SEANCE DU 2 DECEMBRE 2000


M. le président. Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi de finances concernant les crédits relatifs à la communication : crédits du Conseil supérieur de l'audiovisuel, d'aides à la presse et à l'audiovisuel inscrits aux services généraux du Premier ministre.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Claude Belot, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, moment important que celui où l'on discute de la pensée, de l'image et de l'information, et donc de la démocratie.
S'agissant de la presse, nous avons l'impression, en ce moment, que le système craque de partout, car nous vivons dans un contexte résultant de dispositions qui ont été mises en place au lendemain de la Seconde Guerre mondiale et qui ne sont plus adaptées à la situation d'aujourd'hui.
J'insisterai plus particulièrement sur quelques points qui prennent actuellement une intensité particulière.
J'évoquerai, d'abord, le problème des Nouvelles Messageries de la presse parisienne, les NMPP. La loi Bichet de 1947 n'est plus adaptée à la situation actuelle. Cependant, l'objectif demeure : à l'évidence, la démocratie française exige que tous les journaux puissent arriver dans n'importe quel point de notre pays, à l'heure et sans discrimination. Or, aujourd'hui, le système ne fonctionne que grâce à une bonne volonté générale, qui s'émousse, voire disparaît. En effet, on ne peut pas demander à des personnes d'effectuer une tâche sans rémunération ou avec une rémunération très insuffisante. J'en suis convaincu, on arrive quasiment au terme de ce système, si vous n'y prenez pas garde, madame la ministre, et si vous ne mettez pas en place des dispositifs beaucoup plus adaptés.
J'examinerai, ensuite, le problème de l'AFP, l'agence France-Presse.
Votre prédécesseur avait nommé ou, plutôt, fait nommer M. Giuily - c'était en mars 1999 - avec pour mission de redresser la situation de cette entreprise en grande difficulté. L'année dernière, la commission des finances avait décidé de faire des contrôles sur pièces et sur place, comme nous en avons la possibilité. Mais M. Giuily semblait dans une telle difficulté et si soucieux de bien faire que nous avons décidé de surseoir à cette démarche, qui aurait pu être désagréable et lui compliquer la tâche. Force est de constater, aujourd'hui, que vous n'avez pas soutenu M. Giuily. Il est parti après avoir exercé ses responsabilités pendant une quinzaine de mois. Il s'est efforcé de redresser une entreprise qui ne pourra pas continuer d'exercer son métier. Or il s'agit d'un métier fondamental, qui consiste à être le regard de la France dans le monde entier. Notre pays ne peut que s'honorer d'avoir pu maintenir jusqu'à présent cette institution vaille que vaille. Il faut continuer.
Toutefois, dans des domaines importants, comme l'information du monde en matière économique, l'AFP, si elle n'a pas complètement « décroché », n'a plus les moyens de suivre ses concurrents. Cela ne va donc pas.
En outre et par définition, de nombreux personnels de l'AFP vivent à l'étranger. Ils subissent de plein fouet la dépréciation de l'euro et ne peuvent continuer à exercer leur métier sans revalorisation salariale.
Par ailleurs, cette entreprise est tout de même extraordinaire : il n'y a pas de capital ni d'actionnaires ; le conseil d'administration est composé essentiellement de clients et ceux qui décident de l'avenir de l'entreprise ne sont donc pas ceux qui doivent assumer la responsabilité de son fonctionnement.
Madame la ministre, nous allons, l'année prochaine, sérieusement examiner les problèmes de l'AFP. Nous n'entendons pas gêner son nouveau responsable. Le Sénat, comme il le fait habituellement, c'est-à-dire avec un esprit de responsabilité et le souci de faire en sorte que la France réussisse dans toutes ses composantes, conduira cette opération à partir du printemps car il est urgent d'intervenir, mais, j'en suis sûr, vous en êtes vous-même consciente.
Le changement de responsable est un geste d'humeur. Il ne suffira pas pour redresser la barque. Or, cela est urgent. Je vous confirme notre attachement à l'existence de l'AFP. Il s'agit d'un organisme important. L'AFP doit donc demeurer, mais comme une entreprise. Elle doit donc avoir une comptabilité, faire face aux nécessités de la modernisation, de l'engagement. Il faut qu'elle ait les moyens de vivre. Ces moyens sont certes financiers, mais aussi structurels. Telle est ma conviction.
J'en viens au prix du papier, qui est un problème mineur. J'ai entendu les responsables de presse. Vous les avez sans doute entendus vous-même à Lille. Ils vous ont présenté de nombreuses doléances, parmi lesquelles celle qui concerne le prix du papier. Une entreprise de presse est une entreprise comme une autre, qui doit assumer ses fins de mois. Aussi, il est important que vous trouviez une solution non pas en ce qui concerne le prix du papier - car celui-ci dépend du cours mondial - mais pour compenser le surcoût qui en résulte.
On continue une politique. Un fonds de modernisation a été créé. Son fonctionnement n'est pas une grande réussite, car il est extrêmement administratif. L'innovation n'est, semble-t-il, pas prise en compte. Dans un certain nombre de cas, il s'agit d'un moyen pour augmenter le nombre de véhicules ou pour diminuer l'âge du parc automobile car il est urgent de traiter les dossiers avant le 31 décembre. Si on ne rend pas des projets bien ficelés, c'est effectivement ainsi que les choses se passent.
La situation de la presse peut se résumer ainsi : une reconduction des crédits, pas ou peu d'innovations, et des problèmes qu'il est urgent de régler, je pense notamment à l'AFP et aux Nouvelles Messageries de la presse parisienne.
J'en viens à l'audiovisuel. Le problème est d'une autre ampleur. En effet, nous sommes en train de vivre en même temps plusieurs évolutions ou révolutions.
Si l'on s'en tient aux chiffres bruts, les crédits augmentent effectivement de 6,1 %, et vous avez donc été un ministre gâté. Mais il y a la mondialisation de l'économie. Avec l'avènement du numérique, il est nécessaire de fabriquer quantité de contenus. Les grandes concentrations auxquelles nous assistons montrent bien que, dans le monde entier, on s'adapte à cette évolution. L'audiovisuel public français devra avoir les moyens de suivre. Il n'est pas possible qu'il ne soit que diffuseur de contenus, qu'il aura, bien sûr, achetés à d'autres. En effet, on vit toujours sur les quotas, et c'est sans doute une bonne chose. Encore lui faudra-t-il être capable de réaliser en français suffisamment de productions à un moment où il sera nécessaire d'assurer simultanément de nombreuses diffusions.
Nous vivons donc à un moment où d'importants moyens sont nécessaires. Je pense aux contenus et à la numérisation. Je pense également à l'avènement du numérique terrestre. On verra ce qui se passera dans ce domaine-là. Beaucoup de choses se passent déjà au niveau des « tuyaux » de diffusion de l'image. Nous voyons apparaître une convergence entre le téléphone, Internet, qui, lui aussi, porte des images, et la télévision.
Selon les acteurs du domaine audiovisuel - c'est ce que j'entends de plus en plus non pas en France car dans notre pays on est plus réservé sur cette question, mais à l'étranger - Internet sera le tuyau et le produit - car c'est un produit particulier - le téléphone utilisera le même tuyau et la télévision sera donnée en prime. Quand je dis « la télévision », il s'agit bien sûr des télévisions du monde entier. Il faut bien en être conscient, raisonner à partir du seul Hexagone n'a plus de sens. C'est pourquoi il faut donner à l'audiovisuel public les moyens de travailler, les moyens d'exister et, à coup sûr, les moyens de vivre.
J'ai eu l'honneur de présider, à la commission des finances, un groupe de travail qui, pendant plusieurs mois, a rencontré les acteurs, a réfléchi, a essayé de comprendre ce qui se passe dans ce domaine. Nous sommes allés à Londres, au Canada, nous avons regardé ce qui se fait dans d'autres grands pays démocratiques.
Je tiens à vous le dire, la commission des finances est très attachée à l'existence d'un audiovisuel public fort. Nous l'avons dit et voté à l'unanimité. La commission des finances du Sénat, toutes tendances confondues, a considéré qu'il était nécessaire d'avoir un audiovisuel public de qualité, fort, correspondant à un esprit de service public, même si, parfois, on peut débattre sur ce point, comme l'a montré l'actualité récente. Telle est notre position.
Pour parvenir à cela, il faut des moyens. Or, vous avez décidé de diminuer la publicité. Ce choix a des conséquences. Alors que les diffuseurs privés voient leur chiffre d'affaires publicitaire augmenter - 16 % pour le principal d'entre eux et plus de 20 % pour M 6 - au 31 décembre prochain, la télévision publique affichera, au mieux, une stagnation de ses recettes publicitaires. Il faut donc absolument trouver une autre ressource, laquelle, dans l'état actuel du droit, ne peut être que la redevance. Des amendements ont été déposés sur ce point, et je vous exposerai tout à l'heure la position de la commission des finances. Mais il est nécessaire de bien réfléchir à ce sujet et de donner à l'audiovisuel public les moyens d'exister, de travailler et de préparer un avenir serein.
Vous avez choisi - et je crois que c'est un bon choix - de faire de France Télévision une entreprise comme les autres, avec un capital, avec les risques d'une entreprise, avec la subordination aux règles du droit privé en cas de pertes ou d'insuffisance de recettes. Par conséquent, le milliard de francs, que l'on ne voit d'ailleurs toujours pas venir, n'est pas suffisant.
La commission des finances a estimé qu'il faudrait au moins 4 milliards de francs de ressources, dont une part importante sous forme de capitalisation pour permettre à cette entreprise de perdurer sans difficulté. C'est quelque chose d'important.
Je rappellerai, afin que nous ayons tous une idée très claire de ce sujet, que la capitalisation boursière de TF 1, de Canal Plus et de M 6 représente aujourd'hui 350 milliards de francs, alors que l'on envisage de doter France Télévision de 1 milliard de francs. Je sais que la bourse fluctue, je sais que l'on ne fait pas la politique, et encore moins la politique audiovisuelle, à la corbeille ; mais ce que je sais - et l'arithmétique la plus élémentaire le prouve -, c'est que ces entreprises n'auraient aucune difficulté à augmenter leur capital de 1 % et qu'elles auraient immédiatement trois fois plus que le capital de France Télévision.
Madame la ministre, la commission des finances souhaite que vous donniez à cette entreprise France Télévision les moyens qui lui sont nécessaires pour, comme c'est notre choix, maintenir un audiovisuel public à hauteur de l'enjeu, qui n'est pas un simple enjeu technique ou ludique, mais également un enjeu démocratique ; c'est très important.
Enfin, j'évoquerai, pour terminer, l'absence complète de vue sur l'avenir de la télévision de proximité. France 3 n'est pas une télévision de proximité. Et la France est pratiquement le dernier des grands pays démocratiques à ne pas avoir de télévision de proximité.
Comme j'ai déjà eu l'occasion de l'indiquer à cette tribune, ma ville est jumelée avec une ville québécoise. J'ai vu naître dans cette dernière, voilà vingt ans, une véritable télévision de proximité. Celle-ci connaît une très grande réussite, bien qu'elle ne dispose pas de moyens considérables. La situation doit donc changer en France.
Si tel n'était pas le cas, vous laisseriez perdurer ce qui commence à apparaître. Vous savez parfaitement que certaines personnes, se fondant sur la directive européenne de 1992, fabriquent déjà, dans un petit pays situé à l'intérieur de la France, des images qui sont ensuite diffusées depuis Bruxelles. Or vous ne pouvez pas vous y opposer, car elles appliquent strictement la directive. Par conséquent, si vous n'adoptez pas, sur le sujet, une attitude claire, voire offensive, tout se passera en dehors des normes françaises, et vous n'y pourrez rien, ce qui serait bien dommage à beaucoup d'égards.
Voilà tout simplement ce que je voulais vous dire, madame la ministre. Au-delà des chiffres, aucune doctrine n'apparaît très clairement en matière d'audiovisuel public. La commission des finances proposera donc au Sénat, contrairement aux années précédentes - je tiens à le préciser - de rejeter les crédits budgétaires consacrés à la communication audiovisuelle. En effet, alors que l'heure est grave et qu'il faut s'adapter à une situation sous peine de voir les choses nous échapper, il n'est pas possible d'agir comme il le faudrait. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, des Républicains et Indépendants et du RPR, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Hugot, rapporteur pour avis.
M. Jean-Paul Hugot, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles pour la communication audiovisuelle. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, vous ne serez pas étonnés de constater dans mes propos un certain nombre de convergences avec les approches et peut-être aussi avec les conclusions de la commission des finances, brillamment exposées par notre collègue Claude Belot.
Les crédits de l'audiovisuel public augmenteront globalement de 6,1 % en 2001. Madame la ministre, si, sur ce point, la reconnaissance de l'effort est unanimement admise, il importe cependant de voir comment ces évolutions s'inscrivent à l'égard d'une loi récente puisque le progrès enregistré dans ce projet de budget a été présenté comme la traduction concrète des engagements pris dans le cadre de la loi du 1er août 2000. Ce critère d'appréciation s'impose effectivement - nous ne sommes pas que des comptables - quelque cinq mois après le vote de la loi, puisque, ce qui nous importe, ce sont les objectifs. C'est donc en fonction des intentions et des promesses de cette loi, à l'enrichissement de laquelle le Sénat a souhaité largement participer, que la commission des affaires culturelles a porté un jugement sur le projet de budget.
En ce qui concerne les promesses tenues, je note que l'augmentation globale des ressources résulte essentiellement - et c'est déjà inquiétant - de la forte diminution des prévisions de recettes publicitaires et de la hausse des ressources publiques. Certes, la part des ressources publiques passera de 74 % à 76,6 %.
Peut-être même, madame la ministre, les résultats constatés seront-ils même supérieurs, si l'on extrapole les mauvais chiffres des chaînes publiques sur le marché publicitaire en 1999 et en 2000. En effet, la baisse des recettes publicitaires est autant subie que voulue. La situation des chaînes publiques, vue à travers les bilans de 1999 publiés par le CSA, n'est en effet pas bonne : les résultats financiers ont été mauvais du fait d'une dégradation des parts de marché publicitaire causée elle-même - nous avons le devoir de le dire avec quelque regret - par la baisse des parts d'audience.
On nous dit que les résultats comptables et d'audience ont été stabilisés au cours du premier trimestre de cette année. Nous verrons l'an prochain si les bilans de 2000 le confirment ; nous évaluerons aussi l'incidence de la baisse des recettes publicitaires sur la qualité des programmes ; et nous pourrons commencer à voir si l'augmentation de la qualité justifiait l'abandon de ressources indispensables à la création du pôle industriel de l'audiovisuel public. J'ai exprimé plus que des doutes sur ce point au cours du débat législatif du printemps dernier, et la polémique qui vient d'éclater sur la programmation de France 3 me paraît susceptible de faire rebondir le débat. Mais il est difficile d'en dire plus pour le moment : le débat n'est manifestement pas tout à fait mûr.
Je voudrais poursuivre mon analyse de la mise en oeuvre budgétaire de la récente loi en évoquant une des rares propositions du projet initial que le Sénat avait approuvée d'emblée. Il s'agit de l'idée de pôle industriel de l'audiovisuel public, que vous avez renoncé à introduire explicitement dans la loi, madame la ministre, sans en rejeter la substance, me semble-t-il. C'est d'ailleurs un concept qui était évoqué dans les années précédant immédiatement votre prise de responsabilités.
Quoi qu'il en soit, nous avons tous souhaité, au printemps dernier, que la loi donne une impulsion décisive au développement de l'audiovisuel public, et nous avons à vérifier que le budget prend le relais.
Nous avons voulu inscrire dans la loi, à travers la définition des missions, la description des moyens, la réforme des structures, la confiance, réitérée après la déclaration de notre collègue de la commission des finances, que nous portons à l'audiovisuel public comme instrument d'un double objectif : d'une part, inventer, mettre en scène et diffuser cette « culture pour tous », fondée sur les valeurs de liberté et d'égalité, qui est indispensable à la construction permanente de notre lien social ; d'autre part, soutenir de façon active, en France comme à l'étranger, la vitalité de la culture française face à une mondialisation porteuse de valeurs que nous ne voulons pas assimiler servilement. La télévision publique doit, à mes yeux, trier les propositions d'autres cultures, les croiser avec nos propres traditions, affirmer la créativité et le rayonnement de nos valeurs.
C'est la raison pour laquelle, au-delà du taux enchanteur de 6,1 %, il est indispensable que nous vérifiions si le projet de budget traduit seulement les engagements du Gouvernement en matière de recettes publicitaires ou prend aussi en charge la mission que nous avons assignée à l'audiovisuel public il y a moins de cinq mois.
Se pose d'abord le problème global des moyens financiers.
Je souhaite, pour ma part, distinguer les modes de financement en fonction des deux objectifs que je viens d'évoquer, objectifs concernant, je le rappelle, d'une part, d'un point de vue national, la promotion d'une culture pour tous et, d'autre part, le rayonnement de la culture française dans le monde.
La redevance doit, à mon avis, financer le premier objectif, qui correspond à la mission généraliste de l'audiovisuel public, le faire sans entraver par des prélèvements excessifs la possibilité pour les auditeurs de consacrer une part de leur « budget audiovisuel », si je peux m'exprimer ainsi, à l'offre nouvelle de programmes payants. J'approuve donc, madame la ministre, le maintien des taux de la redevance à leur niveau de 2000.
Compte tenu des critiques largement justifiées portées contre l'archaïsme et le caractère inégalitaire de cette ressource, il est certainement souhaitable, par ailleurs, de réfléchir au moyen de réformer la redevance pour lui assurer une vraie légitimité. Mais il faut la réformer pour pouvoir la maintenir. J'esquisse à cet égard dans mon rapport écrit quelques commentaires que je n'ai pas le temps de développer à cette tribune.
Les crédits budgétaires affectés à l'audiovisuel public constituent la seconde source de financement public. Il faut, à mon avis, fixer leur montant en fonction du niveau des objectifs que les pouvoirs publics assignent à l'audiovisuel public en tant qu'instrument du rayonnement international et avant tout européen de la culture française - c'est la seconde mission. Comme les fonctions traditionnelles de souveraineté de l'Etat, telle la fonction diplomatique, par exemple, cette mission doit être financée par des dotations budgétaires et non par les assujettis à la redevance. Les crédits budgétaires doivent, en outre, être fixés à un niveau suffisamment élevé pour que le développement lié à la mise en oeuvre de cette mission soit assuré dans les meilleures conditions. Il faut en particulier que le pôle industriel public soit convenablement financé afin que le groupe France Télévision puisse investir le numérique de terre avec une véritable dynamique et pour que la télévision publique soit en mesure de tirer l'industrie française des programmes, mais désormais dans un champ de compétition qui est clairement mondial.
Nous en sommes loin.
Le financement des nouvelles chaînes numériques publiques, non prévu par le budget de 2001, apparaît en particulier très problématique. Le coût du projet numérique de France Télévision serait de 1,6 milliard de francs à 1,8 milliard de francs par an au terme de la période de lancement. Quels seront les financements ? La gratuité des chaînes publiques numériques a été annoncée, ce qui exclut les ressources d'abonnement. Le financement publicitaire est d'autant plus incertain que le marché du numérique de terre sera très concurrentiel, le Gouvernement et l'Assemblée nationale ayant souhaité que les fréquences destinées aux chaînes privées soient attribuées de façon prioritaire aux services gratuits. Le Gouvernement a annoncé pour plus tard une dotation en capital d'un milliard de francs. En Grande-Bretagne, ce sont 200 millions de livres qui seront levés chaque année pour financer le projet numérique, grâce à une augmentation annuelle de la redevance de 1,5 % en valeur.
J'ai dit pourquoi je ne propose pas d'augmenter chez nous les taux de la redevance. C'est le budget de l'Etat qui doit être mobilisé pour relever le défi du numérique et pour engager ainsi l'évolution vers le pôle industriel public capable de porter sur les plans national et international nos ambitions culturelles. Qu'est en effet, aujourd'hui, un pôle industriel qui, d'emblée, n'assure pas sa survie et ses objectifs sur un champ de compétition mondiale ?
Or, il est clair que les crédits budgétaire de l'audiovisuel public n'iront pas au-delà des 2,16 milliards de francs accordés en 2001 au titre de la compensation des exonérations de redevance. Le système de financement mis en place par la loi du 1er août 2000 comporte en effet une sorte de butoir : toutes les exonérations seront compensées, et l'on s'arrêtera là pour ce qui est des crédits budgétaires.
Au cours de la discussion de cette loi, j'ai dénoncé à plusieurs reprises les chausse-trapes du régime juridique mis en place par l'Assemblée nationale pour le numérique de terre. J'en ai cité une ; il y en aura bien d'autres, pour le public comme pour le privé.
A côté du problème des moyens globaux du secteur public, je voudrais évoquer celui de la répartition des ressources entre les organismes.
Pour une augmentation globale des dotations de quelque 6 %, comme on l'a vu, le budget de RFI, par exemple, n'augmentera que de 3,5 %. Cela permettra à peine de financer les glissements et ajustements inéluctables, c'est-à-dire, essentiellement, les augmentations conventionnelles de salaires - y compris les 35 heures - et les mesures d'alignement sur les salaires du reste de l'audiovisuel public. RFI ne pourra consacrer que de très faibles moyens au développement d'activités et de projets nouveaux.
Je regrette fortement cette situation, qui affaiblira l'un des instruments les plus efficaces de notre politique audiovisuelle extérieure.
Je me félicite, en revanche, que le budget d'Arte augmente de 9,1 %. J'espère que ce traitement privilégié sera, comme la commission en a déjà exprimé le souhait, mis à profit pour élargir, spécialement vers l'Europe du Sud, les centres d'intérêt et les partenariats de la chaîne. Je crains en effet que le couple télévisuel franco-allemand ne tourne désespérément au vieux couple ressasseur. Il faut y introduire un peu d'air et de soleil.
En ce qui concerne l'aide à l'industrie des programmes, j'ai noté les efforts que vous avez consentis, après que les signaux d'alarme eurent sonné assez longtemps, afin de réagir aux menaces que la direction générale de la concurrence de la Commission européenne fait périodiquement peser sur les systèmes d'aide nationaux.
La réunion du Conseil « culture et audiovisuel » du 23 novembre dernier a permis, sur votre initiative, madame la ministre, de préciser la position des ministes sur ce point. Dans une résolution sur les aides nationales au cinéma et à l'audiovisuel, le Conseil a en effet souligné que l'industrie audiovisuelle constituait une « industrie culturelle par excellence » et a affirmé la nécessité des aides nationales pour compenser les faiblesses structurelles des industries européennes.
Je me félicite de cette prise de position, sans en exagérer, malheureusement, la portée, car la position du Conseil « culture » ne modifiera pas les pouvoirs dont la Commission européenne dispose pour la mise en oeuvre du droit européen de la concurrence.
Quelles sont alors les perspectives concrètes ? Je voudrais avoir votre analyse sur ce dossier, madame la ministre.
Lors du débat législatif du printemps dernier, le Gouvernement et l'Assemblée nationale ont pris l'initiative d'introduire dans la loi des mesures détaillées en faveur de l'industrie française des programmes, sans craindre d'empiéter sur le domaine réglementaire. Etait-ce utile ou vain ? Etait-ce louable intention ou simple affichage, dans la mesure où l'on n'est pas certain, aujourd'hui, de pouvoir faire obstacle aux tendances éradicatrices de la Commission européenne ?
Je termine mon analyse par un dernier parallèle entre le projet de budget et la loi d'août 2000.
Je me souviens, madame la ministre, que vous aviez mentionné le renforcement de la régulation parmi les nombreux mérites de la loi du 1er août 2000. Je me souviens aussi que vous citiez parmi les éléments forts de ce renforcement le rôle attribué au CSA dans la mise en place de l'offre du numérique de terre et ses nouvelles compétences en matière de surveillance des candidatures des actionnaires des chaînes privées à des marchés publics ou à des délégations de service public.
Or, pour faire face à ces nouvelles compétences, ainsi qu'à l'extension de son champ de compétences à la diffusion satellitaire, le CSA a demandé la création de... trois emplois. Cette demande me paraît des plus modestes, compte tenu du rôle directeur que la loi a attribué au CSA dans la mise en place du numérique de terre. Je rappelle que le régulateur est quasiment appelé à se substituer aux opérateurs dans la détermination de l'offre numérique proposée au public. Ce n'est pas une mince responsabilité !
Or, le CSA n'a obtenu, m'a-t-il été indiqué, que deux emplois nouveaux, ce qui ne lui permettra guère de se lancer dans le dépouillement des candidatures aux marchés publics. Cette compétence, présentée voilà cinq mois comme un pas décisif vers la transparence et la déontologie, est-elle jetée aux oubliettes ? Quant à la mise en place du numérique de terre, je crains qu'elle n'ait lieu, dans ces conditions, au petit bonheur la chance et qu'elle ne nous réserve des surprises, qui n'en seront d'ailleurs pas vraiment pour qui a suivi les débats législatifs du Sénat sur ce dossier.
Pour toutes ces raisons, la commission des affaires culturelles estime que les enjeux les plus importants ont été mal perçus et que les réponses ont été mal conçues. Nous proposons donc de donner un avis défavorable à l'adoption des crédits de la communication audiovisuelle pour 2001.
M. le président. La parole est à M. de Broissia, rapporteur pour avis.
M. Louis de Broissia, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles pour la presse écrite. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, les aides budgétaires directes qui, chaque année, servent à mesurer de manière synthétique et, bien entendu, sommaire l'évolution de l'effort de l'Etat en faveur de la presse diminueront de près de 2 % en 2001.
Tout d'abord, mes chers collègues, d'où vient ce chiffre, différent de celui de 1,8 % annoncé aussi à bon droit, madame la ministre, lors de votre récente audition par notre commission ?
Il s'explique par la diminution draconienne de l'aide au plan social de la presse parisienne. Cette aide finançant un programme en voie d'achèvement, sa diminution est donc normale. Il n'en reste pas moins que les aides budgétaires directes diminueront, en 2001, de 9,5 millions de francs, alors que la presse évolue - je rejoins, là encore, l'analyse de M. le rapporteur spécial - dans un environnement économique difficile et qu'il aurait été justifié d'affecter cette somme, ou d'autres, à des actions compensatrices des handicaps nouveaux ou persistants dont souffre la presse.
Quels sont donc ces handicaps ?
Le chiffre d'affaires de la presse a augmenté globalement de 5,3 % en 1999, soit un résultat honorable, mais cette reprise est très fragile, dans la mesure où elle est tirée fortement par la publicité, alors que le lectorat continue de se dégrader.
Elle restera fragile à l'avenir puisque s'annonce, de façon inéluctable, en 2001, une augmentation de 15 % à 20 % du prix du papier journal qui dégradera fortement les comptes. Pour donner un exemple, le prix du papier journal, dans un quotidien régional, représente environ 20 % des charges globales, ce qui revient à dire que 4 % à 5 % de la rentabilité brute se trouvent affectés. Une menace évidente plane également sur l'accroissement de l'espace éditorial entrepris depuis plusieurs années par quantité de journaux afin de développer leur lectorat.
Enfin, la reprise est fragile dans la mesure où la presse d'information politique et générale, dont la vitalité est indispensable à la démocratie, en bénéficie très peu.
Vous me direz, madame la ministre, que la réaffectation de 9,5 millions de francs aurait peu contribué à la solution de ces vastes problèmes et qu'elle n'aurait été qu'un modeste symbole, sachant que les dotations de 2001 atteindront 613 millions de francs si l'on s'en tient aux aides budgétaires directes, 868 millions de francs si l'on y ajoute les abonnements de l'Etat à l'AFP, 2,3 milliards si l'on tient compte du fonds de modernisation et quelque 10 milliards de francs si l'on considère l'ensemble des aides indirectes. L'ensemble des chiffres figurent dans le rapport écrit.
Tout cela est vrai. Mais la diminution de 2 % des aides budgétaires directes est surtout révélatrice, mes chers collègues, d'une politique d'attentisme - c'est, madame la ministre, le mot le plus plaisant que j'ai pu trouver - dont les manifestations m'apparaissent alarmantes. Je vais en citer quelques cas.
Je commencerai, à tout seigneur tout honneur, par l'AFP, et vous ne serez pas étonnés que j'évoque immédiatement son sort.
Chacun sait que certaines dispositions du statut de l'AFP, qui remonte à la IVe République et que l'on doit à l'initiative d'un ministre de l'époque qui s'appelait François Mitterand, empêchent la recherche des financements nécessaires à son développement.
Je ferai court. Nombre de présidents se sont exprimés sur ce sujet. Le Gouvernement a rappelé le soutien qu'il a apporté aux tentatives, de plus en plus modestes, lancées par l'avant-dernier président. Ce soutien s'est fait discret, si j'ose dire, puis chancelant. Changer sans rien toucher, tel était le mot d'ordre du Gouvernement, et d'ailleurs celui de l'ensemble de l'environnement de l'AFP, jusqu'à ce qu'on se rende compte qu'il fallait tout de même faire semblant de bouger. Aussi a-t-on préféré changer de président plutôt que de dispositions statutaires !
La commission des affaires culturelles, considérant que c'était son devoir, a, de ce fait, adopté une proposition de loi adaptant la loi de 1957, ancienne et caduque, aux exigences minimales d'une relance de l'AFP.
Nous voulions permettre au conseil de l'AFP d'adopter un budget en déséquilibre, à titre exceptionnel, après avis motivé de la commission financière. Nous voulions consacrer le droit de l'AFP de recourir à des emprunts, ce qui semble aussi être le bon sens. Ces propositions ont été écartées.
Madame la ministre, nous serons heureux de vous entendre, l'augmentation de 0,93 % des abonnements de l'Etat à l'AFP me paraissant relever plus de l'humour que d'une véritable réponse à la dure réalité à laquelle est confrontée l'AFP.
Et voici que le nouveau président a annoncé, madame la ministre - j'y suis sensible, en tant que rapporteur des crédits de la presse - qu'avec l'accord de l'Etat, et cela n'a jamais été démenti, un budget pourrait être adopté en déséquilibre !
Je ne chercherai pas à me retrouver dans ces circonvolutions de bateau ivre. Je rappelle simplement que l'adoption d'un budget en déséquilibre est illégale en l'état actuel de la loi. Je le ferai alors remarquer ; ce sera mon devoir, ce sera notre devoir.
La réorganisation des Nouvelles Messageries de la presse parisienne, les NMPP est un autre sujet d'inquiétude.
La situation est claire, je la résume : les NMPP sont, en France, le principal acteur de la vente de la presse au numéro.
Leurs ventes représentaient, en 1998, à peu près le tiers du marché total de la vente de la presse, 51 % du marché de la vente au numéro et 88 % du marché de la vente au numéro de la presse nationale.
Or, ces chiffres ont tendance à régresser, ce qui met en péril la situation d'une entreprise essentielle pour la distribution de la presse. La concurrence est en effet engagée avec d'autres formes de distribution, comme le portage, ou avec d'autres entreprises.
Le Gouvernement, je le souligne, n'a pas méconnu la gravité de la situation. Un rapport a été commandé, en janvier 2000, à un membre du Conseil d'Etat par votre ministère. Hélas ! ce rapport a soigneusement évité de répondre à la seule question que l'Etat doit se poser, celle de l'imputation de la charge financière que, dans l'intérêt public, dans l'intérêt du pluralisme de l'information et de la démocratie, la distribution de la presse quotidienne d'information politique et générale fait peser sur les NMPP, et donc sur la collectivité des éditeurs.
Pour le moment, la réponse de l'Etat demeure ambiguë. Vous avez reçu récemment, en février dernier, le syndicat CGT des NMPP. Mme Trautmann n'avait pas, à l'époque, rejeté le principe d'une contribution de l'Etat à la mise en oeuvre du plan. Les subventions annoncées n'ont pas été adoptées.
Vous avez déclaré devant notre commission, madame la ministre - j'en prends acte - que vous ne refusiez pas, mais que vous étiez attentive à ce que pourrait dire l'Europe. Cette position nous apparaît, au mieux, ambiguë et, au pire, annonciatrice d'une stratégie de défaussement que je viens de constater, s'agissant de l'AFP.
Notre commission estime légitime - notre débat, à cet égard, a été fort intéressant - que l'Etat prenne en charge les coûts spécifiques afférents à la distribution de ce type de presse, dans le cadre juridique de la notion de service universel, que nous défendons, et que la Commission européenne ne saurait critiquer à l'heure où l'Union adopte une charte des droits fondamentaux consacrant solennellement les principes de la démocratie et dressant un inventaire de leurs conséquences.
Au-delà de l'AFP, des NMPP, c'est une stratégie globale de reconquête du lectorat qu'il faudrait aider la presse à mettre en oeuvre. Il faut savoir que 45 % du lectorat de l'ensemble de la presse a plus de cinquante-cinq ans. D'où la nécessité de former - je le dis depuis plusieurs années à cette tribune ou ailleurs - la jeunesse scolaire à la lecture de la presse. C'est à cet âge que l'on « accroche » la lecture.
C'est pourquoi je m'attache depuis plusieurs mois - en vain jusqu'à présent, mais j'y arriverai sans doute un jour - à faire admettre l'idée de créer un fonds de concours destiné à permettre à l'ensemble des classes des établissements d'enseignement - je dis bien à chaque classe - de disposer, dans des conditions favorables, d'abonnements aux journaux de toutes tendances. Je sais que le CLEMI, le Centre de liaison de l'enseignement et des moyens d'information, y travaille, mais il s'agit de remèdes trop homéopathiques pour enrayer la dégradation du lectorat de la presse.
D'autres préoccupations de la presse à vocation nationale ou régionale mériteraient de trouver une traduction budgétaire. Je vous livre en vrac quelques suggestions à cet égard.
Tout d'abord, l'aide à la transmission des données numérisées pourrait utilement être progressivement substituée à celle qui concerne le fac-similé, or cette mesure n'est pas inscrite au projet de budget pour 2001.
Ensuite, l'élargissement du champ d'intervention du fonds de modernisation de la presse à d'autres supports que le papier devient une nécessité, car la presse dans le monde ne sera plus jamais « unimédia ». Or les crédits de ce fonds de modernisation, madame la ministre, déclinent. En effet, ils atteignent 160 millions de francs, alors que l'on avait évoqué le chiffre de 300 millions, voire de 400 millions de francs lors de l'examen de la proposition de loi de notre collègue député Jean-Marie Le Guen. Rien ne permet d'espérer le redressement du montant de ces crédits.
Enfin, un autre aspect de ce projet de budget pour 2001 nous inquiète : aucune mesure nouvelle ne concerne les correspondants de presse, véritables artisans de la presse au coeur de la vie des quartiers urbains ou des cantons ruraux, alors que les bas revenus sont exonérés de la CSG et du RDS.
Pour conclure, j'affirmerai qu'un grand redéploiement du budget des aides à la presse était possible et souhaitable. Le projet de loi de finances pour 2001 ne l'engage pas : c'est une occasion ratée, alors que la croissance économique le permettait.
Pour toutes ces raisons, la commission des affaires culturelles a émis un avis défavorable à l'adoption des crédits de la presse pour 2001. Elle souhaite à l'avenir, madame la ministre, des arbitrages plus volontaristes en faveur de l'un des piliers de la démocratie. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
Groupe du Rassemblement pour la République, dix-huit minutes ;
Groupe socialiste, seize minutes ;
Groupe de l'Union centriste, quatorze minutes ;
Groupe des Républicains et Indépendants, quatorze minutes ;
Groupe du Rassemblement démocratique et social européen, douze minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, onze minutes.
Je rappelle que, en application des décisions de la conférence des présidents, aucune intervention des orateurs des groupes ne doit dépasser dix minutes. Je demande à chacun d'y veiller.
Par ailleurs, le temps de parole prévu pour le Gouvernement est de quarante-cinq minutes au maximum.
Telles sont les règles que nous respectons depuis le début de la seconde partie du débat budgétaire.
Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Renar.
M. Ivan Renar. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, la télévision et, dans une moindre mesure, la radio doivent-elles et peuvent-elles sortir des crises qui les secouent, au moment même où l'accompagnement budgétaire du Gouvernement marque une très nette progression des dotations publiques, avec une hausse des crédits de 6,1 % par rapport à l'an dernier ? Est-ce à dire que cet accompagnement budgétaire suffira à redonner au service public de la communication une place particulière dans le paysage audiovisuel de notre pays ?
Nous ne le pensons pas, et ce pour de multiples raisons, eu égard en particulier à l'inadéquation qui existe entre la réalité du secteur de l'audiovisuel aujourd'hui, en incessante mutation, et les mesures politiques d'accompagnement.
Au moment où il conviendrait d'affirmer une volonté politique très forte en matière de contenus et d'originalité des programmes, où la recherche audiovisuelle devrait être renforcée, n'y a-t-il pas lieu de craindre, par exemple, un amoindrissement des missions de l'Institut national de l'audiovisuel, l'INA, qui subit une réduction de 1 % du montant de ses dotations ? Le développement du numérique à Radio-France peut-il se concevoir alors que les missions de ce groupe se trouvent réduites ? D'ores et déjà, le réseau de FIP et les productions locales et régionales y ont beaucoup perdu.
La majorité plurielle reste, je l'avoue, attendue sur le terrain de l'audiovisuel, comme sur celui de la culture, d'ailleurs.
A la suite de l'adoption d'un nouveau cadre législatif pour l'audiovisuel, la télévision publique peine aujourd'hui à trouver une place originale au sein d'un secteur très fortement concurrentiel, et c'est là un euphémisme ! On ne peut se satisfaire du constat d'une relative inadaptation de notre télévision publique.
Peut-être le moment est-il venu de remettre sur l'établi un certain nombre des politiques qui ont été conduites jusqu'à présent et de chercher les raisons structurelles des difficultés que traversent les chaînes publiques. Les objectifs de qualité des programmes inscrits dans la loi récemment adoptée peuvent-ils réellement être atteints sans que l'on remette en question l'ensemble de la politique des programmes ? L'absence d'un volet relatif à l'industrie des programmes, s'agissant notamment du service public, n'est-elle pas une entrave à l'originalité que nous souhaiterions voir mise en oeuvre ?
Au-delà des missions de régulation du Conseil supérieur de l'audiovisuel - je ne remets pas du tout en cause le bien-fondé de l'existence de cette instance - ne conviendrait-il pas de donner au politique, notamment à la représentation nationale, des instruments permettant de mieux orienter qu'aujourd'hui les missions du service public de l'audiovisuel, à l'image, par exemple, de ce que représente l'Office d'évaluation des choix scientifiques et technologiques dans un autre domaine ?
Certes, l'apport de moyens financiers publics nouveaux pour l'audiovisuel était nécessaire, et il conviendra de poursuivre cette démarche. Nous savons que notre pays avait pris en la matière un très gros retard, mais il faut avoir, pour l'audiovisuel public, d'autres ambitions.
En effet, n'est-il pas nécessaire, voire vital pour elle, que la télévision de service public reste une réponse incontournable aux attentes très diverses de nos compatriotes en matière de programmes ? Pour ce faire, peut-être convient-il de favoriser plus que ne l'a fait la loi sur la liberté de la communication les spécificités du service public.
Certes, les chaînes thématiques existent et le service public doit tenir une place dans ce secteur, mais on constate aujourd'hui un éclatement de la télévision, peu propice aux surprises du talent, à la création dont pourrait se nourrir l'audiovisuel.
Au-delà de l'examen du projet de budget lui-même, nous souhaiterions qu'un réel débat s'engage sur les missions de l'audiovisuel public dans notre pays, de la même manière qu'il serait bon que la représentation nationale soit associée, plus qu'elle ne l'est actuellement, à la mise en place du réseau hertzien numérique.
En matière de presse écrite, madame la ministre, je prends acte avec satisfaction des efforts continus consentis en matière d'aides, particulièrement en direction des journaux, des hebdomadaires et des quotidiens ne bénéficiant que de faibles ressources publicitaires. Je n'insisterai jamais assez sur l'absolue nécessité de ces aides, qui sont non pas une aumône mais un véritable concours à l'exercice du pluralisme, donc de la démocratie. Et ce n'est pas inutile !
La presse se porte mieux, peut-on entendre ou lire. Qui s'en plaindra ? Je me garderai pourtant bien, pour ma part, de toute vision idyllique des choses, car la presse écrite est confrontée à de nombreux défis, notamment avec la concurrence des nouveaux médias, la numérisation de l'entreprise de presse, la mondialisation, la concentration et, en arrière-plan, la « statue du commandeur » de la World Company .
Cela étant, l'éclaircie que j'ai évoquée est principalement due à un essor des ressources publicitaires. Mais qu'en sera-t-il demain ? La presse reste en effet en butte à des difficultés majeures, particulièrement à la réduction et au vieillissement du lectorat.
Mais, surtout, le bulletin de santé n'est pas identique pour tous. Je pense ici aux difficultés spécifiques que connaissent les journaux d'information politique et générale, ainsi qu'aux phénomènes de concentration et de regroupement menaçant des titres existants, ainsi que le pluralisme.
Dès lors, une question se pose : les dispositions actuelles suffisent-elles ou non à garantir réellement le maintien et l'existence d'une presse d'information libre, pluraliste et indépendante des grands groupes financiers ?
Cette question est d'autant plus légitime que l'ensemble de la presse écrite se trouve aujourd'hui confronté, comme je l'ai souligné, à des défis inédits liés à l'émergence et au développement des nouveaux vecteurs de communication, le réseau Internet en particulier. Aucun titre aujourd'hui ne peut penser son avenir hors de la « toile », sans apporter une réponse à ces besoins naissants des citoyens.
La presse écrite a donc besoin d'Internet. Cela ne peut que favoriser une reconquête du lectorat et le rajeunissement de celui-ci, mais Internet a aussi besoin de la presse écrite. Au moment où nous constatons une mainmise massive des grands groupes marchands sur les réseaux, je considère comme essentiel le développement de lieux alternatifs d'information et de portails progressistes. La responsabilité de la presse écrite, qui est mise en valeur par le remarquable sondage réalisé à l'occasion du congrès national de la Fédération de la presse, qui s'est tenu à Lille la semaine dernière.
Bien sûr, les interrogations ne manquent pas. Comment éviter que la révolution numérique n'amplifie les déséquilibres entre les journaux puissants et les autres, entre ceux qui pourront investir dans les nouveaux réseaux de communications et ceux qui n'en auront pas les moyens ? Comment garantir que la presse écrite garde sa spécificité, son éthique, les valeurs propres qui lui sont reconnues et qui lui valent cette relation de confiance avec le lecteur ? Autrement dit, la recherche de rentabilisation des investissements sur Internet ne risque-t-elle pas de dénaturer la presse écrite, de la noyer dans un mélange des genres entre information, divertissement, publicité et commerce ?
Nous touchons là à de véritables enjeux de société. La presse écrite et les nouveaux vecteurs de communication ont un chemin à parcourir ensemble, mais pas à n'importe quel prix. Il y a là matière à réflexion pour l'Etat, qui doit non pas brider et imposer, mais garantir le respect de valeurs éthiques, morales, démocratiques, déontologiques.
En effet, ce que l'on appelle la société de l'information, ou plutôt le nouvel environnement numérique, représente non pas une question technique, mais l'une des plus grandes questions politiques du moment, politique au meilleur sens du terme, c'est-à-dire ce qui permet d'assumer son destin et non de le subir.
Parler de la presse écrite m'amène tout naturellement à évoquer brièvement l'Agence France Presse, dont le Gouvernement vient d'annoncer l'apurement de la dette de quarante-cinq millions de francs. C'est là un deuxième pas, après celui de l'année dernière, dont nous prenons volontiers acte.
Néanmoins, la question de la modernisation de l'Agence et de son développement reste à ce jour incontournable. Nous avons à ce titre formulé un certain nombre de propositions - mise en oeuvre de nouvelles synergies publiques, dotation exceptionnelle pour modernisation, attribution d'un prêt bonifié - et, comme vous le savez, les personnels sont eux-mêmes porteurs d'un grand nombre de suggestions. Aussi souhaiterais-je connaître, madame la ministre, l'état des travaux menés par le ministère et, plus généralement, par le Gouvernement, sur le problème de la modernisation de l'Agence France Presse et du développement de ses missions.
Madame la ministre, lors du récent congrès de la Fédération de la presse qui s'est tenu à Lille, j'ai pu écouter et apprécier vos propos. Vous avez en particulier joliment cité Paul Valéry, souhaitant que « le commerce des esprits soit le premier commerce du monde ». Comment le garantir dans cette société libérale, où s'annonce, pour paraphraser Octavio Paz mais aussi Jack Ralite (sourires), le « marché sans concurrence ni miséricorde » ?
Mais, comme le disait Cocteau, « en amour, ce qui compte, ce ne sont pas les déclarations, ce sont les manifestations », ou, plus prosaïquement, la preuve du pudding, c'est qu'on le mange. (Nouveaux sourires.)
Madame la ministre, vous pouvez compter, pour aborder ce vaste chantier, sur notre soutien le plus résolu. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen, ainsi que sur les travées socialistes.) Mme Hélène Luc. Très bien !
M. le président. La parole à Mme Pourtaud.
Mme Danièle Pourtaud. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, qu'il s'agisse de demander des garanties pour Canal Plus dans la fusion Vivendi-Universal, de renforcer le service public de l'audiovisuel ou de se battre pour les crédits des grands programmes culturels et audiovisuels européens, le combat du gouvernement français - le vôtre, madame la ministre - vise bel et bien à préserver les capacités de production de nos industries de programmes, garantes de la diversité culturelle.
Dans l'univers numérique, la bataille d'aujourd'hui, et plus encore de demain, est plus que jamais, je le répète, celle des programmes.
Le projet de budget de la communication pour 2001 peut être qualifié d'emblée d'excellent : le Gouvernement tient ses promesses, et nous savons tous que vous n'y êtes pas pour rien, madame la ministre.
Ce budget devra permettre d'assumer une lourde tâche, celle de mettre en oeuvre la loi que nous avons votée avant l'été. Cette année sera effectivement une année stratégique pour France Télévision, avec trois axes majeurs : redonner au service public les moyens d'affirmer sa spécificité ; le renforcer globalement vis-à-vis de la concurrence du secteur privé ; assurer son développement dans l'aventure du numérique hertzien terrestre.
Il fallait donc continuer à renforcer les moyens du secteur public. Votre budget progresse de 6,1 %, et c'est la quatrième année consécutive qu'il croît. Je vous rappelle en effet, mes chers collègues, que ces crédits avaient déjà augmenté de 3 % en 1998 et en 1999, et de 4,8 % en 2000.
Le budget total de l'audiovisuel public représentera 20,6 milliards de francs, dont 13,5 milliards de francs pour le groupe public France Télévision, désormais en ordre de marche, plus de 1,1 milliard de francs pour Arte France, 3 milliards de francs pour Radio France et, enfin, 1,4 milliard de francs pour RFO, la société de radiodiffusion et de télévision pour l'outre-mer.
J'en viens au deuxième défi que vous avez relevé : redonner au service public les moyens d'affirmer sa spécificité en le rendant moins dépendant des recettes publicitaires.
Les financements publics représenteront plus de 75 % des ressources de l'audiovisuel public et 69,1 % de celles de France Télévision, avec deux conséquences : le confort pour les téléspectateurs, avec la fin des tunnels publicitaires, puisque le volume horaire sera passé en deux ans de douze à huit minutes, et, surtout, une certaine liberté de programmation qui devrait permettre à France Télévision, comme c'est sa vocation, de donner toute sa place à l'audace et à la création, sans négliger l'audience.
Je trouve assez étrange - ou amusant - que le rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, qui prétend défendre le secteur public, désapprouve ce budget, lui qui, en décembre 1996, votait des deux mains, si j'ose dire, un budget pour 1997 qui entérinait la diminution des ressources publiques de 1 milliard de francs en deux ans et faisait dépendre France 2 à plus de 50 % des recettes publicitaires. Le lien entre pression publicitaire et programmation n'est plus à démontrer dans cet hémicycle.
Aujourd'hui, ce sont 2,1 milliards de francs de remboursement des exonérations de redevance que l'Etat consacre à ce désengagement publicitaire. Je crois que les Français apprécieront.
Par ailleurs, cette manne supplémentaire servira en priorité les programmes, puisqu'ils bénéficieront de 450 millions de francs de mesures nouvelles, sur les 783 millions de francs accordés à France Télévision. Là encore, comparons avec le « bon budget » de décembre 1996, qui demandait à France 2 d'économiser 200 millions de francs sur les programmes ! Tous les créateurs qui travaillent pour le secteur public apprécieront, monsieur Hugot !
Néanmoins, je me permettrai, madame la ministre, de formuler rapidement quelques interrogations quelques inquiétudes.
La première inquiétude, et c'est le troisième défi qui est devant nous : permettre le développement du secteur public et, bien sûr, d'abord sur le numérique hertzien. M. le rapporteur pour avis semble s'indigner du milliard de francs promis par le Gouvernement, qui fera l'objet d'une dotation spécifique.
M. Jean-Paul Hugot, rapporteur pour avis. Ah bon !
Mme Danièle Pourtaud. Je vous rappelle, mes chers collègues, qu'aux termes de la loi que vous n'avez, il est vrai, pas votée, le secteur public bénéficie d'une priorité par rapport au secteur privé. Il sera doté d'au moins dix canaux sur les trente-six disponibles dans les six multiplexes.
Vous le savez comme moi, la viabilité économique du numérique hertzien terrestre repose sur l'équipement massif des téléspectateurs en terminaux numériques. L'offre de programmes doit être attractive et nous avons choisi de privilégier les services gratuits.
France Télévision vient d'ailleurs de finaliser un projet ambitieux de chaînes gratuites qui devront éclore à l'automne 2002 : une chaîne d'information permanente, qui s'appuiera sur la puissance rédactionnelle de France Télévision ; des chaînes régionales, qui permettront de nombreux décrochages locaux ; une chaîne « sport », qui rendra leur place aux sports délaissés par les chaînes généralistes ou les chaînes payantes, alors qu'ils regroupent énormément de pratiquants dans notre pays ; une chaîne « jeunes » pour les adolescents, qui cherchera à leur ressembler et à les rassembler, le « mouv » de la télévision en quelque sorte ; enfin, deux chaînes tournées vers la création française, d'abord une chaîne dite « nouveaux choix », qui sélectionnera les meilleurs programmes de France 2 et France 3 et donnera à certaines émissions programmées hors des heures de grande écoute l'opportunité de rencontrer de nouveaux publics, ensuite une chaîne « arts et spectacles », qui traitera de l'actualité artistique et fera mieux connaître aux Français notre patrimoine.
Nous devrons accompagner France Télévision dans cette aventure du numérique hertzien, qui constitue une chance pour le service public de répondre aux demandes du plus grand nombre et d'offrir de nouveaux débouchés à la production audiovisuelle. J'ajouterai que la dotation spécifique prévue, dont vous allez peut-être nous dire un mot, madame la ministre, ne fait d'ailleurs que couvrir une partie de l'ensemble des financements nécessaires, évalués à plus de 1,5 milliard de francs.
Deuxième inquiétude : les moyens financiers du secteur seront-ils suffisants pour affronter tous ces défis et pourront-ils maintenir le groupe public dans une concurrence équitable avec le secteur privé ?
Je le répète, le budget du secteur public français demeure trop faible comparé à celui de l'Allemagne, plus de 40 milliards de francs actuellement, ou à celui de la Grande-Bretagne, qui dépasse les 25 milliards de francs.
Je ne reprendrai pas ici la mauvaise et vieille polémique sur la suppression de la redevance. Je remarque qu'elle rebondit à travers un amendement présenté par certaines membres du groupe du RPR.
Mon avis est connu, je continue à penser qu'elle est non seulement nécessaire mais qu'elle devrait être augmentée pour atteindre les niveaux allemand de 1 000 francs, ou britannique de 1 200 francs.
M. Paul Blanc. C'est cela !
Mme Danièle Pourtaud. Elle est la garantie du financement autonome de l'audiovisuel public et, par là même, de son indépendance éditoriale, et je pense que l'on aurait tort de sous-estimer le lien qu'elle établit entre les Français et leur télévision publique.
Mais soyons réalistes, ce n'est sans doute pas la ressource dynamique à forte croissance annuelle dont a besoin le service public pour son développement. Nous devons faire preuve d'imagination, demander aux services de Bercy de faire des simulations et inventer une nouvelle ressource de complément, voire de substitution.
M. Louis de Broissia. Une vignette !
Mme Danièle Pourtaud. Je ne peux conclure sans revenir aux financements des télévisions associatives. Je dois redire encore une fois qu'il serait totalement incohérent et hypocrite de reconnaître le droit d'exister aux télévisions associatives sans leur en donner les moyens.
Je n'ai pas besoin de vous convaincre, madame la ministre, dans notre société dominée par les médias commerciaux, où le tiers secteur audiovisuel donne la parole aux citoyens, que ces télévisions sont des espaces de liberté, et qu'elles créent un lien social. Pouvez-vous nous préciser si elles peuvent espérer très rapidement la création d'un fonds de soutien à l'expression télévisuelle ?
J'évoquerai en quelques mots des sujets qui engagent l'Europe, alors que s'achève la présidence européenne, en exprimant une satisfaction et une inquiétude.
Avec 400 millions d'euros, le nouveau programme Média Plus est en hausse de 23 % par rapport à Média II. Je crois que c'est là encore le fruit de combats que vous avez menés. Le programme Média Plus se dote de financements, certes modestes, mais au moins au niveau de son ambition : favoriser la circulation de la production européenne dans l'univers numérique.
Moins assurée et beaucoup plus lourde de menaces est la question du sort de la culture et de l'audiovisuel dans les négociations internationales. Après l'AMI - accord multilatéral sur l'investissement - et les négociations NTM - New Transatlantic market - nous savons qu'aujourd'hui nos partenaires européens exercent une forte pression pour inclure l'article 133-5 du traité de Maastricht, dont dépendent culture et communication, dans le champ des sujets sur lesquels l'Europe déciderait à la majorité. Comme les artistes rassemblés il y a une heure devant l'Odéon, nous pensons, madame la ministre, qu'il faut plus que jamais préserver la diversité culturelle par l'exception culturelle.
Sachez que nous vous soutiendrons, madame la ministre, dans cette bataille et que le groupe socialiste votera avec plaisir ce budget, qui ouvre une nouvelle ère pour l'audiovisuel public. (Applaudissements sur les travées socialistes ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. La parole est à M. de Broissia.
M. Louis de Broissia. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, je ne vais pas reprendre, après l'excellent rapport de notre collègue Jean-Paul Hugot, les données de ce projet de budget pour 2001 sur l'audiovisuel public. L'évolution des crédits traduit bien le nouvel équilibre ou le nouveau déséquilibre qui s'opère entre les différentes ressources de l'audiovisuel public.
J'insisterai simplement sur deux points qui ont particulièrement retenu l'attention du groupe du Rassemblement pour la République : d'abord, l'enjeu du numérique dont Mme Pourtaud et d'autres intervenants ont parlé, ensuite, le maintien utile de la redevance audiovisuelle, et j'évoquerai, bien entendu, les défis de la programmation.
S'agissant de l'enjeu du numérique, madame le ministre, nous avions tous insisté, lors de l'examen du projet de loi sur l'audiovisuel, sur la nécessité de l'engagement de l'audiovisuel public dans ce mode de diffusion, mais aussi sur l'importance des coûts qu'entraînerait son développement.
Il est vrai que certains voient l'avenir en rose, et que d'autres sont plus réalistes ; mais le coût pour France Télévision a été chiffré - il figure dans le rapport de notre collègue M. Hugot - à 1,6 ou 1,8 milliard de francs. Nous avons la confirmation de ces chiffres et nous savons que ces investissements ne seront possibles qu'au prix d'un effort budgétaire important que la Grande-Bretagne a déjà consenti à hauteur de 200 millions de livres - ce chiffre figure également dans le rapport de notre collègue Hugot.
Madame le ministre, nous attendons que vous nous éclairiez quant à vos intentions en la matière.
La loi sur la liberté de communication, adoptée en août dernier, a permis des avancées voulues par le Sénat,...
Mme Danièle Pourtaud. Ah bon !
M. Louis de Broissia. ... notamment en matière de diffusion numérique hertzienne. Cet objectif majeur, compromis par les contraintes financières de cette même loi, n'a, semble-t-il, pas été pris en compte dans ce projet de budget, ou alors, madame le ministre, il y a des idées différentes, des idées de partenariat local ou national, d'ouverture sur le capital pour l'exploitation des multiplexes. Nous serions heureux que vous nous rassuriez sur ce point. J'émets un doute positif.
S'agissant de l'avenir de la redevance et de la manière dont l'audiovisuel public sera financé, plusieurs amendements ont été déposés. Pour ma part, je ne soutiendrai que celui que j'ai déposé avec M. Joyandet. Cet amendement vise à exonérer de la redevance ceux qui font partie du quart monde de l'audiovisuel, c'est-à-dire ceux qui ne reçoivent aujourd'hui rien. Est-il possible au xxie siècle d'admettre durablement qu'un téléspectateur soit obligé de payer pour des chaînes publiques qu'il ne reçoit pas ?
En revanche, je ne soutiendrai pas l'amendement de mes collègues visant à supprimer la redevance. Je pense, et je suis en cohérence avec ce que je disais voilà quelques jours s'agissant de la vignette automobile, qu'il s'agit d'un impôt d'usage qui établit un lien entre le public et le service public de l'audiovisuel.
On peut s'interroger sur l'avenir d'une telle taxe. Nous avons soulevé cette question à plusieurs reprises, en particulier avec M. Pelchat. Son mode de recouvrement est archaïque et plus coûteux que celui de la vignette automobile, que le Gouvernement a pourtant choisi de supprimer pour plusieurs raisons, dont, m'a-t-on dit, des raisons électorales propres au lieu où se situe le service de la redevance !
Quel paradoxe en tout cas de ne pas vouloir maintenir un financement transparent comme c'est le cas dans la plupart des pays européens.
Quel paradoxe ce serait aussi de ne pas nous pencher sur la programmation de la télévision publique. Il serait tout de même navrant que le Sénat n'aborde pas cette question. L'audiovisuel public s'efforce de diversifier ses programmes, de « coller » davantage aux demandes de tous les publics, au risque de déplaire en diffusant des émissions qui sont - nous pensons tous à des émissions comme « C'est mon choix » mais il en est d'autres - jugées trop racoleuses, populaires, voire voyeuristes.
Quel paradoxe effectivement que notre service public à la française n'ait comme ressource, si je puis dire, que d'être condamné par des parlementaires. J'ai entendu hier et ce matin des commentateurs de la presse radiophonique déclarer que nos collègues de l'Assemblée nationale devenaient les censeurs ou les procureurs des médias publics. C'est là, madame le ministre, que le fameux équilibre entre le financement public et le financement privé pose problème.
L'audiovisuel public - nous l'avons tous souligné, mais nous n'avons pas été beaucoup entendus - est obligé en permanence de faire le grand écart entre des missions de service public dont la définition reste, quoi que l'on en dise, totalement floue et la nécessité évidente - il n'y a qu'à entendre les patrons de ces chaînes - de diffuser des émissions qui plaisent au public auquel elles sont relativement destinées.
Voilà donc le problème posé à l'occasion du vote du budget pour 2001. En ce domaine, mes chers collègues, ne faisons pas trop de crise d'ego et regardons le chiffre figurant dans le rapport de notre collègue M. Hugot qui reprend la réponse, madame le ministre, que vous avez bien voulu apporter à une question écrite que j'avais posée sur le financement public consenti par nos principaux partenaires européens. La France est loin derrière le Danemark, le Royaume-Uni et l'Allemagne. Nous pouvons faire infiniment mieux. Je ne pense pas que la suppression totale de la redevance réponde aux nécessités de l'heure.
Je ne voudrais pas, en revanche, que nous achevions cette discussion budgétaire sans évoquer deux sujets : l'indépendance du secteur public que, pour ma part, j'entends respecter par le maintien de la redevance, et le souci de la convergence qui doit être notre préoccupation première.
Je le pense, madame le ministre : dans les visions que vous nous proposez pour 2001, l'indépendance n'est pas mise en cause, mais la convergence me paraît particulièrement écartée. C'est la raison pour laquelle j'aurai de très grands doutes au moment du vote de ce budget.
M. le président. La parole est à M. Herment.
M. Rémi Herment. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous examinons aujourd'hui le budget du « toujours plus » et des « engagements tenus » selon vos propres termes, madame la ministre. A la fin de l'été, vous en avez dévoilé les chiffres et indiqué que le remboursement des exonérations de redevance sera intégral en 2001 et approchera 2,2 milliards de francs, montant qui représente plus du double des effets de la limitation de la publicité sur France 2 et France 3.
Le projet de budget du secteur public de la communication audiovisuelle s'élève donc à 20,6 milliards de francs pour 2001 contre 19 milliards de francs en 2000.
Les ressources publiques - redevances et dotations budgétaires - connaissent une croissance de près de 1,5 milliard de francs ce qui porte en deux ans la progression de l'effort public à 23,2 %. Le taux de redevance est stable et la redevance reste à 751 francs pour un récepteur couleur et à 479 francs pour un poste noir et blanc ; le produit des encaissements de cette redevance s'élève à 13,5 milliards de francs pour l'année prochaine.
Conformément à la loi du 1er août 2000, le budget de l'Etat compense l'impact des exonérations de redevance, et les crédits budgétaires s'élèvent à 2,11 milliards de francs. Il s'agit là de la concrétisation du fort desserrement de la dépendance des chaînes publiques à l'égard des recettes commerciales.
Si les ressources publiques augmentent, les ressources propres assignées aux organismes, quant à elles, diminuent, puisqu'il y a eu baisse des recettes publicitaires en raison de la réduction des écrans sur France 2 et sur France 3.
Les objectifs de recettes publicitaires ou de parrainage sont donc en baisse de 6 %, compte tenu de la restructuration des ressources pour la télévision publique.
Le holding France Télévision, qui était au coeur de la réforme législative, se trouve ainsi être le grand bénéficiaire de la manne publique et voit son budget, qualifié de « refondation », progresser de 6,1 %.
France Télévision disposera de 783 millions de francs de moyens nouveaux, dont 450 millions de francs seront entièrement consacrés aux programmes.
Les autres chaînes du secteur public bénéficient également de crédits supplémentaires, qui s'élèvent respectivement pour Arte à 9,1 %, pour RFO à 8,1 %, pour Radio-France à 6,1 % et pour RFI à 3,4 %.
Les axes prioritaires retenus pour 2001 tendent à « assurer des moyens au service public audiovisuel » et à « mettre en oeuvre la réforme de la télévision publique ».
Cela se traduit par « une rupture dans la structure de financement de l'audiovisuel public » et par « une augmentation des budgets totaux des sociétés ».
Cette rupture dans la structure du financement a pour conséquence une hausse de la part du financement public qui passera ainsi de 69,4 % en 1999, à 76 % en 2001.
L'augmentation des crédits publics résulte, pour moitié, de la hausse du rendement de la redevance et, pour moitié, de l'abondement des crédits budgétaires.
Pour autant, hormis cette grande tendance, il n'y rien sur le fond et ce budget laisse l'impression que les questions d'avenir ne sont pas réellement traitées.
Ainsi en est-il du numérique, pour lequel le Gouvernement indique qu'il n'a « pas été traité à l'occasion de la préparation de ce budget » et auquel il affecte un milliard de francs, mais pour 2002 !... J'y reviendrai dans un instant.
Autre pilier de la réforme mis à mal : la redevance. On a en effet entendu parler d'un projet de suppression. Cela aurait des conséquences dramatiques pour le financement de l'audiovisuel public, qui ne serait plus alors assuré, et perdrait l'indépendance que lui confère une taxe affectée...
Cela signifierait, à terme, la réduction du périmètre de l'audiovisuel public, donc la privatisation de France 2, et marquerait un tournant pour le PAF, qui basculerait dans le privé.
Ce qui est sûr, c'est que le débat sur la redevance est plus que jamais ouvert et qu'il ne peut être éludé... Vous avez, madame la ministre, avoué avoir engagé une réflexion sur un nouveau mode de financement à moyen terme car « la pérennité de la redevance pose un problème et son rendement n'est plus à la hauteur des défis du marché »...
Ce projet de budget ne répond pas à un problème immédiat : le numérique hertzien, dont le traitement est renvoyé à 2002. Pourtant, vous avez souligné, madame la ministre, lors du débat à l'Assemblée nationale, que le Gouvernement souhaitait un démarrage « rapide et réussi » de ce vaste projet. Dès lors, pourquoi attendre 2002 ? Seriez-vous inquiète des prises de position des principaux opérateurs privés - TF 1, Canal Plus ou le bouquet satellitaire TPS - qui soulignent que le numérique hertzien va au devant d'innombrables périls ? Certains lui prédisent même le sort funeste du plan câble comme dans les années quatre-vingt.
Par ailleurs, comme l'a fort bien rappelé, dans son rapport écrit, mon collègue M. Claude Belot, ce budget nous laisse l'impression que vous ne percevez pas complètement les enjeux du secteur. La France a besoin d'entreprises privées fortes. Pour cela, elles doivent pouvoir s'appuyer sur un cadre législatif stable et en adéquation avec celui qui est en vigueur à l'extérieur de nos frontières. Parallèlement, le service public, pour s'affirmer, doit pouvoir bénéficier de toutes les ressources disponibles pour faire face aux investissements qu'exige le numérique. Il doit aussi bénéficier de ressources courantes pour se placer sur le marché de l'interactivité.
En outre, votre politique, madame la ministre, demeure timide sur l'indispensable développement des télévisions locales. Pourtant nos concitoyens voient dans ces télévisions de proximité un moyen de cultiver leur identité et d'approfondir la démocratie.
Enfin, je dirai un mot sur les crédits d'aides à la presse pour 2001. Deux questions fondamentales ne sont pas réglées. Les Nouvelles messageries de la presse parisienne sont toujours en crise. L'agence France-Presse, l'AFP souffre toujours d'une situation dans laquelle l'Etat ne lui donne pas les moyens d'accomplir ses missions.
Vous l'aurez compris, madame la ministre, mes collègues et moi-même ne pourrons voter ni le budget de l'audiovisuel public, ni les crédits d'aides à la presse. Ils ne permettent pas d'envisager l'avenir sereinement, ils ne permettent pas aux entreprises publiques du secteur d'assurer l'indispensable convergence des technologies. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. Jean Boyer.
M. Jean Boyer. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, 6,1 % d'augmentation pour le budget de la communication, voilà qui devrait a priori nous satisfaire. Ce budget de la communication pour 2001 ne saurait cependant me contenter. Nous partons de si loin, madame la ministre, comparativement à nos voisins ! Et nous allons dans le mur si le sous-financement chronique du secteur public de l'audiovisuel perdure !
Nous savons depuis longtemps déjà que notre production nationale en matière d'audiovisuel est très inférieure à celle des Etats-Unis d'Amérique. Mais elle l'est aussi vis-à-vis de la production de nos voisins européens. Et cela, parce que nos chaînes publiques manquent de ressources !
Ainsi, par exemple, les ressources cumulées des chaînes françaises sont très largement inférieures à celles des diffuseurs britanniques et allemands. Là où pour les seules chaînes publiques allemandes le budget total des activités s'élevait en 1998 à 30 milliards de francs et les ressources de la BBC à légèrement plus de 30 milliards, le cumul des budgets de France 2, France 3, La cinquième, la Sept, Arte et l'INA atteignait péniblement les 14 milliards de francs !... Inutile de dire que nous ne pouvons prétendre combattre dans la même catégorie.
Qu'attendez-vous pour réformer le système de la redevance ? Estimez-vous la décision si impopulaire qu'il vaille mieux attendre des échéances électorales ? N'y a-t-il pas un intérêt populaire supérieur qui exige des réformes urgentes ?
J'insiste : il faut, sans attendre, en réformer le mode de perception. C'est là la principale source de financement du service public de l'audiovisuel. C'est la garantie d'un minimum de ressources stables et pérennes. Je rappellerai à ceux qui auraient des velléités de la supprimer qu'il y a quand même 13 pays sur 15 en Europe où une redevance est perçue pour l'audiovisuel, et à un taux supérieur !
Mon collègue M. Michel Pelchat a lui aussi déjà exposé ici, à plusieurs reprises, sa proposition de réforme de l'assiette de la redevance et M. Louis de Broissia y a fait allusion tout à l'heure en prenant comme fait générateur de celle-ci non plus le binôme « poste de télévision et point de réception » sur un rôle constitué par un acte de déclaration volontaire, mais simplement le « point de réception ».
Je n'y reviendrai pas dans le détail cet après-midi. Je ne reviendrai pas plus sur l'engagement pris dans la loi que nous avons votée il y a quelques mois en ce qui concerne le remboursement des exonérations.
A mon sens, vous le savez, cet engagement ne peut tenir que si, chaque année, à l'occasion du vote de la loi de finances, le Gouvernement soumet au Parlement le champ des exonérations qu'il envisage, ainsi que leurs conséquences budgétaires.
Je vous donnerai simplement quelques chiffres très révélateurs et instructifs quant au potentiel de recettes de redevances non perçues.
Au 30 avril 2000, les comptes gérés par le service de la redevance étaient de 21 884 980, exonérations comprises. Ceux qui se sont acquittés de cette taxe étaient ainsi 18 327 589 et les exonérés, eux, étaient au nombre de 3 557 391.
Or, savez-vous combien il y a de foyers en France ? A la même date du 30 avril, selon l'INSEE, il y avait plus de 29 millions de foyers !
Faudrait-il en conclure qu'il y a en France plus de 8 millions de foyers qui ne possèdent pas de poste de télévision ? Je laisse à chacun ici le soin d'apprécier... et de chercher l'erreur !
Ainsi, madame la ministre, parce que le budget que vous nous présentez n'est pas du tout à la hauteur des ambitions nécessaires pour le service public de l'audiovisuel, je ne voterai pas ce projet de budget pour la communication. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Laffitte.
M. Pierre Laffitte. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, les débats internationaux concernant les spectres de fréquences sont particulièrement vifs - je pense que mon collègue M. Ralite ne me démentira pas sur ce point - car, notamment lorsqu'il s'agit de questions stratégiques, nos amis américains ne sont pas tellement faciles à convaincre !
Les besoins en fréquences augmentent avec le développement des technologies de l'information et des communications, au rang desquelles je compte, bien entendu, la communication audiovisuelle.
Je rappelle que l'excellent rapport publié par le ministère de l'économie, des finances et de l'industrie en juin 2000 précise que la contribution de ce secteur à la croissance est infiniment supérieure à sa part du produit intérieur brut. On estime en effet que cette contribution pourrait aller jusqu'à 1,6 point de croissance, c'est-à-dire la moitié de la croissance en France, alors que le poids de ce secteur dans l'économie n'est que de 2,5 % à 3 %.
Cela provient de diverses raisons, en particulier de la « transversalité » totale de ces produits et de leur usage, et de la forte croissance des investissements dans ce secteur.
Tous les industriels du domaine stratégique considèrent que les besoins en fréquences sont très forts. Ils le prouvent puisque, pour obtenir une licence dans une bande de fréquence UMTS, ils sont allés jusqu'à s'engager à payer 32,5 milliards de francs, et pour se déployer sur la part du territoire qu'ils se sont engagés à couvrir, il leur faudra encore dépenser de l'ordre de 40 milliards de francs. C'est beaucoup d'argent !
Le coût du déploiement des UHF - Ultra High Frequency - et des VHF - Very High Frequency - est beaucoup plus faible, et coûtera de l'ordre du quart du prix, tout simplement parce que ces fréquences ont une longueur d'ondes plus grande et qu'un pylône couvre plus de territoire.
La numérisation va permettre de libérer une vingtaine, voire une trentaine de fréquences supplémentaires, indépendamment de celles qui sont attribuées aux opérateurs actuels. Par conséquent, on peut se demander s'il faudra les faire payer. Dans l'affirmative, quel en sera le coût, selon quelles modalités, en fonction de quels critères et de quelles priorités ?
Lors de la discussion du projet de loi relatif à la liberté de communication, examiné le 18 janvier 2000 en première lecture au Sénat, j'avais déjà évoqué ce sujet, en indiquant qu'à mon sens il serait déraisonnable de ne pas débattre au moins de l'affectation réservée à certains services prioritaires. Je pense, par exemple, aux services concernant la santé, la prévention, le télédiagnostic, la télémédecine ou la médecine à domicile - pensez au budget de la sécurité sociale - ou encore à d'autres domaines tels que l'enseignement et la formation continue, qui représentent environ 400 milliards de francs de dépenses dans le projet de budget pour 2001 et ne cessent d'augmenter. Bref, tout cela prouve qu'il y a vraiment là un problème majeur dont, à mon sens, le Parlement doit débattre.
Je ne sais pas quelles seront les positions qui seront prises, madame la ministre, mais une chose est sûre : il est absolument indispensable que le Parlement débatte de la mise à plat du spectre de fréquences.
Certaines fréquences sont affectées à des militaires, d'autres sont utilisées en commun avec des pays voisins, d'autres encore sont affectées à la télévision, d'autres enfin aux télécommunications... L'ordre de grandeur de la valeur de ces fréquences - la valeur affichée et non, comme l'ont fait les Britanniques, celle qui résulte d'une mise aux enchères ! - dépasse les 1 000 milliards de francs !
Cela mérite bien que le Gouvernement et le Parlement débattent de la répartition, des priorités, des modalités d'appréciation et éventuellement de la remise à plat des affectations et des responsabilités.
Des réaffectations en capital pourraient, monsieur Belot, être réalisées à cette occasion au bénéfice de France Télévision, qui doterait alors fortement la Banque de programmes et des services déjà mise en place par La Cinquième, afin de lui donner une réelle dimension nationale, et contribuerait aux services numériques interactifs que j'ai évoqués.
Cela précise bien que je ne suis pas opposé à la réaffectation de fréquences au domaine télévisuel. Il est d'autant plus nécessaire de mettre à plat les problèmes, les types de services et de monter les structures correspondantes, qu'il y a le phénomène de convergence.
Des télévisions commencent à diffuser sur Internet, à l'image de Canal Web. La prochaine fois que vous viendrez à Cannes, madame la ministre, vous serez filmée par Azur Télévision, une petite société qui vient de se créer et qui va probablement se capitaliser, pour diffuser largement sur Internet et vendre des produits culturels de proximité.
Cela conduit à envisager que ce ne sont plus les seules fréquences distribuées par le CSA qui doivent être contrôlées par le CSA. Il faut réorganiser les fonctions à la fois du Conseil supérieur de l'audiovisuel, de l'Autorité de régulation des télécommunications et de l'Agence nationale des fréquences. Sur ce point, madame la ministre, je souhaite que vous nous donniez un avis, et que vous preniez éventuellement un engagement sur l'intérêt que présenterait un débat au Parlement sur ce problème. Je vous remercie (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à M. Weber.
M. Henri Weber. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, ma collègue Danièle Pourtaud ayant dit tout le bien que nous pensons de votre projet de budget, je n'y reviendrai pas, sinon pour me réjouir des informations complémentaires que vous avez données aux députés : les 550 millions de francs d'exonérations supplémentaires votés par l'Assemblée nationale seront reversés intégralement à votre budget, via le fonds d'affectation spéciale, ainsi que les 200 millions de francs d'exédents de redevance perçus l'année dernière.
Toutefois, je tiens, au passage, à joindre ma protestation à celle de mes collègues députés et sénateurs concernant le coût de la collecte de cette redevance. La redevance en elle-même est une excellente chose - nous l'avions d'ailleurs défendue cet été lorsqu'elle a été mise en cause -, car elle permet d'assurer l'autonomie de l'audiovisuel public. En revanche, un récent rapport de l'inspection des finances a révélé que le coût de sa collecte était non pas de 400 millions de francs, comme on nous l'avait assuré jusque-là malgré nos marques de scepticisme, mais bien du double, voire de 1 milliard de francs, ce qui est exorbitant ! Je réitère la proposition de prélèvement automatique à la source de cette « malheureuse » somme de 753 francs annuels pour tous les ménages qui n'en sont pas exemptés ; quitte, pour ceux qui n'ont pas de poste de télévision, à faire une déclaration sur l'honneur. Un tel système de collecte non seulement serait beaucoup moins onéreux, mais permettrait de surcroît, en concentrant les contrôles sur une population plus étroite, de réduire la fraude, qui reste considérable.
S'agissant du financement de l'audiovisuel public, je note avec satisfaction une croissance de 6 %, contre 4,8 % l'année dernière. Conformément à nos engagements, la part des dotations publiques atteint désormais 76 %, les écrans publicitaires passant de dix à huit minutes.
Madame la ministre, il ne m'a pas échappé non plus que le chiffre d'affaires de TF1 a augmenté dans le même temps de 16 % et celui de M6 de 24 %, les deux chaînes commerciales bénéficiant de l'effet d'aubaine du retrait progressif de France Télévision du marché de la publicité. Le fossé entre les ressources des chaînes publiques et celles des chaînes privées continue donc de s'élargir, malgré l'effort considérable de financement que vous avez consenti. Il en va de même de l'autre fossé, celui qui existe entre les ressources de l'audiovisuel national, public et privé confondus, et celles de ses homologues étrangers, ressources supérieures d'un bon quart aux nôtres en ce qui concerne l'audiovisuel britannique et d'un bon tiers en ce qui concerne l'audiovisuel allemand.
Je rappelle que le Gouvernement de M. Tony Blair, qui n'est pourtant pas spécialement porté à augmenter les prélèvements obligatoires, s'est engagé à accroître la redevance de 2 milliards de francs par an pendant cinq ans pour financer l'essor du numérique hertzien en Grande-Bretagne. En Allemagne, cet engagement est de 3 milliards de francs par an. En comparaison, la dotation spécifique de 1 milliard de francs, confirmée par le Gouvernement, pour financer le développement de France Télévision dans le numérique hertzien, paraît bien modeste !
Madame la ministre, vous en avez conscience, je le sais, et vous êtes même plus encore préoccupée de l'existence de ce double handicap. Vos services travaillent à la recherche d'un financement nouveau du service public de l'audiovisuel, financement pérenne, affecté et dynamique, c'est-à-dire qui bénéficierait d'une croissance forte, car il serait indexé sur celle du secteur économique de l'information et des télécommunications plus que sur celle du budget de l'Etat.
Nous attendons avec intérêt des propositions dans ce domaine qui pourraient progressivement mettre un terme, à l'état de sous-financement chronique du secteur audiovisuel public et du secteur audiovisuel en général.
L'année 2000 sera aussi celle de la négociation des contrats d'objectifs et de moyens entre l'Etat actionnaire et France Télévision. Le débat sur ce qu'est et sur ce que devrait être une télévision de service public va rebondir de plus belle. Il a même déjà rebondi, si j'en juge par le discours tenu à cette tribune par M. de Broissia.
Si l'on s'efforce de définir la télévision publique par opposition à la télévision privée, l'une et l'autre étant, en quelque sorte, d'essence différente et assumant des fonctions radicalement autres, on aboutit, je le crois, à une impasse.
Une telle démarche pose en effet comme postulat implicite que la vocation des chaînes commerciales serait de divertir, de détendre, d'amuser, alors que la vocation des chaînes de service public serait d'éduquer, d'informer, d'élever les âmes. On aurait, d'un côté, une télévision récréative et, de l'autre, une télévision éducative, la seconde devant évidemment s'interdire de se laisser entraîner sur le terrain de la première ! Une telle approche, sous-jacente à bien des critiques que nous entendons actuellement, est caricaturale et dangereuse.
Elle est caricaturale, car les chaînes privées, TF1, M6 et Canal Plus ne se réduisent évidemment pas à cette fonction de divertissement. Elles assument, elles aussi, du fait de leur cahier des charges, mais aussi par leur propre mouvement, des missions de service public dans l'ordre de l'information, de la fiction, du débat.
Cette approche est par ailleurs dangereuse car, si les chaînes publiques généralistes ne se limitaient qu'à leur fonction éducative, si elles ne s'efforçaient pas de répondre aussi bien que possible aux besoins de divertissement, de détente, de jeux, des téléspectateurs, elles perdraient beaucoup de leur audience et se marginaliseraient.
Or conserver une vaste audience - elle est aujourd'hui, malgré la multiplication des chaînes concurrentes, supérieures à 40 % - constitue un impératif catégorique pour le service public de l'audiovisuel, car c'est précisément cette vaste audience qui lui permet de peser sur notre système audiovisuel dans son ensemble et de le conditionner.
La qualité et la fécondité de notre télévision proviennent largement, à mon sens, de l'équilibre et de la compétition qui se sont institués entre ces deux pôles.
Le premier est un pôle public puissant qui prétend incarner la tradition, les valeurs, les ambitions de la télévision de service public - promotion des oeuvres de fiction et des documentaires de qualité pour un grand public, informations nationales et internationales, animation du débat public -, fonction qui incite les chaînes privées à démontrer qu'elles peuvent, elles aussi, et peut-être mieux encore, s'acquitter de telles missions.
Le second est un pôle commercial qui, créant la concurrence, incite France Télévision à se soucier de son audience, à éviter l'élitisme, la routine et le corporatisme.
Cette émulation tire l'ensemble de notre système audiovisuel vers le haut. Il ne faudrait pas l'affaiblir. Si l'audience du service public tombait en deçà d'un certain seuil, si l'équilibre actuel était rompu, la dérive des chaînes commerciales ne connaîtrait plus de limite, comme on le voit en Italie ou aux Etats-Unis.
Je me réjouis de la progression de l'audience de France 3 qui est passée, en six mois, de 16,4 % à 17,3 %, ainsi que de l'image excellente que recueille cette chaîne auprès de nos concitoyens. Je juge un peu excessif le procès qui a été fait à l'émission « C'est mon choix ».
M. Louis de Broissia. Procès fait à gauche !
M. Henri Weber. Elle a sans doute donné lieu à des dérapages que la chaîne s'est d'ailleurs engagée à corriger, mais le concept de l'émission ne me paraît pas déplacé sur une chaîne publique, même si le choix des sujets mérite d'être resserré. Il est possible de divertir sans abêtir, d'amuser sans dégrader.
Nous attendons donc, madame la ministre, les contrats d'objectifs et de moyens en cours d'élaboration. Je ne doute pas qu'ils donneront vie à toutes les missions du service public de l'audiovisuel tout en ayant à coeur de préserver et d'augmenter son audience. C'est donc avec satisfaction et confiance que nous allons voter votre budget, que ma collègue et amie Danièle Pourtaud a qualifié à juste titre d'excellent. (Applaudissements sur les travées socialistes ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. Louis de Broissia. Débat intéressant entre MM. Weber et Fabius.
M. le président. La parole est à Mme le ministre.
Mme Catherine Tasca, ministre de la culture et de la communication. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je suis heureuse de vous présenter aujourd'hui le projet de budget de la communication pour 2001 et de renouer ainsi, après quelques années, ce débat avec votre assemblée, débat qui touche à des enjeux essentiels pour notre démocratie, ainsi que pour l'information, la culture et le divertissement de nos concitoyens.
A mes yeux, le projet de budget que je vous soumets est bon. Je commencerai par la presse.
Partons d'un constat : la presse va globalement plutôt bien. La reprise économique aidant, les journaux ont bénéficié de rentrées publicitaires qui ont atteint des niveaux importants. L'année 2000 sera très positive et cette tendance devrait se confirmer en 2001.
Je rappelle que, pour le Gouvernement, c'est toute la presse - quotidiens et magazines - qui doit pouvoir se développer dans de bonnes conditions, car elle contribue à la création d'un lien social fort. La presse est un secteur clef pour un pays démocratique. Il appartient donc au Gouvernement de créer l'environnement juridique et économique qui facilite son développement, dans le respect de la libre concurrence.
La véritable et durable indépendance de la presse nécessite santé économique et rentabilité. Il faut donc se féliciter de cette situation économique plus favorable, même si nous savons qu'elle est inégalement partagée.
L'existence d'une presse quotidienne d'information politique et générale est, à l'évidence, plus fragile.
C'est pourquoi le Gouvernement a soutenu, en 1997, une initiative parlementaire créant un fonds de modernisation pour accélérer la modernisation et le développement de cette presse, ce qui lui permet notamment d'être présente sur Internet, voie incontournable, comme l'a souligné M. Renar.
Depuis sa création, le fonds a permis d'accorder 200 aides pour un montant global de 327 millions de francs, ce qui n'est pas peu, vous en conviendrez, je pense, monsieur de Broissia.
La presse quotidienne régionale totalise 81 dossiers instruits et arrive en tête de l'aide avec 145 millions de francs. La presse quotidienne nationale a bénéficié, quant à elle, de 104,8 millions de francs, la presse quotidienne départementale de 39 millions de francs et la presse hebdomadaire régionale de 26,4 millions de francs.
Pour 2001, le montant estimé du compte d'affectation spéciale est de 160 millions de francs mais, comme vous le savez, le montant final de la ressource sera fonction du produit de la taxe sur la publicité destinée à le financer. C'est pourquoi j'ai demandé à ma collègue Mme Parly, secrétaire d'Etat chargé du budget, de veiller au bon fonctionnement de la perception de la taxe afin que, tant par son niveau que par sa dynamique, elle assure un meilleur financement du fonds de modernisation. La situation du marché publicitaire devrait le permettre, et mes services suivent ce dossier avec attention.
Pour le Gouvernement, vous l'avez bien compris, les aides sont prioritairement justifiées par le souci du maintien d'une diversité de titres d'information politique et générale, garant du pluralisme. Ce sont ces principes qui donnent à l'intervention publique sa légitimité puisqu'ils visent à garantir effectivement la liberté de la presse.
Je voudrais maintenant répondre à la question et aux suggestions de M. de Broissia concernant la presse à l'école.
En 1990, Lionel Jospin, alors ministre d'Etat, ministre de l'éducation nationale, et moi-même avons lancé la première semaine de la presse à l'école. Nous fêterons donc, au printemps 2001, sa douzième édition. Au cours de l'année 2000, cinq millions d'élèves ont été touchés, quatre cent cinquante journaux se sont portés volontaires pour distribuer, dans les différents établissements, 2 millions d'exemplaires, qui ont été acheminés par La Poste. On ne peut que se réjouir d'un tel succès !
Faut-il aller plus loin, comme vous le proposez, monsieur le rapporteur pour avis ? Dans l'affirmative, l'Etat doit-il intervenir ?
Il me semble que c'est plutôt dans l'établissement de relations au plan local entre les écoles, collèges ou lycées et les éditeurs que les solutions doivent être trouvées. En revanche, si de telles initiatives devaient exister, il conviendrait de veiller à assurer le pluralisme de l'information et à conserver la neutralité du service public de l'enseignement. Je suis certaine que les parents d'élèves y seraient très attentifs.
Les crédits qui seront consacrés aux aides directes à la presse baissent de 2 %. Mais cette baisse résulte du fait que le plan social de la presse quotidienne prendra fin le 31 août 2001, comme l'a rappelé M. de Broissia. Au total, c'est près d'un demi-milliard de francs qui auront été consacrés en tout par l'Etat à l'accompagnement social de la modernisation de la presse parisienne sur huit ans.
Pour rester dans le domaine des plans sociaux, des mesures propres aux NMPP, les Nouvelles Messageries de la presse parisienne, ont conduit l'Etat à intervenir pour accompagner le plan social de cette entreprise, de 1993 à 1999, à hauteur de 105 millions de francs.
Cela étant précisé, à périmètre constant, l'ensemble des crédits consacrés aux aides directes à la presse pour 2001 progressera de 1,8 %, passant de 247 millions à 255,7 millions de francs, comme je l'avais en effet indiqué devant votre commission.
A ce chiffre vient bien évidemment s'ajouter le montant des abonnements souscrits par l'Etat auprès de l'AFP, soit, en 2001, 613 millions de francs.
La part des abonnements souscrits par l'Etat par rapport au chiffre d'affaires de l'agence diminue depuis quinze ans grâce notamment aux efforts de développement de l'agence et à la diversification de ses ressources.
Aujourd'hui l'AFP, comme tous ses homologues, doit relever le défi de l'internet ; vous avez été nombreux à le rappeler à cette tribune.
Nous sommes convaincus que la révolution en cours du marché de l'information lui offre de réelles perspectives de développement sans qu'il soit nécessaire pour autant de remettre en cause ses missions et ses valeurs. Au contraire, le besoin d'informations vérifiées valorise et renforce le métier de base de l'agence et le travail de ses journalistes.
Nous souhaitons que M. Bertrand Eveno, président de l'AFP, construise une véritable politique de modernisation et de développement de son entreprise, dans la confiance, le dialogue et la transparence, comme l'a souhaité M. Belot.
C'est à partir d'un tel projet que peut s'engager la réflexion sur une réforme des statuts telle que l'appelle de ses voeux depuis longtemps, je dois le reconnaître, M. Broissia.
Mais le Gouvernement estime qu'une telle réforme ne peut s'engager dans une entreprise qui, pendant plusieurs mois, a douté de son avenir. Quelles qu'aient été les qualités et les propositions de son précédent président, celui-ci n'a pas été en mesure d'associer à son projet l'ensemble de son personnel et de son conseil d'administration.
Pour le Gouvernement, l'avenir de l'AFP ne peut se concevoir que selon deux critères principaux : d'une part, un respect scrupuleux de la déontologie qui fonde toute l'histoire même de l'AFP ; d'autre part, une équation économique impliquant l'ensemble des parties et suffisamment dynamique pour diversifier les recettes de l'agence.
L'Etat, je puis vous l'assurer, est prêt à prendre la part qui lui incombe. Il ne saurait agir seul. L'effort doit rester équilibré ; l'examen décidé par le Sénat, comme vous l'avez souligné, monsieur le rapporteur, peut y contribuer.
Je rappelle l'abandon de 45 millions de francs de prêts participatifs approuvé par la commission des finances de l'Assemblée nationale.
Je souhaite, à présent, évoquer plus particulièrement les aides publiques directes à la presse et le fonds d'aide au multimédia.
L'aide au portage des quotidiens, dont bénéficient déjà cinquante-neuf titres, permet de toucher et de fidéliser un nouveau lectorat. Elle progressera de 3,9 %. Il est à noter que, pour près de 70 %, cette aide a bénéficié cette année à la presse quotidienne régionale puisque 34,8 millions de francs ont été répartis sur trente-deux titres, alors que sept quotidiens nationaux et vingt quotidiens départementaux se partagent respectivement 10,4 millions de francs et 5,2 millions de francs.
Les trois fonds d'aide aux quotidiens nationaux ou départementaux et aux hebdomadaires régionaux à faibles ressources publicitaires ont progressé en trois ans de 31,6 %. Dix-sept quotidiens, dont cinq nationaux, et deux cents hebdomadaires régionaux en ont bénéficié.
Le fonds d'aide au multimédia accompagne désormais efficacement les développements en ligne des diverses catégories de presse. Je dois dire à ce propos que le colloque organisé par la fédération nationale de la presse à Lille a mis en évidence la prise de conscience chez l'ensemble des professionnels de l'absolue nécessité d'investir pour donner à leur entreprise un prolongement sur Internet.
Même s'ils n'ont aucune implication budgétaire, je souhaite évoquer devant le Sénat deux dossiers qui préoccupent actuellement les éditeurs de journaux.
Le premier concerne le papier journal, pour lequel sont apparues récemment des craintes de pénurie, ce dont je me suis bien évidemment préoccupée.
Un certain nombre d'éditeurs de presse s'approvisionnent directement auprès d'usines françaises, généralement dans le cadre de contrats annuels. Ces éditeurs ne paraissent pas aujourd'hui rencontrer de difficultés particulières.
D'autres, comme cela semble être le cas de la Société professionnelle des papiers de presse, la SPPP, depuis de nombreuses années, ont choisi, dans le cadre de leur politique commerciale, de s'approvisionner sur le marché spot international. Ceux-là s'émeuvent de difficultés éventuelles pour 2001.
Il serait évidemment regrettable que, au moment où la presse quotidienne a investi pour offrir aux annonceurs une meilleure qualité, par exemple par la systématisation de la quadrichromie, elle se retrouve pénalisée par une pagination qui s'avérerait insuffisante pour faire face à la demande des publicitaires.
Prenant en compte ces différents éléments, mon collègue Christian Pierret, secrétaire d'Etat à l'industrie, que j'avais immédiatement saisi de la question, m'a répondu : « Il me paraît important d'examiner les conditions dans lesquelles les producteurs français pourraient approvisionner de façon plus significative les éditeurs, notamment ceux qui rencontrent aujourd'hui des difficultés, sans ignorer que les contrats de longue durée passés par la profession avec ses clients actuels pourraient être un obstacle à une augmentation immédiate des quantités livrées. »
Je compte donc poursuivre le dialogue avec la SPPP, qui ne m'avait pas donné exactement cet éclairage sur la situation de l'approvisionnement des éditeurs de presse.
Le deuxième dossier que je souhaite évoquer devant vous est celui des NMPP, sur lequel a particulièrement insisté M. Belot.
Le 17 février 2000, l'opérateur Hachette et la direction des NMPP ont présenté à l'Etat les grandes lignes d'un plan de modernisation de l'entreprise.
Ce plan comporte un volet social, dont la mise en oeuvre et le financement devraient être assurés grâce à un accord de branche signé le 9 novembre dernier.
Par ailleurs, les NMPP et Hachette ont fait savoir que, selon eux, ce plan nécessiterait une aide pérenne de l'Etat, évaluée entre 200 et 250 millions de francs par an, s'ajoutant au coût pour l'Etat des mesures sociales.
Si une aide devait être apportée par l'Etat, elle devrait bien entendu répondre à une double exigence de transparence : transparence interne par la fourniture d'informations de caractère financier et comptable de la part de l'entreprise ; transparence externe par rapport, notamment, au respect des règles de la concurrence tant nationales qu'européennes.
La profession a pris l'initiative d'une table ronde sur la distribution de la presse en présence d'un représentant de l'Etat. Elle devrait se réunir de nouveau le 11 décembre prochain. Le Gouvernement est prêt à étudier, sur la base de propositions solides et consensuelles des éditeurs, un mécanisme d'aide à la distribution de la presse quotidienne nationale d'information politique et générale.
J'ai même engagé avec mes services des études ponctuelles sur les différents aspects techniques que se pose aujourd'hui notre système des NMPP.
Je tiens à vous dire, mesdames, messieurs les sénateurs, que, si les textes qui fondent tant l'agence France-Presse que les NMPP ont pris de l'âge, nous ne devons pas perdre de vue que la raison d'être de ces entreprises, au service de la liberté et du pluralisme de la presse, conservent toute sa validité.
Mme Danièle Pourtaud. Très bien !
Mme Catherine Tasca, ministre de la culture et de la communication. Tout aménagement de ces textes, toute évolution de ces entreprises devrait, bien sûr, s'inscrire dans ce même objectif.
J'ai noté avec un peu de surprise, je dois le dire, que plusieurs orateurs, notamment les rapporteurs, suggéraient de répondre à ces situations par des financements de l'Etat. L'Etat, je le répète, est prêt à prendre sa part. Mais je n'oublie pas que nous devons, par ailleurs, nous inscrire dans un propos budgétaire responsable qui, lui-même, s'inscrit dans une réflexion dynamique sur la diminution des dépenses publiques et la réduction des impôts.
Je voudrais évoquer également, M. de Brossia ayant appelé mon attention sur ce point, la situation des correspondants locaux de presse au regard du droit social et fiscal.
Le statut dérogatoire dont ils bénéficiaient depuis 1993 a été supprimé, je le rappelle, par la loi de financement de la sécurité sociale du 27 décembre 1996, sous le gouvernement de M. Juppé. J'ai donc saisi la ministre de l'emploi et de la solidarité de cette situation en lui demandant comment il pourrait y être remédié, et je vous tiendrai informé, monsieur le sénateur, des suites de cette démarche.
J'en viens maintenant au secteur audiovisuel lui-même.
Vous avez abordé divers sujets qui ne sont pas directement liés au débat strictement budgétaire, mais qui rendent compte de vos préoccupations, et je tiens à vous répondre avant d'évoquer le budget lui-même.
C'est en termes financiers mais aussi en termes de diversification de notre paysage audiovisuel que Mme Pourtaud a traité de la question des télévisions locales.
Si nous nous entendons tous pour reconnaître l'enjeu de société que recouvre cette question, le Gouvernement estime que le financement des télévisions associatives ne peut être calqué sur celui de la radio, d'abord parce que les deux supports répondent à des logiques techniques et financières différentes, mais surtout parce que le dossier du développement de la télévision locale doit être traité de manière globale, en tenant compte de toutes les possibilités techniques qui se présentent désormais. Diffusion hertzienne, diffusion analogique ou numérique, diffusion par Internet : les possibilités sont extraordinairement ouvertes au regard tant des données techniques et économiques qu'au regard des attentes du public. Tout cela fera l'objet du rapport que le Gouvernement doit vous présenter au plus tard en août 2001.
M. Laffite a soulevé, également en marge de ce débat budgétaire, mais avec le souci de prospective - ou de projection dans l'avenir qui est toujours le sien, le problème d'une remise à plat du spectre général des fréquences. S'agissant de l'utilisation des fréquences qui se trouvent libérées par la numérisation, nous avons, en effet, à nous poser aussi la question de leur mode d'attribution et de leur mode de distribution, celle-ci pouvant être soit gratuite, soit payante.
Qu'il soit utile d'en débattre à terme relativement proche, j'en suis d'accord, monsieur le sénateur, et soyez certain que le Gouvernement est conscient de la nécessité d'un tel débat. Cependant, il me paraît un peu prématuré de le tenir aujourd'hui : nous croyons préférable d'attendre que les premiers usages du numérique soient déterminés avant d'établir, à partir d'études solides, de véritables projections économiques et d'engager la concertation que vous souhaitez.
L'actualité veut, par ailleurs, que nous nous interrogions tous sur les phénomènes de concentration dans l'audiovisuel. Je crois que, d'une manière générale, nous devons en avoir une vision dynamique.
Des mécanismes de régulation existent dans notre pays en matière de concentration et de respect de la concurrence : les autorités compétentes - je pense en particulier au Conseil de la concurrence et au CSA - auront donc à intervenir le cas échéant.
Sous la condition du respect des règles de la concurrence, la constitution de grands groupes français peut être bénéfique si elle apporte, face aux groupes étrangers, dynamisme et efficacité à l'économie de ce secteur, et si elle accroît, comme vous l'avez dit, madame Pourtaud, les capacités de notre appareil de production de contenus.
En ce qui concerne plus spécifiquement le projet de fusion entre les sociétés Vivendi et Seagram, le Gouvernement a suivi avec attention l'évolution de ce dossier et son examen par le CSA.
Notre préoccupation, largement partagée, je le crois, était de préserver le champ propre de Canal Plus dans le nouveau groupe, afin de garantir durablement le respect des engagements souscrits auprès du cinéma et de la production audiovisuelle.
Le 30 novembre, le CSA, dans l'exercice de la responsabilité de régulateur que lui a confiée le législateur, a décidé de ne pas s'opposer au projet de fusion. Il a conduit de larges consultations avec les professionnels et obtenu que divers aménagements soient apportés au projet initial de convention liant Canal Plus SA à Canal Plus distribution.
Je suis certaine que le CSA et les professionnels du secteur resteront vigilants sur la mise en oeuvre de ces accords.
J'en viens maintenant aux sujets strictement budgétaires.
Ce budget, que M. Herment présentait, apparemment à regret, comme celui du « toujours plus » - se démarquant ainsi de plusieurs interventions qui plaidaient justement pour le « plus », notamment pour le « plus » de financements budgétaires - s'inscrit dans la logique du vote de la loi du 1er août 2000 sur la liberté de communication, par laquelle le Gouvernement a exprimé très clairement son choix en faveur d'un service public fort, c'est-à-dire mieux financé, tourné vers l'avenir, dans la perspective du déploiement du numérique terrestre, et attaché, dans ce cadre nouveau, à remplir ses missions.
Je note à nouveau, comme lors du débat sur la loi du 1er août 2000, que la Haute Assemblée nous rejoint sur la nécessité d'un service audiovisuel public fort, et donc doté des moyens lui permettant réellement de remplir ses missions.
La représentation nationale tout entière a approuvé ces choix, dont le projet de budget pour 2001 de l'audiovisuel public est la traduction concrète. Il démontre l'engagement de ce gouvernement en faveur d'un audiovisuel public bien armé pour affronter la compétition nationale et internationale qui caractérise aujourd'hui ce secteur.
Un service public mieux financé : c'est le premier axe du projet de budget que j'ai l'honneur de vous présenter. M. Belot, rapporteur spécial, a bien insisté sur cette nécessité. Les ressources publiques affectées au secteur progresse de 10,3 %, soit 1,5 milliard de francs de plus par rapport à l'année dernière, ce qui se traduit par un accroissement de 6,1 % du budget du secteur.
L'effort consenti n'est donc pas négligeable, et j'avoue ne pas avoir bien compris, monsieur le rapporteur spécial, si vous considériez ce chiffre comme très positif ou comme très insuffisant. L'annonce que vous avez faite quant à votre vote à venir semble indiquer que la seconde hypothèse est la bonne, mais cela n'apparaissait pas de manière limpide dans le reste de vos propos. (Sourires.)
La croissance du budget s'explique par la mise en oeuvre de la disposition, figurant dans la loi du 1er août 2000, relative au remboursement des exonérations, qui se traduit par une ressource additionnelle de 2,1 milliards de francs, inscrite au budget en 2001, 900 millions de francs ayant déjà été versés au titre de l'année 2000.
Dans la logique de la loi du 1er août dernier, la nouvelle catégorie d'exonérations qui a été créée, à la suite de l'adoption d'un amendement parlementaire lors du vote de la première partie du projet de loi de finances, fera elle-même l'objet d'un remboursement intégral, pour un montant de 550 millions de francs, comme j'ai le plaisir de le confirmer ici. Il n'y a donc pas d'incidence sur les ressources affectées au secteur public.
J'évoquerai brièvement la répartition, entreprise par entreprise, de ces moyens supplémentaires.
Deux axes principaux de dépenses se dégagent : le renforcement des programmes et la modernisation des structures.
France Télévision voit ses moyens augmenter de près de 1,1 milliard de francs, soit une progression de ses ressources publiques de 13,2 %. Sur ce total, plus de 450 millions de francs de moyens nouveaux iront au renforcement des programmes des différentes chaînes du groupe : La Cinquième, France 2, France 3.
Je ne peux vous suivre, monsieur le rapporteur spécial, lorsque vous dites que France 3 ne saurait être considérée comme une chaîne de proximité. Cette chaîne à elle seule ne répond certainement pas à l'ensemble des attentes de proximité des téléspectateurs, mais je crois qu'elle remplit néanmoins déjà largement cette mission. C'est d'ailleurs grâce à cela qu'elle mesure, jour après jour, la grande fidélité de son public, qui se reconnaît dans ses programmes régionaux. Il s'agit également d'un axe fort de ses projets de développement, dont j'ai pu m'entretenir tour récemment avec MM. Tessier et Pfimlin. Les nouvelles grilles de France 3 font une place croissante aux décrochages locaux et aux nouvelles éditions locales, ce que nous devons encourager.
Le budget de Radio France augmente de 6,1 %. Cette progression est consacrée à trois projets fondamentaux : la numérisation de ses antennes, le développement des projets stratégiques visant à renforcer ses antennes de proximité - c'est l'objet assigné au « plan bleu », dont Radio France vient de commencer la mise en oeuvre - et la politique de modernisation de sa gestion salariale.
L'objectif de RFO est d'assainir ses bases financières : cet objectif sera atteint grâce à la forte progression - de 8,1 % - des moyens qui lui sont accordés, dont plus de 30 milions de francs correspondent à la reconstruction de sa base budgétaire.
Le budget d'Arte France progresse de 9,2 %. Ces moyens supplémentaires sont justifiés par une dépense exceptionnelle, liée à la construction de son siège unique à Strasbourg, et par le renforcement de ses budgets de programmes.
La part de la redevance attribuée à RFI, dont vous vous êtes particulièrement préoccupé, monsieur Hugot, avec le souci d'assurer le rayonnement de notre audiovisuel public hors de nos frontières, permet d'enregistrer un budget en hausse de 3,4 %. L'entreprise les consacrera notamment à la modernisation de l'organisation du travail.
S'agissant de l'INA, nous nous situons dans le cadre de son contrat d'objectifs et de moyens, le premier signé entre l'Etat et une entreprise de l'audiovisuel public, qui est axé sur une stratégie de recentrage de l'Institut sur ses missions patrimoniales. Sa dotation n'est pas en diminution, permettez-moi de vous le dire, monsieur Renar : elle est stable avec 415,5 millions de francs.
Je traiterai également brièvement du collectif budgétaire, qui vise à répartir les excédents de redevance enregistrés cette année, soit environ 200 millions de francs. Il permettra notamment à l'ensemble des entreprises de financer en 2000 les engagements salariaux qui ont été pris.
Les perspectives de développement du secteur public ne se concevant que dans la durée, je souhaite encore dire un mot du débat qui s'est engagé et qui se poursuit sur les modalités de son financement. Le sujet a été abordé ici, notamment par M. le rapporteur spécial, Mme Pourtaud et M. Weber, mais il a donné lieu, ces derniers temps, à nombre de commentaires dans les médias.
Chacun sait que la redevance soulève des interrogations et des critiques. Ceux qui parlent de sa suppression insistent, en général, sur le coût de sa perception. Les chiffres sont connus, mais depuis très peu de temps. Tout comme MM. Jean Boyer et Henri Weber, je pense que nous pourrions assez aisément améliorer les conditions de cette perception.
Au-delà de cette question du coût, je voudrais invoquer des arguments plus prospectifs, fondés sur les évolutions technologiques, qui conduisent à remettre en cause le lien exclusif qui existait jusqu'à présent entre la détention d'un poste de télévision et le paiement de la redevance.
Les analyses économiques démontrent que l'évolution de la recette liée à la redevance n'est pas suffisamment dynamique - et c'est bien là que se situe le vrai problème - pour répondre aux besoins d'un secteur public en plein développement, qui doit tenir sa place dans un paysage audiovisuel où les acteurs privés disposent de ressources très importantes et en forte croissance. Il existe effectivement un double écart : par rapport au secteur privé intervenant dans notre pays et par rapport aux autres secteurs publics de l'espace européen.
En d'autres termes, il ne peut être question de se contenter de ce qui n'est peut-être qu'une rémission dans le débat sur l'éventuelle suppression de la redevance. Nous ne pouvons pas considérer que le débat est clos par la décision positive prise par le gouvernement de Lionel Jospin de ne pas remettre en cause la redevance.
Il nous faut évidemment poursuivre la réflexion et apporter des réponses aux questions de fond que traite imparfaitement le débat, me semble-t-il.
On sait que l'existence même d'une télévision publique forte est liée, comme l'a souligné M. Herment, à la présence de ressources affectées et dynamiques.
S'agissant du nécessaire maintien de la redevance, je rejoins, pour ma part, l'analyse de plusieurs parlementaires et notamment, dans cette assemblée, celle de M. de Broissia : le lien que maintient cette redevance entre les entreprises de l'audiovisuel public et le public n'est pas un lien indifférent, mais il est clair que nous ne pouvons pas nous contenter de cette ressource.
L'interrogation sur le financement du secteur public audiovisuel ne peut se résumer à cette question de la redevance. Il faut au contraire - vous l'avez souligné, monsieur Weber - travailler à l'avenir de ce financement, comme l'a souhaité M. Hugot, rapporteur pour avis, et comme le souhaitent, me semble-t-il, tous ceux qui s'intéressent réellement à l'avenir du secteur public. Pour ma part, j'ai engagé avec mes services un travail sur cette question difficile, mais décisive, et je ne manquerai pas de m'inspirer des travaux qui ont d'ores et déjà été réalisés à ce sujet, en particulier par votre assemblée.
Il s'agit, en effet, de travailler à l'avenir du secteur public en veillant prioritairement à l'accomplissement de ses missions : tel est le second axe de notre stratégie budgétaire, en particulier du projet de budget qui est aujourd'hui soumis à votre examen.
La progression des moyens alloués en témoigne, puisqu'elle permet de conforter la part du financement public dans les ressources du secteur public de l'audiovisuel : cette part passe à 76,7 %. Il s'agit là d'un point central. C'est un fort desserrement de la dépendance des chaînes publiques, en particulier de France 2 et de France 3, à l'égard des recettes commerciales.
On ne peut pas à la fois souhaiter - nous l'avons fait presque tous - ce desserrement et, dans le même temps, déplorer que cela ampute, d'une certaine manière, les ressources du secteur public de l'audiovisuel. Cela doit au contraire nous conduire à trouver d'autres ressources.
Ce desserrement de la dépendance des chaînes publiques permet aussi de mieux répondre aux attentes des téléspectateurs, en allégeant les écrans publicitaires et en travaillant aux stratégies éditoriales dans un esprit, qui, sans être ignorant de l'audience, doit être moins soumis à l'Audimat tel qu'il peut être conçu par les annonceurs. C'est également avec la préoccupation d'apporter une attention scrupuleuse aux missions de service public du groupe France Télévision qu'a été défini le cadre de ce budget.
On sait que le budget pour 2001 sera le premier budget d'application des contrats d'objectifs et de moyens, au travers desquels l'Etat entend renouveler son mode de relation avec les organismes du secteur. Il s'agit d'accompagner la modernisation de la gestion de ces entreprises telle qu'elle a été engagée par leurs responsables. Le redressement opéré depuis 1999 permet d'envisager un résultat sensiblement amélioré. Je ne partage pas, notamment, le constat quelque peu pessimiste de certains sur l'évolution de l'audience et des recettes publicitaires. Les chiffres récents nous donnent de bonnes raisons d'avoir confiance.
Mais il s'agit aussi - et j'y suis particulièrement attachée - de dire clairement à ces organismes du secteur public de l'audiovisuel ce qui est attendu d'eux, y compris en termes éditoriaux, parce que c'est là que se trouve le coeur des missions qui leur sont confiées par la nation.
En d'autres termes, c'est aussi dans ce cadre que doit avoir lieu le débat que vous appelez de vos voeux, messieurs Renar, Weber et tant d'autres. L'actualité récente veut que chacun ait pu prendre la mesure des attentes, parfois aussi des partis pris, qui peuvent s'exprimer en la matière. Même si les propos sont parfois outrés - et vous avez raison, monsieur Weber, de souligner les présentations trop globales ou caricaturales - ces attentes à l'égard de l'audiovisuel public doivent être entendues. Parallèlement, il nous faut reconnaître au service public ses mérites lorsqu'il assure ses missions, par exemple, lorsqu'il développe réellement une offre de proximité. C'est en ce sens que je vous répondais, monsieur le rapporteur spécial, eu égard à votre vision sévère s'agissant de France 3 et de sa contribution à l'offre de proximité.
Nous devons également saluer l'effort qui est accompli de soutien à la production : production de fiction, production documentaire, animation. Il s'agit là d'un apport incontestable de l'audiovisuel public.
Nous devons aussi saluer les efforts de renouvellement des formats et, disons-le, du style, de la nature même de l'offre télévisuelle. C'est une tâche difficile ! Au fil des ans, les générations se renouvellent et les attentes du public sont différentes. En tout état de cause, puisque France 3 a été plus particulièrement mise en cause ces dernières semaines, je tiens à dire que cette entreprise me semble inscrire son projet d'avenir dans cette démarche. Il me paraît fondamental de débattre de ce sujet, ne serait-ce que pour répondre à ces interrogations.
Le débat sur les contenus est inépuisable ! En tout cas, il n'a jamais trouvé de réponse univoque. Il reste que nous avons aujourd'hui l'occasion et le devoir de l'aborder : l'occasion, puisque la loi donne à l'Etat, avec les contrats d'objectifs et de moyens, un instrument précieux pour travailler et que je compte utiliser la négociation de ces contrats à cet effet ; le devoir, parce que l'évolution du paysage audiovisuel, que vous avez tous saluée - la multiplication de l'offre, l'évolution de notre société et des goûts que le public exprime, la nécessité pour le service public de demeurer dans une approche de communication vers le plus grand nombre - renouvelle très profondément ce débat sur les contenus et les programmes.
Je crois que nous ne saurions aller, et vous l'avez dit, vers une télévision de public fractionné, voire de public élitaire. La télévision publique doit être une télévision généraliste de grand public, sans pour autant se transformer en une télévision publique de simple réponse à la demande. Elle doit maintenir son ambition ! Je suis sûre qu'elle se préoccupe d'être réellement une télévision de divertissement, quels que soient les genres. On le voit bien d'ailleurs aujourd'hui, au travers des efforts de renouvellement des chaînes publiques : le divertissement est, lui aussi, un champ de création tout à fait fondamental.
J'y vois une responsabilité culturelle, dont la réponse se trouve dans le contenu des programmes, et qui doit s'exprimer en termes de pluralisme, de création et de diversité. Cette responsabilité relève, bien sûr, des présidents et directeurs généraux des chaînes, mais les pouvoirs publics doivent bien évidemment l'accompagner.
De ce point de vue, le projet numérique terrestre de France Télévision jouera un grand rôle. Il s'agit, là encore, de traduire concrètement les priorités fixées par la loi.
Nous avons confié au service public un rôle moteur en ce qui concerne le développement de cette nouvelle technologie. Vous en connaissez le calendrier : les administrations de tutelle analysent, en ce momemt même, les projets qui lui ont été présentés. Les décisions seront prises prochainement - au plus tard au début de l'année 2001 - pour la signature des contrats d'objectifs et de moyens.
Mme Pourtaud a évoqué l'ensemble des propositions de France Télévision. A ce jour, en effet, il s'agit de propositions ; les pouvoirs publics n'ont pas encore arrêté leurs choix.
Ceux-ci devront être opérés dans un esprit de responsabilité, en fonction des capacités créatives du secteur public et de ses moyens financiers.
Pour assurer le financement de ce projet numérique terrestre, le Gouvernement s'est engagé, vous le savez, à accorder à France Télévision une dotation en capital de 1 milliard de francs. Je confirme cet engagement devant la Haute Assemblée. Ce point ne relevait pas du projet de budget pour 2001, car le calendrier du CSA nous permet de ne prévoir la mise en oeuvre de ces projets que pour 2002.
Nous aurons donc de nouveau l'occasion, dans les mois à venir, de débattre avec vous des choix qui pourront être les nôtres en matière de contenu de ce développement numérique, dans lequel je vois l'un des très grands enjeux de la transformation du paysage audiovisuel.
Enfin, plusieurs d'entre vous ont également mentionné, à juste raison, les enjeux de l'audiovisuel dans l'espace européen. Je vous remercie d'avoir approuvé la position de la présidence française et la victoire que nous avons tous ensemble remportée en amenant le programme Média Plus au niveau de 400 millions d'euros. Cela me paraît décisif pour l'ensemble des opérateurs et producteurs français, puisqu'il s'agit non seulement de soutenir les créations, mais également d'en favoriser la circulation entre pays et publics européens.
De même, je vous remercie d'avoir souligné que la résolution confirmant l'engagement des gouvernements européens dans leur système d'aides nationales à la production cinématographique et audiovisuelle est une résolution extrêmement importante pour l'avenir du paysage audiovisuel européen.
Le projet de budget que j'ai l'honneur de soumettre à votre approbation s'inscrit donc bien, vous le voyez, dans une logique d'avenir. Modernisation et développement pour l'audiovisuel public en sont les maîtres mots. (Applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. Nous allons maintenant examiner l'article 46 puis, en accord avec la commission des finances, les amendements n°s II-29 rectifié, II-30, II-31, II-32, II-33 et II-36 rectifié, qui tendent à insérer des articles additionnels après l'article 46, enfin, les lignes 40 et 41 de l'état E annexé à l'article 42.

Article 46