ?
Et puis, comment ne pas noter que Jean-Marie Messier, dans Le Figaro de ce matin, fait montre d'une quasi-insolence à l'égard des autres acteurs de l'audiovisuel et du cinéma, en osant déclarer, notamment : « Nous sommes fiers de la culture française. Nous souhaitons la propager, mais il faut assurer la diversité culturelle. »
Dire qu'il faut assurer la diversité culturelle en France, alors que nous sommes le pays du monde où elle est le mieux assurée ! On se demande vraiment de quoi il parle. Même la nomination de M. Jorge Semprun, un homme d'une immense valeur, est blessante à l'égard du CSA. Le CSA avait revendiqué la présidence du comité de surveillance ; on la lui a refusée et, le lendemain, on a accordé une vice-présidence à Jorge Semprun. C'est entraîner cet immense homme d'éthique, d'art et de dignité sur un chemin où il risque de se blesser.
M. Jean-Marie Messier va jusqu'à estimer que « le cinéma manque de décence ». Sur cette question, je pense qu'il nous faut réfléchir beaucoup à la création de procédures antitrust. Là, nous sentons bien que nous sommes à la limite, plus même que les Etats-Unis qui, lorsque Microsoft grossit trop, arrivent à le tronçonner. Pas nous !
J'en viens à l'article 133, alinéa 5. Je vous ai entendue parler, avec une grande force, à Beaune, lors des rencontres de l'ARP, en octobre dernier, madame la ministre. Je connais votre détermination sur ces questions. Je redoute toutefois, s'agissant des votes à la majorité qualifiée ou à l'unanimité, que l'on nous accule dans une position qui ne nous servira pas. Et, disant « nous », je pense non pas à la France et aux Français, mais à la culture de tous les pays du monde.
Je sais que, à l'heure actuelle, on réfléchit à Bruxelles.
On envisage le vote à la majorité qualifiée sur le futur et le vote à l'unanimité sur l'ancien. Je me souviens de M. Valenti, le grand patron du cinéma hollywoodien, conseillant, à Beaune, de continuer la régulation a minima pour les anciennes technologies et, pour les nouvelles technologies, pas de régulation du tout. Curieuse attitude européenne ! Cela reviendrait à créer un « AMI européen », alors que nous avons rejeté l'AMI mondial.
Toujours à Bruxelles, on envisage aussi un vote à la majorité qualifiée en interne et un vote à l'unanimité en externe. Cela me fait penser à ces gosses qui jouent à la marelle. Ils vont vers le ciel, mais à cloche-pied ! On commencerait ainsi par des petits bouts, puis on glisserait vers le vote à la majorité qualifiée. Non pas que je nie son importance dans de nombreux domaines. Mais la culture, vous l'avez dit à juste titre à Beaune, madame la ministre, n'est pas une partie d'un tout, elle est le socle de tout. Et le socle de tout, cela ne se négocie pas. C'est comme l'homme, comme la femme.
Je pense que, là, il nous faut vraiment agir, et je regrette que cette assemblée, qui avait organisé un débat au moment des négociations de l'AMI et qui en avait organisé un autre dans les jours qui avaient précédé Seattle, n'ait pas réussi, au sein de la commission des affaires culturelles, à nous faire débattre de la question comme je l'avais demandé en octobre.
Grâce au Gouvernement, nous avions obtenu que les parlementaires soient associés aux discussions de l'OMC, et votre collègue M. Huwart nous réunit d'ailleurs régulièrement. Mais, sur le plan européen, on n'arrive pas à créer la structure où l'on puisse débattre en amont, avant les votes, avant les décisions.
Je ne suis pas pessimiste, ayant participé, depuis le 15 août, à une quinzaine de réunions et de colloques qui ont traité de ces questions. Partout, sans exception, on refuse la règle de la majorité qualifiée et l'article 133, alinéa 5. Il y a donc une force et j'ai voulu m'en faire l'écho ici, passionné et exigeant. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
(M. Paul Girod remplace M. Gérard Larcher au fauteuil de la présidence.)

PRÉSIDENCE DE M. PAUL GIROD
vice-président

M. le président. La parole est à Mme Luc.
Mme Hélène Luc. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la Société française de production, la SFP, et l'Institut national de l'audiovisuel, l'INA, ont été durant de longues années des instruments incontournables de la politique audiovisuelle de notre pays.
Aujourd'hui, la SFP, qui se meut au sein d'un environnement extrêmement concurrentiel, doit tout mettre en oeuvre pour valoriser son principal site qu'elle partage avec l'Institut national de l'audiovisuel, à Bry-sur-Marne.
Dans ce cadre, le conseil général du Val-de-Marne a pris l'initiative, à la fin du mois d'avril 2000, de la création d'un groupe de travail sur la redynamisation du pôle audiovisuel de Bry-sur-Marne et Villiers-sur-Marne avec les maires de ces deux villes et le préfet du Val-de-Marne.
Nous pensons, en effet, madame la ministre, mes chers collègues, que le secteur public de l'audiovisuel ne peut faire aujourd'hui l'économie d'instruments adaptés en matière de production audiovisuelle. Le développement d'un pôle audiovisuel regroupant la SFP et l'INA sur les territoires de Bry-sur-Marne et de Villiers-sur-Marne doit retenir toute notre attention.
Sur le site de l'INA et de la SFP, de multiples activités, regroupées en partenariats publics et privés, pourraient voir le jour autour des métiers du cinéma et de la télévision.
J'ai souhaité attirer votre attention, madame la ministre, sur cette question. Le département du Val-de-Marne entend assurer la maîtrise d'ouvrage d'une étude stratégique de développement d'un pôle audiovisuel sur ces territoires ainsi que d'une formation professionnelle pour ces métiers.
L'Etat doit, bien évidemment, y jouer également un rôle important.
Pour autant, et compte tenu de l'évolution du secteur de l'audiovisuel, nous souhaiterions connaître les orientations du Gouvernement sur les outils que contituent la SFP et l'INA, pour avancer sur le dossier de la création d'un pôle public de production et d'études audiovisuelles constitué sur les sites que j'évoquais.
L'examen du budget de la communication nous offre ainsi l'occasion d'aborder la question plus large de la politique de l'industrie cinématographique et audiovisuelle de notre pays.
M. le président. Par amendement n° II-17, M. Belot, au nom de la commission des finances, propose de supprimer cet article.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Claude Belot, rapporteur spécial. L'amendement tend purement et simplement à supprimer l'article 46 pour une raison simple de technique budgétaire. Si, en effet, on émet un vote défavorable sur les crédits, on doit logiquement supprimer l'article. Il est bien évident que cela ne signifie pas un désaccord sur la répartition entre les différents bénéficiaires du produit de la redevance.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Catherine Tasca, ministre de la culture et de la communication. Le problème de la répartition est en effet réglé si l'on supprime la redevance, monsieur le rapporteur spécial !
Le Gouvernement s'est souvent exprimé sur la nécessité de maintenir la redevance, au moins tant qu'une autre ressource n'aura pas été définie. Avis donc défavorable.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° II-17.
M. Jean-Paul Hugot, rapporteur pour avis. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Hugot, rapporteur pour avis.
M. Jean-Paul Hugot, rapporteur pour avis. J'adhère à la proposition de M. le rapporteur spécial. Nous voterons cet amendement, pour exprimer formellement notre refus du budget, mais pas du tout pour nous opposer à l'opportunité de la redevance et à sa répartition.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° II-17, repoussé par le Gouvernement.

(Après une épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par assis et levé, adopte l'amendement.)
M. le président. En conséquence, l'article 46 est supprimé.

Articles additionnels après l'article 46