SEANCE DU 29 NOVEMBRE 2000


M. le président. « Art. 23. - I. - Par dérogation à l'article L. 31 du code du domaine de l'Etat, la redevance due par chaque titulaire d'autorisation d'établissement et d'exploitation de réseau mobile de troisième génération délivrée en application de l'article L. 33-1 du code des postes et télécommunications, au titre de l'utilisation des fréquences allouées, est liquidée selon les dispositions du tableau ci-dessous.



DATE DE LIQUIDATION

et de paiement

PART
de la redevance

liquidée

30 septembre 2001, 31 décembre 2001 4 062/32 502
31 mars 2002, 30 juin 2002, 30 septembre 2002, 31 décembre 2002 2 031/32 502
30 juin des années 2003 à 2016 1 161/32 502

« Le montant des redevances et l'échéancier de leur paiement sont inscrits aux cahiers des charges annexés aux autorisations.
« II. - Il est ouvert, dans les écritures du Trésor, un compte d'affectation spéciale n° 902-33 intitulé "Fonds de provisionnement des charges de retraite et de désendettement de l'Etat". Ce compte retrace :
« - en recettes : les redevances d'utilisation des fréquences allouées en vertu des autorisations d'établissement et d'exploitation des réseaux mobiles de troisième génération, délivrées en application de l'article L. 33-1 du code des postes et télécommunications ;
« - en dépenses : les versements au fonds de réserve pour les retraites mentionné au deuxième alinéa de l'article L. 135-1 du code de la sécurité sociale et, pour un montant de 14 milliards de francs pour chacune des années 2001 et 2002, les versements à la Caisse d'amortissement de la dette publique.
« III. - Le III de l'article 32 de la loi de finances rectificative pour 1986 (n° 86-824 du 11 juillet 1986) est ainsi rédigé :
« III. - Les recettes de la caisse sont constituées par les versements du compte d'affectation spéciale institué par l'article 71 de la loi de finances pour 1993 (n° 92-1376 du 30 décembre 1992) et par ceux du compte d'affectation spéciale institué par le II de l'article 23 de la loi de finances pour 2001 (n° du ). »
Sur l'article, la parole est à M. Laffitte.
M. Pierre Laffitte. Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, nous parlons pour la première fois dans cette enceinte du spectre des fréquences et de l'attribution des licences UMTS. Des sommes considérables - 130 milliards de francs - vont être ponctionnées sur l'industrie des opérateurs de téléphonie mobile de troisième génération pour être affectées à un fonds spécial.
Certes, madame la secrétaire d'Etat, vous n'avez pas imité - je vous en sais gré d'ailleurs - nos amis britanniques et allemands qui ont, à mon sens, commis une folie en procédant à une mise aux enchères dont les résultats vont peser lourd sur l'avenir de leur industrie dans ce domaine. Les résultats ne se font d'ailleurs pas attendre. Cela me rappelle ceux qui, voyant une poule pondre des oeufs d'or, pensent au trésor niché dans son ventre, lui ouvrent le ventre et tuent la poule ! (Sourires.)
Je pense que le même phénomène va affecter le développement des mobiles de troisième génération !
Les Scandinaves, beaucoup plus réfléchis, beaucoup plus compétents et dynamiques dans ce domaine, ont pris une tout autre voie : ils ont distribué des licences UMTS sans grands frais. Les opérateurs scandinaves pourront donc investir pour que tout leur vaste territoire reçoive les bienfaits de l'Internet mobile et des technologies de l'information et de la communication, pour le plus grand profit de leur industrie - en particulier Nokia et Ericsson -, mais aussi de leur économie.
La France n'a pas suivi la sagesse des Scandinaves et taxe assez lourdement les opérateurs - sans avoir obtenu, d'ailleurs, l'accord du Parlement pour l'instauration de cette taxe, mais j'y reviendrai.
Les opérateurs vont donc dépenser 32,5 milliards de francs par licence, soit 130 milliards de francs au total. S'y ajoutent les frais de déploiement pour couvrir 40 % du territoire, ce qui représente tout de même un coût extrêmement lourd.
Quelle que soit la dynamique des industries de télécommunications, je pense que cette dynamique en sera ralentie. En souffriront non seulement les grands opérateurs, mais aussi toutes les jeunes pousses, les start up , les téléservices, les industriels du contenu multimédia et l'ensemble de l'économie compte tenu des effets transversaux de cette mesure.
Les industries des technologies de l'information et de la communication ont en effet sur la croissance et sa durée une influence considérable. C'est d'ailleurs ce qui différencie les taux de croissance européens de ceux des Etats-Unis : selon une excellente étude de vos services, menée sous l'impulsion de M. Olivier Postel-Vinay, la dynamique des technologies de l'information et de la communication représente de l'ordre de 1,6 point de croissance, soit la moitié de la croissance que nous connaissons. Cela représente beaucoup en termes d'effets sur l'économie et sur l'emploi, nettement plus que ce que vous affichez pour les 35 heures. Mais je ne reviendrai pas sur ce sujet après tout ce qu'en ont dit notamment mes amis Yves Fréville et Jean-Pierre Fourcade tout à l'heure.
Une saine politique, à mon sens, est celle qui aide les technologies de l'information et de la communication au lieu de les affaiblir.
Je présenterai d'ailleurs un amendement sur cet article 23 pour essayer de compenser quelque peu la ponction réalisée dans ce domaine, notamment en affectant une partie des sommes reçues à la recherche. Et, comme je crois savoir que notre commission des finances a sur ce point une position différente de la mienne, j'espère, madame la secrétaire d'Etat, que, lors de la deuxième lecture à l'Assemblée nationale, vous pourrez tenir compte de mon point de vue pour maintenir la dynamique économique française, seule source de rémunération du chômage.
Par ailleurs, le spectre des fréquences est très large. La révolution numérique que nous vivons et qui affectera notamment les bandes de fréquences UHF et VHF, avec le passage au numérique terrestre hertzien, permettra de mettre à la disposition des opérateurs une trentaine de fréquences nouvelles au-delà des six qui sont indispensables pour les chaînes de diffusion actuelles par voie analogique.
Ces bandes de fréquences ont une valeur supérieure à celle des fréquences UMTS. En effet, compte tenu de leur plus grande longueur d'ondes, elles impliquent moins de dépenses d'infrastructure sur le territoire : avec 10 milliards de francs, on obtient les mêmes résultats qu'avec les 40 milliards de francs nécessaires pour déployer sur le territoire une licence UMTS. Normalement, elles pourrient donc valoir 30 milliards de francs par licence de plus que les licences UMTS !
Je ne sais pas ce que sera la décision, affectation gratuite ou payante. Ce que je souhaite, c'est que le Parlement soit associé au débat et, en particulier, que l'on ne laisse pas le CSA, l'ART ou l'ANF répartir ces fréquences sous prétexte qu'il s'agit du secteur dont elles contrôlent l'adéquation du contenu au cahier des charges.
Il y a là un problème de fond. S'agissant d'un bien aussi rare et aussi utile - qui, dans l'économie moderne, devient fondamental - et s'agissant de montants qui peuvent atteindre des centaines de milliards de francs, voire des centaines de milliards d'euros, puisqu'on parlera alors en euros, la démocratie veut que l'on associe le Parlement en amont des décisions.
La remise en ordre du spectre des fréquences est nécessaire et urgente pour que les opérateurs de télévision comme de télécommunications sachent où l'on veut aller. En outre, il serait bon que l'on tienne compte de leur avis.
Les services du Premier ministre et ceux de vos prédécesseurs ont été saisis au mois de mars 2000 par certains industriels concernés - et pas par les moindres : Alcatel, Thomson, Philips, pour n'en citer que trois - qui ont demandé qu'une réflexion soit engagée sur la façon de mettre en ordre les spectres de fréquences et les multiplexes correspondants. Ils ont même formulé des propositions permettant de ramener de quinze ans à cinq ans la durée de latence.
Il y a là une urgence, et je souhaiterais, pour ma part, que le Parlement puisse être associé à cette réflexion. Sinon, nous serons obligés de créer une commission d'enquête relative au spectre de fréquences et à son affectation optimale, en France et en Europe.
Quoi qu'il en soit, la dévolution de ce bien rare qu'encore une fois vous avez eu raison de ne pas vendre aux enchères mérite que les processus démocratiques associent Parlement et Gouvernement aux autorités et agences spécialisées.
M. le président. Je suis maintenant saisi de quatre amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Par amendement n° I-50, M. Marini, au nom de la commission des finances, propose de supprimer l'article 23.
Par amendement n° I-271, MM. de Montesquiou, Rausch, Trégouët et Hérisson proposent, dans la première phrase du premier alinéa du II de l'article 23, de remplacer les mots : « Fonds de provisionnement des charges de retraite et de désendettement de l'Etat » par les mots : « Fonds de désendettement de l'Etat et d'efforts de recherche dans le domaine des télécommunications, de l'informatique et de l'espace ».
Par amendement n° I-73, M. Laffitte, au nom de la commission des affaires culturelles, propose :
1° Dans le premier alinéa du II de l'article 23, après les mots : « des charges de retraite », d'insérer les mots : « , de financement de la recherche dans le domaine des télécommunications, de l'informatique et de l'espace ».
2° Dans le dernier alinéa du même II, après les mots : « code de la sécurité sociale », d'insérer les mots : « un abondement, à hauteur de 10 % de ses recettes, du fonds de la recherche technologique destiné au financement de la recherche en matière de télécommunications, y compris spatiales, de logiciels et de multimédias ».
Par amendement n° I-272, MM. de Montesquiou, Rausch, Trégouët et Hérisson proposent, dans le dernier alinéa du II de l'article 23, de remplacer les mots : « les versements au fonds de réserve pour les retraites mentionné au deuxième alinéa de l'article L. 135-1 du code de la sécurité sociale et, » par les mots : « un abondement du fonds de recherche technologique ciblé sur la recherche en matière de télécommunications, y compris spatiales, de logiciels et de multimédias, et, ».
La parole est à M. le rapporteur général, pour défendre l'amendement n° I-50.
M. Philippe Marini, rapporteur général. La commission préconise la suppression de l'article 23, pour manifester son mécontentement à l'égard du processus d'attribution des licences UMTS.
Ce mécontentement a une triple origine : premièrement, nous considérons que le contribuable français a été lésé ; deuxièmement, nous estimons que le respect des droits du Parlement n'a pas été assuré ; troisièmement, nous ne pouvons pas être satisfaits de l'affectation que l'on nous propose pour les ressources ainsi dégagées.
Concernant le premier point, nous ne disposons naturellement pas des éléments nécessaires pour dire si tel ou tel processus aurait été préférable sur le plan économique et dans l'intérêt d'une évolution souhaitable des structures de l'industrie des télécommunications. Nous nous sommes référés, bien entendu, à ceux qui sont plus compétents en ce domaine, et nous nous bornons simplement à dire que, la France passant après les autres - ou après l'essentiel des autres -, le contribuable français est lésé.
Ainsi, l'opérateur national France Télécom a dû solliciter de manière massive ses moyens de financement pour être présent dans les pays qui ont mis leur licence aux enchères, ce qui a quelque peu écorné le patrimoine public ; puis, dans un second temps, la France passant après les autres dans un contexte économique, financier et boursier qui n'est plus le même, il n'est plus possible d'escompter les mêmes rendements pour le budget de l'Etat.
Nous ne saurions nous prononcer sur l'opportunité des enchères ou de la soumission comparative, pas plus que nous ne saurions nous prononcer sur l'opportunité ou non d'une cinquième licence. Toutefois, étant en retard par rapport aux autres - pour des raisons que nous n'analysons d'ailleurs pas très bien -, nos finances publiques s'en portent sensiblement plus mal que cela aurait pu être le cas autrement.
Par ailleurs, si le chiffre de 130 milliards de francs qui a été retenu pour le prix des licences peut, du point de vue des finances publiques, faire l'objet de différentes appréciations, en revanche, il est clair que, par la masse qu'il représente, il aurait justifié un consentement préalable du Parlement. Or, ce dernier n'a à connaître, par le présent article, que des conséquences, des modalités et de l'affectation de cette somme, mais en aucun cas de l'opération elle-même, de son bien-fondé économique et de sa méthode.
Sur ce plan, la commission des finances rejoint M. Pierre Laffitte, car mieux aurait valu prendre les facteurs dans leur ordre logique et commencer par avoir un débat sur la modernisation des industries de télécommunications et sur l'utilisation de ce bien rare que représentent les fréquences. Un débat de fond sur la méthode puis, éventuellement, sur la technique et sur l'affectation aurait été nécessaire, mais nous avons été évincés, et l'on vient nous trouver simplement pour signer en bas à droite, en quelque sorte, un contrat d'adhésion déjà totalement ficelé.
Il est légitime, madame le secrétaire d'Etat, de se demander si l'on ne se trouve pas ici en présence d'une imposition de toute nature plutôt que d'une redevance pour service rendu. Or, l'imposition de toute nature, c'est un élément fiscal dont la décision appartient au Parlement, qui doit se prononcer préalablement.
Il est contestable, de notre point de vue, d'assimiler les services UMTS à une occupation privative du domaine public. En tout cas, de nombreuses analyses et consultations peuvent conduire à en douter, et ce doute aurait dû bénéficier au Parlement, qui se serait ainsi prononcé sur l'instauration, l'assiette et le montant du prélèvement.
Enfin, l'affectation que vous nous proposez n'est pas plus satisfaisante. Elle confirme toutefois, à mon avis, qu'il ne s'agit pas vraiment d'une redevance pour service rendu, car elle est sans lien avec le service en question, tandis que, en réalité, l'échéancier prévu impose, aux opérateurs un véritable droit d'entrée étranger aux principes de la soumission comparative.
Sur ces points relatifs au régime juridique du prélèvement, le Conseil constitutionnel, que nous saisirons, se prononcera cependant le moment venu.
Une affectation exclusive au désendettement de l'Etat, qui soulagerait la charge fiscale future des contribuables au titre du service de la dette, semble, pour la commission, la meilleure façon de préparer l'avenir et, en tout cas, une meilleure façon que le versement d'une majorité de ces sommes au fonds de réserve des retraites.
Nous avons déjà eu l'occasion, à plusieurs reprises, de critiquer ce fonds qui, de notre point de vue, est purement cosmétique et virtuel et qui n'offre aucune garantie de bonne utilisation des sommes qui lui seront allouées. Le futur de nos retraites, nous le savons, dépend en réalité de l'instauration, notamment, d'un régime surcomplémentaire par capitalisation, mais aussi de la lucidité, de la clarté que l'on est prêt à investir dans la définition des objectifs.
Madame le secrétaire d'Etat, nous en sommes loin : le fonds de réserve pour les retraites, nous y croirons quand les finances publiques de ce pays ne seront plus en déficit, quand on sera capable de nous dire à quel horizon est prévue l'utilisation du fonds, quelle politique de gestion il applique, qui assume sa gestion, sous le contrôle de qui et dans quelle catégorie de valeurs mobilières il placera ses avoirs.
Le jour où il sera possible de répondre à ces questions - et, je le répète, nous en sommes loin - alors peut-être commencerons-nous à croire au fonds de réserve des retraites.
Pour l'ensemble de ces raisons, que je viens de résumer, mes chers collègues, il semble à la commission absolument nécessaire et cohérent de supprimer l'article 23.
M. le président. L'amendement n° I-271 est-il soutenu ?...
La parole est à M. Laffitte, pour présenter l'amendement n° I-73.
M. Pierre Laffitte, vice-président de la commission des affaires culturelles. Cet amendement, qui est la conséquence logique de mon intervention précédente, est présenté au nom de la commission des affaires culturelles, qui l'a adopté à sa très grande majorité.
Il s'agit d'affecter 10 % des recettes liées aux licences UMTS - soit moins de 1 milliard de francs par an, puisque les recettes sont étalées sur plus de quinze ans - à un fonds de financement de la recherche fondamentale industrielle dans le domaine des télécommunications, de l'espace, des logiciels et du multimédia, tous domaines porteurs d'avenir pour lesquels, actuellement, l'effort de recherche est bien inférieur à ce qu'il était voilà cinq ou six ans, à un moment ou l'importance des technologies de l'information et de la communication était beaucoup moins connue mais où le Centre national d'études spatiales et France Télécom dépensaient chaque année 4 milliards de francs pour la recherche, y compris pour la recherche industrielle.
Les recherches en matière de télécommunications spatiales et les recherches informatiques du Commissariat à l'énergie atomique ont été « laminées » depuis quelques années. Par conséquent, ces domaines d'avenir, qui sont à la source, pour moitié, de la croissance française, devraient être fortement soutenus.
Des décisions qui me paraissaient très pertinentes ont été prises à Lisbonne, et nous avons affirmé avec des accents gaulliens que nous allions rattraper les Etats-Unis. Puisque nous en avons l'occasion, donnons-nous-en les moyens ! (M. Machet applaudit.)
M. le président. L'amendement n° I-272 est-il soutenu ?...
Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° I-73 ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. Nous comprenons l'approche de M. Pierre Laffitte et des membres de la commission des affaires culturelles. Certes, ils ont raison, mille fois raison, de se soucier du financement de la recherche appliquée. Ayant moi-même consacré quelques années de ma vie professionnelle à ce secteur et ayant assisté, par exemple, à l'émergence, à Grenoble, du Laboratoire d'électronique, de technologie et d'informatique, le LETI, ainsi qu'aux débuts de l'industrie française des composants, je crois comprendre les raisons impératives qui ont conduit M. Pierre Laffitte à présenter cet amendement. Cependant, nous sommes ici confrontés à un problème de nature macro-économique.
En effet, les finances publiques présentent encore un déficit de l'ordre de 200 milliards de francs. Par conséquent, pour la commission des finances, l'urgente nécessité - ce n'est pas un rôle facile que de devoir le répéter à chaque occasion ! - est de maîtriser la dépense publique, de réduire le plus vite possible le déficit pour enfin le supprimer, en tout cas d'inverser la tendance, d'alléger les prélèvements obligatoires, de manière à dynamiser nos entreprises et à encourager leur modernisation.
De ce point de vue, et tant que nous n'aurons pas atteint ces objectifs - perspective qui a d'ailleurs aujourd'hui, nous semble-t-il, et malgré la conjoncture, plutôt tendance à s'éloigner dans le temps - la commission peut difficilement accepter le principe d'une affectation pérenne et structurelle de sommes très importantes à une catégorie particulière de charges publiques.
Notre collègue Pierre Laffitte souhaite que cette affectation porte sur 10 % du produit des redevances, lequel représente, on l'a vu, 130 milliards de francs.
M. Pierre Laffitte. Sur dix-sept ans !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Sur une longue période, certes.
Néanmoins, une telle disposition introduirait une rigidité supplémentaire dans les lois de finances. La commission des finances, si elle veut être logique avec elle-même et dans la mesure où elle combat ce type de rigidité lorsqu'elles résultent de propositions du Gouvernement, ne peut, en dépit de toute la considération qu'elle a pour M. Laffitte et de l'intérêt qu'elle porte à la question soulevée, souscrire à l'amendement n° I-73.
Nous préférerions que, en matière de recherche - nous pourrions reprendre ce débat lors de l'examen des crédits du ministère concerné - une véritable vision réformatrice puisse se développer. Il convient de secouer les vieilles structures, comme M. Allègre affirmait vouloir le faire s'agissant du CNRS, et d'introduire davantage d'efficacité et de souplesse dans l'organisation de la recherche publique, mais aussi de faire une place plus grande à la recherche appliquée dans les entreprises.
C'est bien de cette façon que les valeurs auxquelles vous croyez, monsieur Laffitte, doivent pouvoir, me semble-t-il, trouver une traduction dans les faits.
Tout en approuvant votre argumentation générale, la commission ne peut donc pas donner un avis favorable au dispositif budgétaire proposé, et elle persiste à préférer la suppression pure et simple de l'article 23.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements n°s I-50 et I-73 ?
Mme Florence Parly, secrétaire d'Etat. M. le rapporteur général a formulé trois critiques lors de la présentation de l'amendement de la commission.
La première critique est que le contribuable français serait lésé par l'opération définie à l'article 23.
En ce qui concerne la procédure retenue, à savoir la soumission comparative, qu'en est-il au regard des expériences récentes menées dans les autres pays ? Sur les quinze Etats membres de l'Union européenne, sept ont décidé d'attribuer des licences par le biais d'une procédure de soumission comparative, sept ont opté pour un système d'enchères et un, la Grèce, n'a pas encore annoncé son choix.
Tous les pays qui ont retenu la procédure de soumission comparative ont décidé d'attribuer quatre licences UMTS. Les expériences récentes confortent le choix de la France de recourir à la soumission comparative, qui est qualifiée en Europe de « solution équilibrée », à mi-chemin entre la gratuité des licences, décidée par de rares pays, et la mise aux enchères, qui a conduit à des excès dont les conséquences peuvent d'ailleurs porter sur toute la durée de validité des licences. Tel est le cas au Royaume-Uni, où les licences sont accordées pour vingt ans.
En ce qui concerne maintenant le coût de ces licences, il est clair qu'une mise aux enchères n'aurait pu rapporter la somme mythique, évoquée de-ci de-là, de 200 milliards de francs. Le montant de 130 milliards de francs qui a été retenu à l'article 23 du projet de loi de finances correspond à la valeur économique des fréquences UMTS, calculée au mois de juin sur la base à la fois d'une expertise externe et d'une expertise interne au ministère des finances et qui tient compte des valeurs de référence qui étaient connues à l'époque. En aucun cas la prise en compte des spécificités françaises et des montants atteints à la suite des enchères qui ont été organisées dans certains pays ne pourrait conduire à un montant de l'ordre de 200 milliards de francs. Par conséquent, il ne me semble pas que le contribuable français ait été lésé par cette opération.
La deuxième critique de M. le rapporteur général portait sur le respect des droits du Parlement.
Permettez-moi de rappeler les engagements qui ont été pris vis-à-vis de celui-ci par mon collègue Christian Pierret, s'agissant de la transmission d'un rapport sur la procédure d'attribution de ces licences, de la tenue d'un débat sur cette question et de la transmission des cahiers des charges des opérateurs retenus avant la délivrance des autorisations. Tous cela interviendra vers les mois d'avril ou de mai de l'année 2001.
En ce qui concerne maintenant la nature des sommes affectées au fonds dont la création est prévue par l'article 23, nous ne connaissons par l'avis du Conseil constitutionnel. Sans doute en disposerons-nous d'ici à quelques semaines, puisque vous avez marqué votre intention, monsieur le rapporteur général, de le saisir de cette question. Cependant, nous connaissons l'avis du Conseil d'Etat, lequel nous a clairement indiqué que ces sommes représentaient des redevances d'usage. Nous verrons bien si cette analyse juridique sera confirmée par le Conseil constitutionnel.
La troisième critique de M. le rapporteur général portait sur l'affectation des 130 milliards de francs résultant de l'attribution des licences UMTS.
Le Gouvernement a décidé d'affecter les trois quarts de cette somme au fonds de réserve pour les retraites et de consacrer le quart restant au désendettement de l'Etat. Une somme de 28 milliards de francs sera donc affectée en 2001 et en 2002 à la caisse d'amortissement de la dette, mesure qui s'inscrit dans la politique de désendettement mise en oeuvre depuis trois ans et qui devrait nous permettre, monsieur le rapporteur général, de ramener le ratio des dettes publiques sur le PIB, qui est l'un des critères pris en compte par la Commission européenne, de 60 %, en 1997, à 57,2 % en 2003, ce qui est bien le signe, permettez-moi de le souligner, que nous réduisons aussi les déficits.
Par ailleurs, le Gouvernement souhaite anticiper le choc démographique à venir. Dans cette perspective, il affectera 102 milliards de francs, sur la totalité de la période, au fonds de réserve pour les retraites, dont l'objet est de constituer une réserve financière importante permettant de lisser le besoin de financement supplémentaire qui résultera du vieillissement de la population.
Grâce à cet effort important, les dotations du fonds de réserve pour les retraites atteindront plus de 50 milliards de francs en 2001 et 100 milliards de francs en 2002, l'objectif étant d'accumuler des recettes qui dépasseraient les 1 000 milliards de francs à l'horizon 2020. Cette échéance peut paraître lointaine, mais, en matière de financement des retraites, il faut avoir une vision à long terme.
En ce qui concerne l'amendement n° I-73, défendu par M. Laffitte, qui prévoit d'affecter une partie du produit de l'attribution des licences au financement de la recherche dans les domaines des télécommunications, de l'informatique et de l'espace, je crois avoir déjà partiellement répondu en indiquant que la priorité du Gouvernement est clairement de financer le fonds de réserve pour les retraites et d'anticiper le choc démographique.
Je me permettrai simplement de rappeler à M. le sénateur que, dans le projet de loi de finances pour 2001, les moyens de l'Etat alloués au budget civil de la recherche et du développement ont été fortement accrus, puisque les autorisations de programme enregistrent une progression de 6,4 %.
Le Gouvernement n'est donc pas favorable à l'amendement n° I-73.
Il n'est pas non plus favorable à l'amendement n° I-50, dont l'adoption aurait purement et simplement pour conséquence de soustraire des recettes du compte d'affectation spéciale la totalité des 130 milliards de francs représentant le produit des redevances. Cela, vous l'aurez compris, n'est évidemment pas envisageable.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° I-50.
M. Bernard Angels. Je demande la parole contre l'amendement.
M. le président. La parole est à M. Angels.
M. Bernard Angels. Monsieur le rapporteur général, il est bien évident que nous pourrions vous suivre dans votre raisonnement si nous visions le même objectif.
En effet, si notre but était de trouver des ressources budgétaires, nous pourrions accepter votre proposition de procéder à une vente aux enchères, car nous souhaitons, comme vous, que notre pays réduise son déficit public.
Mais, en l'occurrence, il s'agit pour nous non pas de dégager des ressources budgétaires, mais d'assurer la couverture technique de l'ensemble du territoire de notre pays. C'est la principale raison qui nous amène à souhaiter le maintien de l'article 23.
En effet, ce que nous voulons, c'est l'égalité de traitement pour tous, en tout point du territoire, quelles que soient les conditions sociales et économiques. J'ai d'ailleurs remarqué, au cours des débats d'hier et de cet après-midi, que nombre de nos collègues de la majorité sénatoriale partageaient notre point de vue à cet égard, et il m'a semblé que M. Laffitte n'était pas loin, tout à l'heure, de suivre mon raisonnement, au moins sur ce point.
Il est évident que, partant d'un choix, il en découle des conséquences, financières d'abord, mais pas seulement. La propriété des fréquences restant à l'Etat, il s'agit de redevances pour utilisation du domaine public. Je vous rappelle qu'au Royaume-Uni, par exemple, la situation sera tout autre : les opérateurs seront propriétaires de leurs fréquences et pourront donc les céder. L'optique est donc totalement différente.
C'est la raison pour laquelle je m'oppose catégoriquement à votre amendement, monsieur le rapporteur général.
M. Joël Bourdin. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Bourdin.
M. Joël Bourdin. Personne ne conteste le bien-fondé du fonds de réserve pour les retraites, et d'ailleurs un certain nombre de pays en ont également créé. Evidemment, il faut alimenter ce fonds, car nous aurons besoin d'un financement complémentaire pour assurer les retraites aux environs de l'année 2020. Le Gouvernement s'est donc fixé pour objectif que ce fonds dispose de 1 000 milliards de francs à cette époque. Il n'y a rien à redire sur ce point. Mais c'est une évaluation et il est quasiment certain que les besoins seront supérieurs à 1 000 milliards de francs. C'est fondamental, nous devrons disposer de moyens complémentaires si nous voulons éviter que notre système de retraite soit inégalitaire.
Or, pour financer ce besoin essentiel, le Gouvernement ne prévoit que des recettes de poche, quand bien même ce sont de grosses recettes de poche, à savoir les 18 milliards de francs résultant de la vente des parts des caisses d'épargne auxquels on nous propose maintenant d'ajouter un autre prélèvement. On ne sait cependant toujours pas quelles seront les recettes pérennes qui permettront d'assurer le fonctionnement normal de ce fonds.
Personnellement, je suis donc, bien sûr, de l'avis du rapporteur général, non pas, je le répète, parce que je serais contre le fonds, mais parce qu'on nous propose des recettes extraordinaires alors qu'on ne sait pas quelles seront les recettes ordinaires. C'est un principe de droit budgétaire qui fonde mon accord avec M. le rapporteur général.
M. Yves Fréville. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Fréville.
M. Yves Fréville. Il s'agit là d'un des débats les plus importants de la première partie du projet de loi de finances puisqu'il porte sur l'affectation de 130 milliards de francs.
Bien entendu, je me sens tout à fait en harmonie avec la position de la commission des finances, laquelle refuse la création de ce compte d'affectation spéciale, parce que, comme je le disais tout à l'heure, je refuse par principe toute affectation.
A quoi correspond cette somme, en recettes et en dépenses ?
En recettes, j'ai bien entendu l'intéressante controverse juridique sur la question de savoir si ces 130 milliards de francs devaient être considérés comme une imposition de toute nature ou comme une redevance.
Moi, je lis très clairement dans le rapport économique et financier, à la page 160, qu'il s'agit de la vente, une vente à crédit, ajouterai-je,...
M. Michel Charasse. Une promesse de vente !
M. Yves Fréville. ... d'un actif non financier. Cela, c'est une définition économique de la comptabilité nationale. Il restera, bien sûr, à la qualifier juridiquement, mais ce n'est pas de ma compétence.
Ainsi que notre collègue Pierre Laffitte nous l'a très bien expliqué tout à l'heure, lorsque l'on vend quelque chose, deux cas sont possibles : soit le bien est libre, - c'est la solution scandinave - auquel cas il est gratuit, soit le bien est rare, auquel cas il a un prix et on peut donc le mettre aux enchères. Il faut choisir !
Or je constate qu'avec notre système de la soumission comparative - la solution française - comme très souvent en France, on n'a pas su trancher entre l'un ou l'autre système.
Je me pose donc la question, comme M. le rapporteur général, de savoir, si ces licences valent en réalité, disons, 200 milliards de francs et qu'on les cède pour 130 milliards de francs, si une rente de 70 milliards de francs n'est pas octroyée à ces quatre entreprises qui les obtiendront. Je voudrais être assuré que les services que nous leur demandons valent bien cette différence.
Il y a là un véritable problème !
L'avantage des enchères, c'est que la valeur est fixée sans ambiguïté par la concurrence des opérateurs sur le marché.
J'en viens à l'aspect financier du problème. La logique voudrait en tout cas que ces 130 milliards de francs soient affectés au budget de l'Etat pour partie au cours de l'année 2001 et pour le reste l'année suivante. Après, c'est une simple opération de trésorerie, un remboursement de créance.
Mais, là où les choses deviennent extraordinaires avec le compte d'affectation spéciale, c'est quand on s'intéresse aux dépenses dudit compte. Avec la « tuyauterie » que l'on met en place - encore une nouvelle tuyauterie ! - sur les 32 milliards de francs qui seront affectés cette année au fonds, 14 milliards de francs iront à la CADEP, laquelle interviendra sur le marché pour rembourser 14 milliards de francs de la dette de l'Etat.
Vous comprenez donc pourquoi je suis opposé à ce compte d'affectation spéciale ; il aurait été tellement plus simple de dire que le déficit budgétaire était diminué de 14 milliards de francs.
Mais si l'on propose de procéder de la sorte, c'est pour mettre en place une autre tuyauterie, qui permet d'affecter 18 milliards de francs au fonds de réserve pour les retraites, lequel placera cet argent en bons du Trésor, nous avez-vous précisé hier, madame la secrétaire d'Etat. En d'autres termes, l'Etat - car c'est bien l'Etat qui a vendu les actifs financiers - va totalement souscrire à sa propre dette. C'est comme si chacun d'entre nous s'amusait à se prêter de l'argent à lui-même.
Permettez-moi de qualifier ce mécanisme de « cosmétique ». J'aurais compris la logique si, avec cet argent, le fonds de réserve pour les retraites avait souscrit des titres étrangers, ou des actions sur le marché financier. Mais que le fonds de réserve pour les retraites, financé par des recettes de l'Etat, souscrive à la propre dette de l'Etat, cela dépasse mon entendement ! C'est pour cela que je suis opposé à tous ces systèmes d'affectation, qui sont purement cosmétiques et empêchent la transparence nécessaire pour bien appréhender les finances publiques. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste.)
M. Pierre Laffitte. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Laffitte.
M. Pierre Laffitte. Cet amendement n° I-50 risque fort, s'il est adopté, comme je l'imagine, de rendre le mien sans objet.
Je précise que, à titre personnel, j'étais partisan de la suppression du tuyau vers les fonds de retraite. La commission en a décidé autrement, mais je rappelle encore une fois que mon souhait était quand même de donner un coup d'accélérateur à ce qui porte la moitié de la croissance de l'Etat, soit 10 % à 12 % de notre produit intérieur brut. C'est donc un élément stratégique et sur le plan de la dynamique de la France et sur le plan économique. C'est ce signe fort que j'aurais voulu donner. Il s'agit d'une nécessité absolue. J'y reviendrai notamment lors de l'examen des budgets de la recherche, de l'industrie et de la communication, car les trois budgets sont concernés.
Après les licences UMTS, il y aura éventuellement les licences de la bande VHF, dont la valeur est presque trente fois plus importante. Va-t-on demander aux sociétés de télévision de débourser 50 milliards de francs ? Certainement pas, elles ne les ont pas. Ces bandes seront donc cédées à un prix inférieur à leur valeur. Ce sujet mérite un débat approfondi devant le Parlement.
M. Michel Charasse. Tout à fait !
M. Thierry Foucaud. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Foucaud.
M. Thierry Foucaud. Reconnaissons au moins à notre rapporteur général le mérite d'être particulièrement prolixe : plus de trente pages de texte sont consacrées aux tenants et aux aboutissants de la procédure de concession !
M. Philippe Marini, rapporteur général. A mon sens, 130 milliards de francs, ça le mérite !
M. Thierry Foucaud. Vous me permettrez de faire plusieurs remarques.
La première est évidemment relative à la procédure elle-même, qui consiste, quand on y réfléchit un peu, à procéder à une sorte de démembrement du domaine public, le réseau de télécommunications de notre pays ayant d'abord et avant tout été réalisé à partir de l'intervention publique et de ce qui fut longtemps son relais en la matière, c'est-à-dire l'administration des PTT.
D'une certaine façon, le patrimoine que constitue ce réseau de communications est le produit de l'engagement des agents de cette administration et le produit de la participation des abonnés eux-mêmes au travers du règlement de leurs factures.
Sans la maîtrise publique, sans l'intervention de l'Etat, nous n'aurions pas aujourd'hui dans notre pays un réseau de télécommunications performant, susceptible d'offrir une large gamme de services à l'usager.
L'évolution récente de la situation est pour autant marquée, chacun le sait ici, par l'accentuation de la concurrence commerciale, et l'ensemble des articles que nous examinons à ce stade du débat en portent plus ou moins témoignage.
Qui, ici, n'a d'ailleurs présent à l'esprit que le secteur des télécommunications présente la caractéristique de ne pas exiger d'investissements très importants et d'offrir une importante rentabilité, l'essentiel ayant, en fait, été réalisé avant l'ouverture du marché ?
J'ajoute que se pose aussi la question de l'égalité de traitement de l'usager devant le service, égalité qui est de plus en plus remise en question dans le domaine de la téléphonie fixe et qui semble avoir disparu, pour partie, des obligations imposées aux nouveaux opérateurs de téléphonie mobile.
S'agissant de l'amendement présenté par le rapporteur général, il pose un certain nombre de questions.
S'agit-il de dispenser les opérateurs de téléphonie mobile - pour certains, d'ailleurs, engagés dans d'autres pays européens dans une procédure identique à celle qui est ouverte en France - du paiement d'une redevance qui pourrait se justifier pour les motifs évoqués il y a quelques instants ?
Le rapporteur général souhaite-t-il accorder l'exclusivité du réseau de troisième génération à France Télécom ou estime-t-il injuste de demander à Vivendi ou à Noos de participer à une double opération de réduction de la dette publique et de consolidation de notre régime de retraite par répartition ?
La position de la commission des finances, qui pourrait s'expliquer par un souci d'orthodoxie budgétaire, est toutefois manifestement plus politique.
La preuve nous en est fournie par l'amendement de nos collègues du RPR membres de la commission des finances portant article additionnel après l'article 23 et qui préconise un remboursement de la redevance pour les opérateurs ayant répondu à certaines obligations de service public et d'aménagement du territoire.
Nous savons aussi que le rapporteur général est un partisan acharné et constant de la retraite par capitalisation et qu'il est donc pour le moins réticent à la constitution du fonds de réserve pour les retraites.
Il est également attaché à la réduction de la dette publique, qui ne peut trouver, pour lui, de salut que dans une cession massive et totale de l'ensemble des actifs détenus par l'Etat, dont les licences UMTS ne sont d'ailleurs qu'un élément.
Par certains aspects, cette position me fait penser à celle des conseils de grandes familles où l'on dilapide l'héritage pour assurer l'immédiat et les dépenses courantes, comme nous l'avions d'ailleurs déjà vu avec l'affaire de la « soulte » de France Télécom.
Pour toutes ces raisons, nous ne pourrons évidemment pas voter cet amendement n° I-50.
M. Michel Charasse. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Charasse.
M. Michel Charasse. Même si je peux comprendre, sans forcément les approuver, les observations de la commission des finances sur l'article 23, j'ai du mal à comprendre quel intérêt nous aurions à le supprimer et quelles seraient les conséquences de cette suppression.
Mes chers collègues, faut-il une autorisation législative pour vendre un élément du domaine public ? Non ! C'est du domaine réglementaire.
Qui évalue le montant des biens domaniaux mis en vente ? Pas le Parlement ! C'est l'administration des domaines.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Il s'agit de 130 milliards de francs !
M. Michel Charasse. Cher ami, je m'en excuse, mais c'est la réglementation domaniale, qu'il s'agisse d'un tout petit bout de terrain dans la forêt de Compiègne ou de 30 milliards de francs, 40 milliards de francs ou 50 milliards francs dans le cadre de ce que notre collègue a appelé le « domaine public aérien, des ondes ou de la téléphonie ». (M. Fréville fait un geste de dénégation.)
Quel est exactement l'objet de l'article 23 ? Il ne vise pas à nous demander notre avis sur l'évaluation. Nous ne sommes pas compétents. Nous pouvons avoir une opinion politique mais pas une opinion juridique, cette question n'est pas de notre ressort.
Mes chers collègues, nous savons bien comment cela se passe quand nous sommes obligés de demander une évaluation aux Domaines pour acheter ou aliéner un bien communal, départemental ou régional !
L'article 23 précise que le paiement à tempérament sera possible - c'est indispensable, car, aux termes de la loi, quand on achète un bien domanial, on doit le payer tout de suite ! - et que la recette sera affectée à plusieurs bénéficiaires.
Monsieur le rapporteur général, que se passera-t-il si l'article 23 est repoussé ? Le Gouvernement aura-t-il interdiction de vendre ? Non ! Il est le gestionnaire du domaine. A quel prix peut-il vendre ? Au prix fixé par les Domaines.
Simplement, la vente à tempérament n'existera plus, ce qui signifie qu'on ne trouvera peut-être pas d'acquéreur, s'il faut payer comptant.
Quant aux affectations de recettes, si nous les refusons, la somme sera encaissée par le budget général, ce qui n'empêchera nullement le Gouvernement, à supposer que l'Assemblée nationale soit sur la même longueur d'onde, de transformer en subventions aux organismes visés par les affectations de recettes, affectations que M. Fréville n'aime pas, les sommes en question.
J'aimerais donc que le Gouvernement nous dise si, avec la suppression de la vente à tempérament figurant dans le I de l'article 23, on trouvera encore des acquéreurs pour payer cash. Telle est la question qui se pose. Il faut bien le savoir.
J'ajoute qu'en matière d'affectation de recettes nous sommes compétents, nous parlementaires, pour approuver ou refuser. Nous pouvons toujours donner des conseils, mais nous ne sommes pas compétents pour proposer nous-mêmes une autre affectation.
Monsieur le rapporteur général, j'approuve, bien entendu, la position que vient d'exprimer brillamment mon collègue et ami Bernard Angels, mais j'aimerais que vous précisiez ce qui se passera si l'article 23 est repoussé. Je souhaiterais aussi obtenir des précisions de la part du Gouvernement.
Si l'on doit se trouver, demain, dans une situation où l'on ne pourra pas vendre parce que personne ne pourra acheter, alors que les autres vendent et trouvent acquéreur, pensez-vous que le Sénat aura bien travaillé dans l'intérêt des finances publiques ?
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° I-50, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l'article 23 est supprimé et l'amendement n° I-73 n'a plus d'objet.

Articles additionnels après l'article 23